Il était temps

Disclaimer : L'univers et les personnages appartiennent à Yumi Hotta. Je ne touche aucun argent pour mes écrits.

Bonjour ! voici le deuxième et dernier chapitre de ce two-shot, en espérant qu'il vous plaira :)

Enjoy !


2 mois plus tard.

Mlle Ichikawa soupira, alors que des cris s'élevaient de la table du fond.

Depuis qu'Akira avait amené Hikaru Shindo au club, c'était comme ça tous les samedis. Les deux jeunes hommes s'installaient devant un Goban, et une ou deux heures plus tard, les cris commençaient. Ils discutaient presque chaque coup, se criant dessus pour faire entendre leurs arguments.

Alors qu'elle sortait deux tasses de sous son comptoir, M. Hirosé s'adossa à celui-ci, regardant lui aussi vers les deux jeunes hommes.

« - Je n'avais jamais vu Akira perdre autant ses moyens, remarqua-t-il.

- Oui, c'est vrai, confirma Ichikawa. Ce jeune homme lui fais du bien je pense.

- Au contraire, je trouve qu'il a une mauvaise influence. Akira était un garçon calme avant, et maintenant il cri à chaque fois ! Il n'est plus lui-même depuis qu'il a rencontré cet Hikaru.

- Au contraire, je pense qu'il n'a jamais été autant lui-même, rétorqua doucement Mlle Ichikawa. Il se détend enfin, il réagit comme une personne de son âge et non plus comme un adulte. »

Soulevant le plateau supportant les tasse de thé qu'elle venait de verser, elle sorti de derrière le comptoir et se dirigea vers le fond du club, mettant ainsi fin à la conversation.

A la table d'Akira, la tension était redescendu après quelques minutes, comme toujours.

« - Alors les garçons, qui a gagné ?

- C'est moi, répondit Akira en lui souriant tout en récupérant la tasse qu'elle lui tendait.

- Plus pour longtemps ! Répliqua Hikaru en lui jetant un regard noir.

- Tu dis ça à chaque fois, et pourtant tu n'as jamais gagné ! » Dit Akira d'un ton joueur.

Mlle Hichikawa sourit, heureuse de le voir comme ça.

« - Vous refaite une partie ? Demanda-t-elle.

- Je pensais qu'on pourrait faire une balade au parc plutôt, qu'est-ce que tu en dis ? Proposa Hikaru.

- Oh, heu… bafouilla Akira, ses joues rougissant légèrement. Oui, pourquoi pas ? Il fait beau aujourd'hui. »

Ils se levèrent après avoir fini leur tasse de thé, ayant déjà rangé les pierres.

« - Amusez-vous bien ! » les salua Mlle Hichikawa.

oOo

Akira jeta un regard en coin à Hikaru. Ils marchaient en direction du parc, silencieux. Mais ce silence n'était pas gêné, ils profitaient simplement du beau temps. Quand ils arrivèrent au parc, ils s'installèrent sur un banc. Akira réengagea la conversation en posant une question qui lui trottait dans la tête depuis longtemps.

« - Comment tu as commencé à travailler au café ?

- Hum… Et bien, je n'avais pas de très bon résultat à l'école. Les études ne sont pas faites pour moi ! En plus, je ne savais pas vraiment ce que je voulais faire… Je venais très souvent au café, pour jouer au Go sur Internet. Au fil du temps, je me suis lié d'amitié avec George, je jouais aussi contre lui parfois. Et quand j'ai décidé de ne pas poursuivre mes études, il m'a proposé de travailler pour lui. Au début, je ne pensais pas le faire longtemps. Mais au final, je ne suis jamais parti ! Conclut Hikaru en lui souriant.

- Qu'est-ce qui te plaît dans ce travail ?

- Le contact avec les clients principalement. Et les pâtisseries de Yukino ! » Rajouta-t-il en lui faisant un clin d'œil.

Yukino était la cuisinière du café Baduk et la femme de George, qu'il avait rencontré en France, lorsque celle-ci y était venue faire des études de pâtisserie. Ils avaient ouvert le café juste après s'être marié, il y avait maintenant 30 ans. Akira l'avait rencontré quelque fois. C'était une gentille vieille dame, qu'il l'aimait beaucoup.

