Dernier chapitre, ce soir, ça me fait un petit truc.

Cette fic a pas eu énormément de retours (et d'un côté, ça m'étonne pas, c'est moi qui adore les fandoms minuscules/les ships perdus), mais j'ai beau trouver à y redire, j'en suis assez fière. J'ai adoré écrire cette fic, j'ai adoré développer cette histoire, et elle me semble moins "creuse" que J'avance que j'ai aimé écrire mais sur laquelle j'ai beaucoup de regrets.

Enfin ça, peu importe, ce qui compte c'est le résultat, et j'espère que ce que j'ai produit vous a plu, ce chapitre y compris, et je vous souhaite une bonne lecture avant de vous retrouver en bas :)


15. Bent to fly (Slash)

Revoir Osaka fut une expérience très étrange. Sousuke visita la ville dans laquelle il avait vécu si longtemps, en ayant l'impression de la redécouvrir. Il ne sut jamais si c'était car il n'était pas seul, cette fois, ou si c'était simplement car lui, il avait changé, au fond.

Il repassa dans des rues connues, mais en tira du plaisir. Il aima revoir ces endroits qui auparavant criaient routine. Il eut mal aux joues à force de sourire, alors qu'il revoyait de vieux amis, qui le poussaient à leur jouer un morceau de basse (sur laquelle il s'était bien entraîné). Il aimait les entendre dire qu'il était comme un nouvel homme.

Haru apprécia lui aussi cette escale. Ils avaient quitté Tokyo début octobre, et si Rin avait été un peu triste, il les avait malgré tout poussés à y aller. Sa seule condition avait été qu'ils l'appellent régulièrement, cette fois, et que le jour où ils reviendraient, ce soit pour de bon.

Alors ils avaient voyagé autant qu'ils avaient pu, maintenant qu'ils étaient véritablement libres de tout poids, et que Sousuke n'avait plus de traitement. Ils avaient remonté le Tohoku, passant dans Miyagi, à travers les champs de riz infinis, pour aller admirer Matsushima. Qu'il fasse partie des trois plus beaux paysages du pays leur sembla mérité, surtout lorsqu'ils ressortirent leur appareil photo à bord d'un bateau pour explorer la baie d'îlots, l'odeur des pins presque aussi forte que celle de la mer.

Ils étaient ensuite montés jusqu'à Aomori, après quelques escales dans des ryôkans, à profiter des onsens en plein air, des montagnes abandonnées à la nature qu'ils croisaient, des lacs en col reflétant la lune. Puis ils étaient arrivés dans la grande île d'Hokkaido, où il faisait déjà bien froid alors qu'on approchait fin octobre. Hakodate, grande ville de l'île, ne les avait pas trop intéressés, et ils n'étaient restés dans le sud que pour voir le château de Matsumae avant de partir en train vers le nord, puis l'île Rishiri à la frontière de la Russie, déjà couverte de neige.

La visite avait été rude, ils avaient dû faire appel à toute leur énergie, mais cela avait valu le coup lorsque la tempête s'était dissipée, et qu'ils avaient pu admirer, au-delà du ciel dégagé, la nuit étoilée qui faisait briller la mer de mille feux. Au milieu des sapins verts, recouverts de neige, ils avaient profité de cet instant de paix, au sommet, en solitaires, pour s'amuser comme des gosses. Et s'ils avaient fini trempés, ils s'étaient arrangés pour se réchauffer mutuellement une fois dans leur sac de couchage, sous la tente.

Ils étaient ensuite redescendus tranquillement, visitant aussi le parc Akan, avaient observé des Marimo énormes ainsi que des lacs de boue bouillonnants. Puis l'envie de revenir vers des températures plus chaudes les avait rattrapés, surtout quand novembre s'était approché.

Ils étaient repartis sur l'île principale, et après s'être arrêtés à Nagano, Nara, Kyoto, étaient enfin arrivés à Osaka, bien décidés à terminer leur tour du pays en se rendant à Iwatobi. Après cela, il faudrait retourner à Tokyo, reprendre leur vie mise en arrêt pendant maintenant six mois, cesser d'être des enfants.

Haru fut le premier à engager le sujet, un soir, après avoir passé l'après-midi dans les environs du Tsutenkaku, et avoir traversé la partie sud de la ville.

