Et voilà, mes loulous, le dernier chapitre de cette histoire étrange et métaphysique !
Merci beaucoup à celles et ceux qui m'ont accompagnée jusqu'à la fin de cette fic (que j'ai mis beaucoup trop longtemps à écrire, pardon Flo'w, et encore joyeux anniversaire ! (ça va bientôt être le prochain hin hin hin XD)). Je vous fais des milliards de bisous et j'espère que cette fin vous plaira !
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Chapitre 8
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Thorin émergea du néant si doucement qu'il ne s'en rendit pas vraiment compte tout de suite. Lorsqu'il comprit qu'il était réveillé, il commençait déjà à entendre les bruits qui l'entouraient. Des ronronnements de machine, des bips réguliers, des voix indistinctes.
Les bips s'accélérèrent lorsqu'il se mit à paniquer. Comment s'appelait-il ? Où était-il ? À quelle époque ? Pourquoi est-ce qu'il se sentait incapable de faire un mouvement ?
Une voix masculine marmonnait des mots au dessus de sa tête, mais Thorin était incapable de les comprendre, et les bips s'emballaient.
Finalement, la voix se fit de plus en plus distincte, au point que Thorin puisse saisir quelques paroles.
— …va bien… êtes sur Shadowfax… réveiller de cryo-sommeil. Pas… peine de paniquer, tout… sous contrôle.
Shadowfax. Le vaisseau spatial.
En un clin d'œil, ses neurones se reconnectèrent, et Thorin se souvint. Shadowfax. Il s'était réveillé avant tout le monde. Il avait cru qu'il allait mourir. Il avait écumé le vaisseau tout seul. Il avait rencontré un androïde. B… Bill… Billy… Bilbo. Il avait rencontré Bilbo. Il lui avait créé une puce. Il était tombé amoureux. Bilbo avait eu des virus. Thorin lui avait enlevé la puce. Puis il l'avait remise. Et ils avaient trouvé le caisson de cryo-sommeil dans l'infirmerie.
Les bips s'accélérèrent à nouveau. Où était Bilbo ?! Il voulait le voir. Il fallait qu'il le voie.
— Du calme, monsieur Oakenshield, dit une voix qui avait gagné en netteté. Ne paniquez pas, il faut juste du temps pour que votre corps se réhabitue. Je vais vous faire une injection de VK-322 et de C-125. Ce sont des vitamines qui vous aideront à retrouver votre forme.
Thorin ouvrit les yeux. À qui appartenait la voix ? Un visage flou planait au dessus de sa tête, disparut, puis revint. Un visage inconnu. Pas une voix sur un écran, comme lorsqu'il s'était réveillé la première fois.
— Bilbo, marmonna-t-il.
— Qu'est-ce que vous venez de dire, M. Oakenshield ?
Le visage se précisa. C'était un homme, les cheveux longs et les yeux bleus. Un humain. Thorin le fixa avec stupéfaction. Il n'avait plus vu de visage humain depuis si longtemps.
— Vous commencez à vous remettre ? demanda l'homme avec un sourire amical. C'est bien. Les vitamines font effet. Notre capitaine de vaisseau voudrait vous toucher un mot dès que vous vous sentirez mieux.
Capitaine de vaisseau. Thorin le fixa, éberlué. Il avait l'impression que son cerveau ne suivait pas le rythme. Il tourna la tête à gauche, puis à droite. Il était toujours dans la Machine, là où il s'était endormi. Quelques personnes étaient présentes dans l'infirmerie, vaquant à leurs occupations comme si ça n'avait rien d'extraordinaire, comme si elles n'avaient pas passé cent cinquante ans endormies – mais il manquait la présence la plus importante de toutes.
— Où est Bilbo, demanda-t-il d'une voix rauque.
— Qui ça ? demanda l'homme en fronçant les sourcils.
Il avait une étiquette en plastique sur sa blouse blanche, indiquant le nom Elrond Peredhel.
— Bilbo, répéta Thorin. Où est Bilbo.