« - C'est vrai qu'elles sont délicieuses, acquiesça-t-il.

- N'est-ce pas ? »

Hikaru leva la tête vers le ciel, et poursuivit :

« - Il fait enfin beau, c'est cool. J'aime le soleil ! »

Akira ne répondit rien, se contentant de regarder son ami. Il le contemplait de plus en plus souvent, ces dernier temps. Ça lui faisait chaud dans le ventre, de voir à quel point il était beau.

Akira savait ce qu'il avait : il était amoureux. Sûrement depuis le début, depuis qu'Hikaru lui avait offert ce gâteau d'anniversaire. Mais il n'en avait pas parlé avec Hikaru, ayant peur que celui-ci le rejette. Et puis, il était peu probable qu'il soit attiré par les garçons…

Akira ne pensait pas être gay. Après s'être rendu compte de ses sentiments, il avait observé plus attentivement les hommes autour de lui, mais aucun ne l'intéressait comme ça. Aucunes filles non plus, en réalité.

C'était seulement Hikaru.

Akira se rendit soudain compte que son ami avait recommencé à parler.

« - Quoi ?

- Tu es dans la lune, fit remarquer Hikaru.

- Oui, désolé.

- Pas grave. Je te demandais si ça te dirais d'aller au cinéma ?

- Qu… quoi ? Tu veux dire, tous les deux ? Bafouilla presque Akira.

- Bien sûr, tous les deux ! Tu vois quelqu'un d'autre ici ? »

Est-ce que c'était un rencart ? Akira pensa que ça ressemblait furieusement à un rencart.

« - Bien sûr, ça me ferai très plaisir d'aller au cinéma avec toi » accepta-t-il en souriant.

oOo

5 mai.

Akira poussa la porte du café. Il était inquiet, cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait pas eut de nouvelle d'Hikaru. Ils n'étaient pas du genre à s'envoyer des textos à longueurs de temps, mais ils se parlaient quand même souvent, et jouaient presque un soir sur deux au go sur internet.

De plus, leur relation commençait à prendre un nouveau tournant, petit à petit. La première sortie au cinéma, deux mois auparavant, avait été suivie de quelques autres, ainsi que de la visite d'une expo. Ils étaient aussi devenus plus tactile au fil du temps. Au début, Akira avait eu peur de se tromper et de voir des signes là où il n'y avait rien, mais il avait fini par être sûr quand, la semaine dernière, Hikaru lui avait tenu la main dans la rue. Il l'avait aussi embrassé sur la joue en le quittant. Même s'il s'était sauvé très vite après, Akira avait eu le temps de voir ses joues rouges, sûrement aussi rouge que les siennes.

Ils avaient échangé quelques messages après cet épisode, alors Akira savait que ce n'était pas la cause du brusque silence de son ami. Mais il ne pouvait s'empêcher d'avoir peur : et si Hikaru regrettait ?

« - Bonjour George, salua-t-il. Est-ce que Hikaru est là ?

- Jamais le 5 mai, désolé.

- Comment ça ? Demanda Akira, sans comprendre.

- Il prend un congé tous les 5 mai depuis qu'il a commencé à travailler. Il n'est jamais dans son assiette les jours d'avant, aussi. Je pense qu'il a perdu quelqu'un d'important à cette date.

- Oh… Hikaru ne m'a jamais parlé d'un décès dans sa famille » murmura Akira.

Il resta silencieux un instant, puis demanda :

« - Est-ce que vous pourriez me donner son adresse ?

- Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, il a sûrement besoin d'être seul.

- Oui, bien sûr… Bon, vous pourrez lui dire que je suis passé ? Merci. »

Akira fit demi-tour, et s'apprêtait à sortir du café, quand George le rappela.

« - Akira, Attend ! »

Il attendit qu'Akira se soit rapproché, et se pencha vers lui.

« - Peut-être que tu pourrais aider, en fait. Hikaru nous loue l'appartement en dessous des toits depuis un an. Tu peux y accéder depuis la porte à côté.

