Note de l'auteur : Le contexte de cette UA : après votre première rencontre avec votre âme-sœur, vous devenez progressivement ivre, à moins de la toucher. Être séparé trop longtemps de votre âme-sœur vous donnera la gueule de bois, mais vous redeviendrez sobre au fur à mesure que le temps passe, et ce jusqu'à votre prochaine rencontre. Vous êtes confus ? Vous comprendrez mieux au fil de votre lecture. En espérant que vous apprécierez !

Si jamais vous avez une idée d'un univers alternatif sur le thème des âmes-sœurs, s'il vous plaît faites-le-moi savoir via les commentaires, et j'écrirai peut-être un one-shot sur le sujet. J'essaie d'éviter les clichés du genre (le nom de l'âme-sœur tatoué sur le bras, un compte à rebours jusqu'à la première rencontre, des couleurs qui apparaissent sur la peau au premier contact, etc), mais sinon je suis grande ouverte à toutes formes d'inspiration ! Étonnez-moi.

Note de la traductrice : Je remercie grandement l'auteur originale, kiaronna, d'avoir accepté que je traduise ces one-shots qui m'ont beaucoup plu ! Vous trouverez le lien vers la version originale dans mes favoris sur mon profil (puisque fanfiction. net a du mal avec l'insertion de liens ^^'), allez la lire en anglais, elle vaut le coup ! Vous la trouverez aussi sur Archive of your own, même titre, même pseudo.

N'hésitez pas à laisser des reviews pour me faire part de vos impressions et de vos idées, et sachez que je les traduirai toutes pour les transmettre à l'auteur !

Je vous souhaite une très bonne lecture !

Ivre de toi

Ce monde a décidément un sens tordu de l'humour. Viktor est russe; et il est de ce fait supposé tenir l'alcool mieux que personne. Et pourtant la seule vue de son âme-sœur pour la deuxième fois en cette journée le rend ivre plus que de raison - il glousse et titube, prend des photos à tout va, et se demande s'il est socialement acceptable de s'approcher et de lui déclarer de but en blanc tu me donnes des ailes. Il sait que l'autre ressent la même chose, peut-être même de façon encore plus intense, avec ses joues rougies, ses muscles qui semblent être faits de coton, et ses pas hasardeux.

"Je suis tellement bourré," lui chuchote à voix basse le japonais, sur le ton de la confidence. "Mais je peux - hic - encore tous vous battre à une dance battle."

Il n'y a que du champagne ici, veut dire Victor, riant, tu sais qui te met dans cet état. Sa vue commence à se troubler; et la stupeur alcoolisée gagne peu à peu du terrain sur son corps, jusqu'à ce que les bras de son âme-sœur ne viennent s'accrocher à lui, et que les symptômes ne diminuent pour ne subsister qu'en une plaisante euphorie. Il est suffisamment ivre pour se sentir profondément flatté par la requête pour le moins plaisante accompagnée de ce mouvement de hanches tentateur sois mon coach; mais encore assez sobre pour savoir que le rougissement sur ses joues n'est dû qu'à l'adoration qu'il ressent pour ce jeune homme débraillé et sincère. Il applaudit et rit à la dance battle, il contemple rêveusement, le ventre noué d'excitation, la séquence de pole dance qui s'ensuit.

Ils dansent, et c'est presque trop pour ses membres qui peinent à se synchroniser, ne parlons pas de son cœur. Puis, quand tout est fini, ou plutôt quand tout commence, ils trébuchent l'un sur l'autre dans le hall faiblement éclairé de l'hôtel, leurs mains enlacées.

"J'ai gagné," dit son âme-sœur, ses yeux brillants d'émerveillement.

"J'ai gagné," le corrige Viktor, amusé. "Mais tu pourras toujours te rattraper l'année prochaine."

"Non," réfute le jeune homme, mortellement sérieux, "Je t'ai gagné, toi." Leurs doigts sont entremêlés. Viktor se sent redevenir sobre de minute en minute, mais son cœur est baigné dans cette douce chaleur, qui pétille comme du champagne. Il se penche pour l'embrasser - rien qu'un baiser, pas plus, se promet-il - mais une paume pressée contre sa joue et un sourire remplissent alors son champ de vision. Le bout des doigts effleurent ses mèches argentées, et soudain leurs fronts sont l'un contre l'autre, et ils rient en chœur, rient encore, comme deux ivrognes effectuant les pires pitreries. Cette ivresse n'est-elle pas supposée disparaître en cas de contact direct ? s'interroge Viktor, hébété mais il ne peut y réfléchir plus longuement. Tout est si chaud. Si brumeux. Si agréable.

"Viens dans ma chambre," le presse-t-il mais son âme-sœur le relâche déjà.

"Je ne peux pas," telle est la réponse enjouée qu'il reçoit. "J'ai promis que j'appellerai mes parents."

Tu plaisantes, n'est-ce pas, pense Viktor, mais tout devient beaucoup trop réel, et bientôt il est seul dans le hall vide. Et c'est comme toutes ces fois où il est sur le podium; il n'y a plus de surprise à être sur la première marche, plus depuis longtemps. Le jour suivant, il l'attend dans sa chambre, car tous les patineurs savent où il loge, et il sent son corps devenir de plus en plus lourd, l'ivresse, le besoin de toucher se faisant de plus en plus pressant. Yakov l'interdit d'interviews; le champion n'arrive même plus à articuler correctement. Il rêve par intermittence du patineur japonais, et l'attend impatiemment.