— Je suis désolé, M. Oakenshield, je ne vois pas de qui vous voulez parler. Il s'agit d'un passager ? Vous êtes partis ensemble ?
Thorin exhala un soupir et secoua la tête. Il n'avait pas la force de raconter toute l'histoire, mais même s'il l'avait eue, il aurait préféré la garder pour lui. Il tenta de se redresser.
— Oh là, attention, sourit Elrond le médecin. N'allez pas si vite, vous venez juste de vous réveiller d'une centaine d'années de cryo-sommeil.
— Combien, demanda Thorin d'une voix sans inflexion. Quand est-ce qu'on arrive.
— Nous atterrirons sur Montagnes Bleues dans un mois, répondit l'homme. Tous les passagers de ce vaisseau sont déjà réveillés, mais je suppose que vous aviez du retard à rattraper sur les autres. Combien de temps avez-vous passé éveillé ?
Thorin resta silencieux. Elrond se racla la gorge.
— Je vais vous laisser vous reposer, mais n'essayez pas de vous lever tout de suite.
— Comment vous connaissez mon nom, demanda Thorin brusquement. Comment vous savez ce qui m'est arrivé.
— Oh, répond Elrond. Eh bien, la première surprise, bien sûr, c'était de trouver un passager dans la machine de cryo-sommeil de l'infirmerie. Le capitaine de vaisseau a aussi été très surpris de découvrir des traces de chalumeau sur la porte de la cabine de pilotage. Vous avez tenté de l'ouvrir ?
— Jamais réussi, marmonna Thorin.
— C'est ce qu'ils se sont dit. L'équipe a consulté le carnet de bord virtuel et a réalisé que votre caisson avait subi un dysfonctionnement. Pour le reste, ce n'était que des suppositions.
— Trois ans, dit Thorin. Je suis resté éveillé trois ans. Sur ce putain de vaisseau.
— Oh, dit Elrond, l'air interdit. C'est… C'est très long.
— Très long ? s'exclama Thorin, incrédule. Trois ans prisonnier, sans pouvoir sortir, sans pouvoir se rendormir, sans personne à qui parler, persuadé que j'allais mourir comme un chien dans cet endroit. Oui, effectivement, c'était très long. Maintenant, laissez-moi sortir de là. Je veux retrouver Bilbo. Mes affaires. Où sont mes affaires ?!
Thorin tomba presque du caisson en voulant se mettre debout, et le monde vacilla autour de lui pendant un long moment avant qu'il ne retrouve son équilibre. Elrond voulut l'aider, mais Thorin le repoussa d'un geste.
— Me touchez pas, marmonna-t-il. Je m'en sortirai tout seul. Foutez-moi la paix.
Pendant trois ans, il avait regretté de ne pas voir un visage humain, et finalement, maintenant qu'il avait un congénère sous les yeux, il en avait marre au bout de dix minutes. Décidément, on ne changeait pas sa nature.
Il voulait retrouver Bilbo. Où était Bilbo ? Il avait dit qu'il l'attendrait. Qu'il s'éteindrait et qu'il l'attendrait. Était-il reparti dans son bar ? Avait-il repris le travail ?
Titubant, Thorin retira sa chemise de nuit et enfila les derniers vêtements qu'il avait portés avant de s'endormir, et qui étaient toujours là. Ses jambes étaient toujours un peu cotonneuses, mais il n'écouta pas les conseils d'Elrond et sortit de l'infirmerie le plus vite possible.
Lorsqu'il ouvrit la porte, il resta bouche bée.
Il y avait du monde partout. Du monde, du bruit, des enfants qui se poursuivaient dans les couloirs blancs en criant, des femmes qui papotaient entre elles, des hommes qui faisaient leur jogging. Quand Thorin avait quitté ce couloir, plus d'une centaine d'années auparavant, il avait été vide et froid. Comme tout le reste du vaisseau. À présent, il pullulait de monde. Pendant un instant, le volume sonore lui donna l'impression que son cerveau allait exploser.