- Merci George, merci beaucoup ! »

Akira se précipita dehors, et poussa rapidement la porte susnommée. Il grimpa les escaliers rapidement, et se stoppa devant la porte. Arrivé là, il hésita. Probablement qu'Hikaru ne voulait pas le voir… Mais lui, il avait envie de le voir.

Prenant son courage à deux mains, il sonna.

Il lui sembla que l'attente dura une éternité. Finalement, la porte s'ouvrit, et Hikaru apparu devant lui.

Il avait une apparence négligé. Il ne portait qu'un sweat et un caleçon, et avait des ombres sous les yeux, indiquant qu'il n'avait pas beaucoup dormi ces dernier jour.

Akira se dit qu'il n'aurait pas dû le trouver aussi sexy.

« - Bonjour, dit-il timidement.

- Salut » lui répondit simplement Hikaru en lui tournant le dos, laissant la porte ouverte.

Akira rentra finalement chez le méché, regardant partout avec curiosité. Contrairement à ce qu'il pensait, c'était très bien rangé, malgré les multiples bibelots et photos qui s'amoncelaient sur les étagères, qui était aussi plein de mangas et de livres. C'était un appartement habité, où il faisait sûrement bon vivre, tout le contraire de sa maison.

Akira pensa un instant qu'il aimerait bien y habiter.

« - Qu'est-ce que tu fais là ? demanda Hikaru.

- Je viens aux nouvelles. On ne s'est pas parlé ces derniers jours, je me suis inquiété.

- Comme tu peux le voir, je vais bien » se contenta de répondre Hikaru.

Akira, se balança d'un pied sur l'autre, gêné. Il avait l'impression que pour la première fois, il n'était pas capable de comprendre Hikaru. Il n'aimait pas du tout cette sensation.

Il chercha désespérément une idée pour faire bouger Hikaru. Son regard tomba soudain sur un Goban, à travers la porte entrouverte de la chambre.

« - On fait une partie ? proposa-t-il.

- Non, répondit Hikaru, se refermant immédiatement.

- Quoi, mais pourquoi ? demanda Akira, déstabilisé. Tu n'as jamais refusé une partie avant !

- Et bien aujourd'hui c'est non ! Cria presque Hikaru.

- Mais pourquoi ? S'écria Akira.

- Parce que ! Juste… pas aujourd'hui, d'accord ? Pas aujourd'hui, c'est tout. »

Akira se campa sur ses deux pieds, décidé à obtenir gain de cause.

« - Jouons une partie, Hikaru, dit-il fermement.

- Non, répondit ce dernier d'un ton buté.

- Hikaru, jouons !

- NON ! » Hurla Hikaru, sa voix se brisant sur ce mot.

Il s'effondra sur son canapé, et se prit la tête entre les mains. Ses épaules se mirent à tressauter.

Hikaru était en train de pleurer.

Akira resta debout, désemparé. Il ne pensait pas qu'Hikaru pouvait avoir un tel blocage. Pourquoi ne pourrait-il pas jouer le 5 mai ? Il ne savait pas trop quoi faire, maintenant. Mais il ne pouvait pas le laisser comme ça.

Il se dirigea vers la chambre d'Hikaru, et récupéra le Goban qu'il avait repéré. Revenant rapidement dans le salon, il le posa devant Hikaru, qui n'avait toujours pas relevé la tête. Sans un mot, il prit une poignée de pierre blanche, et la posa sur le Goban tout en maintenant les pierres cachées.

Hikaru finit par enfin relever la tête. Il avait les yeux rouges mais ne pleurait plus, c'était déjà ça. Il regarda fixement le Goban, tout aussi silencieux qu'Akira. Le silence s'éternisa, mais Akira n'osa pas le briser. Il sentait qu'une grande décision était en train d'être prise, et qu'il ne fallait surtout pas intervenir.

Il vit immédiatement quand Hikaru se décida. Il se redressa, et repris son sérieux. Il semblait tout d'un coup décidé, concentré. Fermement, il prit une pierre et la posa. Akira compta les pierres blanches. Neuf : Hikaru avait noir.

