C'est l'hiver, c'est l'époque de YOI, je réécoute les OST, les chansons, et je dois l'avouer : cette période me met dans un état d'enjoie qui m'aide plutôt bien à l'écriture. Du coup : joyeux Nowel en avance. Je me suis empêtré dans d'autres projets d'écritures, mais en même temps, qui ça étonne ?

Kurea-chan :
Mes titres sont très bien d'abord, vilaine.
Yuuri n'allait pas rester comme il a toujours été jusqu'au bout, fallait bien un semblant d'évolution lel. Du coup... c'est un bad boi. Il soudoie les flics, bouuuh. J'ai vraiment trouvé le simple du simple pour le background, bcs, euh, c'est un gars tellement ordinaire dans cet UA ! Qu'est ce que tu voulais que j'en fasse xD Du coup NAh, je m'en fous, je le mets homo tout plein, dans les dents ! (et petit avantage scénaristique, faut pas s'le cacher) M'enfin, j'espère que la suite te plaira, i mean, surtout en cette période ;; Que la magie de FF te fasse du bien, petit poulet ! -keur-

Lea Baskerville :
WOOT WOOT ASSASSIN DE LA POLIIICE !
Ce Yuuri qui fait une pirouette c'était quand même un sacré coup de Deus Ex Machina. Je promets qu'aux prochaines fics, ce sera plus réaliste, parce qu'en vrai, là normalement ça aurait pas dû marcher xD (ou alors c'est juste vraiment parce que ces deux policiers sont des gros cons) Donc voilà ! Niveau sentiment, je patauge, tant je veux faire ça en douceur, et pourtant on approche de la fin ! Tiens, poulet numéro 2 : DU BACKGROUND.


Très franchement, Viktor était heureux de connaître Yuuri. Déjà, parce qu'il n'aimait pas voyager seul : c'est ennuyant, le temps passe à une vitesse calculable à celle de la tortue, et surtout, la solitude est palpable. À quoi bon faire de si longs trajets si ce n'est que pour regarder des paysages splendides et en profiter sans avoir quiconque à qui crier « Hé, regarde, regarde comme c'est beau ! ». Ce serait mentir, de prétendre qu'il pouvait le faire avec le Japonais, mais au moins il n'était pas seul. Certes, tout les deux étaient diamétralement opposés, aussi bien en qualité de vie qu'en personnalité, mais à aucun moment il n'a cru que sa compagnie était mauvaise ou néfaste de quelque façon. Yuuri était un bon compagnon. Maladroit au début, peut-être, mais en si peu de temps, leur relation avait évolué parfois pour devenir embarrassante, souvent pour s'enterrer temporairement dans un malaise, mais au final, ils étaient devenu bons amis. Même si, de fait, ils ne restaient que des étrangers l'un envers l'autre. C'est vrai, quoi, Viktor était bien du genre à faire des promesses... mais les tenir ?

Il l'avait déjà avoué, il faisait toujours n'importe quoi. Beau parleur, mais pour ce qui est de ses actions, elles laissaient bien souvent à désirer. Il aimait agir non pas sur un coup de tête tout simplement, mais selon la voie que prenaient ses sentiments. Il savait réfléchir, mais c'était hélas bien souvent en fonction de son cœur. Oh, il n'y a pas de mal à le choisir à la raison, évidemment, et on vous dira même souvent que c'est ce qu'il y a de mieux à faire ! Mais dans leur situation, la raison n'était-elle pas une décision plus sage ? Lui, il avait finit par s'en vouloir d'autant se détendre avec un Yuuri aussi malade que pressé d'arriver à destination.. Certes il avait pu fuir ses parents et son mariage une fois les pieds sur le sol russe, mais dans sa qualité de vie... ? Qu'est ce qu'il avait prit à Viktor de retarder autant son arrivée, et son bien-être ? Pas que Yuuri détestait sa compagnie, lui-même l'avait dit au point d'être inquiet de n'être ni un proche, ni un ami. Mais le voyage ? Pourquoi le Russe n'a-t-il pas au moins fait l'effort d'accélérer les choses ?

