Bonsoir les amis,

Me revoilà avec une nouvelle petite histoire sur nos deux héros favoris.

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Elle se passe dans le monde du handicap alors je voudrais préciser en préambule que même si j'ai essayé de ne pas écrire trop d'âneries, je ne suis ni médecin, ni par chance handicapée moi-même, et qu'en aucun cas je ne voudrais caricaturer ou dénaturer le quotidien des personnes en situation de handicap.

Donc si quoi que ce soit vous parait stupide ou incohérent ou dérangeant de quelque manière que ce soit, soyez bien persuadés que ce serait totalement involontaire de ma part et n'hésitez pas à me le signaler.

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J'espère que cette petite histoire vous plaira. Elle est entièrement écrite et devrait donc être postée régulièrement chaque semaine ( Sauf le dernier week end d'Avril où je serai à la Darklight. J'ai hâte ! )

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Bonne lecture. )

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Chapitre 1:

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- J'ai un nouveau client pour toi.

- Ok, j'arrive.

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Lorsque Rufus avait appelé Bobby ce matin-là, il ne lui avait pas donné plus de détails.

Pas de salutations, pas de commentaire superflu, juste l'essentiel. Comme d'habitude.

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Le centre de rééducation que dirigeait Rufus accueillait les personnes qui gardaient un handicap lourd après un accident, une maladie ou tout autre événement de la vie qui vous laissait habituellement sur le carreau.

Les patients lui étaient envoyés à leur sortie de l'hôpital, après que la phase critique soit passée, lorsque les chairs étaient suffisamment cicatrisées, mais qu'il fallait réapprendre les gestes que tout un chacun faisait sans même y penser.

A vrai dire, lorsqu'ils devaient tout simplement réapprendre à vivre, le plus souvent.

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Bobby connaissait bien le Centre Turner et son directeur. Les deux hommes se connaissaient même depuis toujours, en tout cas d'aussi loin que leurs souvenirs pouvaient remonter.

Gamins, ils avaient vécu dans le même quartier mal famé de Sioux Falls, dans des maisons mitoyennes dont les jardins communiquaient, passant toutes leurs journées l'un avec l'autre. Et le soir, c'est en tapant contre le mur mitoyen de leurs deux chambres qu'ils continuaient de se parler. Ils avaient fait les quatre cents coups ensemble, chacun couvrant les arrières de l'autre lorsque l'un d'eux avait des ennuis. Plus tard, ils avaient fait leurs études primaires et secondaires dans les mêmes établissements, jusqu'à ce que Bobby, peu motivé par sa scolarité, ne décide d'arrêter la sienne pour travailler de petits boulots avant de trouver sa voie. Rufus, lui, avait toujours su qu'il voulait faire médecine, même si personne n'y avait cru à l'époque.

Et même si la vie les avait fini par les séparer, ils trouvaient toujours un moyen de garder le contact comme lorsqu'ils étaient enfants. C'était une amitié rude, franche et sincère. Une amitié qui se passait de fioritures.

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Et Bobby savait que si son vieil ami l'avait contacté ce matin, c'est qu'il se trouvait en difficulté avec un de ses patients. Et même si il ne manquait jamais une occasion de chambrer l'homme à l'égo légèrement surdimensionné, qui avait eu la prétention de donner son propre nom à son établissement, il savait que c'était un bon centre et que Rufus était un bon médecin.

Donc s'il l'appelait ce matin là, c'est que les méthodes somme toute assez conventionnelles qu'il y pratiquait avaient échoué.

Parce que c'était à ce moment-là que Rufus faisait appel à lui, lorsque les gens avaient été aussi réparés que la médecine en avait le pouvoir, mais que les esprits refusaient de se plier à ce que les corps étaient devenus.

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Bobby, lui, n'avait pas de diplôme, ou uniquement celui que décernait la vie, lorsque vous aviez eu votre lot de malheurs et que vous aviez réussi à leur survivre. Comme le dit si bien le dicton, quand ce qui ne vous avait pas tué vous avait rendu plus fort. Quelle connerie !

Si Bobby avait dû expliquer ses méthodes, il n'aurait vraiment pas su comment s'y prendre. En fait il aurait simplement expliqué que les gens guérissaient tous seuls quand on arrêtait de les en empêcher. C'était sa méthode, plus encore, sa philosophie de vie.