Le troisième jour, il n'a toujours pas eu de nouvelles, et sa gueule de bois est plus forte que jamais. Il rate ses sauts; il passe des heures sous la douche, l'eau glacée, il éteint toutes les lumières dans sa maison, tentant de substituer à la gueule de bois due au lien avec son âme-sœur une gueule de bois bien plus terre à terre. Rien ne marche. Il est certain que le japonais ressent la même chose; il doit certainement avoir lui aussi réalisé l'horreur qu'induit leur séparation.

Reviens, le supplie Viktor désespérément.

Il ne revient pas.

La gueule de bois passe enfin, et Viktor gagne déjà de nouvelles compétitions. Qu'y a-t-il d'autre à faire ? Être sobre le rend encore plus déprimé, alors il prend de son temps libre pour boire et jouer à des jeux ridicules avec Makacchin. Cela fait combien de temps qu'il n'a pas été dans cet état pitoyable ?

C'est alors qu'arrive cette vidéo sur Internet, et la vue de son âme-sœur sur l'écran suffit à faire s'envoler des papillons dans son ventre. C'est beau, c'est magnifique, plus que n'importe quelle performance qu'il a pu faire un jour dans sa carrière. Mais cette vidéo est encore mieux que ça d'une certaine manière - c'est une lettre d'amour, ou le chant d'une sirène, irrésistible dans son innocente admiration. Yakov lui interdit d'y aller. Viktor y va quand même.

Sur le chemin, il les imagine ensemble, lui et son homme ivre et chéri. Viktor se l'imagine l'accueillant dans sa maison, à ses sources chaudes, prenant sa main dans la sienne, et lui assurant d'une voix sereine et confiante, je t'attendais. Pourquoi ne m'as-tu pas rattrapé ? Et pour toute réponse, Viktor lui donnerait exactement ce qu'il attend, ce qu'il désire : un entraîneur. Le champion est pompette rien qu'à l'idée, d'avoir ce talent brut caché dans ce corps désinhibé à portée de main, et de le polir patiemment, et en chérir chaque moment.

Son âme-sœur s'évanouit à sa vue.

Malgré son statut d'entraîneur, Viktor passe son temps à apprendre durant la semaine. Il s'instruit sur les habitudes de vie et le caractère de son âme-sœur. Heureusement qu'il apprend vite. Mais il passe aussi son temps à être moitié ivre, titubant et balbutiant, car si son intoxication s'est dissipée sitôt qu'il a pu voir l'autre patineur aux sources chaudes, son pupille reste réticent à tout contact.

Car son âme-sœur est calme. Réservée. Chaque tentative d'approche de Viktor, même si elle n'a pour but que de dissiper le brouillard alcoolisé qui embrume l'esprit de son élève, ne rencontre qu'un rejet tendu et une fuite précipitée. Il fait gentiment glisser ses doigts sur sa peau - rejet. Il envahit sans prévenir son espace personnel - rejet. Alors il attend, ne le touche pas, jusqu'à ce que sa vision ne se trouble, que la gravité ne semble de plomb sur son corps et que son esprit ait la brillante idée qu'ils dorment ensemble - rejet !

"Pourquoi on ne pourrait pas dormir ensemble ?" Se plaint-il, articulant maladroitement, ses poings frappant péniblement la porte fermée, la manquant plusieurs fois. "Yuuuuuri."

"J'ai dit non !" Est la seule réponse qu'il reçoit de l'autre côté de la porte.

Et il n'en ressent que de la frustration à l'état pur. Le champion commence à douter - et si son âme-sœur se moque en réalité éperdument de lui - et si le jeune homme n'est captivé que par l'idée d'avoir Viktor Nikiforov lui mangeant dans la main comme l'âme-sœur avide d'affection et d'amour qu'il est, mais sans intention aucune de concrétiser leur lien ? Mais il regarde secrètement le patineur japonais glisser sur la glace en des cercles anxieux et hébétés, tard dans la nuit, et son cœur se gonfle d'amour et Viktor sait qu'il ne serait jamais capable d'une telle chose.

Il a tout essayé. Presque. Il tente donc le tout pour le tout, et essaye la patience, qui n'a jamais été son fort. Yuuri se rapprochera de lui un jour prochain - il le doit. Il ne peut se permettre d'être bourré et de trébucher sur la glace, ce qu'il fera sans aucun doute si leurs peaux ne rentrent pas en contact.

Mais Yuuri fait bien plus que se rapprocher. Il accepte les contacts - il les initie de lui-même. Ils se racontent leurs vies respectives, du temps où Yuuri s'est entraîné à Detroit, Yuuri rougit, timide, mais il reste sincère et franc dans ses réponses. Viktor a du mal à articuler lorsqu'il est loin de lui, tandis que Yuuri se met à bégayer quand ils sont côte à côte. Ils sont devenus proches, proches à en couper le souffle au fur et à mesure que le temps passe.


La nuit qui suit leur baiser durant la Coupe de Chine, Yuuri est timide - enfin jusqu'à ce que son coach ne le coince dans un coin de leur chambre d'hôtel. Viktor se sent malade de s'être forcé à garder ses mains pour lui en raison de la présence d'un public avide de leurs moindres faits et gestes, mais la nausée s'évanouit miraculeusement quand son Yuuri, son lumineux Yuuri lui capture doucement le visage de ses mains et l'embrasse à nouveau.

