Chapitre 9 : Un coup de bouc

Le matin de la sortie, elle quitta l'enceinte de l'école accompagnée de ses deux amis puis leurs chemins se séparèrent lorsqu'elle alla retrouver son aîné.

Chacun prit des nouvelles de l'autre et Alena apprit que, si son frère était toujours célibataire - ce à quoi elle se promit de remédier au plus vite -, il avait tout de même fini par admettre ses sentiments pour leur jolie colocataire mais restait persuadé qu'ils n'étaient pas réciproques. Tout en marchant, ils continuèrent leur discussion. De fil en aiguille, celle-ci dériva sur leur présence à cette époque et le plus âgé en vint à aborder une chose dont il s'était rendu compte ces derniers mois mais qui n'était pas le genre de sujet abordable par lettre.

Il s'arrêta si brusquement que sa sœur n'eut pas le temps d'en faire autant et lui rentra dedans. En sentant un choc dans son dos, il se retourna et s'excusa de la brutalité de l'arrêt. Alena lui demanda ce qui lui avait valu de stopper aussi brutalement sa marche. Altaïs lui expliqua donc enfin qu'il s'était rendu compte qu'ils n'avaient aucune existence légale à cette époque et que la parole de Dumbledore était leur seule garantie contre les ennuis que leur apporterait à coup sûr le ministère s'il venait à être informé de leur présence. Il lui indiqua, également, qu'il serait plus sécuritaire pour eux d'avoir quelqu'un qui pourrait leur venir en aide en cas de problème. Un point de chute, en quelque sorte.

À ce moment-là, Alena repensa au frère de son directeur de maison. Peut-être pourrait-il venir à leur secours ?

Elle parla de l'homme à son aîné qui hésita - le plus âgé était tout de même un Dumbledore - puis se rappela des quelques infos qu'il avait concernant le vieil ermite. À leur époque, Abelforth Dumbledore avait une réputation de vieil excentrique et des rumeurs circulaient disant qu'il aurait été arrêté pour avoir fait… certaines choses pas très catholiques avec l'une de ses chèvres. Réflexion faite, le cadet Dumbledore était leur meilleure solution. Alena, qui avait un peu discuté avec lui depuis la rentrée, amena son frère jusqu'à l'endroit où vivait le quadragénaire. Elle frappa et la porte s'ouvrit sur l'homme, qui faisait bien plus que ses 45 ans. Il parut en revanche bien plus jeune lorsque son visage ridé, prématurément marqué par la tristesse, s'éclaira d'un sourire à la vue de sa jeune visiteuse. Lorsqu'il prit la parole, même sa voix, pourtant enjouée, parut bien plus vieille qu'il ne l'était réellement :

- Alena ! Bonjour ma petite.

- Bonjour, Abelforth répondit-elle en souriant.

- Mais dis-moi, qui est ce charmant jeune homme qui t'accompagne ?

Ledit jeune homme se présenta :

- Je suis Altaïs, son frère aîné. Lena ne vous a donc jamais parlé de moi ? interrogea-t-il

- Oh, oui, maintenant que vous le dites, j'ai beaucoup entendu parlé de vous, mon garçon.

Puis, s'adressant à sa jeune amie, il demanda :

- Orion et Camille ne sont pas avec toi ?

- Pas aujourd'hui, non.

Le cadet Dumbledore acquiesça vivement puis les invita à entrer chez lui. Les deux ex-Black le suivirent tout en se demandant comment il allait prendre ce qu'ils avaient à lui annoncer.

L'adulte les accompagna jusqu'à la pièce qui lui servait de cuisine et les invita à s'asseoir autour de la table qui s'y trouvait. Il leur demanda s'ils voulaient boire quelque chose. Altaïs, sachant que la suite de la journée s'annonçait très longue, demanda un fond de Whisky et sa sœur, une tasse de thé. Le jeune homme ne buvait habituellement pas d'alcool, ayant désormais un enfant à charge et souhaitant être le meilleur exemple possible pour Tom, mais il fit une exception. Le plus âgé se servit la même boisson, mais en quantité autrement plus importante.