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- Salut vieux frère. Dit-il en recevant une franche accolade de son meilleur ami. Alors qu'est-ce que tu as pour moi cette fois ci ?

Rufus soupira en retournant s'asseoir derrière son bureau pendant que Bobby prenait place dans un fauteuil en face de lui.

- Je ne sais pas trop comment te le décrire celui-là. En tout cas c'est un sacré emmerdeur.

Bobby rit.

- C'est pas ceux que je crains le plus. Quel handicap ?

- Paralysie des membres inférieurs.

- Complète ? Définitive ?

- Non. Et oui. Contusion dorsale sévère avec section partielle de la moelle épinière il y a quatre mois. Il a été opéré et les vertèbres ont été stabilisées et soudées ensembles au niveau de la zone fracturée à la jonction lombo-sacrée. En gros, il garde une sensibilité qui laisse espérer une possible récupération partielle des fonctions motrices de la jambe droite. La gauche est foutue si tu veux mon avis.

- D'autres séquelles ?

- Incontinence, au début, mais plus maintenant. Pour le reste, c'est possible, mais va savoir avec ce crétin, on arrive pas à communiquer avec lui. Il est très opposant. Il ne dit pratiquement pas un mot sauf pour râler. Il reste dans son lit toute la journée, refuse de participer à ses soins ou à sa rééducation, et se fout dans des colères noires si on essaie de le forcer. La moitié du temps il est furax. Je ne sais pas contre qui il est aussi en colère, mais ça le bouffe. Et l'autre moitié du temps, il est quasi catatonique. On arrive rien à en faire. Il n'a pas d'autre séquelle physique, mais si tu veux mon avis, dans sa tête, c'est un gros bordel. Remarque, vu ce qui s'est passé...

- Stop Rufus. Tu sais que je veux pas savoir.

Le médecin leva les yeux au ciel.

- Je sais, et je comprendrai jamais pourquoi. C'est quand même beaucoup plus facile quand on sait ce qui est arrivé aux gens ou ce qu'ils étaient avant, non ?

- Tu sais qu'on ne sera jamais d'accord sur ce point, espèce de vieille tête de mule ! Bougonna Bobby. Et essayer de me convaincre pour la millième fois ne me fera pas changer d'avis, vu que ça n'a déjà pas marché les neuf cent quatre-vingt-dix neufs autres fois. Tu sais ce que j'en pense. Je me fous de savoir ce qui s'est passé ou qui ils étaient avant. Le passé ne les aidera pas. Ils ont juste besoin qu'on leur montre qu'ils ont encore un avenir.

Rufus leva les mains devant lui en signe de capitulation pour arrêter le discours si souvent entendu.

- En tout cas voici son dossier. Comme d'habitude, dans la pochette rouge les infos médicales et à part dans la bleue les infos personnelles. A toi de voir de quoi tu auras besoin pour celui-là.

Bobby prit la chemise rouge, se recula un peu dans le fond de son fauteuil et commença sa lecture.

- Il est d'accord pour venir ? Demanda-t-il au bout d'un moment, en relevant la tête.

Rufus ricana.

- Je te cite sa réponse : "Rien à foutre." Fin de citation.

- Charmant ! Rit Bobby à son tour.

- Son frère ne veut plus rien avoir à faire avec lui. Il a signé la décharge. Tu peux l'emmener quand tu veux.

Bobby fronça les sourcils.

- Désolé. S'excusa Rufus qui savait qu'il venait d'enfreindre la sacro-sainte règle de son ami sur la non divulgation d'informations personnelles.

- Et alors, il crèche où ton poète ?

- Chambre 108.

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Bobby se leva et se dirigea vers la sortie, les dossiers sous le bras. Lorsqu'il posa la main sur la poignée de la porte du bureau, il rentra la tête dans ses épaules. Il savait que ça allait arriver maintenant.

- Et toi, ça va ? Demanda Rufus, comme si de rien n'était, en faisant mine de ranger quelques papiers éparpillés sur son bureau.
Bobby soupira.

- Tu sais que tu fais chier, Rufus ? Rétorqua t'il sans se retourner.

- N'importe quoi. Je sais que tu m'adores. Lui sourit Rufus qui savait très bien qu'en ce jour anniversaire, son ami ne serait pas à prendre avec des pincettes.