Ce simple fait sembla amplifier la détermination d'Hikaru. Il lui lança un regard fier, des flammes semblant danser dans ses yeux.

Akira ne put s'empêcher de frissonner sous ce regard, qu'il n'avait encore jamais vu sur Hikaru. Mais peu importe à quel point ce regard lui faisait de l'effet, le Go passait avant tout. Il n'allait certainement pas laisser Hikaru gagner !

La partie dura presque trois heures, et fut l'une des plus acharnée qu'Akira eut à disputer. Ils furent à égalité pendant presque toute la partie, ne cédant pas une miette de territoire à l'autre. Hikaru joua un Go qu'Akira ne lui avait jamais vu, et lui aussi joua des coups qu'il n'aurait jamais osé en temps normal.

Au final, ce fut Hikaru qui gagna, de seulement 0,5 point.

A la fin de la partie, Les épaules d'Hikaru se relâchèrent enfin. Il sembla soudain exténué. Akira, lui, regardait fixement les pierres étalées devant lui.

« - Sai » souffla-t-il.

Il releva le regard vers Hikaru.

« - Sai, il est partout dans ton jeux ! Je l'avais déjà entraperçu avant, mais là…

- Je ne veux pas en parler, le coupa Hikaru.

- Tu le connaissais, n'est-ce pas ? Commença à déduire Akira. Il est mort un cinq mai, c'est ça ? C'est pour ça que tu es aussi mal.

- Akira, je ne veux pas en parler ! » S'énerva Hikaru, lui confirmant ainsi qu'il avait bien deviné.

Un ange passa, et Akira décida de laisser tomber le sujet « Sai » pour le moment.

« - Tu devrais vraiment devenir pro.

- On en a déjà parlé, essaya de mettre fin à la conversation Hikaru.

- Mais tu as un talent extraordinaire ! Tu pourrais tellement progresser si tu jouais contre des pros, dans des parties officielles…

- Je n'ai pas le niveau pour ça !

- Tu veux rire !? Après la partie qu'on vient de faire, comment peux-tu encore dire ça ?

- Mais ce n'était pas moi !

- Hikaru, bien sûr que c'était toi ! Je ne comprends rien à ce que tu racontes… »

Sans répondre, Hikaru se leva, de plus en plus énervé. Il se mit à faire les cents pas devant lui. sans se décourager, Akira repris la parole :

« - Hikaru, je me suis renseigné. Tu t'es inscris pour passer les éliminatoires de l'examen pro il y a trois ans, mais tu ne t'es jamais présenté.

- Parce que tu m'espionne maintenant ?! S'exclama Hikaru en s'arrêtant devant lui.

- Non, je m'inquiète ! »

Hikaru se passa une main dans les cheveux et soupira.

« - Va-t'en s'il te plaît.

- Hikaru…

- S'il te plaît, Akira » soupira le méché.

Akira fini par capituler, et se dirigea vers la porte. Il se retourna une dernière fois, et ajouta :

« - J'aimerais jouer une partie officielle contre toi, un jour. Pro contre pro. Parce que je pense qu'à nous deux, on pourrait atteindre le coup divin. »

Hikaru resta silencieux, détournant les yeux vers la fenêtre.

« - Tu as un niveau assez élevé pour que je te considère comme mon rival, Hikaru. C'est beaucoup plus que le niveau demandé pour devenir pro. »

Et sur ces dernières paroles, Akira partit enfin.

OOo

Hikaru poussa la porte du café. George, qui servait un couple installé devant la vitrine, le regarda d'un air surpris.

« - Hikaru ? Qu'est-ce que tu fais là, tu es en congé !

- Oui, je sais. Je ne voulais plus rester seul à l'appart, c'est tout. Je peux prendre un des ordis ?

- Oui, bien sûr.

- Merci. »

Hikaru s'affala devant l'écran, et l'alluma. Il se connecta ensuite au site de Go. Arrivé sur la page de connexion aux profils, il suspendit ses doigts au-dessus des touches. Il regarda fixement la page sous ses yeux, la tête complètement vide.