« Qu'est-ce que tu veux faire, en rentrant? J'imagine que tu ne comptes pas réessayer la police. »

Il inspira profondément, couché sur le dos, avec son amant contre lui tandis qu'ils regardaient une rediffusion de Mobile Suit Gundam. Puis il susurra :

« Je sais pas trop. En même temps, j'ai pas vingt-cinq mille options. Je suis trop vieux maintenant pour tenter la restauration, ou des petits trucs du genre. En y réfléchissant, je me dis que je pourrais bien essayer la sécurité, mais faut voir si je suis pas trop âgé non plus.

– Tu as quand même un beau CV pour ce genre de boulot, cela devrait t'ouvrir de bonnes boîtes de protection rapprochée. »

Un murmure affirmatif lui répondit, mais sous-entendait qu'il n'était pas non plus très emballé.

« Je sais pas si je tiendrais le coup. Pas envie de revivre la même chose que la dernière fois.

– Techniquement, la dernière personne que tu as eu à protéger, c'était moi.

– Ouais, s'esclaffa-t-il. Et au final c'est moi qui me suis fait planter. J'aimerais bien vivre jusqu'à cinquante ans. »

Haru réajusta sa position contre lui, tout en soupirant :

« Je ne serais pas très rassuré, mais j'imagine que je préfère que tu fasses ça plutôt que de bosser dans un fast-food.

– Là, même pas en rêve.

– Et pas question d'être ton sugar daddy. »

Un rire s'échappa de Sousuke, qui éteignit la télévision d'une pression sur la télécommande, s'allongeant pour se retrouver face à face avec son amant :

« Et toi alors...? Tu vas coacher ce nouveau gamin? »

Haru resta impassible, comme si la proximité ne lui faisait rien, alors que la main de son compagnon descendait le long de sa cuisse.

« Je ne suis pas un coach.

– Peut-être que tu t'en sortirais bien, qui sait?

– Hm... »

Il avait l'air de vouloir dire quelque chose, mais la main qui enserra une de ses fesses le coupa, et il ne tarda pas à se redresser pour pousser Sousuke sur le dos, et l'embrasser. Ravi de ce développement, il se laissa faire, tandis que sa main glissait le long de la colonne du plus petit qui lui retirait son haut pour aller parcourir son torse de ses lèvres.

« Je dois encore y penser, à ce que je compte faire... chuchota Haru, alors que l'homme sous lui grognait de plaisir quand il passa sa langue sur son téton, tout en taquinant le devant de son boxer.

– Ce que tu veux faire maintenant tout de suite, ou...?

– Ça, je n'ai pas besoin d'y réfléchir. » se contenta-t-il de répondre, un fin sourire aux lèvres, avant d'embrasser ses abdominaux mats, puis la cicatrice qui contournait ses côtes.

Il fut plus doux, ralentissant ses administrations. Sousuke était encore sensible à cet endroit, et le serait probablement toujours. Au moins, il n'avait plus mal, et Haru n'eut besoin que de légèrement sucer la peau pour qu'une réaction s'ensuive.

« Tu n'as pas intérêt à mourir avant moi, souffla-t-il, l'air contre la peau humide déclenchant sa chair de poule.

– Je... ferai de mon mieux. » fut la seule chose qu'il arriva à dire, avant que l'ancien nageur ne se baisse encore, descende le tissu de son sous-vêtement, puis englobe son érection de ses lèvres.

Sousuke observa ses cils qui frémissaient alors qu'il allait et venait, la petite ride entre ses sourcils alors qu'il se concentrait sur son plaisir. La tension qui le parcourait avec l'excitation vint se concentrer dans son bas-ventre, et le reste de ses membres, eux, semblèrent se ramollir. Sa mâchoire tomba, il gémit quand Haru déglutit, sa langue diabolique ne cessant de parcourir tous ses points sensibles.

Il se retira, remonta sa main qui tenait sa base jusqu'à sa tête, pour mieux faire tressauter l'autre, qui jura, insulta vaguement son amant qui ne fit que sourire, tout en laissant sa langue descendre plus bas, et ses lèvres effleurer la peau délicate de ses testicules.

Mais rapidement impatient, Sousuke se redressa, et fit se retourner le plus petit pour qu'il se retrouve sur le ventre. Une satisfaction sadique s'empara de lui alors qu'il pouvait le manipuler comme il souhaitait, Haru le laissant attraper son bassin, le mettre à genoux, et se contentant de soupirer lorsque ses vêtements furent eux aussi rapidement enlevés.