Mais c'était la seule façon qu'il avait trouvé pour lui faire savoir qu'il était là s'il avait besoin de lui. Bobby jeta un regard en arrière où la douleur était nettement plus présente que la colère. Une ombre de sourire passa brièvement sur ses lèvres.

- Imbécile !

Puis il partit en direction de l'ascenseur menant au premier étage, laissant la porte du bureau ouverte.

Le médecin secoua tristement la tête.

Quel est le con qui avait bien pu dire que le temps guérissait toutes les blessures ? Ça fait 31 ans...et il saigne toujours.

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Bobby frappa à la porte de la chambre, sans que personne ne lui réponde. Il frappa une seconde fois au bout de quelques secondes et entra cette fois sans attendre.

- Bonjour Monsieur Winchester.

L'homme était assis dans un fauteuil roulant, face à la fenêtre, les avant-bras posés à plat sur les accoudoirs. Il lui tournait le dos et ne réagit pas à son intrusion. Ses bagages avaient été faits et déposés en ordre sur le lit, et Bobby aurait été prêt à parier sa meilleure casquette que ce n'était pas lui qui les avait faits.

- Monsieur Winchester, je m'appelle Bobby Singer. Votre médecin a du vous parler de moi. Dit-il en se rapprochant, sans le contourner pour lui faire face, comme la plupart des gens l'auraient fait.

L'homme s'obstina à l'ignorer.

- Super, un silencieux, on va bien s'entendre. Constata Bobby presque plus pour lui-même.

Il s'assit sur la chaise face à l'unique petite table le long du mur, déballa une liasse de feuilles de papier et commença à les griffonner sans prêter davantage d'attentions à l'homme toujours sans réaction.

Lorsqu'il releva la tête, celui-ci lui tournait toujours le dos, mais le reflet de la vitre lui permit de rencontrer son regard. L'homme l'observait. Bobby reprit sa tâche comme si de rien n'était.

Une heure plus tard, il se leva en se massant l'épaule droite.

- Ca y est ! Foutue paperasserie. J'ai horreur de ça. Grogna t'il. Et à la maison, y a pas moyen d'avoir la paix deux minutes pour expédier ça rapidement. Merci fiston. Toujours rien à dire ?

L'homme tourna légèrement la tête vers lui.

- Faut que j'aille pisser. Lâcha t-il, laconique.

- Tiens, il parle ! Ironisa Bobby. Et bien allez y.

- Emmenez-moi à la salle de bain.

- Et puis quoi encore ? Vous connaissez pas l'chemin peut être ? Ou vous m'prenez pour vot' mère ? Les chiottes sont par là. Dit-il en désignant la porte. Si vous avez besoin d'aller pisser, vous utilisez vos mains qui fonctionnent parfaitement, pour faire rouler ce fauteuil et vous allez pisser.

L'homme croisa les mains sur sa poitrine.

- Plus envie ? Parfait. Ça tombe bien, je suis pressé. C'est parti. Ajouta Bobby en empoignant les poignées du fauteuil qu'il rapprocha du lit.

Il attrapa les deux bagages du patient et les lui posa d'autorité sur les genoux.

- Ils tombent, ils restent là. Affirma t-il simplement d'une voix calme en voyant que l'homme ne faisait pas mine de les retenir.

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Et les sacs n'étaient pas tombés, même lorsque le fauteuil avait tressauté en passant dans les rainures de la porte coulissante de l'ascenseur, ou en descendant le petit rebord aplani du trottoir. Ça avait bien failli à plusieurs reprises, mais l'homme avait finalement posé la main dessus et Bobby avait souri.

Oh, il ne se méprenait pas, rien n'était gagné. Cet imbécile n'allait pas lui faciliter la tâche. Mais il pensait avoir compris comment il allait devoir agir avec lui et son instinct le trompait rarement.

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Le voyage dura pratiquement une heure. La vieille camionnette dont l'arrière avait été aménagé d'une rampe d'accès pour fauteuils roulants n'était guère confortable. Ses suspensions usées laissaient bien sentir chaque bosse et chaque trou de la route.

Les deux hommes restaient silencieux.