Pour de multiples raisons. La première étant qu'il craignait de ne rien trouver, une fois à bon port. Qu'il n'avait pas juste fait le chemin pour rien, mais qu'aussi il n'ait plus le moindre indice, une seule idée d'où ce qu'il cherche pourrait se trouver. Qu'il serait repartit pour des jours de panique et d'inquiétude. Sans savoir ni où aller, ni quoi faire. La seconde, c'est qu'une fois là-bas, il allait devoir reprendre la route seul, sans Yuuri. Que ce dernier allait pouvoir reprendre là où il l'a toujours voulu, recommencer sa vie et sans doute se faire un entourage nouveau. Viktor n'était que de passage, et malgré la promesse qu'il a lui-même faite, il est persuadé qu'au final, rien ne tiendra. Alors que l'Asiatique semblait soulagé d'entendre qu'ils garderont le contact, le Russe se sentait hautement coupable d'avoir mentit. Lui non plus ne voulait pas couper les ponts, mais ce mensonge, ce n'était que pour les rassurer tout les deux.

La troisième et dernière, c'est de trouver ce qu'il cherche, et de se faire rejeter.

Il aurait certes atteint son but, mais à quel prix ? Il était sans doute trop tard pour se racheter. Il n'avait pourtant plus que ça à accomplir. Sinon, il n'aurait certainement pas pu vivre décemment. Avec la honte, la culpabilité et la rancoeur de Nikolaï sur les épaules. Il fallait qu'il puisse se faire pardonner et ramener cette personne, sinon... Si en plus, on m'enlève Yuuri...

Viktor devenait encore plus égoïste qu'avant le début de ses recherches. Yuuri ? Mais il n'avait rien à voir avec tout ça. Pourtant, Viktor se l'était additionné à sa propre vie. Quand bien même le Japonais serait content de savoir qu'ils sont proches, le Russe se sentait coupable de se l'approprier autant sans rien lui dire. C'était lui tout craché, ça : une fois attaché à quelqu'un – ce qui lui arrivait facilement – il avait beaucoup de mal à se faire à l'idée que les gens n'appartenaient à personne. Et encore moins à lui. Un homme pourtant si raisonnable et juste... mais égoïste et égocentrique, dans le fond. Il se faisait violence en imaginant sa séparation avec Yuuri, qui n'allait sûrement laisser aucune suite à leur relation. Le plus dur, c'était d'en plus se rendre compte qu'il n'était peut-être pas qu'un ami. Mais c'était ridicule, puisqu'ils ne se connaissaient que depuis le début du voyage. Et l'Asiatique n'était peut-être pas du genre à croire au destin.

La dernière ligne droite de leur voyage s'avéra en plus embarrassante et terriblement enterrée dans un malaise profond. Une journée de route les séparait de Saint-Pétersbourg, et alors qu'ils avaient croisé bon nombres de personnes et d'obstacles durant un petit bout de chemin, le reste était aussi facile que gênant. Viktor était heureux de voyager avec Yuuri, d'avoir quelqu'un sur le siège passager, à ses côtés. Alors pourquoi se sentait-il aussi seul ?

La neige se faisait plus épaisse, dans les rues suivantes et la campagne russe. On ne voyait que la route, noire comme un chemin tout tracé au milieu de tant de douceur blanche. La poudreuse donnait envie de se jeter directement de la voiture pour retomber sans mal au hasard quelque part. Elle semblait si épaisse qu'on pourrait facilement le faire sans revenir avec la moindre égratignure. C'était sans doute une bonne échappatoire pour fuir cet embarras constant et ce lourd silence qui alourdissait la voiture, mais cette fois-ci, le Russe allait réellement se montrer réaliste et ne pas fuir ses responsabilités. Du moins, pas en s'éjectant du siège. Ses responsabilités, il les aurait réellement assumé s'il avouait enfin à Yuuri la raison de son voyage.

Ce dernier a été franc et, craintif, a fini par tout avouer. Il ne l'aurait sans doute jamais fait s'il ne faisait pas confiance à Viktor. Pas que Viktor ne faisait pas confiance à Yuuri, au contraire, c'était tout à fait le cas. Mais s'il paraît être un Saint face à l'Asiatique, à quoi penserait ce dernier s'il savait ? Pire : à quoi pense-t-il en ce moment ? Viktor avait terriblement envie de reprendre leur conversation là où ils l'avaient laissé hier soir, mais pour dire quoi ? Il voulait être sincère tout en fermant la bouche, et ne plus jamais aborder le sujet. Mais maintenant, il avait peur que ce ne soit que tout ce que Yuuri voulait savoir qu'il refuse de l'écouter tant qu'il n'a pas craché le morceau. Et s'il ne veut pas, hein ?! S'il ne veut pas... Il avait perdu suffisamment de gens qu'il aime, il ne voulait plus faire de bêtises. Pourtant, Yuuri allait le quitter à cause de ce silence ? Quel était le bon comportement à adopter, alors ? Plus de sept foutues heures qu'ils étaient coincés dans un véhicule qui roule (sans compter le seul arrêt qu'ils se sont permit pour dépenser les derniers billets dans de l'essence) sans rien dire, pétrifiés par un silence mortel, et là il fallait dire quelque chose ? Lui, en plus ? Yuuri avait tout balancé, il n'avait rien à ajouter...

