A/N : Cette fois c'est le dernier. Pour de vrai.

Je dédie ce chapitre final à tous ceux qui m'ont soutenue au cours de cette petite fic surprise. Sans vous, ce serait resté une note dans un fichier word vide après un seul chapitre de publié. Donc mille fois merci.

Et merci à tous de me lire. Je vous envoie plein de bonnes ondes à travers l'écran.


Le Goût du sel

Chapitre 10 : Et du Vent dans tes cheveux


Si cela continuait encore longtemps, elle allait finir par exploser. Ou tout du moins, c'était ce qu'elle ressentait. Arrivée à terme depuis quelques jours, chaque supplémentaire sans signe d'arrivée imminente du bébé rajoutait à sa fatigue déjà conséquente. Elle se sentait enflée de partout, que ce soit son ventre pesant qui lui donnait l'impression d'avoir volé les pouvoirs de Luffy et vidé leurs stocks de nourriture, ou encore sa poitrine qui la faisait grimacer au moindre frôlement. Elle ne supportait plus de porter que de fines robes d'été qui l'auraient faite y réfléchir à deux fois auparavant, et avait copié Luffy dans son port de tongs.

Si elle restait trop longtemps debout, notamment lorsqu'elle cuisinait -ou plutôt essayait de cuisiner, pas évident avec un bide pareil à la tendance à se mettre dans le chemin-, ou lorsqu'elle restait trop longtemps dans la même position pendant la nuit, son dos lui faisait des misères. Elle sentait le contrecoup du manque d'entraînements et de combats sur sa musculature, bien qu'elle soit restée active et que sa grossesse se soit passée au mieux jusqu'à présent.

« Je suppose que tu t'y plais, au chaud là-dedans, hein ? » murmura-t-elle à son abdomen.

C'était devenu une habitude depuis qu'elle l'avait senti bouger pour la première fois. Elle lui parlait sans pour autant espérer de réponse, bien que Chopper lui ait assuré qu'il pouvait l'entendre, et qu'elle le sentait parfois bouger peu après, comme en réaction à sa voix. Il réagissait à celle de Zoro, aussi, et elle n'oublierait pas son sourire satisfait lorsqu'il s'en était rendu compte. Parfois même aux musiques de Brook, ou encore aux rires de Luffy.

Mais depuis peu, elle avait beau lui parler, elle ne le sentait plus bouger. Leur médecin avait insisté que c'était tout à fait normal car il n'avait plus assez de place, et avait probablement déjà pris position pour se préparer à naitre, mais malgré tout, cela avait un effet anxiogène sur elle, sans qu'elle ne sache exactement pourquoi.

Quand elle sentit les premières contractions, au lieu d'être rassurée, elle n'en fut que plus agitée. Mais elles n'étaient qu'une fausse alerte, vite passées et isolées… et en attendant les suivantes le lendemain, Sanji commença à prendre conscience qu'elle avait peur.

Pas de la douleur, non... Ce qui lui retournait ses entrailles qui se tordaient déjà était la constatation qu'elle ne savait pas quoi faire. Elle voulait cet enfant, n'en pouvait plus d'attendre de le rencontrer, mais à la fois tout semblait si simple quand il lui suffisait de le porter. Que ferait-elle lorsqu'il serait là ? Serait-elle à la hauteur ? Comment faire exactement ?

C'est cette hésitation qui la poussa à rester dans son coin durant une longue heure quand ses contractions commencèrent à se rapprocher quelques jours plus tard, en pleine matinée. Le cœur battant, elle resta crispée dans sa cuisine, les ingrédients du repas de midi oubliés sur la table, et essaya de rassembler ses esprits.

Qu'est-ce que ça signifiait, d'être mère ?

Elle se rappelait de la sienne, à la mine fatiguée mais toujours souriante lorsqu'elle venait lui rendre visite à son chevet. A ce souvenir, elle se dit que tout ce qui importait -tout ce à quoi son histoire avec elle s'était réduite- était l'amour, que cela devrait suffire… mais en cet instant, elle se mit à douter.

Comment savoir comment prendre un enfant confortablement dans ses bras ? Faire la différence entre ses pleurs ? Faire, puis dire ce qu'il faut, au bon moment ? Comment le protéger sans l'enfermer, dans ce monde instable et dangereux, mais si merveilleux à la fois ?

Elle n'en avait aucune idée, et personne pour lui dire quoi faire.

C'en était presque drôle, à y penser : elle, qui semblait ne craindre rien ni personne, frémissait à l'idée de donner vie au petit être dans ses entrailles. Elle en aurait probablement ri un peu de travers, si en ce moment elle n'avait pas grimacé sous une contraction plus intense que les précédentes.

« Chopper ! » finit-elle par appeler en sortant de la pièce d'un pas dodelinant, poussée par un sursaut de courage tirée d'elle-ne savait où, une main en permanence posée sur son ventre durci par le travail. « J-je crois que ça y est ! »

.

Excepté qu'il fallut bien plus de temps que ça. Le médecin l'avait prévenue, mais elle n'avait pas réellement compris que cela puisse être aussi long. Cela avait commencé depuis des heures, et elle avait l'impression que ça n'en finissait pas… pire, ne faisait que s'aggraver, mais ce c'était pas qu'une impression. Pourtant Chopper la guidait, la rassurait du mieux qu'il pouvait, l'encourageait à écouter son corps qui lui demandait de bouger, ne s'arrêtant que lors des contractions ou qu'elle avait besoin de se reposer un peu, même si cela lui faisant prendre des postures qu'elle aurait trouvées ridicules en d'autres circonstances.

Elle avait refusé les antidouleurs que lui avait proposé leur médecin lorsqu'elle lui avait demandé s'ils avaient des effets secondaires, et qu'il lui avait dit qu'ils ralentiraient probablement son travail, car elle sentirait moins ce qu'il se passait dans son corps et donc pourrait réagir de manière moins adéquate. Ce choix, elle l'assuma même quand en pleine nuit, alors qu'ils s'étaient retirés dans leur chambre, elle commença à serrer les dents pour retenir des exclamations de douleur, en se tenant debout à demi-suspendue à la nuque de Zoro, qui la soutenait quasi silencieusement à chaque fois que c'était nécessaire.

« Je vais finir par le prendre personnellement » tenta de plaisanter le jeune homme lorsqu'une salve de jurons particulièrement bien sentie s'étouffa contre son torse à présent nu. Le contact de sa peau semblait la rassurer.

« Tu peux… » bougonna Sanji. « En contrepartie j'aurai le droit de te botter le cul à vif. Juste pour être équitable. »

« Peut-être que je te laisserai le faire, ouais. Pour l'instant, garde ton énergie. »

Tant qu'elle l'engueulait, quelque part, cela le rassurait. Car cela montrait qu'il lui restait de la vivacité. Cependant, dans les heures qui suivirent, elle ne fit guère plus que geindre ou grogner, et Zoro se mit à suer pour une autre raison en voyant les traits de Chopper se faire plus sévères alors qu'il continuait à s'afférer autour d'eux. Il prit peu à peu les commandes pendant que Sanji semblait s'épuiser presque en vain, tenant à peine debout à présent et donc réduite à s'allonger, prenant appui du mieux qu'elle le pouvait contre un mur, le lit ou l'escrimeur. Ses yeux ne s'ouvraient plus complètement et ses cheveux, sa robe étaient détrempés de sueur.

Il faillit ne pas l'entendre, même toute proche de lui.

« Je ne pense pas que… je peux… je… »

« Shh… respire. Tu peux. »

Elle continua à marmonner que non, mais à chaque fois il la contredit d'une voix qu'il espéra infaillible. Puis, après de longues minutes et presque sans crier gare, elle sembla reprendre ses esprits et s'agiter, se cramponna plus à lui en grimaçant alors que Chopper semblait instantanément soulagé. Le travail touchait à sa fin, et elle ne retint bientôt plus rien, trouvant l'énergie suffisante pour hurler sa douleur de la même voix qui avait fait trembler ses ennemis en combat… voire plus féroce encore.

En réponse, leurs camarades qui s'étaient faits discrets, mais n'avaient pas totalement réussi à dormir, somnolant dans le couloir, se mirent à l'encourager à travers la porte dans une cacophonie presque comique qui ne faiblit pas durant la presque heure qui s'écoula ainsi.