Cela n'avait rien d'un silence inconfortable ou tendu. C'était juste celui de deux personnes qui ne se connaissaient pas et qui n'avaient pas grand-chose à se dire.

Et pourtant, son passager aurait dû avoir des tas de questions à lui poser. Ne serait-ce que pour lui demander où il l'emmenait. C'était un homme, pas un gosse, Bobby estimait qu'il devait avoir la petite trentaine. Et il se laissait emmener sans réagir, sans rien demander, indifférent à ce qu'on allait faire de lui. Et c'était largement le plus dangereux. Bobby savait que la passivité et la résignation étaient ses pires ennemies. Bien plus que la colère ou l'insolence.

- Rien à me demander ? Tenta t'il.

Dans le rétroviseur Bobby regardait son silencieux passager fixer le paysage qui défilait par la vitre arrière. Malgré son attitude volontairement passive, ses yeux étaient vifs, intelligents et intéressés par ce qui l'entourait. Non, rien n'était perdu avec celui-là. Bobby savait qu'il allait lui en faire chier des pendules à treize coups, mais l'éclair de colère qu'il avait vu dans ses yeux lorsqu'il avait refusé de l'emmener dans la salle de bain lui avait fait comprendre qu'il était toujours vivant dans sa tête.

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Lorsqu'ils arrivèrent au ranch, Bobby jeta un nouveau regard à son passager. Les lèvres légèrement entrouvertes, l'homme s'était redressé sur son fauteuil. Et il s'était rapproché de la vitre pour mieux admirer le paysage lorsque Bobby s'était arrêté pour aller ouvrir le portail de la clôture de la propriété. Il le vit relever la tête pour lire l'inscription sur le panneau de bois sculpté qui le surmontait. Des chevaux galopants avaient été gravés ainsi que le nom du domaine, deux mots en lettres majuscules finement calligraphiées:

" Seconde Chance".

- Ouais, il est beau, n'est ce pas. Castiel est vraiment doué. Dit Bobby en suivant son regard.

Il le vit tiquer à l'écoute de ce prénom assez inhabituel, jeter de nouveau un regard vers l'inscription en fronçant les sourcils comme si elle l'avait personnellement insulté, puis reporter ensuite son attention sur les champs à perte de vue. Sans dire un mot.

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Le paysage était à couper le souffle. Partout des étendues verdoyantes, certaines d'un vert tendre d'autres plus foncées selon la hauteur des pâturages. Dans certaines parcelles il pouvait voir de magnifiques pur-sang galoper presque librement tellement les surfaces étaient imposantes. Dans d'autres des troupeaux de dizaines de vaches noires ou rousses paissaient tranquillement. Certaines terres labourées semblaient attendre d'être ensemencées et d'autres encore paraissaient abandonnées à la nature, en jachère. La propriété paraissait s'étendre sur des dizaines d'hectares, des centaines plus probablement, et malgré la fraîcheur de cette matinée de début mars, le ciel bleu limpide rendait toute cette vision magnifique.

- Pas mal hein ? Ne put s'empêcher de dire Bobby, sa voix exprimant toute la fierté et l'affection que le vieil homme éprouvait pour ses terres et ses animaux. Je vous ferai visiter un de ces jours, si vous voulez.

Leurs regards se croisèrent par l'intermédiaire du rétroviseur et une seconde celui de l'homme se détendit, puis il se détourna et se ferma de nouveau.

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La camionnette se gara directement devant l'entrée de la maison. C'était une grande bâtisse en bois, solide, presque rustique, dont les murs semblaient faits de troncs d'arbres empilés les uns sur les autres. Elle était surélevée de quelques dizaines de centimètres du sol par des piliers, et son porche imposant et proéminent était surmonté d'un toit surélevé laissant deviner un autre étage habitable. En façade, une passerelle conduisant à la porte d'entrée avait été construite pour faciliter l'accès aux personnes en fauteuil roulant.

Autour de la maison principale, on pouvait apercevoir différentes dépendances et au loin des bâtiments qui devaient servir d'écuries ou de stockage.

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Dès que le véhicule s'arrêta, un homme châtain grand et maigre, sortit de la maison pour venir à leur rencontre. Il se pencha par la vitre conducteur, s'accoudant à la portière en faisant basculer en arrière son chapeau de cow boy presque trop grand pour lui.

