Bonjour à tous et à toutes. L'auteur VCalien2015 m'a autorisée à traduire sa fic One Star in the Sky, Book I: Rebirth. Je précise donc que cette très belle histoire ne m'appartient absolument pas : le Silmarillion est à Tolkien, et les OC, ainsi que l'histoire en elle-même, sont à VCalien2015. Par ailleurs, il y a beaucoup de noms quenya : la traduction est à la fin, ainsi que quelques explications. Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture.


Livre I

Renaissance

Grâce – Partie I

Le vide est semblable à un python noir brillant à la taille écrasante, et après une longue période, il fait suffoquer ses victimes.

L'obscurité entre en vous avec avidité, par toutes les ouvertures qu'il peut trouver, vous remplissant la poitrine et les poumons avec une pression si inexorable que vous êtes certain que votre cœur va céder (et peu importe qu'un fëa, qui n'a pas de corps, n'ait pas de cœur). Quand vous réussissez à respirer, en haletant, c'est comme si vous inhaliez du goudron, cela vous fait tousser et vous vous étranglez. Vous vous faites mal aux yeux quand vous vous efforcez de voir quelque chose, n'importe laquelle, dans le noir, et le silence qui vous remplit les oreilles est suffisant pour vous conduire à la folie. L'immense solitude est ce qui vous oppresse le plus, et vous en êtes bien trop conscient. Vous priez pour avoir de la lumière et de l'air, pour qu'il n'y ait plus de ténèbres. Vous pourriez promettre de vendre votre âme pour en avoir. Il semble que ce serait un faible prix à payer.

Finalement, le vaste silence est brisé, mais uniquement par les démons.

Vous ne les voyez jamais, mais leur présence est indéniable. Leurs griffes claquent sur le sol de pierre – vous encerclant toujours – leurs faibles grognements grondent dans l'obscurité, leur souffle chaud frappe votre peau et vous sentez que leurs mâchoires peuvent briser votre cou à n'importe quel moment. À l'occasion, vous pouvez les entendre déchirer un autre prisonnier plus loin, et le mélange des cris et des grognements est presque plus terrible que le silence – presque. Les murs et le sol deviennent poisseux de sang, et celui-ci semble être partout à la fois.

La terreur grandit en vous jusqu'à en devenir insupportable, car vous ne savez pas quand les loups vont frapper mais vous êtes certain que cela arrivera… Cela vous fait frissonner jusqu'à l'os, et le froid est physique. Vous avez la poitrine gelée, vous tremblez convulsivement et vous ne pouvez respirer qu'en haletant. La perspective de passer l'éternité dans le noir étouffant et la solitude absolue, avec les loups qui vous encerclent, est écrasante. Cela vous brise l'esprit. La force de battre le désespoir vous manque.

Votre dernière pensée consciente est qu'il est étrange d'être aussi effrayé, car rien de tout cela ne peut être réel. Un fëa est incapable de sentir le froid ou la pression, ou d'être dévoré par les Valaraukar…

Mais ensuite, la seule alternative qui reste est celle qui vous dit que vous êtes complètement fou.

Telle fut mon expérience dans le vide, particulièrement brutale car je refusais obstinément de me repentir à mon arrivée à Mandos. Sans aucun doute, le seigneur Námo s'est arrangé pour m'y forcer, quand je refusai d'admettre mes erreurs, et le vide fut son instrument. Dans ce sombre lieu, j'en vins effectivement à regretter amèrement ma conduite. Je fus confronté aux visions de la chute de mon peuple et de mes fils – mes précieux enfants qui étaient toute ma vie, mon monde ! – et contrairement aux loups, je savais avec la plus terrible des certitudes que ces révélations n'étaient ni plus ni moins que la vérité. Le déni et le mensonge n'avaient pas leur place dans le vide, pas pour longtemps. Je ne pouvais rien faire d'autre que de voir la vérité en face.

Le chagrin était incroyable, et ne me laissait aucun répit. Le seigneur Námo le maniait comme la plus cruelle des armes, aussi tranchante et brûlante que les lames des Valaraukar qui furent la cause de ma chute. Mon peuple, mes fils, morts par ma main… Je les avais entraînés dans une guerre qu'ils ne pouvaient gagner, et ensuite, par ma mort, j'avais rendu leur Serment vraiment incassable. Je les ai laissés sans autre possibilité que de pécher, souffrir et mourir, et je les y ai amenés. Leurs morts étaient de ma faute. C'est ce savoir qui m'a brisé à la fin.

Je n'avais jamais été doué pour contrôler et garder mes émotions à l'intérieur de moi. C'était plus simple de les laisser me consumer – plus douloureux mais plus simple. Telle était la philosophie qui m'avait conduit à fuir le Máhanaxar après la mort de mon père, et à laisser Nolofinwë diriger un peuple terrifié, brisé, car je devais être seul pour laisser libre cours à mon angoisse. Une personne plus forte aurait tenu devant les Noldor, ravalé sa douleur et juré qu'il les conduirait à travers les ténèbres. Mais je n'avais jamais été assez fort – ou assez désintéressé – pour faire attention aux autres quand je souffrais. Ma douleur consumait tout.