"Je ne suis pas marrant," l'avertit-il, fébrile. "Je ne suis pas - je ne suis pas comme toi, Viktor, est-ce que tu veux quand même continuer ?"

Leurs mains sont douées d'une volonté propre. Viktor sait bien qu'il devrait être sobre, puisqu'il est si proche de son âme-sœur, mais son self-contrôle semble lui aussi s'être évaporé.

"Ne change surtout pas," lui murmure-t-il, et ils s'embrassent encore, et Viktor met sa langue à contribution d'une manière qui serait fort inconvenante et inappropriée pour une émission de télévision en direct.

Et le matin suivant, son compte twitter est noyé sous les news.

'L'ÉTREINTE à la Coupe de Chine !' Il renifle de dédain. Le prochain gros titre qu'il aperçoit est bien meilleur.

'Le champion Viktor Nikiforov et son élève partagent un baiser sur la glace !'

Mais le dernier est définitivement son préféré, qu'il savoure un sourire énorme sur le visage.

'Nikiforov, l'extraordinaire playboy sans attaches, a préféré son élève aux âmes-sœurs !'

Il veut les corriger d'un rire étourdi par le bonheur qu'il ressent, mais il veut d'abord partager ces articles avec Yuuri, qui se réveille doucement. Il lui montre d'un mouvement de poignet les gros titres qui se veulent racoleurs sur l'écran de son téléphone.

"Regarde," s'exclame-t-il avec joie. "Regarde combien ils sont ridicules." Mais il doit être encore trop tôt, car la seule réaction qu'il obtient de Yuuri est son regard qui se voile, avant qu'il ne se roule sous la couette. Viktor n'est pas d'accord - il donne un léger coup au corps caché sous les couvertures avant de couvrir les cheveux noirs de baisers. Je suis tellement ivre, pense-t-il avec émerveillement, je m'enivre de lui. "Réveille-toi, nous avons un avion à prendre." Yuuri prend une inspiration tremblante, et il paraît si mal que Viktor veut lui demander ce qui ne va pas, mais avant qu'il ne puisse exprimer à voix haute ses inquiétudes, Yuuri, les couvertures entortillées autour de son corps souple, se lève et s'enferme dans la salle de bains.


Le comportement de Yuuri change après cet événement, et Viktor ne s'en plaint pas. Mais il y a un sérieux presque morose dans tout ce qu'il fait, différent de sa personnalité naturellement rigoureuse. Aussi quand Yuuri envahit sa chambre au beau milieu de la nuit une semaine après la coupe de Chine, Viktor est agréablement surpris. Ils discutent pendant plusieurs heures, passant de commentaires badins à un échange d'idées passionné. Viktor serre la main de Yuuri dans la sienne, son pouce traçant affectueusement des cercles dans la paume calleuse, tandis qu'il parle avec animation, content du temps qu'ils passent ensemble, et que Yuuri le regarde avec ce petit sourire. Un silence confortable s'installe dans l'auberge, et Viktor est certain que toute la famille de Yuuri dort déjà.

"As-tu souvent des problèmes pour t'endormir ?" C'est une question comme ça, une de ces questions que Viktor oublie comment ils en sont arrivés là, mais le Japonais hausse les épaules et hoche la tête.

"Tout est sous tension en ce moment, et je n'arrive pas à arrêter de réfléchir, et quelques fois c'est tout simplement trop. Et toi ?"

"Parfois," admet Viktor. "La plupart du temps, je ne fais pas attention au temps qui passe, et lorsque je remarque l'heure, il est déjà très tard. Habituellement je suis trop fatigué par mon entraînement pour rester éveillé, mais une fois de temps en temps je suis stressé, et l'insomnie me prend." Son élève digère lentement l'information, et le cœur de Viktor rate un battement. "Je pense que mon âme-sœur pourrait m'aider, cependant." Il serre plus étroitement la main de Yuuri dans la sienne, et son élan de tendresse ne reçoit en retour qu'un regard rempli d'un sentiment que Viktor n'a pas vu depuis des semaines - le rejet. "Que -" commence-t-il, se sentant trahi, mais les lèvres de Yuuri sont déjà sur lui, partout, et le jeune homme l'épingle soudainement sur le lit. Eros, est tout ce à quoi il peut penser, et il ne peut qu'apprécier sa sobriété et son esprit clair, car il peut enfin savourer à sa juste mesure la délicieuse friction des hanches de Yuuri contre les siennes, les délicieux mordillements sur sa nuque. Les mains de son âme-sœur se glissent habilement sous ses vêtements, et la main qu'il tenait dans les siennes il y a tout juste un moment repose à présent sur son cœur. Viktor entend des mots, mais ne peut les comprendre, ces mots prononcés dans un japonais rapide, à bout de souffle, et il entrouvre ses propres lèvres pour lui répondre dans sa langue natale, un russe passionné qui se déverse hors de sa bouche Je t'aime, je t'aime, je t'aime-

"Ne dis rien. Je t'en prie," l'interrompt Yuuri, et c'est une expression d'agonie sur son visage ? "Juste - s'il te plaît, Viktor."