- Salut. Un coup de main, patron ? Demanda t-il avec un grand sourire illuminant son visage ingrat.

- Non merci Garth. Ca va aller.

- D'acc. Appelez si vous avez besoin de quoi que ce soit.

Il n'insista pas. Il savait que Bobby tenait à installer lui-même les nouveaux venus dans leur chambre. Une façon de nouer le lien. Avant de partir, remettant son chapeau sur sa tête, il fit un petit clin d'œil au passager qui le regardait étrangement.

Bobby sourit.

- Garth fait toujours cet effet là au début. Mais vous verrez, vous allez l'adorer dès que vous le connaîtrez un peu mieux. C'est vraiment quelqu'un de bien ... Enfin, quand on s'est habitué à sa fichue manie de prendre tout le monde dans ses bras. Ajouta t'il en levant les yeux au ciel.

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Bobby sortit du véhicule et le contourna pour ouvrit en grand les portes arrières, puis descendit la passerelle. Lorsqu'il monta dans le fourgon, il constata que l'homme avait repris de lui-même ses sacs sur ses genoux et avait posé sa main dessus pour éviter qu'ils ne tombent. Bobby retint son sourire et ne fit pas le moindre commentaire.

- Allez en route. Je suis sûr que vous êtes impatient de découvrir votre chambre.

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Vue de l'intérieur, la maison était grande, mais simple et chaleureuse avec des murs clairs et de grandes fenêtres qui laissaient entrer un flot de lumière. De l'entrée on pouvait voir une cuisine spacieuse et bien aménagée à droite et une très grande pièce qui servait visiblement de salon commun et de salle à manger à gauche. Devant eux, un escalier en bois menait au premier étage et à sa gauche un couloir s'enfonçait, desservant probablement les différentes chambres du rez de chaussée. De l'autre côté, une unique porte entre ouverte laissait apercevoir une grande salle contenant du matériel médical.

Bobby poussa le fauteuil directement vers le couloir et ouvrit la dernière porte à gauche. La maison était quand même assez imposante, difficile de savoir combien de personnes pouvaient bien habiter ici.

La pièce dans laquelle ils entrèrent était assez modeste, chichement meublée, des murs verts, un plancher en bois. Seul un lit médicalisé surmonté d'une potence et des traditionnels bas flancs rappelait que ses occupants n'étaient pas tout à fait comme les autres. Le reste du mobilier ressemblait à ce que l'on pouvait trouver partout ailleurs. Une table de chevet sur laquelle était posée une petite lampe, une commode et contre le mur à côté de la porte une grande table en bois devant laquelle il n'y avait pas de chaise. Inutile pour son futur occupant, elle avait été posée plus à l'écart. Le mur de droite était orné de grandes portes coulissantes en miroir, dissimulant un placard. Et au fond à gauche de la pièce, une unique porte devait mener à la salle de bain. La large fenêtre sur le mur de gauche laissait entrer le beau soleil de ce début de printemps.

- Voilà, c'est pas le grand luxe, mais j'espère que ça vous plait, parce que c'est chez vous. Vous pourrez l'aménager comme vous le voudrez. Les chiottes, c'est par là si besoin. Lui dit Bobby en lui désignant la porte menant aux commodités.

L'homme le regardait fixement, attendant visiblement que Bobby l'y conduise.

- Ecoutez fiston. Vous n'êtes plus à l'hosto, va falloir que vous le compreniez. Commença t'il.

L'homme fit pivoter son fauteuil pour faire face à Bobby. Son premier mouvement volontaire nota le vieil homme.

- Je ne suis pas votre fiston ! Dit-il d'une voix glaciale. Et je vous interdis de m'appeler comme ça !

- Vous énervez pas, c'était juste une façon de parler.

- Pour qui est ce que vous vous prenez? Vous croyez tout savoir de moi parce que vous avez lu mon dossier médical? Je sais ce que vous pensez, et j'en ai rien à foutre.

Malgré sa voix calme, ses yeux lançaient des éclairs. Bobby ne comprenait pas vraiment sa réaction, mais au moins il avait réagi.

- Très bien, Monsieur Winchester. On va mettre les choses au point tout de suite. Vous vous trompez, je ne sais rien de vous. Sauf votre nom de famille et les informations purement médicales nécessaires à votre prise en charge. Ah oui, et aussi que vous avez un frère, info que j'ai eu par accident sans l'avoir demandée.