« Vas-y Sanjiii ! »

« Pouuuuusse ! »

« Tu peux le faire ! »

Puis enfin, enfin, un autre cri se fit entendre pour la toute première fois, faisant se taire les autres dans quelques secondes de silence presque religieux, bientôt remplacé par des exclamations de joie.

.

Elle était si petite.

De toutes les pensées qui traversèrent son esprit embrumé dès l'instant où elle l'eut dans les bras, écarlate et gigotante, ce fut celle à laquelle elle se raccrocha même quand les contractions continuèrent jusqu'à ce qu'elle expulse le placenta. Comme si c'était quelque chose d'incroyable, bien plus encore que de l'avoir là, enfin. Une si petite chose qui avait tant pesé sur son corps et son esprit durant des semaines, des mois… qui lui avait donné des coups dignes de son capitaine et venait de l'épuiser comme seuls ses combats les plus âpres l'avaient fait.

Sa tête, ornée des fins cheveux noirs et soyeux propres à beaucoup de nouveau-nés, emplissait le creux d'une seule de ses paumes. En tout et pour tout, les katanas de Zoro pesaient plus qu'elle. Lui sembla tout aussi surpris que Sanji en la prenant dans ses bras -ou plutôt, dans ses mains- pour la contempler, les sourcils légèrement froncés et le regard brillant comme jamais, avant de la lui rendre en silence en la suivant de son seul œil, une précaution infinie transparaissant dans chacun de ses gestes comme s'il n'avait pas l'habitude de tenir quelque chose d'aussi… fragile.

Allongée sur le lit, le dos redressé par plusieurs coussins, Sanji déposa leur fille sur son ventre à peine un rien désenflé, comme si elle ne s'était pas encore tout à fait faite à l'idée qu'elle ne la portait plus à l'intérieur, et la contempla de longs instants, la bouche entrouverte et les yeux fascinés par le moindre de ses mouvements hésitants et de ses traits plissés. Zoro restait non loin, adossé au mur et les bras croisés, mais son regard ne laissant pas échapper un seul instant. Comme si chaque seconde était précieuse, et que parler serait superflu.

Bientôt, ils ne savaient exactement combien de temps après, on toqua presque timidement à la porte, et la tête de Chopper apparut dans l'entrebâillement.

« Les autres demandent s'ils peuvent rentrer la voir ? » fit-il doucement, comme s'il n'avait pas passé les dernières heures à leurs côtés mais attendait lui aussi son tour.

Blottissant la petite à demi assoupie contre sa poitrine dans ses bras, Sanji lui adressa un sourire radieux malgré sa fatigue.

« Bien sûr ! » dit-elle, puis, en caressant le nez minuscule de sa fille du bout d'un doigt. « Tu vas rencontrer le reste de ta famille. »

.

Ils avaient rarement vu Luffy aussi… incertain. La manière presque soucieuse avec laquelle le jeune homme se rapprocha du lit ne put que la faire sourire doucement. Lui, si exubérant, puissant et agité ne semblait pas trop savoir comment se comporter, décidant finalement de s'asseoir sur le rebord du lit, sans se soucier des draps poisseux et de l'état de sa cuisinière, scrutant la petite dans ses bras pour tenter d'en apercevoir le visage sans oser la déranger. Sans un mot, Zoro vint lui aussi se poster à ses côtés, et elle vit du coin de l'œil que son sourire fier ne l'avait pas quitté.

« Capitaine… » dit Sanji, presque dans un chuchotement. Ne trouvant pas quoi dire pour continuer les présentations, elle se contenta de redresser le bébé d'un rien pour qu'il puisse la voir.

Le jeune homme la considéra un instant, l'air curieux, puis demanda avec ce qui ressemblait à de l'hésitation.

« Je peux la prendre ? »

Après un instant d'hésitation -elle avait l'instinct de ne pas la lâcher-, Sanji acquiesça et la lui tendit avec précaution, la faisant s'agiter doucement avec des petits bruits de protestation qui manquèrent de lui faire changer d'avis. Luffy tendit ses longs bras sinueux pour la cueillir, son expression plutôt neutre, et la tint surélevée face à lui pour la regarder. Elle ne protesta pas plus, se contenta de gigoter ses petites jambes faiblement.

Sanji vit l'expression de son capitaine passer de l'incertitude à une joie simple, étirant ses lèvres en un sourire sans fioritures. Dans ses yeux, avant qu'ils ne disparaissent sous le rebord de son chapeau, elle vit une lueur prendre vie, dont lui seul connaissait la signification, et qui la fit frissonner. Puis il lui sourit de toutes ses dents. Le bébé sembla presque vouloir lui donner un coup de pied mais ne protesta pas, assez calme dans les mains du jeune homme.

« Shishishi… c'est votre portrait craché. »

Quand il la rendit à son étreinte, Sanji s'étonna de ces paroles -elle ne pouvait pas vraiment encore voir de ressemblance- mais n'en dit rien, habituée à ne pas toujours comprendre ce qu'il se passait dans la tête de l'homme-élastique… et plus encore lorsqu'il ajouta avec une sincérité presque solennelle.

« Merci. »

Puis ce fut le tour des autres. Usopp et Franky pleurèrent, Brook resta longtemps sans voix, et Nami et Robin semblaient rayonner de l'intérieur. Après tant d'attentions, la petite finit par se mettre à geindre faiblement, les faisant tous paniquer, Sanji en particulier.

« Je crois qu'elle a faim » fit Chopper.

« …oh. »

.

Sanji était la cuisinière de l'équipage, et son rôle était donc de les nourrir. C'était aussi sa passion, quelque chose qui lui apportait immanquablement de la joie, au-delà de la difficulté de certains plats, des essais ratés, des heures passées à trouver les meilleures associations ou découvrir et analyser de nouveaux ingrédients… Elle était habituée à créer de ses mains -en conséquence si précieuses- ce qui permettrait à sa famille de trouver l'énergie nécessaire à chaque nouveau jour, chaque aventure.

Mais cette fois, elle n'avait presque rien à faire… tout ce que ses mains faisaient, c'était soutenir son enfant tout contre sa poitrine alors qu'elle la regardait se nourrir toute seule après quelques essais, l'instinct prenant rapidement le dessus pour la pousser à téter.

C'était quelque chose presque simple, si banal, que chaque nouveau-né avait dû faire… et pourtant Sanji était émerveillée. Son corps faisait l'équivalent de ce qu'elle avait fait pendant des années sans qu'elle ait intervenir, et sa fille n'avait même pas besoin qu'elle lui apprenne quoi que ce soit. La voir téter presque goulûment, l'une de ses petites mains posées sur son sein dépassant du col de sa robe et ses paupières à peine entrouvertes dans un air de contentement, la faisait sourire béatement et oublier toutes les douleurs subsistantes de son accouchement.

Elle sentit le matelas s'enfoncer sous le poids de Zoro lorsqu'il s'assit à ses côtés, se lova contre elle et effleurant le crâne de la petite du bout des doigts.

« Elle est si magnifique » murmura Sanji. Elle sentit son sourire approbateur lorsqu'il embrassa son épaule dénudée sans détourner son regard du bébé, jusqu'à ce qu'elle semble avoir assez et se mette à somnoler contre elle. Alors seulement elle se repositionna, se laissa aller dans l'étreinte de Zoro, soutenue par son torse et ses bras solides. Elle tourna son visage vers le sien dans l'intention de se blottir contre sa gorge, et fut presque surprise lorsqu'il l'embrassa à pleine bouche, la faisant vite frissonner de tout son corps sous l'intensité du baiser alors que sa main qui avait soutenu le bébé cueillait son visage. Son cœur lui donna l'impression d'enfler impossiblement plus, ses entrailles de chauffer agréablement sous l'effet du bonheur.

De quoi de plus pouvait-elle encore avoir besoin ?

Elle pouffa de rire, mettant fin au baiser, quand son estomac répondit à cette question silencieuse en gargouillant à grande force. Alors seulement elle réalisa à quel point elle était affamée.

.