La crainte. La crainte de ne rien dire, de ne pas savoir quoi dire, d'être écouté d'une oreille sceptique, de ne pas être écouté, d'être rejeté. Était-il trop tard pour y remédier ? Ou bien avait-il déjà commit une nouvelle erreur... ? Comme prit d'un courage à deux mains – ces dernières se crispant sur le volant – le Russe inspira avec lenteur tout en préparant une phrase d'accroche ni trop familière, ni trop froide, afin de renouer tout doucement avec son compagnon de voyage. Yuuri avait la tête tournée vers la vitre de sa portière. Parlera-t-il assez fort ?

- On est arrivés.

Mais l'échec, le plus lâche et le plus ridicule. Un panneau souhaitant la bienvenue dans sa langue originelle se rapprocha d'eux, et Viktor ralentit la vitesse afin de ne pas rentrer dans le véhicule qui était plus loin.

Saint-Pétersbourg était là.

Aussitôt, le Japonais se redressa sur son siège, et observa. Comme un enfant émerveillé un matin de Noël, il colla presque son nez à la fenêtre afin de voir le plus près possible l'aspect de la ville. La nuit tombée et sous une soirée enneigée. Si Viktor connaissait déjà le coin et a dû y aller une ou deux fois par le passé, Yuuri devait être scotché devant la beauté des rues et des bâtiments. La circulation s'avéra plus lente, pas désastreuse, juste assez pour lui permettre d'admirer les coins et recoins devant lesquelles ils passèrent. La voiture n'allant qu'au rythme semblable à celui de la marche à pieds, Viktor put profiter sans incident de voir le Japonais s'extasier du coin de l'oeil. Et avec un petit sourire qu'il n'osait élargir au risque de le dévoiler. Il voulait le laisser profiter sans s'interposer, lui laisser le temps de se rendre compte que non seulement ils étaient arrivés, mais qu'en plus, c'était fini pour lui.

La fin de l'aventure pour Yuuri.

En plus de la beauté quotidienne des lieux ainsi que de la neige, des décorations lumineuses ornaient plusieurs coins de la ville, rappelant les fêtes de Noël et bientôt de fin d'année. Un mois s'était écoulé depuis leur rencontre, et pourtant Viktor avait l'impression qu'à peine quelques petits jours à courtes heures ne s'étaient écoulé. Qu'ils avaient apprit à partiellement se connaître en si peu de temps, et que finalement, Saint-Pétersbourg n'était pas si loin. Que c'était fini, et que... et que rien du tout. Il avait beaucoup de mal à imaginer la suite, tant il s'était fait au trajet et à sa présence. Bientôt, ils allaient se séparer.

Bientôt, il voyagera seul.

####

Yuuri frissonna. Il était sûrement en train de vivre les minutes les plus gênantes et longues de sa vie. Peu après leur arrivé, celle qu'il attendait depuis si longtemps, Viktor avait garé le véhicule entre deux autres, dans une rue bien calme du quartier, et coupé le moteur en laissant celui-ci refroidir dans un silence embarrassant. C'était déjà gênant de le vivre sur la route, mais à l'arrêt, au milieu des flocons, c'était encore plus désagréable. Ils ne s'étaient mit d'accord ni sur cette pause, ni sur ce qu'il fallait faire ensuite. Ils s'étaient d'abord toujours unis tout les deux pour savoir quel était la suite du plan, mais là, durant ce froid qu'il y avait – et pas celui de la température – c'était difficile de poser un mot ou juste une directive afin de se sortir de cette position tout simplement glacée. Sans compter que Viktor ne s'était pas garé n'importe où.

Cette rue-ci était adjacente à celle où se trouvait le refuge que Yuuri avait repéré, et dans lequel il avait toujours hâte de se faufiler afin de considérer son voyage terminé. Mais tant qu'il était là, aux côtés de son guide...