"Pourquoi ?" Il se démène pour s'asseoir, et qu'ils puissent en discuter convenablement, mais son âme-sœur le maintient sur le lit avec ce qui ressemble à un féroce désespoir.

"Je - " Le jeune homme s'arrête de parler, cherchant ses mots, mord sa lèvre et penche la tête. Viktor ne peut que le contempler, totalement déconcerté. "Tu es à moi," conclut-il finalement, "Tu as promis que tu ne regarderais que moi."

"Et c'est ce que je fais," lui assure Viktor, et il se demande ce qu'il a fait de mal. Les yeux bruns rencontrent ses yeux bleus, et malgré la chaleur réconfortante de ce marron, Viktor peut percevoir l'absence d'ardeur passionnée, et une émotion différente, difficile à saisir. Les yeux se ferment. Viktor ne peut creuser le sujet.

Car il est difficile de réfléchir quand Yuuri parsème de baisers ses clavicules. "Je pense que nous devrions en parler -" essaie de l'arrêter Viktor, mais la main du patineur parcourt son corps, de plus en plus bas, et il se cambre sans pouvoir se contrôler. "Yuuri, ça m'inquiète que tu -" Son élève trouve finalement ce qu'il cherchait, et sa main engendre des éclairs blancs de plaisir qui l'empêche de réfléchir tout court. Et son corps suit le mouvement, il presse ses lèvres contre celles de Yuuri, envahit sa bouche. Peut-être qu'il ne veut juste pas en parler, pense confusément Viktor, après tout il n'a jamais été très bavard. Et il se laisse aller malgré lui, s'abandonnant aux mouvements délicieux, espérant pouvoir faire expérimenter à Yuuri des choses magnifiques qu'il sait qu'il n'a encore jamais vécues.

Il embrasse tendrement sa joue et est surpris de la trouver mouillée. Et soudain les mouvements de Yuuri lui paraissent très lointains et secondaires.

"Pourquoi pleures-tu ?"

Car il sait maintenant. L'émotion dans ses yeux. C'est de la détresse. La peur de perdre quelque chose de cher à ses yeux. Viktor la reconnaît, et ça lui brise le cœur.

"Bien sûr que je pleure," s'étrangle Yuuri. "Parce que tu vas me quitter."

"Ça jamais, дорогой," insiste Viktor, même s'il ne comprend pas où son élève veut en venir. Yuuri est anxieux, et ce qu'il l'inquiète est au-delà de la compréhension de Viktor. "Est-ce que c'est au sujet de ce que je t'ai dit à la Coupe de Chine ? Tu sais bien que je ne le pensais pas. Je pense que tu as besoin de repos. Ça a été une longue semaine." Il tapota le matelas à côté de lui, et les yeux de Yuuri fixent l'endroit désigné d'un air craintif, avant de se reprendre, et qu'une triste résignation prenne place sur ses traits.

"Je vais dans ma chambre."

Et Yuuri est parti, et l'alcool de leur lien d'âme-sœur brûle dans ses veines toute la nuit durant. Une lourdeur désagréable lui pèse sur l'estomac, et son esprit vagabonde de manière irrationnelle. Il est agacé et frustré. Yuuri veut bien faire, il veut bien faire parce qu'il est un être merveilleux, mais Viktor est fatigué d'essayer de le comprendre, de tout faire pour essayer de percer sa carapace. Il espère pouvoir lui parler longuement le lendemain matin, et de parvenir à dissiper l'inquiétude qui pèse sur son cœur.

Mais le matin suivant, c'est comme si rien ne s'était passé. Yuuri se laisse approcher et le touche en retour, et nulle trace du désespoir qui l'animait la nuit dernière. Viktor conclut finalement que l'anxiété de la compétition a dû le submerger pendant un instant. En deux jours, la conversation lui sort de l'esprit, tandis que la coupe de Russie se profile à l'horizon.

Pendant la compétition, Yuuri lui dit de rentrer à la maison, et d'être près de son chien mourant.

Et Viktor n'arrive pas à mettre des mots sur ce qu'il ressent, combien ça signifie, combien ça signifie pour lui de savoir que Yuuri est prêt à passer son programme libre à moitié ivre et misérable juste pour que lui, Viktor, puisse voir son bien-aimé Makacchin. Le désir de refuser, d'insister, de rester, est puissant. Mais l'amour pressant de Yuuri l'est encore plus.

"Tu dois y aller," proclame le jeune homme, inflexible. Ils achètent le billet d'avion ensemble, entrelacés sur le lit, Yuuri surfant sur le site internet de l'aéroport, tandis que le cœur de Viktor tremble et chavire, et il se demande si un jour il méritera ce jeune home formidable. Il enfouit son visage dans le creux de sa nuque, resserrant son étreinte, le gardant dans ses bras jusqu'à la dernière minute, jusqu'à ce qu'il doive attraper son taxi, espérant contre toute attente que leur lien d'âme-sœur soit miséricordieux.

Mais il ne l'est pas, bien évidemment. Le temps qu'il rentre à la maison, et qu'il emmène Makacchin voir le vétérinaire, il peut à peine se tenir debout. Le jour suivant, il regarde à la télévision, la peur au ventre, Yuuri sur la glace à la Coupe de Russie. Yuuri va trébucher - Yuuri va tomber, parce je l'ai laissé tombé, parce que je l'ai laissé seul dans un moment pareil. J'ai tout gâché, et il ne me le pardonnera jamais.