Après lui avoir apporté à manger -elle était gênée que le reste de l'équipage ait à se débrouiller sans elle, mais ils la rassurèrent vite-, Zoro l'aida à se diriger vers la salle de bains, portant leur fille éveillée dans un bras et la soutenant elle de l'autre. Elle n'avait même pas essayé de protester. Ses jambes lui donnaient l'impression de se transformer en coton, et la fatigue se rappelait à elle, mais Sanji n'en put subitement plus d'être aussi poisseuse de transpiration et des résidus de l'accouchement.

Zoro attendit dans un coin de la pièce, prêt à intervenir si elle se sentait mal, alors qu'elle se déshabillait puis commençait à se doucher, soupirant de contentement. L'eau chaude déliait ses muscles en plus de la laver alors qu'elle redécouvrait son corps. Elle restait enflée en plus de courbaturée, son ventre lui donnant l'impression d'être encore enceinte de quelques mois. Son entrejambe pulsait douloureusement par intermittence, la faisant grimacer lorsqu'elle la rinça à l'eau tiède. Elle saignait de temps à autres, comme si réglée, mais Chopper l'avait rassurée que cela était normal les premiers jours. Malgré tout, elle eut l'impression que son corps ne lui appartenait plus totalement, après ce qu'il venait d'accomplir. Elle tournait le dos à Zoro, entendait les petits bruits que produisait leur fille, et eut subitement l'envie inexpliquée d'être seule, mais elle se reprit vite puis s'essuya et s'habilla. Le soutien-gorge d'allaitement et l'épaisse serviette dans sa culotte étaient une première, mais elle commençait à se faire aux amples et longues tuniques aux cols pratiques, préférant le confort que l'élégance.

Son apparence ne devait pas être si déplorable que ça, à en croire le regard que Zoro lui adressa lorsqu'elle l'approcha une fois prête, la faisant frissonner malgré la chaleur de la douche. Elle tendit les mains vers la petite, comme subitement impatiente de la sentir contre elle à nouveau, et le jeune homme céda de bonne grâce. Au contact de sa chaleur et de son poids déjà si familier dans ses bras, Sanji sentit l'épuisement avoir raison d'elle et du peu de force subsistant dans ses jambes. Elle hoqueta en sentant des bras l'étreindre pour la soulever.

« Viens-là. »

Elle ne protesta même pas quand Zoro l'emmena, grogna faiblement pour la forme tout en se blottissant contre lui alors qu'il les portait toutes deux sans effort à leur chambre. Chopper en avait profité pour la nettoyer et les attendait, examinant rapidement Sanji et la petite dès qu'elle fut allongée.

« Tout va bien » le rassura-t-elle avec douceur. « J'ai juste envie de dormir pendant trois jours. »

Le jeune médecin lui sourit en retour. « C'est un peu beaucoup… mais tu l'as mérité, c'est sûr. »

Sur ce, il les laissa. Sanji se glissa sous les couvertures, les paupières lourdes, le bébé posé entre elle et Zoro assis juste à côté.

« Tu peux dormir » la rassura-t-elle en la voyant récalcitrante à laisser la petite hors de l'étreinte de ses bras. « Je veille sur elle. »

Elle acquiesça doucement de la tête alors qu'elle caressait doucement le petit ventre d'une main. « J'aimerais ne pas avoir à dormir… » fit-elle en bâillant. « Comme ça je pourrai continuer à la regarder… »

« Tu as toute la vie pour ça » répondit-il. « Repose-toi. »

Elle se perdit dans ses pensées un instant, avant d'ajouter. « Elle n'a pas encore de nom. »

L'une des mains de Zoro se joignit à la sienne, à peine pesante, pour qu'ils puissent sentir le petit torse se soulever et s'abaisser sous l'effet de ses respirations.

« A toi de choisir. »

Un peu surprise, elle releva le regard vers lui, mais ne trouva que son petite sourire, qui semblait devenir permanent, adoucissant son sérieux habituel sans pour autant l'effacer. Sanji sentit son cœur papillonner.

« Je pensais…je… j'aimerais lui donner le nom de ma mère. »

Si sa fille devait hériter d'une seule chose des Vinsmoke, elle souhaiterait que ce soit ça. Rien de plus. Comme elle tenait tout de sa mère, aussi court leur temps passé ensemble soit-il. Sans elle, sans son amour infaillible, elle ne se tiendrait pas là, avec un mari -elle ne se faisait toujours pas à l'idée- et un enfant à elle. Sa mère avait eu beau être malade depuis ses premiers jours, elle avait puisé en elle la force nécessaire pour apprendre à aimer la vie, quoi qu'il arrive.

« Sora ? » demanda Zoro.

Sanji fut presque surprise qu'il s'en souvienne. Mais au final, il lui avait montré à plusieurs reprises que derrière ses airs bourrus, il était particulièrement attentif voire perspicace… mais ça elle ne l'avouerait pas de vive voix, bien sûr.

« Roronoa Sora… » continua-t-il en contemplant la petite, l'émotion dans sa voix balayant tous ses doutes et lui faisant prendre conscience qu'il comprenait l'impact de cet instant sur elle. « Ça sonne plutôt bien, non ? »

Sanji ne put que lui sourire avant que le sommeil ne s'empare d'elle.

.

Cependant, ils avaient omis quelque chose… ou plutôt ils n'en avaient pas encore conscience, tous deux peu soucieux de leurs lignages, mais le véritable nom de leur fille était Roronoa D. Sora.


La dernière arrivée dans l'équipage avait beau être petite, elle devint presque autant le centre de leurs préoccupations que leur but commun. Elle grandissait de jour en jour, ses traits se précisant à quelques semaines seulement, quand ses yeux sombres prirent un reflet presque métallisé sous des sourcils rectilignes, et ses cheveux s'éclaircirent pour devenir verts comme ceux de son père, à qui elle se mit à ressembler instantanément.

« C'est bien un Petit Pois, je l'avais dit ! » clamait fièrement Luffy, à l'amusement de tous.

Le capitaine semblait particulièrement attaché au nouveau-né, la prenant dans ses bras dès qu'on lui en donnait l'autorisation, faisant preuve d'une délicatesse avec l'enfant qui les rassura tous et laissa les parents enclins à ce qu'il lui raconte tout et n'importe quoi. Sora laissait déjà transparaitre une certaine curiosité, observant tout de ses grands yeux lorsqu'elle n'était pas occupée à dormir ou manger, ses principales activités. Le reste de l'équipage n'avait guère le cœur à réclamer leur part de temps avec la petite tant leur capitaine semblait captivé et enthousiaste.

Ce fut au point que Sanji et Zoro décidèrent de proposer à Luffy de devenir son parrain, et ils crurent qu'il allait -littéralement, comme un ballon- exploser de joie. Il devait cependant la laisser à ses parents l'écrasante majorité du temps, et il s'avéra vite que, tout autant que Sanji, Zoro semblait ne pas pouvoir se passer de sa fille, bien qu'il soit bien moins expressif qu'elle à ce niveau. Si Sanji s'extasiait sur les moindres faits et gestes de Sora, non sans rappeler ses réactions face à la gente féminine, Zoro se contentait de sourire et de quelques mots, mais était étonnamment affectueux dans ses gestes.

Sanji avait pris l'habitude de porter Sora en bandoulière ou sur son dos dans une grande écharpe, libérant ainsi ses mains pour pouvoir travailler sans pour autant se séparer de sa fille. Zoro, lui, en pris une autre qui l'attendrit lorsqu'elle la vit pour la première fois.

Elle sortait de sa cuisine, étonnée de ne pas encore avoir entendu de cris affamés, lorsqu'elle les surprit. Zoro était à demi allongé contre le mât, Sora blottie sur son torse, tous deux assoupis. Dans son sommeil, il gardait une main posée sur le dos de sa fille pour l'y maintenir avec douceur, et Sanji resta figée à cette vue, vite submergée par la tendresse alors qu'elle contemplait la scène qui deviendrait vite récurrente, et la ferait toujours sourire. Voire même rire les quelques fois où le bébé tenta, en vain, de téter Zoro, plus amusé que perplexe.

« Ça » intervenait alors Sanji en pouffant de rire, « ça veut dire qu'il est temps que tu me la rendes. »

.