Ils avaient confiance l'un en l'autre, et connaissaient leur corps respectif. Avec les mois qui s'étaient écoulés, ils avaient eu le temps d'essayer de nombreuses choses, de parler, de faire des expériences. Et il n'avait pas peur de voir les choses devenir banales. Il ne craignait pas de se retrouver dans un train-train en sa compagnie. Il avait vécu déjà dix ans de routine, et n'avait pas peur de retomber dedans, surtout en sachant que cette fois, ce ne serait pas seul.

Alors il n'hésita pas en le préparant, puis en entrant en lui. Ils frissonnèrent de concert, et Sousuke fut le premier à gémir lorsqu'il bougea. Sa tête tomba sur le dos plus clair, et il se laissa porter, fermant les yeux.

Dans ses oreilles résonnait la voix de Haru, qui se laissait de plus en plus aller, surtout depuis que son amant lui avait avoué être sensible aux sons pendant l'amour. Le brun ne lui avait cependant rien promis, car il n'allait pas simuler pour lui faire plaisir, et il ne s'attendait pas à ce qu'il le fasse. Ainsi, savoir que c'était réellement lui qui le rendait comme ça, lui faisait perdre face, ne l'excitait que plus.

Il fit passer ses dents contre l'omoplate de son ami, descendit ses mains contre ses cuisses pour mieux s'y accrocher. Sous lui, l'autre homme tourna la tête, et la vue des joues rouges, de la bouche entrouverte, des yeux assombris par le plaisir poussa Sousuke à se retirer pour mieux retourner Haru, ne pas perdre cette image.

Collés torse contre torse, il reprit ses mouvements, laissant aussi ses lèvres recouvrir celles du plus petit. Un long soupir lui échappa, alors que l'autre s'accrochait à lui, venait à la rencontre de ses hanches. L'ancien nageur fit glisser son pied le long de son mollet, et accéléra le rythme.

Sousuke se perdit dans l'étreinte. Il se perdit dans le plaisir, dans ses pensées, dans ses rêves. Parce que son avenir, il l'avait littéralement entre ses mains. Il n'avait pas encore de travail, n'était pas complètement installé, mais se sentait réellement accompli et épanoui pour la première fois de sa vie. Haru lui apportait la stabilité, le réconfort, mais aussi l'inconnu, l'adrénaline qu'il avait poursuivi toute sa vie.

Ce n'était pas juste qu'il l'aimait. Mais qu'il n'imaginait même pas une vie sans lui, sans poisson au petit déjeuner, sans tiroir à maillots de bain, sans quelqu'un à côté de lui en voiture. Il avait enfin trouvé un homme avec qui l'idée de vieillir paraissait plaisante. Qui saurait le suivre lorsque, même passé l'âge de vagabonder, il irait quand même voir de nouveaux paysages.

Il attrapa la main de son ami, la serra, et vint faire reposer son front contre la clavicule de Haru, envahi par le plaisir et l'émotion. D'un seul coup, ceux-ci explosèrent, et il vit des couleurs derrière ses paupières quand il vint, que les mains autour de sa taille s'y agrippèrent, puis que les gémissements s'entremêlèrent.

Ils restèrent l'un contre l'autre, à s'embrasser, se toucher, se murmurer quelques mots. Dans la chaleur de leur chambre, ils parvinrent à oublier le vent hivernal de décembre qui sifflait dehors. Mais c'était jusqu'à ce que le portable de Haru sonne, et cela fit gronder Sousuke, qui, s'il n'avait plus autant envie qu'avant de balancer son portable, aurait quand même souhaité que celui-ci reste silencieux durant leur voyage.

Le plus petit s'extirpa alors de sa prise, même si son amant insistait sur le fait qu'il pouvait téléphoner devant lui. Haru l'ignora, et alla dans la salle de bain pour décrocher, se baladant nu sans se soucier de rien.

Pendant ce temps, Sousuke partait à la recherche de son boxer qu'il remit, puis de sa montre. Il grimaça en voyant qu'il était déjà deux heures du matin, alors qu'il fallait qu'ils partent tôt le lendemain pour arriver à Tottori, chez ses parents, avant le déjeuner. Ceux-ci avait visiblement préparé un festin, et n'apprécierait pas qu'ils n'y goûtent pas.