L'homme tiqua en entendant la mention de son frère, la colère sur ses traits laissant place une fraction de seconde à un autre sentiment. Douleur ? Culpabilité ? Ce fut tellement fugace que Bobby aurait été bien incapable de le certifier.

- Comme je vous l'ai dit, on est pas dans un hosto ici, ou dans un centre de rééducation. C'est surtout un ranch et aussi un lieu d'accueil. Certaines personnes qui se trouvent en difficultés y viennent le temps dont elles ont besoin pour reprendre pied. Ici, personne ne fera rien à votre place. On vous aidera, on vous apprendra à faire les choses par vous même, mais c'est à vous de faire le boulot. Et si ça vous convient pas la porte est grande ouverte. C'est pas une prison, ici, vous êtes libre. A vous de voir.

Bobby avait expliqué tout cela d'un ton calme mais ferme.

L'homme restait silencieux, et son regard s'était subitement fait fuyant.

Vu son entrée en matière, Bobby s'était plutôt attendu à ce qu'il se mette à hurler, tenter d'argumenter ou l'envoyer se faite foutre. Mais ce calme, visage baissé, n'était pas la réaction à laquelle le vieil homme s'était attendu.

-Y a un truc qui cloche. Se dit il.

Bobby comprit finalement lorsqu'une forte odeur d'ammoniaque frappa ses narines. Il renifla.

- C'est pas grave. Ça arrive. Reprit il un ton bas. Venez, on va arranger ça.

Bobby avança vers la salle de bain tandis que l'homme restait toujours immobile et sans réaction. Il se retourna.

- Soit vous venez jusque-là, soit vous restez dans votre pisse. A vous de voir. Je vous l'ai déjà dit. On ne fera rien à votre place ici.

Il entra dans la salle de bain, alluma la lumière et attendit, évitant son reflet dans la glace.

Après quelques secondes d'hésitations, l'homme se décida finalement et posant les mains sur les roues, il fit avancer le fauteuil jusqu'à la petite pièce.

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Contrairement au reste de la chambre, il y avait là tout le matériel d'assistance nécessaire, des barres fixées au mur permettaient de s'accrocher partout. L'espace était suffisamment grand pour manœuvrer avec un fauteuil roulant. La douche était spacieuse, équipée d'un siège percé en plastique. Tout avait été pensé et équipé pour qu'une personne en fauteuil y soit aussi à l'aise que possible.

L'homme s'était arrêté dans l'encadrement de la porte et attendait, une expression à mi-chemin entre le défi, la colère et la honte, sur le visage.

Bobby fit mine de ne pas s'en apercevoir et lui expliqua comment procéder.

- Pour cette fois, et ce sera la seule, je vais vous aider et aller chercher vos vêtements propres. Ces barres sont là pour vous permettre de vous transférer de votre fauteuil au siège en plastique dans la douche. Les accoudoirs se soulèvent pour s'installer, mais le mieux, c'est de bien les rabattre quand vous serez assis, comme ça vous serez bien calé pour vous déshabiller.

Il croisa les bras sur la poitrine, manifestant clairement son intention d'attendre jusqu'à ce que l'homme face à lui réagisse. Après plusieurs minutes, son vis à vis se décida enfin et finit d'entrer dans la pièce. Il agrippa la barre et tenta de se soulever.

- Plus vous musclerez vos bras et plus ça deviendra facile. Dit Bobby en le voyant peiner, handicapé non seulement par ses jambes mortes, mais aussi par le peu de forces que lui laissaient plusieurs mois d'inactivité totale et de fonte musculaire.

Bobby s'approcha finalement et, ignorant la forte odeur d'urine, le saisit des deux côtés de la poitrine, sous les bras pour l'aider à se transférer sur le siège en plastique de la douche.

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Sitôt l'homme installé, il recula un peu le fauteuil, le laissant tout de même à portée de main, puis ressortit de la pièce pour aller chercher les deux sacs contenant ses affaires propres et les lui apporta.

- Je vous conseille de poser vos habits sur la tablette, si vous ne voulez pas qu'ils soient trempés. Au début on a tendance à inonder partout. Vous avez du savon et des serviettes à disposition dans le placard. Ajouta t'il en en ouvrant la porte et sortant les objets mentionnés qu'il lui tendit.