Ça faisait trois ans qu'il ne s'était pas connecté à ce compte, trois ans que Sai…

Il secoua la tête, retirant les mains du clavier. Il ne pouvait pas, c'était trop tôt !

Il se fustigea mentalement d'être aussi faible, et reposa se mains. Les enleva, les remit.

Se trouvant parfaitement ridicule, Hikaru souffla un bon coup, et tapa enfin sur le clavier. Il appuya sur entrée avant de trop y réfléchir.

Une nouvelle page s'afficha. Il n'y avait aucune information dessus, même pas d'avatar. Juste un pseudo en haut de la page : Sai. Son regard tomba sur la seule phrase que comportait le profil.

Sai est mort.

Il senti les larmes lui monter aux yeux encore une fois, mais il les réprima fermement. Il avait déjà assez pleuré devant Akira.

Alors qu'il contemplait cette phrase qu'il avait eu tant de difficulté à écrire à l'époque, il fut frappé par la véracité de celle-ci. Sai était mort. Il était mort depuis plus de 1000 ans bien sûr, mais là, il l'était réellement. Il ne restait plus rien de lui sur cette terre, à part les souvenirs d'Hikaru et les kifus de Shusaku.

Se replongeant dans ses souvenirs, Hikaru sourit en repensant à la façon dont Sai avait débarqué dans sa vie. Quand il était apparu devant lui, dans le grenier de son grand-père, Hikaru s'était dit qu'il allait au-devant de beaucoup d'ennuis. Au final, Sai avait été l'une des meilleures choses qui lui était arrivé, même si lui avait effectivement apporté pas mal d'embrouilles.

Internet s'était imposé très rapidement comme une solution pour faire jouer Sai. Au début, Hikaru devait se forcer, ennuyé de devoir rester assis des heures devant un ordi et de suivre bêtement les directives de Sai. Il avait fini par vouloir comprendre ce qu'il faisait, et s'était rendu au cours de go de son quartier. Il avait aussi été allé voir un tournoi de Go, où il n'avait pas su tenir sa langue, comme d'habitude. En même temps, Sai n'avait qu'à pas lui indiquer le point vital de noir !

Après ça, au collège, il avait intégré le club de go de son collège, géré par Tsutsui, un de ses camarades. Il l'avait aidé à le faire grandir, en ramenant notamment Mitani dans le club. Après un an, il avait demandé un Goban à son grand-père pour pouvoir jouer contre Sai autant qu'il le voulait chez lui.

En parallèle, la réputation de Sai sur Internet avait augmenté de manière spectaculaire. Il recevait de plus en plus de demandes, et Hikaru avait même reconnu quelques pros. Et un jour, lors de sa dernière année de collège, le pseudo « Koyo Toya » était apparu. Le Meijin venait d'avoir un infarctus et était à l'hôpital, et avait apparemment décidé de ne pas perdre la main en allant jouer sur Internet. Hikaru s'était dit que c'était une occasion en or de faire jouer Sai contre le Meijin, qui obsédait le fantôme depuis qu'il avait vu l'homme jouer à la télé et appris qu'il était l'un des plus proche du coup divin. Alors Hikaru lui avait rendu visite à l'hôpital, et avait organisé la partie.

En y repensant après coup, Hikaru se disait que c'était l'une des plus grosses conneries de sa vie : A cause de cette partie et de sa défaite, le Meijin avait pris sa retraite, et Sai s'était mis en tête qu'il allait disparaître maintenant qu'il lui avait montré cette partie. Après la disparition de Sai, Hikaru avait essayé pendant des mois de se convaincre que c'était faux. Comment une seule partie pouvait faire disparaître le fantôme alors qu'il en avait joué des centaines ?

Mais Hikaru savait au fond de lui-même que cette fameuse partie avait été le début de la fin.

Détachant le regard de l'écran, le méché tourna la tête vers la vitrine, à travers laquelle il pouvait voir la Nihon ki-in. Il pensa à la conversation qu'il avait eu quelque heures plus tôt avec Akira, sur le fait qu'il avait voulu rejoindre la fédération trois en plus tôt en tant que pro.