Les deux plus jeunes échangèrent un regard et Altaïs demanda à Abelforth s'il avait une pensine et, si oui, d'aller la chercher. L'adulte, bien qu'intrigué, répondit par l'affirmative avant de s'exécuter. Il posa l'objet sur la table, entre eux trois, et observa le jeune homme tandis que, à l'aide de la baguette de sa sœur, il extraiyait les souvenirs correspondants à ceux qu'ils voulaient montrer à leur hôte. Autrement dit, depuis la mort de leur père jusqu'à l'adoption de Tom. Ils décideraient en fonction de sa réaction s'ils lui montraient les suivants où non. À leur demande, il plongea dans les souvenirs. Le premier était flou, comme très ancien, ou peut-être reconstitué. Il vit un très jeune Altaïs - il devait avoir environ dix à douze ans de moins que le jeune adulte qu'il venait de rencontrer - demander à un adolescent de quinze ou seize ans :

- Dis tonton Harry, il est mort comment mon papa ?

- Al… Tu connais le principe d'une pensine ?

- Ben oui, répondit le gamin blond, c'est comme ça que papa a appris mon existence.

L'adolescent, un brun aux yeux verts, acquiesça en souriant puis lui expliqua que le souvenir de la mort de son parrain - le père de l'enfant, donc - étant encore trop frais pour qu'il se sente capable d'en parler, il allait le lui montrer. Lorsque le blondinet bascula tête la première dans la pensine, Abelforth fut entraîné dans son sillage. Il vit le même souvenir que l'enfant, qui ne datait cette fois pas de plus de quelques semaines.

Le souvenir suivant se déroulait bien plus tard, et mettait en scène une Alena pas beaucoup plus jeune que celle qu'il connaissait, puisqu'elle devait avoir une dizaine d'années, ainsi qu'une femme qu'il supposa être leur mère. Il ne pouvait que le supposer mais le souvenir devait appartenir à la jeune fille. Des coups retentirent contre la porte et il assista à la scène qui suivit de la même façon qu'Alena : de derrière la porte de la chambre*. L'immense tristesse qu'il ressentit en voyant mourir cette femme qu'il n'était pas censé connaître confirma l'identité de la jeune propriétaire du souvenir.

Le suivant, quelques semaines plus tard, montra le moment où Altaïs et Alena quittèrent leur époque pour une autre et atterrirent devant un orphelinat de Londres.

Puis, encore un peu plus tard, le premier rendez-vous d'Altaïs avec Mrs Cole puis le moment où ils quittèrent la maison abandonnée où ils avaient établi leurs quartiers pour un appartement. Il vit ainsi, à travers les souvenirs, les mois défiler jusqu'au moment où Altaïs put, enfin, aller chercher Tom à l'orphelinat.

Les souvenirs s'arrêtèrent et il se retrouva à genoux dans sa cuisine. Il se releva et se retourna puis observa ses jeunes invités d'un autre œil, maintenant qu'il connaissait une partie de la vérité. Il n'était pas idiot, il avait bien compris qu'ils ne lui avaient pas montré tous leurs souvenirs. Il ignorait ce qui avait bien pu motiver cette décision, bien qu'il ait tout de même une idée de la réponse.

Tandis qu'il réfléchissait à ce qu'il venait d'apprendre, les deux plus jeunes attendaient avec une appréhension teintée de crainte qu'il réagisse. Ils savaient qu'il les croiraient, il avait vu leurs souvenirs - ou en tout cas une bonne partie de leurs souvenirs - et donc n'avait aucune raison de douter d'eux. Ils craignaient surtout qu'il refuse de les aider.

Ce fut pourquoi ils furent soulagés lorsqu'il finit par leur demander ce qu'il pouvait faire pour eux. Altaïs expliqua que, n'ayant pas d'existence légale dans cette époque, ils risquaient de très gros ennuis si jamais le ministère venait à avoir vent de leur présence ici.

Il glissa le reste des souvenirs dans la pensine puis invita Abelforth à reprendre le visionnage. L'adulte s'exécuta de bonne grâce. Il ne le dit pas, mais il était impatient de connaître la suite de leur histoire. Il se sentait comme un gamin le matin de Noël, ce qui ne lui était pas arrivé depuis ce qu'il lui semblait être une éternité. Depuis la mort de sa jeune sœur, plus d'une trentaine d'années auparavant, en fait.