Mais il n'eut pas le temps de plus y réfléchir, car à peine eut-il mis un réveil pour le lendemain que Haru revint dans la pièce, l'air impassible. L'ancien nageur ne tarda pas à se glisser dans ses bras, cacher son visage dans l'angle de sa nuque, et Sousuke, sentant bien qu'il y avait un problème, souffla :

« Haru, ça va?

– Il est mort. »

Ses sourcils se haussèrent haut, alors qu'il frissonnait. Il n'eut pas besoin de demander qui.

« C'était la police qui t'appelait?

– Oui. Suicide. »

Sousuke sentit les larmes qui commencèrent à dégringoler sur sa peau. Peut-être était-ce de la frustration, peut-être du soulagement, peut-être de la joie. Il ne lui demanda pas. Il passa simplement une main sur son dos, son nez dans ses cheveux, et le laissa silencieusement sécher ses larmes.

« C'est bel et bien fini, alors.

– Oui. »

Haru s'éclaircit la gorge, et redressa enfin la tête, les cheveux un peu en pagaille et les yeux rouges. N'osant pas croiser son regard, il souffla enfin :

« Il habitait dans mon immeuble. »

Sousuke se raidit, alors qu'il comprenait mieux. Évidemment. Il n'y avait même pas pensé. C'était le dernier endroit où il aurait cherché, mais pourtant le plus logique. Cela semblait plus simple d'espionner son appartement en étant dans un autre immeuble, mais avec des miroirs, c'était faisable. Et quoi de mieux pour accéder à sa boîte aux lettres.

Il le resserra contre lui, embrassant sa tempe.

« Tu l'avais déjà croisé?

– Oui. Je le trouvais gentil.

– Désolé, Haru. »

Il secoua la tête, fronçant les sourcils.

« En premier lieu, j'espérais qu'il puisse être soigné. Mais il s'en est pris à toi. J'aurais juste voulu le voir croupir en prison.

– Ça n'a plus d'importance. Il est parti, et ne reviendra pas. Et je suis vivant, Tachibana aussi, Rin y compris. »

Haru vint passer une main sur sa cicatrice. Et chuchota des mots qu'il voulait sûrement lui communiquer depuis longtemps.

« Le soir de ton anniversaire... »

Le plus grand se tendit, car soudain, Haru abordait le sujet. Il lui avait assuré qu'il n'avait pas à en parler s'il ne le voulait pas, Sousuke ne souhaitait pas qu'il se rappelle ce genre de choses, seulement du fait qu'il était vivant, et toujours là pour lui, pour longtemps. Mais il fallait quand même crever l'abcès, et il y parvint seul.

« Je m'étais dit que je ne voulais pas te laisser seul face à Rin, en fin de compte. Que si cela se passait mal, il valait mieux que je ne sois pas loin. Alors je suis descendu, car en plus tu n'avais pas ton portable. »

Au fond, Sousuke savait. Mais il y avait une grande différence entre savoir, et agir. Tout comme celle de raconter l'un des pires instants de sa vie, ou bien se le répéter, l'intérioriser jusqu'à en perdre la tête.

« J'ai tenté de retenir le sang. Je sais le faire, j'ai été formé pour ça. Mais mes mains ne voulaient pas se calmer, et plus je voyais le rouge passer à travers mes doigts, plus cela devenait difficile... »

Il ne pouvait qu'imaginer la scène. Voir l'homme qui était actuellement dans ses bras en pleine panique. Il se demanda ce que cela aurait été, si leurs places avaient été inversées, et ravala rapidement ses larmes.

« Tu m'as quand même sauvé, au final.

– J'ai vraiment cru que j'allais te perdre.