Yuuri n'osait pas le regarder. Il se contentait de fixer ses mains posées sur les genoux. D'habitude, ces dernières avaient tout le temps froid, et se crispaient afin de lutter contre l'engourdissement. Mais depuis l'apparition de Viktor et des gants neufs qu'il lui avait acheté, cette sensation avait disparu. Beaucoup de choses avaient pu être remplacées, grâce à lui. Le froid par la chaleur, la solitude par la compagnie, et ce sentiment qui le poussait à se croire inférieur à l'affection. Car, s'il s'était tut durant toutes ces heures qui les séparaient encore de leur destination, Yuuri devait bien s'avouer qu'il appréciait trop Viktor pour avoir envie de lui faire éternellement la tête. Alors, ce silence n'était-il pas le moment parfait pour renouer ? Pour parler avant de se séparer ? Viktor l'avait promit, après tout : ils étaient amis, certainement pas destinés à ne plus se voir... n'est-ce pas ?

Alors qu'il voulait vivre seul et tout recommencer ici, Yuuri comprit qu'en fait, Viktor était finalement une étape de son voyage qu'il ne voulait pas abandonner. Pour son argent ? Ses cadeaux ? Sa sainte-personnalité ? Non, il l'aimait. Par simple amitié, bien entendu. Il y avait pourtant cette timidité, un étrange malaise personnel qui l'empêchait de pouvoir être plus franc, sincère, alors qu'il admirait Viktor justement pour cette qualité.

Ses secrets, son but ? Certes, il avait terriblement envie de savoir, mais qui était-il pour le forcer ? Tant pis si le Russe n'avouait rien, cachait tout, du moment que la promesse était tenue... Mais elle l'était, de toutes façons, non ? Le Japonais regarda par la fenêtre les flocons tomber, les deux-trois personnes passer devant, la rue déserte avec une petite bande d'enfants qui jouent au loin... Lorsqu'il n'eut ensuite plus rien à observer, l'Asiatique glissa doucement son regard vers le reflet de Viktor, qui lui, l'imitait de l'autre côté. À quoi est ce qu'il pense... Yuuri voulut bouger, dire quelque chose, ou amorcer un geste qui ne les embarrasserait pas plus... mais rien ne lui vint. Lorsque l'un regardait l'autre, celui-ci tournait la tête pour faire mine d'être distrait par quelque chose dehors. Viktor crut donc avoir rêvé lorsqu'il regarda Yuri à nouveau. Non... peut-être qu'en fait, c'était bien fini.

Dans ce silence, le Russe ouvrit sa portière et mit un pied dehors sur la neige, bientôt imité par l'Asiatique qui espérait pouvoir le prendre comme une initiative à bouger intelligemment. Plutôt bonne pioche, car quand son guide porta la valise du Japonais et le retrouva sur le trottoir, il tendit son bras libre vers la rue du refuge avec une légère pointe d'ironie qu'il lui avait manqué plus qu'il ne l'avait cru :

- À toi l'honneur.

Rassuré, Yuuri lui sourit en retour. Alors, ils étaient réconciliés ou pas ?

La seule chose qu'il pouvait lui répondre ressemblait à « ma valise », car le laisser transporter son bagage l'embarrassait beaucoup trop. Mais l'autre refusait en riant, ayant miraculeusement retrouvé son entrain d'ange peut-être parce que l'autre balbutiait à nouveau comme avant ?

Marchant sans se presser – car c'était bien lourd, quand même – Viktor reprit la parole afin de balayer le silence qui revenait dangereusement.

- Je suis désolé, Yuuri... Je suis un bien rustre guide.

- Mais non, ne dis pas ça...

- C'est gentil de vouloir me rassurer, mais toi comme moi savons que j'ai raison. J'ai été culotté de te poser la question alors que c'était difficile pour toi de tout me dire, sans que je ne te rende la pareille.

- Mais ce n'est pas la même chose... si c'est une histoire si compliquée avec ta petite-amie...

Ou femme. Ou quelconque fiancée.

Viktor regarda devant lui, et bien qu'il eut la soudaine envie de se taire à nouveau, décida de rester décoincé. Il devait cesser de fuir injustement.

- Je ne veux pas que tu me détestes.

- Je ne comprends pas comment je pourrais...

- Tu es mignon, fit-il en riant, attendri. Mais je suis sérieux. Si je ne parviens pas à me pardonner moi-même, je doute que d'autres le puisse.

Yuuri regarda Viktor du coin de l'oeil. Sa curiosité était toujours aussi sensible, rongée par l'interrogation de sa situation, mais à force, il prenait l'habitude. Bientôt, le passé de Viktor ne lui sera plus qu'une anecdote mystère à laquelle il ne s'intéressera plus autant. On en était pas encore là, mais maintenant, Yuuri se forçait à ne plus vouloir lui faire avouer quoi que ce soit. Même s'il faut en effet le reconnaître... c'est culotté.