Tant bien que mal, il traversa le vaisseau. Il l'avait tellement exploré qu'il le connaissait sur le bout des doigts, peut-être mieux que le capitaine de vaisseau lui-même, mais les deux mille passagers rendaient l'endroit méconnaissable. Il en avait la nausée. Où était Bilbo ?
Il se dirigea en premier vers Bag End, heurtant plusieurs personnes sur son passage. Lorsqu'il arriva dans le bar, il eut un coup au cœur : il y avait du monde à l'intérieur, un barman tout à fait humain derrière le comptoir, et pas de Bilbo en vue. Ce n'était pas son Bag End. Pas de trace de son vomi sur le sol. Quelqu'un était assis à la place qu'il occupait habituellement.
Un frisson lui parcourut l'échine, et il sortit. Où était Bilbo ?!
Il y avait des gens sur le banc d'observation de l'espace.
Des gamins jouaient à Dance Dance Revolution.
Les salles de cinéma étaient prises d'assaut par quelques passagers.
Les bibliothèques n'étaient pas silencieuses.
La porte qui menait à son ancienne station de travail, sous le panneau coulissant, était fermée.
Et Bilbo était absent.
Thorin décida finalement de revenir à sa chambre ; c'était le seul endroit où son androïde pouvait être, mais la présence de tant d'humains autour de lui le minait, et il n'osait pas trop y croire. Toutefois, lorsqu'il arriva devant le boîtier d'ouverture, il réalisa que sa carte magnétique avait disparu de ses poches, et il se rappelait très bien, même si ça avait eu lieu cent quinze ans plus tôt, que c'était là qu'il l'avait mise.
Bilbo avait dû la prendre.
Heureusement, le boîtier était aussi doté de reconnaissance d'empreintes, et lorsque Thorin appliqua son index dessus, la lumière vira au bleu et la porte se déverrouilla.
Thorin l'ouvrit doucement et la referma derrière lui. Un silence profond et apaisant l'accueillit. Sa chambre était la seule chose qui n'avait pas changé ; elle était restée exactement comme il l'avait laissée le jour où il était parti en cryo-sommeil, jusqu'au lit défait.
Et Bilbo était assis sur une chaise.
Thorin crut que ses jambes allaient le lâcher, et il se retint au mur. Bilbo était installé sur le fauteuil qu'il prenait régulièrement, assis très droit, les mains sur les genoux, la tête penchée en avant, les yeux fermés. Ses boucles avaient toujours la même couleur miel, mais il avait mis d'autres habits pendant que Thorin était endormi : un pantalon marron, une chemise ocre à carreaux, un gilet en laine beige. Il avait même mis des chaussures, constata Thorin avec stupéfaction.
À côté de lui, sur une petite table basse, se trouvait la boîte à outils de Thorin, et plus particulièrement le tournevis dont il s'était toujours servi pour ouvrir la plaque sur sa nuque.
Thorin le prit.
Pendant un instant, ses mains tremblèrent tellement fort qu'il se demanda s'il serait capable de l'utiliser, puis il prit une profonde inspiration pour se calmer, et s'attela à la tâche.
La plaque fut enlevée en deux temps trois mouvements, et en dessous, le panneau de contrôle si familier, à présent. La puce était insérée.
Thorin appuya sur le bouton de mise sous tension, le cœur tambourinant dans sa poitrine. Et si Bilbo ne se réveillait pas…?
La lumière s'alluma. Un tressaillement parcourut le corps de Bilbo. Tous ses processeurs se mirent en marche. Il resta immobile dix-sept (très longues) secondes, durant lesquelles Thorin s'agenouilla devant lui, puis il leva la tête.
Lorsqu'il vit Thorin, un sourire absolument lumineux naquit sur ses lèvres.
— Thorin !
Un instant plus tard, il s'était levé et serrait Thorin avec une force incroyable, et Thorin essayait de toutes ses forces de ne pas pleurer.
— Bilbo, murmura-t-il. Tu t'es réveillé.