Et Yuuri patine. Il ne patine pas très bien, mais il continue, il persévère. Et il est qualifié pour le Grand Prix.


Sur le chemin du retour de l'aéroport, leurs mains étroitement enlacées, sa vision et son esprit sont enfin éclaircis de l'intoxication de leur lien d'âme-sœur, et Viktor tente d'entamer une conversation avec son Yuuri.

"J'y avais déjà réfléchi avant," dit-il, "Mais je suis vraiment impressionné par ta résistance. J'imagine que ça doit avoir un rapport avec ton endurance."

"De quoi ?" Le regard de Yuuri est doux, satisfait de leur réunion à l'aéroport et ça lui réchauffe le cœur. Le chauffeur de taxi japonais monte le son de la radio pour couvrir le son de leur anglais avec accent.

"Les âmes-sœurs," développe Viktor, se sentant inexplicablement idiot. "Je parle du lien. Tu étais gracieux sur la glace - je suis russe, on est supposé avoir une bonne tolérance à l'alcool et pourtant j'avais du mal à me traîner jusqu'au canapé pour m'y affaler et te regarder à la télévision, lorsque j'étais au Japon."

Yuuri se tourne vers lui brusquement, et ne le lâche pas du regard.

"De quoi," répète-t-il d'une voix sans timbre. Viktor se sent démuni, presque embarrassé.

"Oh," admet-il, hésitant, "Alors peut-être que c'est juste particulièrement mauvais pour moi ?"

"Tu connais mes antécédents." Il détourne le regard, et fixe le paysage via la fenêtre de la voiture. Ses antécédents ? répète Viktor en son for intérieur. Est-ce qu'il parle du banquet ? Il était sublime, il faisait du pole dance, des figures acrobatiques incroyables, alors qu'il devait être ivre mort sous l'effet de notre première rencontre. Dans mon cas, j'étais bourré rien que de le voir. J'imagine que le patinage n'est en rien différent. "Bien sûr que mon lien d'âme-sœur ne m'a pas affecté." Il resserre sa prise sur la main de Viktor. "Et je ne le laisserai pas m'affecter, si un jour il essayait de le faire. Je sais ce que je veux." Une médaille d'or, complète Viktor en pensée, satisfait. Son Yuuri est si déterminé.

Ils laissent le silence s'éterniser. La main de Yuuri est douce et chaude contre la sienne, et il la caresse sur le chemin du retour à Hasetsu. L'auriculaire, pense-t-il, jouant avec et s'amusant du rosissement de Yuuri dans l'obscurité de la voiture. Le pouce. L'index - ses ongles sont plutôt longs. Et il les imagine griffer son dos sous l'effet d'une passion dévorante, et tente de se défaire de cette image mentale bien trop excitante pour son bien, sans succès. Le majeur. Comme s'il allait un jour l'utiliser, cet archétype du jeune homme japonais poli. Il s'arrête au dernier. L'annulaire. Il est nu. Bien trop nu.

Sa décision est prise avant même qu'ils ne s'effondrent tous deux de fatigue dans leur lit à Hasetsu, prêts à s'endormir, toujours enlacés.


Yuuri est parti courir quand il s'éveille le matin suivant, donc il en profite pour bavarder distraitement avec Mari lors du petit-déjeuner. Il sait que son âme-sœur s'est réveillée tôt, puisqu'il est déjà assez ivre pour laisser tomber ses baguettes par mégarde et essaye de manger entre deux gloussements irrépressibles.

"Je suis désolé," s'excuse-t-il, tandis qu'il renverse son bol malgré ses efforts, "Mais mon lien d'âme-sœur est impitoyable. J'ai déjà du mal à marcher droit." Il est soudain très curieux, et demande impatient. "Comment était Yuuri, à son retour à Hasetsu ? Sa gueule de bois était-elle aussi difficile à supporter ?"

Les yeux de Mari s'agrandissent sous la surprise, tandis que Hiroko s'affaire dans la cuisine. "Il ne m'a jamais rien dit à ce sujet," répond-elle prudemment. Et c'est comme si Viktor avait fait irruption dans un territoire interdit, pour la première fois depuis son arrivée au Japon.

"Qu'en est-il pour toi ? As-tu déjà rencontré ton âme-sœur ? Ton ivresse était-elle difficile à supporter ?" Il demande joyeusement, et réalise aussitôt son erreur. Il est trop prompt à la parole, trop imprudent et souhaite que Yuuri soit là pour réprimer ses élans et calmer son ardeur. Mari débarrasse leurs assiettes.

"J'étais vraiment excitée lorsque j'ai rencontré mon âme-sœur," admet-elle, "Et peut-être qu'à cause de mon enthousiasme immodéré, il n'interagit plus vraiment avec moi. Nous nous voyons de temps en temps et c'est juste..." elle détourne le regard pour fixer un coin de la pièce. "L'alcool peut aussi rendre triste, tu sais." Le cœur de Viktor remonte dans sa gorge. Il n'y a jamais réfléchi, cette pensée ne lui a jamais traversé l'esprit. L'intoxication consécutive aux âmes-sœurs a toujours été un euphorisant pour lui, d'aussi loin qu'il s'en souvienne. "Je dois dire que nous appréhendons tous le moment où Yuuri trouvera son âme-sœur - terrifiés par la possibilité qu'il ne tienne pas le coup s'ils sont trop longtemps séparés, parce qu'il a toujours été anxieux et les rares fois où il a bu avec nous adolescent, il était plus du genre angoissé que joyeux. Heureusement, je pense que sa résistance est plutôt forte. Enfin, il panique encore beaucoup, comme tu l'as remarqué j'imagine." Elle lui lance un regard en coin. "Tu es en train de dire qu'il a rencontré son âme-sœur ?"