Les deux hommes atteignirent les grilles qui donnaient sur le court sentier lié à l'entrée du refuge. Yuuri leva les yeux.

C'était une grande bâtisse semblable à une vielle maison d'hôtes, avec des murs somptueusement sculptés dans une vieille pierre qui avait déjà bien fait son temps. Un « petit boui-boui » modeste, qui n'était impressionnant que d'impression : s'il était aussi grand, c'est bien parce qu'il fallait accueillir ceux qui s'y rendaient. Viktor remarqua l'écriteau un peu abîmé en plaqué métal, avec un sous-titre légèrement effacé. En toutes lettres russes, il put y lire le nom de l'établissement.

« Krasivaya zvezda ».

« La belle étoile ».

Il pensait que le Japonais accélérerait le pas, pressé comme il était... Mais au contraire, celui-ci restait de marbre, comme si la simple vision de cette demeure immense le tétanisait. Sans doute n'osait-il pas, ou bien avait-il peur... Ne voulant pas le surprendre, Viktor lui prit doucement la main sans brusquer, entremêlant leurs doigts avec tendresse. Yuuri le regarda avec de l'inquiétude dans les yeux. Ceux bleutés du Russe l'encourageaient à avancer, pas le moins du monde effrayé par ce qui les attend derrière la double-porte.

- Je reste avec toi.

C'était idiot, mais ces simples mots réchauffèrent le cœur de Yuuri et, sans doute par une explication affectueuse qui avait trouvé sens quelque part, il se sentit doté d'un certain courage. Ou alors c'était la main de Viktor qui avait pu libérer la sienne du froid qui traversait peu à peu son gant. Le nez levé, il affronta du regard la façade et, inspirant le froid et la détermination, fit le premier pas Viktor suivit. Finalement, il sentit rapidement la main du Japonais le tirer avec une légère impatience qui se dévoilait au fil des pas. Ainsi, lorsqu'ils entrèrent dans le hall qui s'avérait aussi chaleureux que lumineux, tout sembla soudainement plus facile.

C'était plutôt petit, mais c'était suffisant pour l'accueil composé d'un grand bureau en rotin, large et rond, où une dame d'un certain âge vérifiait un registre éclairé à l'aide d'une lampe aux couleurs vives. Contrairement au paysage enneigé dehors, ici régnait une atmosphère familière et accueillante. D'ailleurs, on entendait des rires d'enfants éclater dans une pièce lointaine. Bien qu'il n'y avait que cette dame et eux dans le hall, le léger bruit ambiant provenant de l'étage et des salles voisines donnait cette agréable impression d'être entouré d'une foule à la fois agitée et calme. Une vraie ambiance de petite école, avec cependant autant d'enfants que d'adolescents et d'hommes et femmes à la même tranche d'âge que Yuuri.

D'ailleurs, celui-ci ne savait comment aborder la vieille femme : piégé entre timidité et enthousiasme, il voulait absolument prendre la parole, mais son très maigre vocabulaire en russe le gênait. Il ne put sortir que des « Ah » et autres « Euh » dans sa langue natale, attirant toutefois le regard de la dame. Celle-ci lui sourit chaleureusement, brillant de la même couleur que la pièce.

- Bonsoir ! Puis-je vous aider ?

- J-Je... Je suis... … Viktor, aide-moi...

- C'est ton petit problème, Yuuri, ricana-t-il. À toi de te débrouiller !

- Oh, tu es Yuuri Katsuki ? Ne t'en fais pas, l'Anglais est d'usage tout à fait opportun !

Le Japonais cligna des yeux, mais qu'est ce que ça le rassurait ! Ce que Viktor ne savait pas, en revanche, c'est qu'il était visiblement attendu. Sans doute Yuuri avait déjà rempli quelconque formulaire.

- Nous t'attendions ! Le voyage a dû être éprouvant, n'est-ce pas ? Nous pensions te voir arriver il y a quelques semaines...

- Oui, j'ai eu... des complications.

- Mais ça ne fait rien, tu es arrivé, c'est l'essentiel ! Pose tes affaires un instant, je vais devoir vérifier les papiers !