Cela n'avait pas changé dans le vide. Quand le seigneur Námo revint pour me proposer de quitter ses Halls, il me trouva recroquevillé sur le sol, tremblant de façon incontrôlable, souhaitant subir toutes sortes de tourments pour payer ce que j'avais fait à mes enfants, trop épuisé pour pleurer.

Voyant l'étendue de mon châtiment mental, car j'avais été dans le vide plus longtemps que le plus coupable de mes partisans, le seigneur Námo décida de m'emmener directement à mon jugement. Cependant, cela fut retardé car mon fëa était si affaibli que la puissance du Père de tous l'aurait détruit. Pendant quelques temps, je restai sur une basse estrade entourée de torches et de candélabres indépendants, grelottant à cause du froid du vide (autant qu'un fëa peut trembler), et essayant désespérément de trouver un certain réconfort dans le feu, comme j'aurais pu en trouver dans la vie. Cela se voyait peu au début, tant j'étais désespéré, mais les flammes qui ne cessaient de brûler ont eu quelques propriétés curatives que je ne pouvais pas comprendre. Je n'en eus d'ailleurs pas le temps car, à la fin, j'étais assez revenu à la santé pour pouvoir faire face au Père de tous. La perspective de Son jugement me terrifiait. Sûrement, pour une âme trois fois damnée comme l'était la mienne, il ne pourrait rien apporter d'autre que de la souffrance.

Ce fut le cas, au début. Je fus conduit devant le trône d'obsidienne du seigneur Námo, et j'eus la terrible impression que cela devait être comme se tenir devant le trône d'Angamando, en attendant de savoir quel tourment le Seigneur noir avait choisi pour son nouveau prisonnier. Je me tins là pendant qu'il lisait d'une voix froide et impassible les noms de tous ceux qui avaient perdu la vie, soit de ma main, soit dans ma guerre. Je savais que j'avais causé la ruine sur une grande échelle, bien sûr, mais jamais je n'aurais pensé qu'il y avait tant de sang sur mes mains ! Je ne pouvais pas penser, ni même commencer à me demander qui avaient bien pu être ces personnes autrefois – s'il s'agissait de guerriers ou de simples pêcheurs, s'ils avaient des familles, s'ils étaient des femmes et des enfants incapables de se battre. Je ne pouvais que laisser ces noms glisser sur moi comme des vagues, me trempant dans l'angoisse du passé.

À la fin de tout cela, j'étais à genoux, sachant pertinemment que les larmes coulaient sur mes joues. Le seigneur Námo s'agenouilla devant moi, glissant ses mains froides dans les miennes avec une douceur inhabituelle, et me releva en disant :

- « Vous avez fait face à l'impitoyable vérité. Vous savez de quoi vous devez répondre. Maintenant, abandonnez tout cela devant le Père de tous et recevez Son jugement infiniment miséricordieux. »

La terreur fut la première des émotions qui jaillit après la douleur qui m'avait consumé. Pourtant, à peine la panique avait-elle commencé à obscurcir mon esprit qu'elle fut balayée par un calme étrange qui ne venait pas de moi. Une profonde sérénité me remplit, et une voix qui était et n'était pas celle de mon père me murmurait que tout irait bien. Je le crus. Ce n'était pas une question, ce n'était pas une déclaration – c'était simplement la vérité.

Des visions vinrent à mon esprit, épaisses et rapides comme la pluie de sang dont j'avais rêvé dans le vide.

Les Silmarilli brûlant dans les mains de mes fils ; celui de Makalaurë chutait en un arc brillant dans la mer et celui de Maitimo était serré près de sa poitrine, plongeant avec lui dans un gouffre déchiré par les flammes. Les Ambarussa étendus côte à côte dans les rues de Sirion, leurs mains serrées même dans la mort ; Elwing tombait comme une flèche d'une tour et s'envolait comme un oiseau marin, emmenant son Silmaril hors d'atteinte. Tyelkormo, Carnistir, et Curufinwë gisaient parmi les morts en Doriath, le sang formant une mare autour d'eux, leurs corps criblés de flèches Sindarin et percés par leur acier. Maitimo était enchaîné par le poignet au Thangorodrim, son beau visage crispé de douleur, chacune de ses côtes bien visible sous sa peau tirée, les marques d'atroces tortures entachant son corps.

J'étais sur le dos dans Dor Daedeloth, l'épée Valaraukan dans mon ventre remplissant mes veines de feu, mes fils promettant désespérément que j'irai bien alors que leurs visages devenaient troubles.