A l'époque, il se posait beaucoup de questions sur son avenir. Ses résultats à l'école ne remontaient pas, et son père lui mettait une très grosse pression sur les épaules. De plus, il commençait à être jaloux de Sai. Lui aussi voulait jouer contre des pros, et plus seulement contre Sai et les membres du club !

Alors, il avait décidé d'essayer de passer pro. C'était soit ça, soit abandonner ses études.

Mais Sai avait disparu. Hikaru l'avait cherché partout, occultant les éliminatoires. Il était même allé sur l'île d'Innoshima avec Kawai, un chauffeur de taxi qu'il avait rencontré dans un club de go qu'il fréquentait. En rentrant, Hikaru avait cherché une preuve de l'existence de Sai, n'importe quoi qui lui prouverait qu'il n'avait pas rêvé. Il avait acheté un recueil de kifus de Shusaku Honinbo pour les étudier, pour essayer d'y retrouver Sai. Mais il avait trouvé bien plus… Sai était un génie du go, le meilleur qui soit. Il avait joué avec le fantôme et vu toutes ses parties pendant trois ans, mais ce n'était qu'en voyant ces kifus qu'il s'était rendu compte du véritable niveau de Sai, un niveau qu'il ne pourrait jamais atteindre.

Hikaru se pris la tête dans les mains. C'était Sai qui aurait dut être pro ! Il n'aurait pas dû le faire jouer seulement sur Internet, il aurait dû comprendre, il aurait dû passer ce foutu examen dès le début, et laisser Sai jouer toute ses parties. Il ne méritait pas de passer pro, il n'avait pas le niveau ! Sai le méritait, pas lui !

« - HIKARU ! » hurla soudain une voix à son oreille.

Ce dernier sursauta violement, et se tourna vers George.

« - Quoi ? bredouilla-t-il.

- Ton ordi sonne depuis tout à l'heure » lui indiqua George.

Reportant son regard sur l'écran, Hikaru remarqua enfin les nombreuses notifications de personnes demandant une partie à Sai. Même après trois ans de silence, ils voulaient tous jouer contre Sai…

Hikaru reporta son regard sur George après avoir éteint le son de l'ordinateur. Son patron s'était assis à côté de lui, et le regardait d'un air sérieux.

« - Qu'est-ce qu'il se passe Hikaru ?

- Rien.

- Mais bien sûr, tu restes juste sur ce profil sans rien faire !

- C'est rien, je te dis. »

George resta silencieux, attendant simplement qu'Hikaru craque et se confie. Comme il l'avait prévu, Hikaru repris la parole rapidement.

« - C'est Akira. Il m'a dit qu'il voudrait jouer une vraie partie de pro contre moi.

- Mais tu n'es pas pro.

- Oui, et je ne souhaite pas le devenir. J'aime travailler ici, je ne veux pas quitter le café. Et je n'ai pas de niveau de toute façon.

- Tu sais très bien que c'est faux, Hikaru ! Waya, Akira et moi on n'arrête pas de te le dire. Pourquoi tu ne nous crois pas ?

- C'est pas important de toute façon, je ne veux pas devenir pro !

- Là, tu te mens à toi-même. Tu as choisi ce café parce qu'il est près de la fédération, et tu le sais très bien. »

Hikaru resta silencieux, alors George se pencha vers lui.

« - Hikaru, je ne sais pas pourquoi tu bloque sur ton niveau, mais toi et moi on sait que tu le passeras du premier coup cet examen. Tu as le niveau pour, et plus important, tu as la passion ! Hikaru, tu aimes le Go plus que tout, et tu joues dès que tu en a l'occasion. En devenant pro, tu pourrais jouer encore plus, et dans de bonnes conditions.

- Mais, et le café ? Je ne peux pas quitter cet emploi comme ça !

- Je peux te virer si tu y tiens tellement, plaisanta George. Ne t'inquiète pas pour Yukino et moi, on a déjà géré ce café seuls, et je suis sûr qu'on retrouvera quelqu'un rapidement. Si tu veux, tu pourras même venir aider quand tu n'auras pas de partie. Et tu peux garder l'appartement sous les toits, bien sûr.