– À cause d'un pauvre type comme ça? Jamais de la vie. »

Il tentait de le réconforter comme il pouvait, en rigolant de la situation, puisqu'il ne pouvait faire que cela. Il fallait que cela devienne le passé, et rien d'autre. Alors Sousuke demanda :

« Du coup, j'avais vraiment réussi à le faire s'évanouir? Il a pas montré signe de se réveiller? »

Cela lui prit de longues secondes, à lentement respirer, se calmer, mais il répondit :

« Des gens sont rapidement arrivés, et quelqu'un a compris la situation, donc il s'est occupé de le tenir à terre en attendant les secours et la police. Heureusement qu'il avait l'air tellement suspect avec sa casquette et ses habits en noir, ils auraient pu croire que tu étais le coupable. »

Sousuke écarquilla les yeux, en se rendant compte de ce détail qui lui avait échappé. Cela suffit pour faire doucement rire Haru lorsqu'il releva la tête, et le simple son réchauffa l'atmosphère. Finalement, il lui chuchota qu'il fallait qu'ils dorment et les lumières furent éteintes. Contre lui, le plus petit lui souffla, avant qu'ils ne s'endorment :

« J'étais sérieux, lorsque je t'interdisais de mourir avant moi, d'ailleurs. »

/

Le nouvel an s'approcha rapidement, bien plus qu'ils ne l'auraient cru. Ainsi, une fois le réveillon passé, Sousuke dut annoncer à sa mère qu'il fallait qu'ils rentrent, pour de bon cette fois. Celle-ci fit la moue, mais arriva à lui arracher la promesse de repasser d'ici l'été. Haru fut celui qui lui assura qu'ils viendraient.

Lui et sa mère s'étaient bien entendus. En tout cas, si elle avait d'abord eu l'air mal à l'aise, les bonnes manières et les dons en cuisine de son ami avaient suffi pour qu'elle l'adopte. Son père avait eu un peu plus de mal, et ils en avaient longuement discuté. Il avait eu l'impression que son fils était trop ébloui par l'autre homme, et avait craint qu'il se retrouve, un an plus tard, lassé et déçu, quand l'étincelle se serait évanouie.

Heureusement, pour la première fois de sa vie, Sousuke avait apprécié de voir sa mère faire des remarques, et avait au passage appris qu'à leur rencontre, son père avait aussi hésité à poursuivre les choses avec son actuelle épouse, par peur de voir « les choses aller trop vite ». Bien qu'un peu vexé de voir de vieux dossiers ressortir, le retraité avait accepté de laisser le bénéfice du doute à leur relation. Il était resté très courtois, parfois un peu maladroit quand leur homosexualité était abordée, mais il avait fait des efforts. Et s'il n'avait pas de doutes sur le fait que Haru s'entendait bien avec sa mère, celui-ci lui avait dit apprécier son père.

« Il te ressemble tellement, en même temps, ce serait hypocrite de ne pas l'aimer. » lui avait-il glissé alors qu'ils étaient sur le chemin retour pour Tokyo. Sousuke s'était contenté de ronchonner qu'il n'était pas du tout comme son père. Et évita de mentionner que c'était de lui qu'il tenait ses goûts musicaux.

Ils s'étaient alors pour la dernière fois relayés au volant jusqu'à leur retour dans le Kanto, puis dans la capitale. Mais cette fois, ils n'avaient plus aucun regret en revenant. Ils étaient prêts à reprendre leur vie, que Haru revienne à la piscine, que Sousuke recrée des liens.

Et Rin était bien décidé à ce que cela se fasse rapidement, car il organisa chez lui une fête pour le Nouvel An, avec du monde, notamment des gens que son meilleur ami avait perdus de vue. Et bien que cela lui fasse bizarre, et qu'il se prenne quand même des remontrances pour son silence radio des dernières années, il s'amusa bien ce soir-là. Il admira la femme épanouie qu'était devenue Gou, et taquina son frère sur le fait qu'elle avait l'air bien plus adulte que lui. Momo aussi avait terriblement grandi, les cheveux courts, mais encore l'étincelle dans les yeux et le rire d'un homme qui profite de sa jeunesse. Quand il aperçut Kisumi, lui et Haru firent immédiatement semblant de se planquer derrière un rideau, ce qui fit mourir de rire Nagisa, un peu plus loin.

Il finit par abandonner son compagnon aux mains de leur pot de colle favori, et rencontra d'autres invités, des connaissances de Rin, beaucoup de sportifs de Tokyo ou étant de passage, comme un patineur artistique dont la voix lui rappela quelque chose. Cela lui rappela les éternelles soirées à Osaka, avec tant de gens sympas, qu'il se prenait à apprécier, mais oubliait le lendemain. Ce soir-là, cependant, ce fut différent. Quand il échangea son numéro avec certaines personnes, c'était en sachant qu'il les reverrait prochainement.