Ses cheveux sentaient la matière synthétique et ses vêtements sentaient le propre et Thorin avait l'impression qu'il allait fondre de bonheur.
— Tu m'as réveillé, nuança Bilbo. Je ne me serais pas réveillé sans toi. Merci, Thorin.
Ils restèrent serrés l'un contre l'autre pendant une éternité, et Thorin oublia ses jambes encore trop faibles, le vaisseau trop bruyant, le capitaine qui voulait lui parler ; il oublia tout ce qui n'était pas Bilbo.
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Quand Thorin parvint à se détacher de Bilbo suffisamment longtemps pour reprendre le cours de sa vie, il réalisa qu'il avait reçu un message d'Erebor.
Pendant les trois années qu'il avait passé réveillé sur le vaisseau, il avait essayé de penser le moins possible à Dís, Kíli et Fíli, sachant qu'ils avaient probablement vieilli de trente-deux ans pendant qu'il dormait, et l'idée que ses neveux soient plus âgés que lui et que sa sœur soit déjà une grand-mère lui brisait le cœur.
À présent, Dís, Fíli et Kíli étaient tous les trois indubitablement morts. Sans même parler de son père, Thráin.
Par conséquent, il attendit un long moment avant de commencer à visionner le message. Pendant deux jours, il hésita, sans savoir s'il aurait la force de voir ses neveux déjà morts sur un écran de télévision ; puis Bilbo lui fit remarquer que c'était probablement la dernière fois qu'il verrait sa famille lui parler, et qu'il le regretterait si jamais il supprimait les messages sans les voir.
Bilbo, comme toujours, avait raison.
Thorin s'installa donc devant son écran, et lança le message.
— Tonton Thoriiiiin ! s'exclamèrent Fíli et Kíli, leurs petites bouilles telles que Thorin s'en rappelait au moment du départ. Tu vas bien ?
Thorin n'eut pas besoin de plus pour se mettre à pleurer. Bilbo lui posa une main apaisante sur l'épaule. À travers ses larmes, il vit le visage de Dís apparaître derrière celui de ses neveux.
— Salut, Thorin, dit-elle avec un grand sourire. J'espère que tu vas bien. Je sais que ce message mettra une éternité à te parvenir, donc je suppose que quand tu le recevras, tu seras déjà sur le point d'arriver sur Montagnes Bleues. J'espère que ton trajet s'est bien passé. Pour nous, ça ne fait qu'un an que tu es parti, mais c'était déjà terriblement long, crois-moi.
— Terriblement long ! renchérit Fíli.
— Terriblement long ! ajouta Kíli.
— Papa va bien, ajouta Dís. Il ne pense qu'au travail, comme d'habitude. Et à toi. Il parle tout le temps de toi. Je crois qu'il n'avait pas réalisé que tu mettrais tant de temps à faire le trajet qu'il serait déjà mort quand tu arriverais. Ça lui a fait un choc.
Les larmes silencieuses de Thorin redoublèrent d'intensité. Il avait toujours pris son père pour quelqu'un de dur et d'insensible, mais la cerise sur le gâteau avait tout de même été lorsqu'il l'avait obligé à partir sans même lui laisser le choix.
Le fait de savoir qu'il l'avait regretté avant de mourir était insupportable. Thorin n'aurait jamais dû partir. Il aurait dû refuser. Son père aurait fini par accepter l'idée, au bout d'un moment.
À présent, il n'y avait plus de retour en arrière possible.
— J'espère que le voyage se passe bien pour toi, dit Dís en soupirant. Tu ne peux pas savoir comme tu nous manques…
Fíli et Kíli se tortillaient de façon excitée autour de leur mère, qui les enveloppa de ses bras avant de sourire à l'écran.
— Alors on a pris une décision, dit-elle d'une voix ferme.
— On a une surprise ! s'exclama Fíli.
— On part pour Montagnes Bleues ! s'exclama Kíli.
— Kíli, on devait le dire ensemble ! T'es pas marrant !
Thorin releva la tête brusquement.