- Mais j'aime travailler ici… je ne veux pas quitter ça.

- Comme je te l'ai dit, tu peux venir quand tu veux nous aider pour le service, même si je ne pourrais plus te payer. Et on ne va pas te laisser nous oublier si facilement ! Tu ne te débarrasseras pas de nous, crois-moi !

- On dirait une menace, plaisanta Hikaru.

- S'en est peut-être bien une » sourit George.

Hikaru ne répondit pas, les yeux pensifs. Mais George voyait bien qu'il pensait à ce qu'il venait de lui dire. George sourit en espérant que cette fois, Hikaru pourrait bien enfin surmonter son satané blocage !

Une nouvelle notification apparue soudain à l'écran.

« - Tu as une nouvelle demande » lui signala-t-il.

Hikaru releva les yeux et lu : Le Joueur Akira vous propose une partie. Après un temps de réflexion, il prit la souris et cliqua sur « accepter ».

« - Bon, je te laisse avec ton petit-ami, lui dit George en se levant.

- Ce n'est pas mon petit-ami ! Protesta Hikaru en rougissant.

- Toujours pas ? » S'étonna le vieil homme.

Hikaru marmonna quelque chose d'intelligible, les yeux résolument fixé sur l'écran et la nuque rouge. Il se détendit un peu quand son patron s'en alla enfin, et répondit au premier coup d'Akira, qui avait obtenu les noirs.

Cette partie fut beaucoup plus détendue que celle du matin. Le nombre de spectateurs, qui étaient de plus de 300 personnes au début de la partie, baissa régulièrement. Par curiosité, Hikaru avait ouvert la page de discussion rattachée à la partie, où les spectateurs pouvaient commenter les coups joués. Mais bien sûr pour cette partie, la qualité du jeu était bien la dernière chose dont parlait les internautes. D'abord excité par le retour de Sai, ils finirent par se rendre compte que ce n'était pas lui qui jouait. Commença alors les théories en tout genre, la plus récurrente étant que le compte de Sai s'était fait piraté.

Vers le milieu de la partie, lorsqu'il ne resta qu'une cinquantaine de personnes, Hikaru vit du coin de l'œil qu'ils commençaient à se demander pourquoi Akira n'avait pas arrêté la partie en comprenant que ce n'était pas le bon joueur. Mais il était en difficulté, alors il se reconcentra sur la partie et occulta complètement la conversation en cours.

Il finit par perdre la partie, mais de peu. Rejetant un coup d'œil à la conversation, Hikaru vit avec surprise que la conversation s'était orientée sur lui.

Il a un très bon niveau quand même.

Pourrait-il être pro ?

Pour tenir tête à Akira Toya aussi longtemps, je pense qu'il l'est.

Il pourrait même avoir quelques dan, non ?

Hikaru n'en revenait pas. Ces inconnus pensait-il vraiment qu'il pouvait être aussi fort ?

Mais pourquoi jouer avec le compte de Sai ? Il a beau être fort, il n'est pas du tout au niveau de Sai.

Personne d'autre ne peut avoir le niveau de Sai. Il faudrait jouer des siècle pour ça.

Hikaru retourna ces mots dans sa tête pendant quelques temps. Personne ne pouvait avoir le niveau de Sai... lui en tout cas ne l'avait pas, et c'est ce qui l'avait empêché de devenir pro toutes ces années, ça et sa culpabilité. Mais pouvait-il vraiment atteindre ce niveau ? Peut-être que ce n'était pas nécessaire...

Il jeta un regard vers la fédération. Il fallait qu'il arrête de se mentir à lui-même, il voulait vraiment essayer de passer l'examen, et de passer le reste sa vie à jouer au Go. Il le voulait depuis plus de 3 ans, mais il s'y était empêché tout ce temps…

Il éteignit son ordinateur, et saisi son téléphone portable pour envoyer un message à Akira et lui donner rendez-vous dans le parc où ils avaient l'habitude d'aller.

oOo

Akira rentra dans le parc, et repéra tout de suite Hikaru, assis sur un banc. Il alla s'assoir à côté de lui.