Le sourire mi-gêné mi-rassuré de Yuuri laissait sous-entendre à Viktor que son ami Asiatique n'avait au moins pas perdu des papiers qu'il n'avait jamais vu. Et pendant que celui-ci remplissait les dernières formalités, le Russe fit quelques pas vers des casiers posés contre un mur, tous portant des noms différents sans doute là qu'étaient rangées certaines vestes et autres affaires d'extérieurs des pensionnaires. D'abord curieux de l'endroit, il se souvint tout à coup en quoi le but de Yuuri se joignait au sien. L'impatience d'interroger la dame le prit si fort qu'il en bondit presque sur place, revenant aux côtés de Yuuri afin d'observer celui-ci terminer ses modalités. Des tas de suppositions et de questions lui brûlaient les lèvres, et bien qu'il était heureux pour le Japonais qui avait atteint son but, lui en revanche se sentait encore tout proche d'accomplir le sien.

Ainsi, Yuuri pouvait sentir son anxiété. Il se détendait à peine qu'il voyait gros comme une maison l'inquiétude de Viktor, brûlé par la curiosité et la forte envie de savoir si ce qu'il cherchait était ici. Chaque chose en son temps, certes... Mais n'était-ce pas tout aussi important ? Quand Yuuri pouvait-il poser la question ? À moins que ça ne soit à Viktor de le faire ?

La dame retourna le papier avant de le ranger. Il avait fini.

Tandis qu'une porte s'ouvrait pour laisser passer deux-trois grands enfants et une jeune femme qui semblait faire partie du service, Viktor demanda avant de savoir s'il avait au moins le droit...

- Qu'est c'que tu fous là ?!

Mais à la seconde où sa question allait enfin franchir ses lèvres, Viktor se redressa brusquement, puis se pencha pour regarder d'où provenait cette voix qu'il pouvait reconnaître entre mille. Surpris et confus, Yuuri suivit des yeux ce qui étonnait autant le Russe.

Derrière le bureau, à tout juste deux mètres d'eux, un jeune garçon à la blondeur pâle fixait Viktor avec une surprise si forte qu'il avait l'air d'en perdre tout mouvement. Ses poings étaient serrés, et son nez retroussé traduisait la rage qui semblait gronder au fond de lui. Rage qui s'entendait dans le ton qu'il avait prit, mais qui n'empêcha pas Viktor de lui rendre un regard plutôt surpris et surtout, très ému.

La jeune femme de service ne le connaissait pas, mais elle sembla le reconnaître comme si elle l'avait vu sur une photo. Un russe « C'est vous... » lui échappa des lèvres, et la chaleur du hall sembla se refroidir sans que beaucoup ne comprenne ce qui se passe. Le garçon fit un unique pas devant lui, comme s'il ne voulait pas croire à la présence pourtant réelle du jeune homme. Yuuri était frustré de la situation en constatant que les échanges n'étaient pas en anglais. Cependant, il put comprendre quelques mots.

- Mais qu'est c'que tu fous là, putain ?! Pourquoi t'es ici ?!

- Bon sang, c'est là que tu étais... souffla Viktor, libéré d'un poids qui le dévastait.

- T'approche pas ! J'veux pas te voir ! J'veux plus JAMAIS te voir ! Putain mais j'y crois pas, tu m'as suivi ! Comment t'as fais ?! Tu m'files la gerbe, comment tu m'as retrouvé ?!

Le garçon parlait si vite qu'il fut le seul à ne pas paraître clair pour le Japonais. Mais les autres articulaient mieux que ça.

- Dégage, fous l'camp ! Putain, j'le crois pas qu'tu sois ici...

- Yuri... supplia Viktor en s'approchant.

Le cœur de l'Asiatique fit un douloureux bond dans sa poitrine.

- Non, dégage, j'veux pas t'voir ! T'es qu'un con, t'es qu'un GROS con ! Va t'faire foutre !

- Yuri ! s'écria la jeune femme qui le suivit lorsqu'il s'enfuit dans l'autre pièce. Parle mieux que ça à ton père !

Yuuri se sentit fissurer de l'intérieur. La chaleur avait disparu. La confiance aussi.

Il ne connaissait pas bien le russe, mais il était sûr et certain de ce qu'il venait d'entendre. Quel ironie... Sans doute que Viktor n'aurait pas voulu qu'il l'apprenne de cette façon – ou l'apprenne tout court – et pourtant ce sont ses leçons privées qui lui auront permit de découvrir ce qu'il voulait cacher depuis tout ce temps. Mais c'était une blague, ça devait forcément être une blague... Alors pourquoi, pourquoi ça lui semblait aussi probable ? Et pourquoi ces histoires qu'il s'était imaginé, mêlées aux mots – mensonges ? - de Viktor lui étaient maintenant plus agréables à croire que la vérité ? Qu'est ce qu'il aurait préféré ? Que Viktor était à la recherche de sa fiancée, ou bien...