Il s'apprêtait à sortir de la pièce lorsque l'homme se racla la gorge.

Bobby se retourna.

- Je ... je sais pas comment m'y prendre, tout seul. Lui dit-il d'une voix presque inaudible en détournant le regard.

Bobby hocha simplement la tête et referma la porte de la salle de bain derrière eux.

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Pas un mot ne fut échangé. Regard calme et rassurant pour l'un. Gêné et fuyant pour l'autre.

L'homme ôta chemise et T-shirt. Lorsqu'il déboutonna son pantalon, Bobby le souleva pour qu'il puisse retirer lui-même ses vêtements souillés et posa une serviette sur ses cuisses protégeant son intimité.

- Je pense que ça devrait aller maintenant. Lui dit-il. J'attends dehors. Appelez si vous avez besoin d'aide.

Et l'autre hocha la tête.

Sorti de la pièce, Bobby s'assit sur le lit, fixant les murs de la chambre où des zones plus foncées laissaient deviner l'emplacement d'anciens cadres et posters. Il ouvrit le placard pour vérifier qu'il avait bien été vidé par sa précédente occupante et laissa les portes ouvertes pour que son nouveau pensionnaire comprenne qu'il devrait lui même déballer ses affaires. Il sourit lorsqu'il entendit l'eau se mettre à couler.

Foutus hôpitaux. Se dit-il pour la millième fois. Pourquoi laissaient ils les gens croupir dans la certitude qu'ils ne pouvaient plus rien faire par eux même ? Voilà ce que ça donnait !

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Au bout d'un moment, les bruits dans la salle de bain cessèrent. Il se rapprocha de la porte et frappa.

- Tout va bien ?

- Oui...

- Besoin d'aide ?

- Je sais pas...comment...

- Je peux entrer ? demanda Bobby en poussant doucement la porte.

L'homme était toujours assis sur le siège en plastique, sa serviette à présent humide toujours posée sur ses jambes. Il avait les cheveux mouillés, en bataille et avait enfilé un T-shirt propre.

Bobby savait bien quel était le problème très concret auquel l'homme était confronté. Comment se sécher les fesses quand on était forcément assis dessus ? Et comment remettre sous-vêtement et pantalon seul ? Les personnes valides ne se rendaient même pas compte à quel point ces petits gestes de la vie quotidienne pouvaient devenir compliqués pour ceux qui avaient un handicap.

- Le plus simple c'est de poser une serviette sèche sur le fauteuil roulant, de revenir sur le lit. C'est plus facile de s'habiller couché , en tout cas au début. Ensuite on vous montrera d'autres façons de procéder.

L'homme s'exécuta. De nouveau Bobby l'aida à se transférer cette fois du siège au fauteuil et le vit manœuvrer pour sortir de la salle de bain sans qu'il ait à le lui demander. Il l'aida encore une fois pour s'installer sur le lit, lui expliquant patiemment l'usage de la potence qui pendait au-dessus de lui. Cette sorte de poignée suspendue à une lanière et tenue par une perche métallique au-dessus du lit était une aide précieuse pour effectuer les transferts, en s'y agrippant, on pouvait se soulever du fauteuil et pivoter sur le lit. Une fois dessus, les bas flancs, des barres métalliques horizontales sur le côté du lit permettaient de s'accrocher et de se tirer en bonne position à la force des bras.

Bobby posa à côté de lui une serviette sèche, un caleçon et un pantalon propre.

- Je pense que vous devriez vous en sortir à présent. Pas vrai ?

L'homme hocha de nouveau la tête en silence. Il n'était décidément pas très causant.

Bobby se dirigea vers la porte.

- Merci monsieur Singer. Entendit il presque comme un murmure alors qu'il s'apprêtait à sortir de la pièce.

Il se retourna surpris qu'il ait retenu son nom.

- Bobby. Et pas de quoi fiston.

- Dean.

Bobby sourit.

- A tout à l'heure, Dean. Je repasse dans un moment.

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Merci de m'avoir lue. N'hésitez pas à me faire part de vos remarques, je réponds toujours.

A la semaine prochaine, si ça vous dit. :)