« - Salut, commença-t-il, un peu stressé.

- Salut, répondit Hikaru. Il fait beau non ?

- Oui, acquiesça Akira, un peu surpris du choix de conversation. Les carpes sont jolies. (1)

- J'adorais cette journée, avant… Tu sais. »

Hikaru se retourna complètement vers lui, et lui prit la main. Akira ne put s'empêcher de lui sourire en retour, heureux de son geste.

« - Merci de m'avoir forcé à jouer cette partie Akira. J'en avais besoin pour avancer.

- De rien, lui sourit le brun. Tu as pris ta décision alors, pour l'examen pro ?

- Oui. Je vais le tenter, même si je ne sais pas si je vais réussir…

-Bien sûr que tu vas le réussir ! S'exclama Akira. Crois-moi, il y a peu de personnes qui ont le niveau pour avoir l'honneur d'être mon rival.

- Hey, tu n'es pas le meilleur tu sais, tu devrais redescendre un peu sur terre.

- Tais-toi, répliqua Akira sans cesser de sourire. De toute façon, tu ne me laisseras pas prendre la grosse tête n'est-ce pas ? Je vais devoir redoubler d'effort maintenant que tu seras sur mes pas.

- Exactement ! »

Le silence se réinstalla ensuite. Hikaru lui tenait toujours la main, et Akira se demanda ce qu'il fallait faire maintenant. Il avait envie de l'embrasser, mais est-ce qu'il le pouvait vraiment ? I Il n'avait aucune idée de ce qu'il fallait faire, et il sentait sa timidité remonter à la surface.

Il se mordit la lèvre, indécis. Hikaru fixa soudain sa bouche, avec une lueur qu'Akira ne lui avait encore jamais vu.

Et soudain, leurs lèvres se rencontrèrent. Akira ne savait pas qui avait commencé, qui s'était approché en premier, et il s'en foutait complètement. La seule chose qui comptait, c'était les lèvres d'Hikaru qui se mouvaient contre les siennes, sa langue qui les léchait les siennes, sa main qui avait pris place derrière sa nuque, ses propres doigts qui caressaient les cheveux du méché.

Il embrassait enfin Hikaru, et c'était parfait.

Après de longues minutes à s'embrasser, ils durent se séparer par manque d'air. Ils se sourirent, le visage encore très proche.

Akira aurait bien recommencé, mais il avait une dernière question à poser à Hikaru.

« - Hikaru, commença-t-il en posant sa main sur sa joue. Tu me raconteras un jour, à propos de Sai ? »

Ces paroles eurent le mérite de ramener une étincelle sérieuse dans les yeux d'Hikaru.

« - Promis, un jour je te le dirais. Mais là, j'ai quelque chose de plus intéressant à faire.

- Ah oui, et quoi ? lui demanda Akira, taquin.

- Embrasser mon petit-ami, répondit le méché en reprenant ses lèvres.

- Parce que je suis ton petit-ami ? Demanda le brun entre deux baisers.

- Arrête de poser des questions bêtes ! »

Akira se tut enfin quand la langue d'Hikaru caressa ses lèvres et qu'il les ouvrit en retour. Il profita simplement du moment présent, et de son nouveau petit-ami.

Il comptait bien l'embrasser tout le reste de sa vie.

FIN


(1) Au cas, où, je vous rappelle que le 5 mai au japon, c'est la fête des enfants, et que l'on fait flotter des carpes aux fenêtres des maisons.


Et voilà !

Je savais pas trop comment finir, je crois que ça se voit un peu. Quoi qu'il en soit, j'espère que ce petit UA vous aura plu !

Juste, j'ai pris un peu de liberté avec les mœurs Japonais, car bien qu'ils n'aient globalement rien contre les homos, c'est plutôt quelque chose qui se garde en privé. Donc le baiser passionné dans un parc, c'est pas trop leur style ! Mais je trouvais ça mignon :)

N'hésitez pas à laisser une review pour me dire ce que vous en avez pensé, c'est important pour l'auteur !