Il avait mal entendu, pas vrai ? Ils ne venaient pas vraiment de dire que…
— On part pour Montagnes Bleues ! répéta Dís à son tour. Les enfants, papa et moi. On va te rejoindre là-bas. Les familles ne devraient jamais se séparer. On a déjà acheté des tickets. Le vaisseau spatial s'appelle Asufel, de la compagnie Rohirrim & Co. Le départ est prévu dans six mois. Ce qui veut dire qu'on arrivera un an et demi après toi ! Prépare la place, frangin, on débarque !
— Ça va être trop bien ! hurla Fíli.
— On va revoir tonton ! cria Kíli.
— Allez, Thorin, on se revoit dans cent cinquante ans ! Fais bon voyage ! Les enfants, dites au revoir à tonton.
— Au revoiiir tontooon !
L'écran s'éteignit.
Pendant un instant, Thorin crut qu'il allait se noyer dans ses larmes. Derrière lui, Bilbo bondissait en poussant des petits cris excités.
— Thorin ! Mais c'est fabuleux ! Thorin ! Ta famille va venir !
— Ma famille va venir, répéta Thorin d'une voix étouffée. Je vais revoir mes neveux.
Pour la première fois, il fut férocement heureux de ne pas s'être suicidé pendant ces trois ans de désespoir.
Tout finissait toujours par s'arranger, il fallait croire.
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En dépit du fait qu'il se sentait bien plus heureux que la première fois qu'il s'était réveillé, Thorin ne s'habitua pas au vaisseau plein de clients. Quand on y avait vécu pendant trois ans dans le silence, le choc était trop important. Alors il décida qu'il resterait dans sa chambre avec Bilbo et qu'il n'en sortirait que quand il serait impossible de faire autrement ; comme la fois où un message arriva sur sa télé pour lui dire que le capitaine voulait lui parler.
Thorin avait peur de se faire engueuler pour avoir endommagé la porte de pilotage, et peut-être d'autres équipements du vaisseau. Lorsqu'il en fit la remarque à Bilbo, celui-ci lui répondit paisiblement :
— S'ils t'engueulent, menace-les de les poursuivre en justice. C'est toi la victime, dans cette histoire.
Tout à fait juste, songea Thorin, et il alla voir le capitaine (avec une certaine méfiance, tout de même). Il s'avéra que le capitaine, un vieil homme barbu du nom de Theoden, voulait juste lui présenter ses excuses au nom de toute la compagnie pour tous les désagréments occasionnés.
Les désagréments.
— Si vous aviez retrouvé mon cadavre desséché dans un couloir, vous auriez trouvé que c'était un désagrément, ça aussi ? demanda Thorin d'un ton sec.
Theoden le fixa, les yeux ronds.
— Je vous suggère de dire à Gandalf Greyhame d'installer des caissons de sauvetage en cas d'accident. Je serais mort si jamais Bil… si jamais je n'avais pas trouvé ce caisson supplémentaire dans l'infirmerie.
— Je suis vraiment navré, M. Oakenshield, dit Theoden. Nous pouvons upgrader votre billet, si vous…
— Je suis déjà en platinum, répliqua sèchement Thorin. Laissez tomber.
Il fut à deux doigts de dire qu'il passerait l'éponge sur toute l'affaire s'ils acceptaient qu'il prenne Bilbo avec lui en sortant du vaisseau, mais pour ça, il aurait fallu dire qu'il le cachait dans sa chambre (techniquement, il avait volé un androïde au vaisseau, et même un androïde sacrément haut de gamme), et il préférait s'en tenir à son premier plan : débarquer en même temps que tous les autres et faire croire que Bilbo était un passager. (C'était pour ça qu'il avait mis des chaussures, comprit Thorin.)
Et s'ils étaient pris, là seulement, Thorin aurait recours à son chantage. Dans tous les cas, Bilbo débarquerait avec lui, ou il ne se gênerait pas pour faire un scandale.
— Demain, murmura Thorin la veille du débarquement.