Lors d'une escale sans encombre, où ils en profitèrent entre autres pour acheter de nouveaux vêtements à Sora en prévoyance des mois à venir sous l'œil expert de Nami -qui s'était trouvé une passion nouvelle pour le stylisme pour bébé-, ils attirèrent inévitablement l'attention. Sanji ne put retenir une certaine anxiété à l'idée que le monde apprenne qu'elle avait une petite fille, dont la couleur de cheveux ne laissait plus aucun doute sur l'identité du père en plus de son propre changement de nom, car cela lui rappela à quel point le gouvernement pouvait haïr les pirates qu'ils étaient.

« Ne t'inquiète pas » fit Luffy, toujours confiant, en comprenant la raison des traits tirés de sa cuisinière lors de leur départ. « Petit Pois est sous ma protection. Et ses parents sont super balèzes ! »

Elle y repensa le soir-même en déposant Sora dans son berceau, construit par Franky et Usopp et étonnamment sobre, mais très pratique et visiblement peaufiné avec attention. La balançant doucement, elle la regarda s'assoupir sur le ventre, en pensée de plus en plus certaine dans son esprit : Luffy avait raison. Et elle ne laisserait jamais quiconque toucher à un seul de ses cheveux.

La porte s'ouvrit et elle reconnut Zoro au bruit de ses pas avant qu'il ne vienne se poster à ses côtés, glissant doucement un bras autour de sa taille, son seul œil diriger vers la petite qui dormait à présent paisiblement. L'attirant contre lui, solide et puissant, elle se rappela qu'elle avait épousé un monstre… au sens légendaire du terme. Un surhomme craint et respecté à la fois, qui n'avait toujours pas fini de progresser… et duquel elle était l'égale.

Elle voulut se glisser un peu plus dans son étreinte, mais une pensée prima dans son esprit.

« Je peux te demander quelque chose ? » fit-elle.

« Hm ? »

« Je veux qu'on se batte. »

Il la considéra, sembla lire dans son visage ce qu'elle ne disait pas. Son incertitude d'avoir gardé sa puissance, de toujours être aussi forte qu'avant que sa grossesse, puis sa maternité, ne la forcent à un semi repos. Un sourire étira un coin de la bouche du jeune homme, et Sanji n'eut pas besoin de réponse vocale, prenant le double de l'escargophone qui leur servait à garder une oreille sur Sora pendant que Zoro prenait ses sabres, avant de mener la marche vers le pont, où ils se postèrent chacun à une extrémité. Leurs camarades semblèrent comprendre en silence, s'éclipsant discrètement pour les laisser entre eux.

Sanji pensa un instant à la robe courte qu'elle portait, se dit qu'elle pouvait probablement retrouver ses fidèles leggings, à présent, et en sourit, prenant sa posture de garde nonchalante habituelle, les sens aiguisés et l'excitation au ventre face à la familiarité de la situation alors que Zoro enlevait son kimono, gardant juste pantalon, ceinture et sabres, et prenait lui aussi position.

La première chose à laquelle elle pensa en grimaçant, cependant, quand ils foncèrent l'un sur l'autre et qu'elle se renversa sur ses mains pour lui asséner un coup-de-pied, fut qu'elle aurait dû acheter un soutien-gorge au maintien bien plus important lorsqu'ils étaient sur l'île. Mais à part cette… nouveauté, son excitation enfla bientôt lorsqu'elle constata que rien n'avait changé.

Et Zoro ne se retenait pas. Et elle lui rendait coup pour coup, retrouvant presque instantanément leur dynamique familière. Sanji commença à s'essouffler, et les muscles de ses jambes chauffaient plus rapidement, mais elle tint bon, chacun de ses coups infaillible, grisée par leurs échanges au point de sourire comme une débile. Ça aussi, il le lui rendit, jusqu'à ce que, peu à peu, leurs coups s'alourdissent comme leurs regards, et la sensation dans son ventre. Jusqu'à ce qu'elle danse plus qu'elle ne se batte, et qu'il ne se glisse délibérément dans les ouvertures qu'elle lui laissait, sabres de plus en plus abaissés, presque superflus, les rengainant et déposant un à un jusqu'à-ce qu'elle se laisse plaquer -ou plutôt repousser- contre un mur, le souffle court et une jambe à peine relevée dans un air faussement offensif.

Cette même jambe, elle la glissa autour de sa taille juste après qu'il ne commence à l'embrasser, s'arrêtant à peine pour lui permettre de reprendre sa respiration alors qu'elle haletait encore mais rapidement pour une autre raison.

Cela faisait si longtemps… Sora avait presque trois mois, et déjà quelques semaines avant sa naissance ils n'avaient plus été intimes, soit fatigués, soit préoccupés…

Trop longtemps, pensa-t-elle lorsqu'elle sentit ses mains chaudes glisser sous sa robe relevée pour la saisir sous les fesses. Elle suivit le mouvement, enlaçant sa taille de ses cuisses et ses épaules de ses bras alors que le désir embrasait ses entrailles et précipitait ses baisers. Zoro grogna pour toute réponse, sa gorge vibrant sous ses doigts, avant de l'emmener vers leur chambre où il eut vite fait de la déposer sur le lit après avoir refermé la porte un rien trop fort d'un revers de pied.

« Shhh » pesta Sanji faiblement, desserrant son étreinte lorsqu'il la lâcha. « Tu vas la réveiller. »

Zoro avait déjà profité de son relâchement pour embrasser l'intérieur de ses genoux, remontant dans une intention claire alors que l'une de ses mains remontait sa robe. Elle sentit la chaleur de son souffle contre sa cuisse lorsqu'il répondit.

« Alors essaye de ne pas crier trop fort. »

Provoquée, et en même temps prise d'un élan d'inconfort qu'elle ne comprit pas encore lorsqu'il voulut découvrir son ventre, Sanji l'attira à elle par la nuque, les yeux brillants de défi.

« Excuse-moi » fit-elle avant de l'étreindre de ses cuisses et d'utiliser sa force pour les renverser, mais sans qu'il ne fasse quoi que ce soit pour l'empêcher de se placer à califourchon sur son ventre. Ses mains glissèrent presque instantanément sur les muscles saillants de son torse, comme pour s'assurer qu'elle en connaissait toujours les reliefs par cœur. « Mais je ne suis pas aussi bruyante que ça ! »

« Shhh » l'imita-t-il, avant de glisser à nouveau une main sous ses vêtements pour pétrir l'une de ses fesses. « Dis-ça moins fort. »

« Tsss… » protesta-t-elle, mais faiblement, car il s'était tendu vers elle pour commencer à mordiller sa gorge en même temps, ses lèvres descendant vers son décolleté comme pour détourner son attention de son autre main-

-Sanji attrapa son poignet lorsqu'il fit à nouveau mine de vouloir lui enlever sa robe, préférant le diriger vers le rebord de sa culotte déjà trempée, mais Zoro n'était pas dupe. Il se suspendit, redressa la tête pour croiser son regard.

« Qu'est-ce qu'il y a ? »

Sanji se mordit la lèvre alors que l'appréhension qui était apparue en elle lorsqu'elle avait senti ses paumes sur sa peau se précisa, et qu'en même temps elle eut honte de penser ça… Mais son corps avait tellement changé ces derniers temps, qu'elle ne put empêcher une sorte d'incertitude de s'emparer d'elle.

« Je… » cafouilla-t-elle. « C'est stupide… mais… » La main qu'elle avait fini par lâcher, et qui s'était posée sur sa cuisse pour la caresser doucement sembla l'encourager en silence.

Il l'avait vue s'arrondir lorsqu'elle portait Sora. Il l'avait vue accoucher, puis se remettre d'un tel exploit dans les jours qui avaient suivi. Il la regardait allaiter à chaque fois avec une sorte de contentement, et maintenant, il la désirait tout autant… alors pourquoi voulait-elle éviter de se déshabiller devant lui maintenant ? Eviter qu'il la touche là où son corps avait le plus changé, alors qu'elle lui faisait une confiance absolue ?

Encouragée par ces pensées, elle soutint son regard lorsqu'elle choisit de relever sa robe elle-même, doucement, ses joues bientôt brûlantes lorsqu'elle jeta le vêtement derrière elle et sentit son regard dévorant sur sa peau comme une caresse.