Ou bien qu'en fait, il était un père à la recherche de son fils fugueur ?

Abasourdi, Yuuri fixa le Russe d'un regard qui en disait long. Sottises, mensonges, cachettes. Viktor ne lui avait rien dit, pas même exactement qui il cherchait. Juste que c'était une personne importante sans doute bien plus importante qu'une femme avec qui il ne partageait ni sang ni chair. Mais de là à apprendre aussi brusquement qu'il avait en fait un adolescent déjà si grand pour fils... Même ça, ça ne semblait pas tenir debout. Quel âge avait ce gamin ? Quatorze, quinze ans ? Il était bien trop âgé pour être son fils. Ou alors, à ce garçon aussi, Viktor avait mentit. Ce qui expliquerait pourquoi il lui en veut comme ça...

Mais qu'avait donc fait Viktor, pour en arriver là ?

Celui-ci avait déjà du mal à accepter le fait que le jeune Yuri se soit enfuit en courant à la minute où il l'a vu, alors lorsqu'il se tourna avec peine vers Yuuri pour finalement constater que de ce côté-là, c'est du dégoût et de la déception qui le regardent, il ne sut comment gérer cette lourde culpabilité qui revint le poignarder. Il se faisait haïr. Par son fils et celui qu'il...

Yuuri ressortit dehors. Il voulait être ailleurs que dans la même pièce que lui – et le jardin enneigé était tout ce qu'il connaissait pour l'instant. Le froid ne lui faisait plus rien, il s'en fichait, même. Sa tête était brouillonne, pleine de doutes, de souvenirs heureux qui se teintaient de colère, de sentiments inacceptables lorsqu'il passa en revue toutes les fois où Viktor lui avait sourit ou parlé de lui. Mais qu'est ce qu'il savait, en fait ? Rien. Rien, autrement il ne serait pas tant surpris.

Il n'avait rien dit. Et Yuuri pensait pouvoir le supporter.

La porte se rouvrit, mais il n'avait pas besoin de se retourner pour deviner que le Russe l'avait rejoint. Ce dernier était désemparé à s'en rendre malade, impuissant, et savait pertinemment que même s'il s'expliquait maintenant, il n'allait pas pouvoir être facilement pardonné. Si toutefois, c'était encore possible.

Tout les deux savaient très bien que le silence pesant était trop gênant pour engager une conversation un minimum agréable. Ainsi, Yuuri eut plus de courage à commencer il savait que Viktor se sentait misérable, et il avait bien raison.

- Tu as un fils.

Viktor baissa les yeux, regardant les chaussures du Japonais.

- Je peux tout t'expliquer.

- Il serait temps, hypocrite.

Yuuri sentit une pointe d'amertume en trop le gagner. Il n'avait pas envie de l'insulter. Mais il lui en voulait trop...

- Je vais tout te dire, cette fois. C'est promis...

À quoi bon nier, de toutes façons ? Tout était là.

- Anya, c'est... c'était ma femme. Je l'ai connu pendant des années, c'était une femme enjouée, brillante et aimante, bien trop gentille pour s'occuper plus d'elle que des autres. Elle a connu un amour qu'elle pensait très sérieux, et par bêtise, est tombé enceinte alors qu'elle n'avait même pas fini ses études... Son amant de l'époque l'a quitté, c'était trop de responsabilités pour lui. Ne lui restaient plus que son père...

- Nikolaï, compléta Yuuri en se souvenant du vieil homme qui criait après Viktor.

- … et moi.

Yuuri comprit tout. Absolument tout. Mais résolu à se laisser tombé au fond du trou, le Russe poursuivit.

- Je n'ai fais que la soutenir, elle voulait absolument garder l'enfant. Elle a abandonné ses études et a élevé son fils comme le plus beau des trésors... Elle avait raison. Yuri était un petit garçon formidable.

Rien que pour satisfaire son envie à autant lui en vouloir, il avait hâte d'entendre pourquoi le jeune Yuri en voulait autant à son « père ».

- J'aimais Anya, sincèrement. Je la connaissais depuis tellement longtemps que je ne pouvais pas me séparer d'elle... Je l'ai épousé. Mais je connaissais à peine Yuri, il me voyait encore comme une sorte d'étranger, une connaissance de la famille. Il a voulu conserver le nom de jeune fille de sa mère, et je n'ai pas voulu le forcer à se faire reconnaître comme mon fils. Mais pour moi, c'était tout comme...