Pour le décompte avant minuit, Sousuke rejoignit quand même Haru, qui avait fini par arrêter de fuir Kisumi, surtout maintenant que Rin était là et empêchait ce dernier de l'emmerder comme il aimait le faire. Mais il vit le bras que l'autre homme fit glisser autour des épaules de l'ancien nageur, et bien ce que soit assez pitoyable, il vint pincer sa main pour qu'il oublie cette idée.

« Oh, Sousuke, serait-on jaloux? fit-il en lui tirant la langue.

– Très. » se contenta-t-il de répondre, plaçant son bras à l'endroit où avait essayé de se trouver l'autre. Il ignora le regard ainsi que le désaccord clair de Haru, qui n'appréciait pas d'être un accoudoir, peu importe pour qui.

Kisumi, en tout cas, siffla, ébahi mais un large sourire aux lèvres.

« J'y crois pas! Officiels, et tout ça? Moi qui voulais profiter de la soirée pour vous titiller et peut-être admirer un joli déni... on aura droit au baiser à minuit, alors? » continua-t-il, carnassier.

Haru joua des épaules pour se débarrasser du poids qui était sur elles, et en profita pour se resservir un verre.

« Tu vas être déçu, se contenta-t-il de répondre.

– Pas moi, grommela Rin. Je suis toujours pas habitué à vous voir faire des trucs de couples, c'est dégoûtant.

– J'y peux rien si ça fait six mois que tu as que ta main droite alors que moi je peux m'amuser tous les soirs. » fit Sousuke, un peu revanchard, un sourire en coin, alors que Kisumi exultait en assistant à une telle conversation.

Rin vint frapper le tibia de son meilleur ami, un peu plus violemment que d'habitude, sûrement car il avait bu, et Haru leva les yeux au ciel, ravi de pouvoir ignorer les imbéciles à côté de lui quand Makoto apparut. Mais tandis que Kisumi glissait d'un ton mielleux au rouquin qu'il était libre, si jamais; les gens commencèrent à se diriger vers le grand balcon, pour admirer les feux d'artifice qui seraient tirés autour de la tour de Tokyo.

La terrasse avait beau être bien plus grande que d'autres, ils étaient tous un peu serrés, et Sousuke jugea qu'ils économiseraient de la place si l'ancien nageur collait son dos à son torse, et le laissait poser son menton sur sa tête. Ainsi, dans leur petit monde à tous les deux, ils écoutèrent le décompte final, et observèrent les fleurs de lumière qui jaillirent dans le ciel. Les bras du plus petit tenaient affectueusement les siens.

Tout le monde se souhaita la bonne année, et si certains partirent directement pour Hatsumôde, lui et Haru restèrent là où ils étaient, même quand le balcon se vida. Avec l'espace retrouvé, ils auraient pu se lâcher, mais le froid de désormais janvier les poussa à rester dans cette position, à observer la nuit de Tokyo, les quelques étoiles qui passaient les nombreux nuages, ou encore la lune qui apparaissait puis disparaissait.

La main de Haru vint chercher la sienne, et il tourna la tête en sa direction.

« Sousuke, je voulais te demander quelque chose. »

Il haussa les sourcils, ne s'attendant pas à entendre ceci, surtout maintenant. Malgré tout, il lança :

« Les bagues, ça me va pas. »

Un bref rire échappa à son amant, qui secoua la tête.

« Rien à voir. Je ne veux pas te demander de faire quelque chose, je me posais juste une question.

– Lance-toi. »

Haru prit quand même son temps pour choisir ses mots, passer sa langue sur ses lèvres un peu gercées par le froid. Puis il expliqua :

« Tu penses que tu aurais pu supporter d'être avec un sportif? Qu'il soit sans cesse à l'autre bout du monde, que son coach passe avant toi, que vous ne puissiez sortir à cause de son régime strict, qu'il ne puisse parfois pas coucher avec toi à cause des compétitions. Tout ça pendant plusieurs années? »

Il ne put s'en empêcher, il ricana, et desserra un peu sa prise sur son ami pour qu'il puisse se tourner vers lui et vraiment lui parler en face :

« Sérieusement? fit-il, l'air partagé entre l'hilarité et l'incompréhension. Tu me demandes si je serais sorti avec toi lors de ton âge d'or?