Son ventre avait déjà repris son apparence d'autre fois, bien que les reliefs de ses muscles soient un peu plus discrets, mais la peau de part et d'autre de son bassin était orné de fines déchirures. Zoro les traça du bout des doigts sans que ses lèvres ne se défassent de leur ombre de sourire, la poussant ensuite à dégrafer puis enlever son soutien-gorge, bien qu'elle eût presque instantanément le réflexe de croiser les bras sur sa poitrine alourdie et de détourner son regard du sien, les joues brûlantes.

Après de longues secondes, Zoro se redressa, l'une de ses mains remontant sa colonne vertébrale à mi-chemin pour l'attirer contre lui avant qu'il ne l'embrasse, murmurant tout bas contre ses lèvres.

« Tu es magnifique. »

Il parcourut le relief de sa mâchoire, puis descendit les muscles de sa gorge, et Sanji se dit qu'elle avait été stupide de penser qu'il la rejetterait. Elle s'assit un peu mieux sur lui lorsqu'il atteignit le commencement de sa poitrine, sentit son érection sous elle alors qu'il murmurait encore une fois avant d'embrasser l'un de ses seins qui frémissait sous ses halètements.

Elle laissa ses doigts se perdre dans ses cheveux courts alors qu'il dirigeait toute son attention vers sa poitrine, à présent ultra-sensible pour une autre raison que celle à laquelle elle s'était habituée ces derniers temps, jusqu'à ce que l'excitation croissante finisse par les pousser vers la ceinture et le pantalon sous ses cuisses pour les défaire. Elle le déshabillait avec des gestes un rien frénétiques, puis fit de même avec son dernier vêtement, se rasseyant sur lui avec un empressement certain quand une sensation particulière la fit s'interrompre. Puis grogner, mortifiée.

Elle aurait dû se douter que… stimuler sa poitrine ferait monter son lait.

« Oups… je suis désolée » cafouilla-t-elle, les joues encore plus brûlantes, faisant mine de s'écarter, « je… »

Mais les mains de Zoro enlacèrent ses hanches fermement pour l'empêcher de s'emporter alors qu'il dirigeait à nouveau son visage vers sa poitrine. Puis elle sentit ses lèvres et sa langue s'afférer.

« Oh » souffla Sanji lorsqu'il remonta le tracé humide d'un côté, puis de l'autre, alors qu'une constatation s'affirma quand il redoubla d'attention sur ses seins, la faisant bientôt onduler doucement son bassin d'instinct, consciente de la fermeté et la chaleur de son corps entre et sous ses cuisses. « T'aimes ça, en fait ? »

Il embrassa l'un de ses mamelons durcis pour toute réponse alors qu'elle étreignait sa tête de ses bras, l'attirant plus encore à sa poitrine.

« Petit pervers… » le taquina-t-elle avant de redresser son visage vers le sien, et embrasser son sourire malicieux. Ils se perdirent vite dans le baiser, s'attardant de longues minutes jusqu'à la rendre pantelante, les mains de Zoro descendues sur ses fesses de plus en plus insistantes.

Un regard brûlant, presque suppliant suffit à l'inciter à la soulever suffisamment pour qu'il se prenne en main, s'immisce en elle et la laisse retomber doucement, presque tortueusement. Il expira contre sa gorge, elle se mordit la lèvre inférieure, et ils restèrent un instant ainsi, à savourer l'instant, avant que Sanji ne demande presque timidement, à peine audible.

« Je te veux au-dessus. »

Il lui adressa un bref regard, sembla comprendre, la laissant glisser sous lui et se replaçant sans perdre contact. Elle l'étreignit comme si elle avait peur qu'il ne parte.

Cela faisait si longtemps qu'elle ne l'avait pas senti comme ça, imposant au-dessus d'elle, son poids l'enfonçant dans le matelas et écartant ses cuisses alors qu'il commençait à aller et venir doucement. Sa grossesse avait rendu cette position impossible lors des derniers mois, et le sentiment de proximité, d'intimité qu'elle procurait…

Elle pouvait le regarder tout du long. Elle pouvait l'embrasser. Elle pouvait dévaler les muscles de son dos de ses mains, triturer ses cheveux, puis saisir ses fesses pour les sentir se contracter et décontracter en un rythme lent mais constant. Elle pouvait le laisser avaler ses soupirs alors que le plaisir croissait déjà en elle et continuer à le tenir tout contre elle jusqu'au bout…

Malgré tous ses efforts, l'intensité de leurs ébats finit par lui arracher un couinement étranglé, bientôt perdu dans un long soupir qui s'étira jusqu'à ce qu'il jouisse à son tour. Quand il se laissa retomber, il prit tout de même soin de ne pas trop écraser sa poitrine, et l'attention la fit sourire alors que ses doigts jusqu'alors crispés dans ses cheveux se mettaient à le caresser.

Après de longues minutes passées à apprécier l'instant et la présence de l'autre en silence, Zoro se repositionna d'un rien et se remit à l'embrasser longuement, sans relâche, et Sanji se crut assoiffée, en demandant encore et encore, chaque baiser faisant enfler un peu plus son cœur.

.

Une dizaine de jours plus tard, Chopper vint la trouver, l'air hésitant.

« Sanji… je peux te demander de venir avec moi ? Je crois que… »

Zoro la retrouva un peu plus tard dans l'infirmerie, les yeux légèrement écarquillés, les joues roses et une main sur la bouche.

« Tout ça c'est de ta faute » souffla-t-elle en réponse à la panique silencieuse sur son visage.


Quand Sora commença à ramper, ce fut le branle-bas de combat sur le Sunny alors que tout l'équipage comprenait ce que pouvait impliquer un bébé vagabond et doublé d'une curiosité sans borne. C'est à ce moment aussi que Sanji remarqua une sorte de phobie inexpliquée de Zoro pour les escaliers, mais qui ne s'appliquait pas exactement à lui. Usopp et Franky eurent vite fait de rendre le navire sauf à déambuler, allant même jusqu'à mettre des puces dans les pyjamas de Sora pour suivre ses mouvements. Sanji en aurait ri si sa fille n'avait pas en effet la fâcheuse manie de disparaître dès qu'elle avait le dos tourné.

Souvent, c'était Luffy qui la retrouvait avant que les deux bricoleurs n'en viennent à utiliser leur technologie d'espionnage. Et avec une facilité étonnante, comme s'il partageait la manière de voir le monde qu'avait Sora, en quelque sorte. La complicité qu'il avait avec sa fille poussa même Sanji à lui demander s'il n'avait pas envie d'avoir ses propres enfants -elle ne savait par quel miracle, cependant-, un jour.

Il la considéra sérieusement un instant, avant de sourire jusqu'aux dents. « Non, pas besoin. Sora est là. »

.

A dix mois et demi, Sora essayait de s'agripper aux jambes de l'équipage et gazouillait comme un oiseau. Une semaine plus tard, elle tenait debout sur ses jambes et semblait découvrir un monde différent, à en croire la lueur dans ses grands yeux quand elle relevait la tête vers le ciel.

Quand elle la vit lâcher les bras de Zoro, accroupi près d'elle, et faire quelques pas dans sa direction avant d'atterrir sur ses fesses, l'air surprise, Sanji en eut les larmes aux yeux.

Enfin, peu après le premier anniversaire de Sora, ce fut au tour de Kuina de voir le jour. Il suffit à ses parents de la voir pour la première fois pour balayer les doutes quant à leur capacité de s'occuper de deux enfants si proches en âge. Malgré tout, ils prirent tout de même un peu plus de précautions à l'avenir.

La naissance de Kuina avait été difficile, laissant mère et enfant en convalescence pendant quelques longues journées. C'est à cet instant que Sanji découvrit une autre facette de Zoro, enfuie depuis longtemps comme il l'aurait fait d'un traumatisme. C'est aussi alors qu'elles semblaient tirées d'affaire qu'elle réussit à le faire s'ouvrir, et apprit l'histoire derrière le prénom qu'il avait choisi de donner à leur petite dernière lorsqu'elle avait dit que c'était son tour.

.