Il ne leur avait pas dit ? Pourquoi ? Avait-il honte ? Yuuri pouvait être terriblement secret sur sa vie privée, même pour ses proches. Viktor s'en tient à un hochement de tête et Mari prend un inspiration tremblante.

"Hé bien," réfléchit-elle à voix haute, "c'est vrai qu'il était plutôt sur les nerfs à son retour. Nous pensions tous qu'il était stressé pour son avenir professionnel, et c'est ce qu'il a dit à maman quand elle a posé la question, mais j'imagine que..."

Son avenir professionnel ? Viktor est frappé d'une réalisation qui lui donne la nausée, et sa tête tourne, et il devient plus malade qu'il ne l'a été depuis une heure.

L'alcool peut aussi rendre triste, tu sais.

Il trébuche sur ses pieds. Yuuri, il doit rejoindre Yuuri.

Yuuri, qui pour la première fois depuis qu'ils se connaissent le traite comme si lui, Viktor, allait disparaître à tout moment. Yuuri qui est excessivement étrange et possessif à la seule mention du mot âmes-sœurs. Yuuri qui panique, qui intériorise, qui se sous-estime, et qui pourtant est si agile sur la glace quand il est ivre qu'il est presque impossible de savoir qu'il l'est. Yuuri qui n'a jamais admis à voix haute qu'ils étaient liés au plus profond de leurs âmes.

"Tu connais mes antécédents. Bien sûr que mon lien d'âme-sœur ne m'a pas affecté."

"C'est ma faute, j'ai oublié que tu n'as jamais eu d'amant."

Yuuri patine sur la glace quand il le rejoint, s'agitant en traçant des cercles tourmentés.

"Viktor," le salue-t-il, se dirigeant vers le bord. "Regarde, j'ai essayé -"

"Sstupide," se sent-il prononcer. Sa main attrape le bras de Yuuri, et ça devient tout de suite plus facile de parler. "глупый. дурацкий." "Tu m'as appris ces mots," rétorque son âme-sœur incrédule, vaguement offensé mais surtout surpris, "Ça fait des mois que tu m'apprends le russe. Tu crois vraiment que tu peux les dire sans que je les comprenne ?" "Et bien apparemment tu n'as toujours pas percuté ce que voulaient dire дорогой, моя звезда et мое золото," lui assène Viktor, furieux. Chéri. Mon étoile. Mon trésor. Yuuri s'échappe de l'étreinte de Viktor et retourne sur la glace, les joues rougies et les yeux dévastés. "Tu sais ce qu'ils veulent dire, pas vrai ?" insiste Viktor, puis il s'adoucit. "N'est-ce pas, Yuuri ?" Il l'attrape par les épaules, à moitié sur la rambarde pour le ramener auprès de lui. "Viens. Je veux être en pleine possession de mes capacités pour cette conversation. Cette situation n'a que trop duré."

"Que -" commence hésitant Yuuri, mais Viktor l'interrompt.

"Les âmes-sœurs," siffle-t-il. Le Japonais se pétrifie aussitôt. "Je sais que tu l'as trouvée."

"Ce n'est pas vrai," il secoue la tête violemment, "Et je t'ai choisi, Viktor. S'il te plaît. Je t'en prie, laisse-moi être près de toi," finit-il, le cœur brisé. "J'aime...j'aime..." Il se tait, cherchant ses mots, la respiration hachée et son souffle s'évapore dans l'air froid de l'Ice Castle.

"Calme-toi, моя звезда," dit-il doucement dans le silence tendu qui s'ensuit. "Viens par ici." Viktor le prend par la main, le fait s'asseoir sur un banc, et lui délace ses patins.

Et Yuuri en chaussettes refuse de rencontrer son regard, sa tête dans ses mains, paraissant totalement désespéré. Aussi Viktor lui pince légèrement les genoux, et Yuuri sursaute, mais accepte enfin de le regarder dans les yeux. "Viktor," murmure-t-il.

"Nous aurions dû avoir cette discussion il y a des mois. J'ai été arrogant." Il fronce les sourcils. "Et tu manques de confiance en toi. Comment as-tu pu ne pas remarquer que nous étions âmes-sœurs ? J'étais un ivrogne ridiculement écervelé pendant des semaines lorsque je suis arrivé à Hasetsu. Avant que tu n'acceptes les contacts. J'ai littéralement été nu devant toi plus de fois que je ne peux le compter, Yuuri, franchement, à quoi tu pensais ?" Les yeux bruns ne le lâchent pas du regard, comme pétrifié. "Les mois qui ont suivi ton premier Grand Prix, sans toi, ont été une véritable torture. Yakov était à deux doigts de me tuer, quand bien même il savait la raison de ma gueule de bois perpétuelle."

"Nous," et c'est comme si Yuuri n'ose plus respirer, "Nous sommes des âmes-sœurs ?"

"Tu ne te rappelles pas de notre première rencontre ?"