– En oubliant ta trouille de Rin; oui, je te le demande vraiment. »

Cillant, il secoua la tête, tout en ayant envie de répondre qu'il n'en savait rien, sincèrement. Mais si Haru le lui demandait, ce n'était pas pour recevoir une réponse aussi inutile. Alors il réfléchit, un moment, et arriva finalement à une conclusion :

« Si, à cette époque, j'avais été aussi amoureux qu'aujourd'hui... évidemment que j'aurais supporté. Limite... » il mordit l'intérieur de sa joue, mais le dit quand même : « Parfois, je regrette de ne pas avoir pu assister à ces grands moments. C'est un peu comme un genre de rêve idiot que j'ai, mais tout comme je voulais voir Rin au sommet, j'avoue que parfois j'ai bien envie de t'y voir aussi, encore, en étant dans les tribunes cette fois. »

La réponse sembla suffire à Haru, qui hocha doucement la tête. Il garda ses yeux cachés derrière ses mèches sombres, à assimiler ce qu'il venait d'entendre, et Sousuke l'observait faire, patiemment. Mais quand les pupilles bleues remontèrent vers lui, croisèrent les siennes, les battements de son cœur s'accélérèrent considérablement.

« Et si je te dis que... gagner à nouveau, au sommet, c'est aussi un rêve idiot que j'ai mais que je peux réaliser... » il déglutit, et tira sur ses cheveux courts, pour que la bouche du plus grand lui soit enfin accessible. « Tu me suivrais? »

Sousuke écarquilla les yeux. Car il lut ce qui se trouvait dans ceux de son ami. Plus que l'affection, plus que le désir; une vraie détermination qu'il ne connaissait au final que de nom. Ses lèvres tremblèrent.

« Tu as déjà pris ta retraite, pas besoin de faire ça pour moi...

– Les athlètes qui arrêtent leur carrière reviennent souvent. Et je fais ça pour moi, car j'en ai envie.

– Mais, tu ne voulais pas risquer de finir sur une défaite- »

Haru le coupa d'un baiser, les paupières fermées. Il ne put que se laisser faire, alors qu'avec douceur, ils s'embrassaient, malgré le froid. Et le nageur qui sortait enfin de sa retraite, malgré ses trente ans, chuchota simplement, contre ses lèvres :

« Alors je gagnerai. »

/

I won't stop running

I'm only getting closer

To getting off the ground this time

The sky is calling

The wind is at my shoulders

Won't let this chance pass me by

/

Du haut de ses bientôt 33 ans, Sousuke était dans les tribunes du stade olympique. Ses quelques jours de vacances, il les passait à Chicago. Son boss n'avait pas caché son sourire lorsqu'il avait posé sa demande de congés, et l'avait laissé y aller, car il devait bien ça à l'employé le plus polyvalent de leur agence de protection rapprochée, qui acceptait toutes les missions à l'étranger. Cela n'échappait cependant à personne qu'il était sans cesse à changer les horloges étrangères sur son portable, pour parler à quelqu'un qui se déplaçait autant que lui aux quatre coins du monde, souvent là où il y avait des rencontres de natation.

Sousuke se sentait bien. Il aimait son travail, bien qu'il ait plusieurs fois eu peur pour sa vie, et que certains clients soient des enfoirés. De plus, il avait été forcé de recommencer le sport, s'était centré sur le judo tout en reprenant la natation. Il se sentait à l'aise dans son corps, dans sa tête, et si parfois il devait passer plusieurs heures au téléphone pour pallier à l'absence de celui qu'il aimait, rien ne changeait les sentiments qu'il ressentait. Au contraire, les retrouvailles n'étaient toujours que plus belles.

Il avait des amis, que ce soient des collègues ou d'autres qu'il avait rencontrés en voyageant, ou à Tokyo, chez lui. Il avait un appartement, qui, s'il avait beau être souvent vide, l'accueillerait toujours lorsqu'il en aurait besoin. Il avait un passeport couvert de visas, de tampons de pays de tous les continents. Il avait un appareil photo rempli de souvenirs, qu'ils aient été vécus seul ou à deux.

Et ce fut enfin l'heure. Il retrouva son ami, mais à une dizaine de mètres de lui, marchant vers son plot. Il ne put lui parler, mais n'en eut pas besoin pour lire en lui. Lorsque les athlètes, alignés sur les starting-blocks, se préparèrent au coup de feu, il cessa de respirer.