Peu après, Sora fut kidnappée lors d'une escale où des soldats de la Marine profitèrent de sa curiosité et sa propension à se carapater dès que quelque chose attirait son attention. Ce fut aussi la première et dernière fois qu'ils osèrent tenter quoi que ce soit envers les enfants de l'équipage du Chapeau de Paille, tant le carnage qui s'en suivit fut considérable. Au point de rendre toute reconstruction de leurs quartiers impossible, le sol lui-même devenu instable. Quand la petite retrouva ses parents, elle dit son premier mot, un simple « baba » qui donna lieu à une dispute entre pro « papa » et pro « mama », mais qui ne dura guère tant ils étaient soulagés de l'avoir à nouveau à leurs côtés.

.

Deux ans et demi plus tard eut lieu la naissance d'Umi, peu après leur découverte d'All Blue sur la piste du deuxième Road Ponéglyphe.

« C'est la dernière » avait protesté Sanji, quoique faiblement. Les temps se faisaient durs, et malgré leur puissance, les risques qu'ils prenaient et auxquels les enfants étaient exposés allaient croissant.

A la surprise générale -mais pas des concernés-, une autre grossesse fut annoncée, mais ce ne fut pas la sienne. Robin et Franky eurent des jumeaux, Tommy et Oliver, ajoutant deux têtes bleues et brûlées à leur équipage.

Quand Sanji demanda à Robin si elle ne craignait pas de mettre des enfants au monde durant des temps si perturbés, l'archéologue se contenta de lui sourire doucement, en contraste avec l'éclat d'incertitude dans ses yeux.

« Tant que c'est possible… vivons. »


« Maman ! Regarde ! » s'exclama Kuina sur ses genoux, désignant un poisson multicolore du bout de son doigt qui venait de surgir hors de l'eau.

« Oh c'est encore un nouveau je crois ! » fit Sanji, balançant doucement ses pieds nus dans l'eau au bord du ponton. « Bien vu ! Tu devras le décrire à Papy pour être sûre. »

Kuina lui sourit de toutes ses dents de lait, avant que quelque chose ne capte son attention par-dessus son épaule et la fasse se relever rapidement du giron de sa mère, non sans prendre garde à son ventre enflé.

« Papaaa ! »

Se retournant, Sanji vit Zoro arriver en plus de l'avoir senti, Umi agrippée à ses épaules telle un poulpe, comme à son habitude. Kuina l'imita en visant sa jambe, à renfort de cris de guerre. Mais leur père ne fit que rire, soulevant sa deuxième fille avec facilité.

« C'est l'heure de ma leçon ! » piailla-t-elle alors que sa cadette dirigeait son attention sur ses cheveux, les tiraillant au point de presque le faire grimacer.

Sanji sourit doucement à cette vue en se relevant. Elle lui avait pourtant dit de se couper les cheveux comme avant pour éviter pareil scénario… mais en secret, elle aimait ses mèches un rien plus longues, qui avaient pris le pli du vent marin. Toutes leurs filles tenaient d'ailleurs de lui, chacune arborant un tignasse d'une nuance de vert plus ou moins foncée que la sienne.

Zeff se plaisait à dire que ce n'était pas une famille qu'elle avait, mais un potager. Lorsqu'il n'était pas occupé à faire le papy-gâteau. C'était comme si l'âge lui avait enlevé tout semblant de gêne subsistant, lui faisait exprimer envers ses petites filles toute l'affection qu'il n'avait osée expliciter à son égard avec une facilité presque déconcertante. Et ce, dès le premier jour où, alors qu'il venait la rejoindre à All Blue -après avoir décidé que ce serait un lieu de retraite somme toute acceptable- après toutes ces années, il lui était passé sous le nez en réclamant : « où sont mes princesses ? »

Elle l'avait d'abord engueulé de ne pas lui accorder ne fut-ce qu'un seul câlin après tout ce temps, mais le voir émerveillé par Sora et Kuina avait vite mis fin à ses jérémiades, les remplaçant par un sourire radieux… qui s'agrandit quand il lui demanda après, ayant fait mine de remarquer enfin sa présence, si elle n'était pas gênée d'avoir englouti autant de nourriture pour être aussi volumineuse, avant que la réalisation ne lui donne des larmes aux yeux lorsqu'elle avait pris sa main en soupirant pour lui faire sentir les coups de bienvenue d'Umi.

Il avait fini par pleurer, l'étreignant de son mieux, et Sanji avait compris après quelques sanglots que ces derniers lui étaient bien dédiés.

Depuis lors, la maison que Zeff s'était construite au bord de cette mer rêvée -qui s'était vite vue agrandir d'un tout petit restaurant pour les voyageurs égarés parce que oui, malgré la retraite et ce qu'il pouvait bien prétendre, nourrir les autres lui était aussi naturel que de respirer- était devenue une sorte de point de repère, de chute pour l'équipage. Le fait qu'elle se trouvait à un point géographique assez stratégique dans leur recherche de plus en plus palpable du One Piece n'y était qu'en partie pour quelque chose.

Sanji fut tirée de ses souvenirs quand, en réponse au tintamarre familier de ses sœurs, elle sentit son quatrième -et dernier, cette fois, elle en était sûre…- s'agiter dans son ventre au point de la faire souffler sous un coup bien senti.

« Bien visé, Wasabi » marmonna-t-elle tout bas, utilisant le surnom que lui avait attribué Luffy. « Ça, c'était ma rate. »

« Je dois parler à ta mère d'abord » répondit Zoro à sa deuxième, qui avait à peine commencé à lâcher prise. « Va déjà te préparer. »

« J'viens aussi ! » clama Umi en dégringolant des larges épaules de son père avec une agilité digne d'un singe avant de courir après Kuina. Sanji sourit en regardant les deux petites têtes vertes -l'une deux, l'autre un ton plus sombre que leur père- s'élancer vers le centre de l'île sur leurs jambes encore potelées.

« Où est Sora ? » demanda Sanji alors qu'il se rapprochait, mais en se doutant déjà de la réponse.

« Avec Luffy. »

Depuis ses premières heures, leur ainée avait toujours été plus que bien entourée, au point qu'elle considérait en quelque sorte tous les autres membres de l'équipage comme des parents, d'une manière ou d'une autre. Son premier mot, le fameux « baba », elle l'avait d'ailleurs pendant longtemps appliqué à tous, même lorsqu'il s'avéra rapidement que c'était bien de ses véritables parents qu'elle était la plus proche. Cette enfant semblait avoir une affection sans bornes, sans limites… et elle avait tout aussi rapidement développé un lien unique avec leur capitaine.

Sans pouvoir réellement l'expliquer, Sanji se disait que c'était comme s'ils… se comprenaient, en quelque sorte. Comme si Sora pouvait suivre Luffy quand ses pensées et actions leur échappaient à tous, en plus d'être des compagnons de jeux et d'aventures insatiables. Cela n'étonnait d'ailleurs personne, car à bientôt sept ans, leur Petit Pois démontrait une intelligence vive, multiple, qui ne pouvait que les rendre fiers. Mais elle restait une enfant, assoiffée de découverte et meneuse de leur nouvelle génération. Au point que parfois, quand elle la regardait et se laissait aller à penser au futur dans ces temps troublés, Sanji s'en voyait apaisée.

« Tu voulais me parler ? » fit-elle en adressant un sourire espiègle et plein de sous-entendus à son mari.

Il l'embrassa, quoique trop brièvement à son goût. Et elle retrouva vite son sérieux sous la détermination dans son regard.

« Je suis prêt. »

Elle n'eut pas besoin de le questionner, savait déjà ce qu'il voulait dire par-là. Posant une main sur son ventre inconsciemment -cela lui était devenu si naturel-, elle ne put cependant retenir un petit soupir en plus de son anxiété.

« Tu sais où il est ? »

« Peut-être. J'ai une piste… et elle concorde avec celle que nous allons prendre. »

Elle voulait lui demander d'attendre après la naissance du bébé, mais elle savait que ce serait inutile. Pire, ce serait cruel de sa part. Tous avaient leur rêve, leur raison de vivre, et elle ne pouvait pas lui demander de mettre de côté le sien quand elle avait déjà découvert All Blue. Ils savaient à quoi ils s'étaient engagés en se mariant, et puis en mettant Sora au monde.

Leur famille, leurs nakama étaient ce qu'ils avaient de plus précieux… mais leurs rêves les faisaient tenir debout. Desquels il s'agissait, cela était bien connu…

Mais en silence, une chose était d'autant plus certaine : plus encore que leurs rêves, ce qui les faisait avancer était devenu leur but commun.