Le souvenir suivant était celui de la rentrée d'Alena à Poudlard, ainsi que de sa rencontre avec Orion. Au courant de leur véritable identité, il fit immédiatement le lien avec le nom de famille du jeune garçon mais resta silencieux. Il gardait ses questions, car il en avait, pour après.

Celui qui vint après, la répartition, l'intéressa moins que le précédent. Il connaissait Alena et ses deux amis et savait dans quelle maison ils étaient.

En revanche, il s'interressa d'avantage à la naissance du trio qu'il connaissait où, plus exactement, à l'intégration du grand timide qu'était Camille au duo haut en couleur que formaient Alena et Orion. Il fut au moins aussi surpris que l'avait été la jeune fille quand elle avait assisté à la scène le lendemain de la rentrée lorsqu'il le vit défendre Orion face à un blond peroxydé du nom d'Abraxas Malefoy. Ayant lui même connu un Malefoy durant ses études - un type imbuvable du nom d'Hyperion Malefoy -, il était bien placé pour savoir à quel point ils se croyaient supérieur à tout ce qui n'était pas eux-mêmes où leurs proches. Son ancien camarade d'école devait d'ailleurs probablement être le père du jeune garçon arrogant qu'il avait vu dans le souvenir.

Les souvenirs défilèrent jusqu'à la sortie, ne montrant rien de vraiment important, si ce n'était la confirmation puis la consolidation de l'amitié qui unissait le trio de Gryffondor.

Lorsqu'il sortit de la pensine pour la seconde fois, il avait tous les éléments en main pour prendre une décision. Il voyait bien que ses invités étaient dans l'attente d'une réaction de sa part. Après tout, ils venaient de lui révéler leur plus grand secret. Ils s'étaient, en quelque sorte, mis à nu devant lui.

Ce fut pourquoi il ne fut pas étonné le moins du monde lorsqu'ils redoublèrent brusquement d'attention en le voyant prêt à prendre la parole. Il leur expliqua qu'il avait quelques questions à leur poser avant de leur proposer une solution - car il était bien décidé à les aider - pour légaliser leur présence dans cette époque.

Alors qu'il cherchait des questions à leur poser, il se rendit compte que bien qu'il ait vu plusieurs fois Altaïs dans les souvenirs qu'il venait de visionner, il ne l'avait jamais vu à Poudlard dedans. Compte tenu de son âge - presque une vingtaine d'années -, il se doutait bien que le jeune était passé entre les murs de la célèbre école de sorcellerie. Lorsqu'il se retourna vers eux, il esquissa un sourire en voyant que, malgré son temps de réponse plutôt long, ils attendaient toujours, avec un mélange de crainte et d'une sorte… d'excitation, de voir comment il allait réagir.

Il décida de ne pas les faire languir plus longtemps et commença à interroger Altaïs sur ses années de scolarité à Poudlard, arguant qu'il ne l'y avait vu dans aucun des souvenirs qu'il venait de visionner. Le plus jeune acquiesça et répondit de bon cœur aux questions posées.

Quelques minutes plus tard, une fois sa curiosité satisfaite, Abelforth leur dit qu'il acceptait de les aider.

Il leur fallut quelques minutes supplémentaires pour convenir qu'une adoption serait la solution la plus adéquate. Le son d'une église retentit au loin et ce fut seulement à ce moment-là qu'ils réalisèrent qu'il était temps pour eux de se séparer : il commençait à se faire tard et Alena devait rentrer à Poudlard avant la nuit. Ils convinrent de se revoir lors de la prochaine sortie pour régler les derniers points restés en suspens, notamment la question du lieu d'habitation de la plus jeune une fois l'adoption effectuée. Si Altaïs, étant majeur, pouvait vivre seul, sa sœur, elle, était mineure et, par conséquent, ne pouvait habiter seule.

Sur le chemin du retour, la fillette réfléchissait à ce qu'impliquait la décision qu'ils avaient prise et les répercussions qu'elle aurait. Notamment, pour le cas où elle déciderait d'avouer la vérité à ses deux amis. Heureusement, son frère lui avait donné son accord à ce sujet.

Lorsque, un peu plus tard, elle se coucha après avoir regagné son dortoir, elle se surprit à penser qu'elle préférait cette époque à celle d'où elle venait.