Ils apercevaient déjà Montagnes Bleues par la fenêtre, un tout petit point bleu dans le ciel, qui grossissait à chaque heure qui passait. Shadowfax s'arrêterait en orbite, et des navettes, semblables à celles qui l'avaient conduit au vaisseau, feraient des allers-retours pour venir chercher les passagers.
Thorin avait terriblement hâte de quitter cet endroit.
— Demain, approuva Bilbo, couché tout contre lui sur le lit. Demain, on saura si je pourrai quitter le vaisseau ou pas.
— Ils ont mis un employé humain à ta place au bar, en tout cas. Ils n'ont peut-être pas remarqué ta disparition.
Bilbo haussa les épaules.
— Même s'ils ont remarqué, je m'en fiche. Je pars avec toi.
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Thorin avait les mains tremblantes. Pas Bilbo, évidemment, mais malgré son expression neutre, Thorin voyait à ses sourcils froncés qu'il ressentait de l'appréhension, lui aussi. Ils étaient sur le point de s'embarquer dans la navette, et faisaient la queue parmi les autres billets platinum.
Le cœur de Thorin tomba dans ses talons lorsqu'il réalisa qu'un employé à l'entrée cochait des noms sur une liste informatique. Bilbo ne serait pas sur la liste.
Il lui serra la main avec force. Bilbo la serra en retour.
Le passager de devant s'écarta, et Thorin s'avança devant l'employé.
— Votre nom ? demanda celui-ci.
— Thorin Oakenshield.
L'homme lui jeta un regard saisi ; tout le monde, sur le vaisseau, avait entendu parler de Thorin Oakenshield, dont le caisson avait eu un dysfonctionnement, et qui avait manqué de mourir. Mais personne ne savait à quoi il ressemblait.
L'homme cligna des yeux, et Thorin ajouta :
— Et mon androïde personnel.
L'employé (Lindir Figwit, indiquait son badge) étudia sa tablette, et releva les yeux vers Thorin, l'air hésitant.
— Vous… Euh… Il n'est pas indiqué que vous voyagez avec un androïde de compagnie…
— Vraiment ? demanda Thorin en faisant de son mieux pour avoir l'air stupéfait. C'est fâcheux. Je ne vais pas quitter le vaisseau et laisser mon androïde ici. Je l'ai payé très cher. Si ça se trouve, il y a eu un dysfonctionnement dans la liste.
Lindir se tortilla nerveusement, tandis que Thorin lui envoyait le regard le plus menaçant qu'il avait en stock, avant d'ajouter d'une voix froide :
— Décidément, il y a beaucoup de problèmes sur ce vaisseau. Je me demande si je ne vais pas véritablement traîner la compagnie en justice.
Lindir écarquilla des yeux stupéfaits, et baissa la tête.
— Très bien, M. Oakenshield… Vous pouvez y aller, tous les deux.
Thorin inclina la tête et entra dans la navette, accompagné de Bilbo. Son cœur battait violemment dans sa poitrine. À côté de lui, Bilbo faisait de son mieux pour se comporter comme un androïde normal, mais quand ils entrèrent dans la navette, il tira sur la manche de Thorin et lui adressa un grand sourire.
— C'est bon, Thorin !
Ils avaient passé l'obstacle. Ils étaient libres.
— Et maintenant ? demanda Bilbo.
— Maintenant, dit Thorin, on se trouve un endroit à l'écart du monde et du bruit sur Montagnes Bleues, et on y passe tranquillement le reste de notre vie.
— Et la compagnie de ton grand-père ? Tu n'es pas censé en devenir le patron ?
— Mon père pourra la reprendre lui-même quand il arrivera. Je n'ai pas de temps à perdre sur un job qui ne m'intéresse pas. À partir de maintenant, je ferai uniquement ce que j'aurai envie de faire.
— Ça me paraît être un bon plan, sourit Bilbo.
Sous leurs pieds, à travers les fenêtres de la navette, la planète Montagnes Bleues étincelait.