La mer d'Alqualondë était couleur de vin sombre et les plages étaient jonchées de cadavres au lieu de perles, et le sang d'un adversaire avait éclaboussé mes lèvres et son goût avait éveillé en moi un besoin primaire de tuer et tuer et tuer, et cela me terrifiait, mais oh, j'avais besoin de sentir quelque chose d'autre que le chagrin.

Mon père était mort en Formenos, une tache sombre fleurissant sur sa poitrine, la sève d'un arbre brisé au-dessus de lui ruisselant sur son visage, son parfum sucré se mélangeant à celui de la pourriture.

C'était trop, beaucoup trop. Assailli par une atroce souffrance, je m'effondrai au sol, secoué par de grands sanglots silencieux. Pourtant, à peine la douleur m'avait-elle transpercé le cœur qu'elle était apaisée avec douceur, aussi facilement qu'un père embrasse les genoux éraflés de ses fils. Chaque mal que j'avais pensé trop profond pour être soigné venait simplement de partir. Le chagrin céda la place à la joie lorsque de nouvelles visions inondèrent mon esprit.

Les petits Ambarussa me prirent en embuscade alors que je me promenais involontairement dans l'un de leurs champs de bataille, saisissant mes jambes et me plaquant au sol. Curufinwë travaillait sa calligraphie, tachant ses mains d'encre et refusant d'être distrait jusqu'à ce que je lui prenne doucement sa feuille en lui disant d'aller se laver pour le repas. Carnistir me présentait un cadeau d'anniversaire qu'il avait fait lui-même, un bracelet de perles écarlates et dorées peintes avec soin de l'Étoile de ma maison. Tyelkormo nous perdait pendant une expédition de chasse, et nous étions trempés par la pluie estivale mais ravis de la sentir laver notre peau. Makalaurë et moi improvisions des duos à la harpe, et mon cœur était rempli de fierté en voyant qu'il surpasserait bientôt mon propre don musical. Maitimo et moi nous asseyions sur mon bureau, insultant la monarchie parce que c'était complètement stupide, et notre rire était entendu par le Père de tous lui-même.

Nerdanel était recroquevillée dans le lit à côté de moi, sa tête posée sur ma poitrine, ses cheveux cuivrés enflammés par l'éclat doré de Laurelin. Son expression était d'une quiétude absolue.

Atar m'arrachait à la forge après cinq jours de travail et me disait d'une manière à laquelle je ne pouvais résister, que, pour l'amour de Dieu, je devais manger, prendre un bain et me reposer.

Atar se tenait près de moi avant mon départ pour la fête sur le Taniquetil, promettant de me voir bientôt.

L'Amour que je ressentis ensuite était si puissant qu'il en faisait mal, et je pensais pendant un moment que mon fëa allait céder sous la pression. C'était cependant une bonne douleur – celle qui purge de tout mal, rachète et laisse l'âme pure et sans péché. Et c'était merveilleux. Pendant des âges, je n'avais connu que la peur et la détresse, et maintenant, je sentais un amour inconditionnel, une compassion infinie… Je ne pouvais en être assez rassasié.

Curufinwë, mon cher, mon précieux enfant… De tous les chemins que te présentaient la vie, tu as toujours choisi le plus difficile. Tes péchés sont pardonnés ; va et ne pèche plus. Réjouis-toi de ta nouvelle vie et utilise tes nombreux dons pour rendre le monde meilleur. C'est là la voie de ta rédemption.

Rédemption ! Vous ne pouvez pas imaginer la douceur de ce mot en ce moment !

Une dernière vague d'amour et de joie infinie déferla sur moi. Je sentis mon fëa trembler violemment, embrassant les émotions dont j'avais si désespérément besoin, bien qu'encore trop puissantes pour que je puisse les supporter.

Et ensuite je me retrouvai à nouveau dans l'obscurité – pas l'étouffante obscurité du vide, mais celle qui enveloppe un enfant lorsqu'il s'endort, bercé par les bras fermes de son père.


Voici les traductions et les explications :

fëa : âme, esprit

Valaraukar : Balrogs

Mandos : lieu où vont les elfes décédés

Námo : Vala, seigneur de Mandos

Máhanaxar : conseil des Valar

Angamando : forteresse de Morgoth

Seigneur noir : Morgoth

Père de tous : Eru Ilúvatar

Silmarilli : Silmarils

Makalaurë : Maglor

Maitimo : Maedhros

Ambarussa : Amrod et Amras

Tyelkormo : Celegorm

Carnistir : Caranthir

Curufinwë : Curufin/Fëanor (selon le contexte)

Thangorodrim : montagne où se trouve l'une des forteresses de Morgoth

Dor Daedeloth : royaume de Morgoth

Alqualondë : ville d'Olwë (roi des elfes Teleri) où s'est déroulé le premier Massacre Fratricide

Formenos : ville où fut exilé Fëanor

Laurelin : l'un des deux arbres de Valinor


Voilà, je pense avoir fait le tour. N'hésitez pas à faire des remarques, à donner votre avis, que je puisse le transmettre (traduit) à l'auteur.