"Tu m'as demandé si je voulais faire un selfie avec toi et j'ai cru mourir de honte," souligne Yuuri. "Tu n'avais aucune idée de qui j'étais, et j'avais complètement foiré la compétition la plus importante de ma vie. J'en étais quasiment malade, et j'étais complètement instable, j'ai à peine pu parler à Celestino."

"Exactement," renchérit Viktor, et la mâchoire de Yuuri se décroche. "J'ai été lent à la détente, mais je l'ai su au banquet."

Yuuri rougit. "Est-ce qu'on a... au banquet ?"

Est-ce qu'on a fait l'amour ? да, черт возьми, pense Viktor, je t'appartenais déjà, alors même que je t'avais à peine parlé. Il presse son front contre le genou de Yuuri, frustré.

"Je t'aime depuis si longtemps, et tu as pensé que... quoi ? Que je jouais avec toi, et que mon âme-sœur m'attendait autre part, et que je ne faisais cas d'aucun d'entre vous ?"

"Je savais que tu m'aimais," répond doucement Yuuri, se mordant la lèvre, "Je pensais juste qu'à un moment tu devrais retourner en Russie, et que ce serait fini. Que tu reprendrais ta carrière. Que tu reprendrais le patin. Et que tu ne te souciais pas du lien, puisque ton âme-sœur serait là en Russie avec toi."

"Tu penses que mon âme-sœur est en Russie ?"

"Hé bien, après la coupe de Russie, tu agissais comme si retourner au Japon mettait le lien à l'épreuve!" proteste Yuuri.

"Parce que c'était la première fois que je quittais mon âme-sœur depuis des mois," affirme Viktor. "Parce que je t'ai laissé en Russie."

"Est-ce que Yurio le sait ?" Demande soudainement Yuuri, horrifié, et son visage est terriblement pâle. "Il va me tuer. Je t'ai volé à lui. Je croyais que c'était parce que ma façon de patiner t'intriguait couplée d'un pur coup de chance."

"Oh, Yurio est au courant." Et le patineur se rappelle très bien de la conversation ô combien inconfortable tenue en un russe lapidaire, la nuit de l'arrivée du jeune homme.

"Tu es dégueulasse," avait grondé le plus jeune, après qu'ils aient été séparés de Yuuri depuis moins d'une heure, "Reprends-toi bordel, et ne deviens pas bourré à cause d'un PORC." Et le coup de grâce. "Arrête de t'exhiber !"

S'exhiber. Il embrasse le mollet du jeune homme, et ce dernier frissonne.

"Tout le monde pensait que j'étais honteusement évident dans mon affection, tu sais. Tu es le seul qui ne s'en est pas rendu compte."

"Ma famille non plus," proteste timidement Yuuri.

"Parce qu'ils sont partis du principe que tu leur dirais si c'était le cas !" rit Viktor.

"Phichit m'a demandé, c'est vrai" se souvient-il doucement. "Il disait que je me comportais étrangement ces derniers temps."

"Et c'est alors que tu as miraculeusement réalisé que l'on était des âmes-sœurs ?" rebondit Viktor. "Dis moi au moins que ça t'a traversé l'esprit."

"Je lui ai dit que je t'aimais." Sa voix est presque inaudible. "Et que je me moquais des âmes-sœurs."

La chaleur se répand dans le creux de son ventre, et les mots font doucement leur chemin jusqu'à son cerveau. Viktor se sent bizarre, et soudain il se rappelle l'une des conversations qu'il avait eue plus jeune avec Yakov.

"Personne ne m'aime," s'était-il plaint à son coach. "Personne ne me connait vraiment".

"Tout le monde t'aime," avait rétorqué brutalement Yakov. "N'as-tu pas entendu les encouragements et les félicitations que tu as reçus lorsque tu as décroché l'or ? N'as-tu pas remarqué leurs regards rivés sur toi ?"

"Ils aiment l'idée qu'ils se font de moi," lui avait-il répondu, "Et c'est mon patinage qui les fascine. Jusqu'à ce qu'un jour, ils s'en lassent."

"Ton âme-sœur t'aimera un jour pour ce que tu es," avait conclu Yakov tranquillement. "Cela marche bien d'habitude." Cela n'avait pas été le cas pour Yakov. Quand Viktor avait été plongé dans les affres de la gueule de bois à cause du lien, Yakov ne lui avait pas fait de cadeau, car il savait mieux que quiconque ce qu'il endurait.

Ils y sont forcés, avait conclu Viktor en son for intérieur. Être amoureux l'un de l'autre sera une nécessité, parce que nous serons forcés par le lien - nous toucher sera une évidence, parce que nous n'aurons pas le choix. Et ça ne surprendra ni l'un ni l'autre.

Mais Yuuri avait été surpris. Étonné que Viktor l'ait choisi. Agréablement surpris de réaliser qu'ils étaient des âmes-sœurs. Surpris que Viktor ressente ses émotions à travers le lien, encore maintenant.

"Tu m'as désiré," il réalise soudain, d'une voix étouffée par l'émotion. "Tu serais resté avec moi, même si cela aurait eu pour conséquence de t'éloigner de ton âme-sœur et de ne jamais expérimenter l'excitation délicieuse et le frissonnement d'ivresse ? Alors même que tu as toujours cru que je pouvais partir à n'importe quel moment, que je me moquais de toi lorsque je disais que mon âme-sœur m'attendait là, juste à côté ? Tu aurais supporté l'horrible sensation d'être malade juste pour rester avec moi ?"