« J'ai promis de ne plus perdre » rappela Zoro en lui caressant la lèvre inférieure, comme pour en effacer le souci qu'elle ne put totalement dissimuler et qui la fit rougir de honte.

Sanji acquiesça doucement de la tête. Elle ne lui ferait pas l'insulte de douter de lui, inquiétude ou non.

.

Au matin du combat entre Zoro et Mihawk, Sanji avait senti les premières contractions, mais avait choisi de ne rien en montrer, de ne rien faire pour le distraire… Mais lorsque la douleur commença à l'affaiblir au point que ses jambes se dérobent elle s'éclipsa discrètement, rassurée par le fait que les deux adversaires semblaient en cet instant coupés du monde. Même ses filles, qui avaient demandé à assister au combat de loin, étaient si obnubilées -Kuina la plus visiblement impressionnée- qu'elles ne remarquèrent pas leur mère et Chopper s'éloigner.

Tout fut interminable. Au final, Sanji était presque certaine d'avoir répandu plus de sang que lui, mais pour une fois, exceptionnellement, la compétition entre eux était bien moins vivace. Jamais encore elle n'avait ressenti une telle douleur en accouchant, au point que Chopper lui prit la main, sa voix étonnamment solennelle.

Egoïstement, elle aurait voulu que ce soit la main de Zoro qui tienne la sienne, mais elle se raccrocha au petit médecin avec une force insoupçonnée, même lorsque la sédation l'assomma alors qu'il s'apprêtait à lui faire une césarienne d'urgence -c'était son tour de se faire éventrer et d'en garder une cicatrice-, pour son bien à elle. Visiblement, ses derniers combats avaient été plus rudes qu'elle ne l'avait cru…

Malgré l'épuisement qu'elle ressentait dans chaque parcelle de son corps, ses doigts ensanglantés ne tremblèrent pas lorsque Chopper lui remit le nouveau-né dans les bras avec une infinie précaution. Alors qu'elle se perdait dans la contemplation de sa dernière fille, qui hurlait comme un beau diable, elle en oublia tout le reste un instant. Puis le besoin de le voir, de savoir s'il était sauf, se fit impérieux en elle au point qu'elle en sanglota, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas, au risque de le déconcentrer une précieuse seconde. Elle savait à quel point il aimait ses enfants, au point de se détourner à un instant fatidique, même le temps d'un souffle fatal. Elle ne lui ferait pas ça.

Elle attendrait qu'il revienne.

Et c'est ce qu'il fit, au final moins ensanglanté qu'on aurait pu le croire, en comparaison à des combats précédents. Si ce n'était pour la coupure sur son front, qui saignait abondamment, faisant ressortir son œil écarquillé sous l'euphorie de l'affrontement. Hela continua à pleurer comme une damnée dans ses bras lorsqu'il se rapprocha, démontrant une vivacité incroyable même après une naissance aussi difficile, comme si tout cela ne faisait que la révolter, mais Zoro ne fit qu'en sourire plus encore, caressant le petit front plissé avec des doigts aussi doux qu'ils avaient été léthaux peu avant.

Nombreux sont ceux qui auraient fui à la vue presque démoniaque du nouveau meilleur escrimeur au monde, mais Sanji, elle, devait être elle aussi particulièrement monstrueuse pour n'éprouver qu'une joie et un amour immenses en sa présence. Au point qu'elle ne pensa même pas à le repousser et lui dire avec un soupçon de malice qu'il goûtait le sang et la sueur quand il l'embrassa.


Dans un monde en pleine révolution, les surprises, de toutes natures, étaient le lot du quotidien. Que ce soit les petits tracas, et les joies moins petites de voir des enfants grandir malgré tout, ou les nouvelles qui chamboulent les vies.

Quand Sanji regardait ses quatre filles, elle ne pouvait voir que le meilleur, aussi subjective soit-elle. Et, un jour, elle réalisa avec bonheur ce qu'on lui disait depuis longtemps : elles lui ressemblaient. Autant qu'elles ressemblaient à leur père, avec leurs chevelures et leur pugnacité. Elles avaient chacune leur propre visage, et une lueur particulière dans le regard sous des sourcils droits, mais quelques secondes d'attention suffisaient à y déceler les traits de l'un et de l'autre. Elle pouvait voir son sourire à elle dans un coin de leurs lèvres, son sourire à lui dans l'autre. En les contemplant, elle ne pensait plus au passé, à sa propre enfance qui l'avait presque faite cracher sur le mot-même de famille avant qu'elle ne rencontre Zeff, puis Luffy. Encore moins au nom et à l'héritage qu'elle avait rejetés depuis longtemps.

Sora était autant un parfait équilibre entre Zoro et elle, qu'elle était sa propre personne.

Avec ses propres rêves.

Elle grandit au sein de l'équipage de pirates bientôt le plus célèbre de ces temps, tour à tour confrontée aux réalités les plus dures de la vie, comme ses merveilles les plus pures. Sa joie de vivre n'avait d'égale que sa vivacité d'esprit, laissant parfois entrevoir une maturité sans âge derrière son sourire contagieux et lumineux, qui valait à Sanji toutes ses peines.

.

« Est-ce que tu as un rêve ? »

Sora, assise derrière la tête de Sunny, ses longues jambes croisées à la naissance de sa crinière de bois, détourna son regard de l'horizon pour le diriger vers sa cadette.

« Hum ? »

« Tu ne nous l'as toujours pas dit ! » renchérit la petite fille.

« T'as enfin choisi le tien, alors ? » la taquina l'adolescente.

« Yep ! Je vais être une archéologue-exploratrice-aventurière ! »

Sora sourit, descendit pour caresser la petite tête entre ses tresses d'un vert tendre, plus clair que les siens qu'elle portait très courts -c'était bien plus pratique pour naviguer et se faufiler partout- en ignorant les protestations qui fusèrent lorsqu'elle plaisanta. « Tout un programme. »

« T'as pas encore répondu ! »

Son sourire ne fit que s'agrandir encore plus, devenant digne de celui de son parrain.

Kuina voulait emprunter le chemin de leur père et devenir la meilleure escrimeuse au monde, ou du moins, atteindre le niveau probablement insurpassable qu'il avait atteint, devenant ainsi son successeur. Umi voulait naviguer tous les océans, mers et lacs de ce monde, et en étudier les espèces animales, laissant à Hela la partie concernant les êtres humains et humanoïdes.

Quant à elle…

.

Ils trouvèrent le One Piece. Et au final, ce ne fut pas seulement la fin de leur aventure, mais le catalyseur des changements du monde. Un monde dans lequel leurs enfants joueraient un rôle primordial, de ça, Sanji n'en avait aucun doute.

Elle comprit mieux à ce moment les intentions de son aînée, après la stupeur du début, il y a quelques années. A bientôt dix-sept ans, elle s'apprêtait à emprunter son propre chemin. Sanji avait envie de la retenir, devait se faire violence pour s'en empêcher.

Des mains qu'elle ne connaissait que trop bien se posèrent sur ses bras, une bouche sur sa nuque.

« Arrête de t'inquiéter » souffla Zoro.

Elle grogna, mais ne démentit pas plus.

« Ça va faire bizarre, sans elle » finit-elle par dire, se laissant aller dans l'étreinte. « Elles grandissent toutes si vite ! »

Il sourit contre sa peau, rajouta. « Kuina va rester un peu plus longtemps qu'elle je pense, si ça peut te rassurer. »

« Elle finira bien par se lasser des corvées que tu lui donnes à la place d'exercices et s'enfuir, tu vas voir ! »

Il rit doucement. « Très probablement. Mais elle reviendra. Elles reviendront toutes. Et Sora est incroyablement forte. »

Sanji se blottit un peu plus contre lui, s'enveloppa dans ses bras qu'il resserra sans rien ajouter, laissant un silence confortable s'installer alors qu'ils profitaient de la présence de l'autre.

« J'ai fait ma visite de routine chez Chopper » finit-elle par dire après avoir hésité quelques minutes, une fois cette pensée à l'esprit.