Il admira cet homme qui plongea, dont il n'était pas seulement amoureux. Qu'il trouvait grand, qu'il respectait, qu'il avait vu se relever. Qui combattait de nombreux athlètes plus jeunes que lui, pour conserver la médaille qui était sienne, alors qu'il avait fait face à tant de difficultés, morales et physiques.

Il était tellement fier de lui. Et cela il comptait bien le lui dire toute sa vie.

Mais sur l'instant, il dut s'empêcher de crier, peut-être pleurer, car Nanase Haruka était sorti de sa retraite dans l'espoir de retrouver sa gloire. Et qu'il avait à nouveau vaincu.

Sousuke descendit les escaliers, se sentant en apnée, oubliant tout autour de lui quand le nageur arriva près des tribunes, le drapeau de son pays sur ses épaules. Il lui tomba dessus avec la force d'un éléphant, balbutiant il ne savait quoi tant il était secoué par ce qu'il venait de se produire, alors que les appareils photo les passaient au crible, que les caméras étaient sur eux. Dans la loge des commentateurs japonais, Matsuoka Rin, lui, fondit définitivement en larmes.

Et l'image circula dans le monde entier. Celle du triple vainqueur olympique de 100m free masculin, et de son amant, sous le drapeau blanc et rouge pour cacher le baiser de la victoire qu'ils partagèrent. Sur cette même photo qui devint rapidement célèbre que ce soit dans le sport ou la lutte LGBT, on pouvait apercevoir l'intérieur du poignet du nageur. Les plus fans se rendirent compte qu'il s'y trouvait une nouvelle ligne d'encre.

Le tatouage, désormais, lisait :

I swim free for the team

And I won't stop running


FIN


La musique fut partie intégrante de l'écriture de cette fic. J'écris toujours en musique, mais pour la première fois je l'ai intégralement fait avec des chansons à parole, ce que j'évite d'ordinaire car cela me déconcentre. Et si les albums utilisés vous intéressent, ils sont cités chapitre 1!

Si je vous ai fait découvrir des groupes, des chansons, n'hésitez pas à soutenir ces artistes en achetant leurs albums, ou leurs singles, que ce soit sur support numérique ou physique. Sans eux, le monde serait un endroit bien moins agréable. Une petite pensée pour ma mère, qui à l'instar du père de Sousuke, est celle à qui je dois mes goûts musicaux (élevée aux Rolling Stones, Simon & Garfunkel et Noir Désir, je lui suis assez reconnaissante).

Pour la lutte LGBT, (ce n'est pas vraiment un sujet de la fic mais j'y tiens), si vous vous sentez concernés, je vous conseille l'organisme All Out! dont les résultats sont dingues et qui a sauvé nombre de vies et empêché des lois terribles avec de simples signatures ou des dons.

J'espère que je vous aurai donné envie de voyager, d'écouter de la musique, d'apprécier les belles choses de la vie. J'espère que le message que je souhaitais passer avec cette fic, qui est qu'il est normal et sain de fuir les mauvaises choses, et que cela n'empêche pas aux choses de pouvoir s'arranger; aura pu vous aider si vous aviez besoin de l'entendre.

J'espère que vous avez apprécié ma vision du monde, imparfaite, mais certainement pas aussi noire et sale que peut la dépeindre l'extrême-droite, pas seulement française, mais aussi internationale. Encore une fois, n'oubliez pas d'aller voter la semaine prochaine si vous en avez l'âge, c'est très important. Et si je peux comprendre l'abstention, parfois, je demeure convaincue que l'on vaut mieux que d'ouvrir la porte à ceux qui nous veulent du mal.

Ma prochaine fic sera ma fic Tokyo Ghoul, encore en cours mais bientôt terminée, que j'espère commencer à publier d'ici août-septembre (ne me prenez pas au mot, surtout que ma correctrice sait prendre son temps). J'ai aussi des one-shot en réserve.

Maintenant, je vous dis à bientôt, et ne vous inquiétez pas, autant le SouMako je m'en suis un peu lassée, autant le SouHaru j'ai encore plein de choses à écrire dessus... ;)


(Vous pouvez décider de vous même si je fais référence à Otabek ou à JJ (qui ont les doubleurs de Sousuke (Hosoya Yoshimasa), et Rin (Mamoru Miyano), respectivement). Ainsi que vous imaginer quel autre fandom risque de m'inspirer à l'avenir ;))