Yuuri ne répond pas. Et cela veut tout dire.

"Hé bien," chantonne Viktor, caressant tendrement le visage adorablement rouge de son âme-sœur, "Je déclare l'entraînement de ce matin officiellement annulé."

"J'ai mangé du katsudon hier," l'avertit Yuuri, incertain, "Je devrais probablement faire de l'exercice."

"Oh, mais c'est ce que nous allons faire, дорогой." Son sourire s'élargit et il se lève. "Dans notre chambre."


Ils réalisèrent plusieurs choses suite à cette conversation.

"J'ai pris tout le monde dans mes bras à la Coupe de Russie," déclare Yuuri indigné lors d'un dîner, une semaine après leur discussion, "Et j'ai vomi dans les toilettes de l'aéroport. Je croyais que c'étaient les nerfs - J'étais en fait totalement bourré."


"Je n'ai même pas parlé à Viktor," Yuuri annonce timidement à son auditoire, et Viktor recrache sa bière.

"Tu ne te rappelles pas ?"

"Tu avais bu tellement de champagne," rit Christophe. "Tu étais totalement bourré."

"Rien qu'un peu de champagne," tempère Viktor, encore sous le choc de la nouvelle, "Je t'ai vu avec le même verre vide à chaque fois que je levais la tête d'une interview."

"Un verre vide différent à chaque fois, alors," nuance Christophe.

"Celestino en a compté vingt" renchérit Phichit. "Il n'avait jamais vu Yuuri autant dans les vapes."

"Parce que tu veux dire que tu étais vraiment ivre ?" Vingt verres de champagne et la réaction du lien à leur première rencontre - ce n'est pas étonnant que Yuuri ait semblé si désinhibé ce soir-là. Soudainement, son fiancé d'ordinaire si sage se déhanchant sur une barre de pole dance ne semble plus aussi incongru. Soudainement, Yuuri n'ayant aucune idée du lien d'âmes-sœurs qui les unit prend tout son sens.

"Quoi, Viktor, tu pensais que c'était juste à cause de toi ?" le taquine Christophe. "Tu n'es pas si spécial après tout, hm ?"

"J'ai presque profité de toi" lâche brusquement Viktor, horrifié, "J'ai essayé de t'embarquer dans ma chambre. дерьмо ! дерьмо."

"Je suis grandement intéressé par ce sujet," déclare Phichit, avide d'en savoir plus, "Je t'en prie, continue." Ses doigts pianotent déjà sur son téléphone.

"LA FERME !" Crie Yurio, tapant du poing contre la table. "La FERME, espèce de vieux pervers cinglé !" Otabek lui tapote gentiment le bras, et Viktor note ce geste dans un coin de sa tête pour plus tard, avant d'être de nouveau distrait.

"Nous avons parlé ?" Les yeux de Yuuri brillant d'innocence lui coupent le souffle.

"Tu as essayé de coucher avec lui ?" L'interroge Minako peut-être un peu trop intéressée. "Dès votre première rencontre ?"

"Comme c'est vil de ta part," l'accuse Christophe sournoisement, "Tu n'es vraiment qu'un playboy. Prends tes responsabilités, Viktor."

"C'est ce que je fais," insiste le champion de patinage artistique, brusquement sérieux, et soudain tous les regards sont rivés sur leurs bagues et le restaurant tout entier les applaudit suite à l'exclamation joyeuse de Phichit.


Viktor s'était attendu à ce que le lien soit plus miséricordieux avec l'âge. Mais il n'en est rien; Yuuri le quitte pour quelques heures à peine et le voilà étourdi et fiévreux et frustré. Son téléphone sonne.

"Je serai bientôt à la maison," lui dit Yuuri au bout de la ligne. "Mon Dieu, est-ce que le lien est censé te donner aussi chaud ? Je suis brûlant et j'essaye encore de marcher droit."

"Je suis ivre," l'informe brutalement Viktor. "Et nu."

"Oh," il y a un son étranglé de la part de son mari.

"A très bientôt," promet le champion, lui soufflant un baiser par téléphone, "J'attends ton aide précieuse avec impatience."


Parce qu'en la lisant la version originale, je désirais ardemment savoir comment prononcer tous ces caractères cyrilliques inconnus, voici un petit lexique des expressions utilisées par Viktor. Entre crochets se trouve la prononciation selon l'alphabet phonétique international (il peut y avoir des erreurs) et à côté la transcription en français.

дорогой [dɐrˈoɡəj] / dorogoy: chéri

глупый [ɡlˈupᵻj] / gloupyy: imbécile

дурацкий [dʊrˈat͡skʲɪj] / douratskiy: crétin

моя звезда [mˈojə] [zvʲɪzdˈa] / moya zviezda: mon étoile

мое золото [mɐjˈɵ] [zˈolətə] / moie zoloto: mon trésor

да, черт возьми [dˈa] [t͡ʃʲˈɵrt] [vɐzʲmʲˈi] / da tchiept vozmi: Oui, et plutôt deux fois qu'une !

дерьмо [dʲɪrʲmˈo] / diermo: merde

A très bientôt pour le prochain chapitre, il y en a six pour l'instant !