« Hm ? »

« Il… il dit que j'ai peut-être récupéré. D'après Hela. »

Son dernier accouchement il y a presque dix ans, ainsi que les combats qu'ils avaient menés avaient poussé leur médecin à lui annoncer que, même si elle le voulait, elle ne pourrait probablement pas avoir d'autres enfants. A ce moment, elle avait ri en disant qu'elle en avait déjà bien assez sur les bras, mais à présent, alors que sa petite dernière commençait à prendre des airs de petite femme et que son aînée s'apprêtait à prendre les rênes de sa vie en main, elle douta.

Zoro la retourna doucement pour lui faire face, les sourcils légèrement froncés, ses mains chaudes et rassurantes ne quittant pas sa taille.

« Tu en veux un autre ? » fit-il avec un petit sourire, comprenant rapidement ses insinuations.

« Ça ne t'étonne pas plus ? Je pensais… »

« Tu sais que je suis toujours partant pour essayer. » Son air faussement sérieux fut trahi par son sourire espiègle qui en disait long et poussa Sanji à frapper son torse, mais sans entrain.

« Pfff. Gamin. »

Il continua à sourire quelques instants, resserra sa prise autour d'elle alors qu'elle caressait distraitement sa cicatrice à travers les pans de son kimono noir, toujours bien visible après tout ce temps, avant de se faire plus sérieux et chercher le regard de la cuisinière.

« Tu le veux vraiment ? »

« Je… je ne sais même pas si je pourrais encore, même si… »

Après tout, elle approchait tout doucement de la quarantaine. Ce n'était pas aussi simple.

Une main sur sa joue la tira de ses préoccupations et lui arracha un faible et peu convaincant « …je ne sais pas. »

.

Mais la première fois qu'ils firent l'amour après cette conversation, alors qu'il allait et venait en elle avec une langueur qui la faisait soupirer sans fin, quelque chose de plus que le plaisir se fit sentir en elle, la poussant à s'agripper un peu plus à lui, à soutenir son regard et soupirer, frémissante.

« …oui…oui… »

.

« Je vais m'engager dans la Marine. »

Ils n'oublieraient jamais le jour où Sora, du haut de ses quinze ans et déjà presque aussi grande que son père, avaient annoncé cela d'un air à la fois résolu et serein alors qu'ils mangeaient tous ensemble.

Dire qu'ils avaient été choqués équivalait à minimiser leurs réactions. L'incompréhension avait été le premier sentiment le plus répandu. En effet, pourquoi leur petite protégée, qui avait grandi avec l'aventure et la liberté dans les veines, au sein de l'équipage de pirates en passe imminente de devenir le plus célèbre de tous les temps, pouvait-elle vouloir passer de l'autre côté de la barrière quand elle était indéniablement tout aussi amoureuse de cette vie qu'eux ? Sanji avait senti le désarroi susciter une colère naissante en elle, mais un regard adressé à sa fille la retint.

Sa tête ornée de cheveux courts et ébouriffés exactement de la même couleur que ceux de son père légèrement inclinée, les yeux pétillants d'une lueur qui lui était propre, elle souriait doucement. Comme si elle savait très bien ce qu'elle faisait et ce qu'ils en penseraient, mais était sereine. Déterminée.

Tous semblèrent partager son sentiment, car ils se firent rapidement silencieux après quelques faibles exclamations, à l'exception des enfants qui ne comprenaient pas et le faisaient savoir, criant à la trahison. Leurs regards à eux se portèrent sur Luffy.

Luffy, dont l'Histoire se souviendra avant tout comme le Dernier Roi des Pirates, souriait. Mais un sourire sensiblement différent de ceux qu'il exprimait d'habitude. Presque comme un soulagement.

.

Dans un monde en pleine révolution, où les notions de Bien et de Mal, de Justice et de Crime voyaient leurs fondations déterrées et remaniées, comme l'avait été le passé pour mieux construire le présent, il fallait bien un jour ou l'autre que le cercle de l'éternel recommencement se brise pour mieux changer, reconstruire morceau par morceau. Un monde où les titres de noble, pirate, révolutionnaire, marine ou citoyen perdraient peu à peu leurs contrastes en se mêlant l'un à l'autre.

« Vous m'avez tous appris à être libre… » dit Sora, assise à la proue, les yeux perdus dans l'horizon paisible de l'océan, en laissant se laissant aller en arrière, soutenue par la silhouette solide derrière elle. « Mon rêve est d'aider à créer un monde libre. »

Elle sentit son menton se poser sur son crâne, son sourire dans ses cheveux avant qu'il ne rie doucement.

« Shishishi… »

.

Son seul regret fut de ne pas avoir pu rencontrer son petit frère avant de partir. Un petit frère que son parrain appelait déjà Tournesol mais que ses parents nommeraient Ame, et qui à la grande surprise de tous -en plus du fait qu'il ne s'agissait pas à nouveau d'une fille- aurait les cheveux aussi lumineux que ceux de sa mère tout en étant le portrait craché de son père. Sa mère qu'elle regardait droit dans les yeux et qui n'arrivait à retenir ni ses larmes, ni sa fierté lorsqu'elle leur dit au revoir -jamais d'adieux-. Quand elle la prit dans ses bras, puis que son père les entoura des siens, et que bientôt toute sa grande famille rejoignit l'étreinte, Sora eut envie de rester, ne fut-ce qu'un peu plus. Mais elle sentit qu'il était temps de partir, pour mieux grandir et, inéluctablement, revenir.

A présent, le monde l'appelait, et Roronoa D. Sora était prête à répondre présente.

.

Kuina mettrait fin à la passation sanglante du titre de meilleur escrimeur dans la lignée de ce qu'avait créé son père, en faisant un summum à atteindre dans une vie et non plus à surpasser.

Umi en viendrait à connaître l'eau tant et si bien qu'elle comprendrait la voix de tous ses habitants, mais reviendrait toujours à la mer qui l'avait vue naître. Certains prétendent qu'elle était en fait une sirène.

Hela rassembla le travail de Robin et d'autres archéologues, pour ensuite partir à la rencontre de nombreuses populations, devenant au passage une diplomate hors pair, au point de se marier dans une famille royale. A plusieurs reprises.

Ame, lui, vint prêter main forte à sa sœur aînée dans son ambition de rendre ce monde meilleur. Il gravirait lui aussi les échelons de la Marine, et l'aiderait à gérer les changements d'un monde où l'égalité ne serait bientôt plus seulement une utopie, mais quelque chose de tangible, de réel.

Sora, elle, deviendrait un jour Amiral Commandant en Chef, et le resterait longtemps. Mais d'abord, elle allait chambouler la vie du futur Vice-Amiral Coby, et devenir le cauchemar de ses supérieurs. Et toujours, jusqu'à la fin, elle resterait l'héritière du Dernier Roi des Pirates.

Quant à Sanji et Zoro ?

.

« Tu le crois toi » murmura-t-elle contre son cœur, blottie dans son étreinte, « qu'au final, on pourra peut-être faire de vieux os paisiblement, après tout ce qu'on aura vécu ? »

Zoro éclata d'un rire qui fit vibrer sa poitrine sous son oreille, et fit sourire Sanji.

« Qui l'eut cru… »


.


AN : Et voilà…

Il faut bien que je finisse quelque part, même si maintenant j'ai envie de raconter l'histoire des gamins, de ce qu'il se passe pendant leurs enfances (avec le One Piece et tout ça…) jusqu'à ce qu'ils deviennent adultes. Et je crois que j'aurais pu écrire trois chapitres sur l'équipage qui devient parents, au moins ! ça a beau être du pur cliché, c'est assez agréable à écrire finalement…

N'empêche, pour un one-shot PWP, cette fic m'a bien eue haha.

Je la mets donc comme complète, mais si jamais les enfants vous intriguent et continuent à m'inspirer, qui sait… J'hésite aussi à faire un autre AU de cette version de Sanji et Zoro, et bien d'autres encore… Aaaah c'est sans fin en fait !

(Pour info: Umi=océan, Hela= version de Hel la déesse nordique des morts, Ame= pluie. Pour vous donner une idée (un peu tirée par les cheveux) de l'avenir des mioches.)

(Pour info bis: oui, je voulais qu'ils aient plein de gosses. Mouahaha.)

Encore mille fois merci à vous tous de m'avoir lue et soutenue. J'espère avoir pu vous changer les idées le temps de quelques chapitres et vous souhaite un bon vent dans vos voiles!