Viktor serra ses mains l'une contre l'autre, se remémorant des souvenirs tendres, mais qui devenaient froids et tristes au fur et à mesure qu'il les racontait. Il s'en voulait tellement d'avoir tout gâché...

- Tout avait si bien commencé... Il suffisait que je me fasse accepté de Yuri, on aurait formé une vraie famille... Mais Anya est partie. Elle est morte de maladie, et de nature altruiste, nous l'avait caché afin de ne pas nous inquiéter. Elle a eu tort... C'était la première que je lui en voulais d'avoir mentit... Elle nous a laissé, Yuri et moi. Et moi, j'ai laissé Yuri.

Son cœur se serra, et Yuuri put cerner une amertume différente des jours précédents dans sa voix. Cette amertume, elle était pour lui-même. Oh, comme il s'en voulait d'avoir gâché ce qui lui restait de la femme qu'il aimait...

- La mort d'Anya m'a détruit, je ne pouvais penser à rien d'autre qu'à elle. Je me suis terré, j'ai ignoré mes amis et mes parents. J'avais un garçon à ma charge, et je l'ai totalement délaissé. Yuri n'avait que dix ans, mais il était déjà fort de caractère et courageux... Tout comme sa mère.

Il se rappela du poids qui lui alourdissait petit à petit les épaules, de la rancoeur de Nikolaï qui s'occupait de Yuri comme un vrai grand-père le faisait à la perfection. Mais ce n'était pas assez. Viktor le savait, mais à l'époque, il avait volontairement tout foutu en l'air, juste parce qu'il ne parvenait pas à faire son deuil.

- J'ai détruit ma propre famille. Celle que je devais façonner avec elle. Yuri avait besoin de moi. Je l'ai abandonné parce que je ne voulais plus me rappeler de sa mère en regardant son visage... Il lui ressemble beaucoup, tu sais ? Il a les mêmes traits, les mêmes yeux, il partageait même beaucoup de ses goûts... Anya était tellement accrochée à lui, à l'époque, que je ne pouvais plus voir l'un sans l'autre. J'ai consacré les années qui ont suivit à mon travail et à mon égoïsme exacerbé alors qu'il avait besoin de moi. Et je n'ai rien fais. Je n'ai rien dis. Je l'ai laissé tomber, et maintenant, il me hait pour avoir autant fuit la mort de sa mère. Il l'a vécu mieux que moi... Tu te rends compte ? Il a mieux gérer son deuil tout seul, avec son grand-père qui n'était pas son père, alors qu'il était si jeune... Trop jeune pour ne pas avoir mon soutien...

Yuuri l'avait attentivement écouté, alors qu'il faisait surtout mine de trop lui en vouloir pour répondre. Viktor s'attendait certainement à être comprit un minimum pour ne pas recevoir trop de haine gratuite de la part de quelqu'un d'aussi important pour son cœur, mais d'un autre côté, il avait cessé d'être gourmand du pardon. Nikolaï lui en voulait, Yuri ne l'acceptait plus au point de le fuir, et Yuuri allait certainement faire table rase de leur voyage, jetant dans une poubelle imaginaire l'affection qu'ils s'échangeaient l'un envers l'autre.

Mais Yuuri l'appréciait bien trop pour faire tout ça. Bien sûr qu'il lui en voulait. Tout comme il en voulait à ses parents d'avoir organisé ce mariage. Les haïssait-il pour autant ? Loin de là. Il était même soucieux de l'état dans lequel ils devaient être, là, tout de suite. C'était la même chose pour Viktor : seul, désespéré, dévoré par la culpabilité qu'il ne cesse de nourrir tant il s'en veut... Un jour, si vraiment personne ne reste à ses côtés, il finira par faire plus que de s'en mordre les doigts. Le Russe était rongé par une succession de fautes et de sentiments négatifs, et il savait comme de simples excuses ne suffiraient pas. Mais si vraiment personne ne lui pardonne, si Yuri le rejetait et Yuuri l'oubliait... qui lui restera-t-il ?

- Pardonne-moi, Yuuri... Je sais que c'est bien trop demander... mais pardonne-moi. Je ne voulais pas que tu me vois comme tel. Que tu saches trop tôt comme je suis une personne horrible. Tu me vois comme un protecteur, un sauveur... Mais je ne suis ni plus ni moins qu'un homme égoïste qui saisit la moindre occasion pour se pardonner à lui-même d'abord. Je... suis pathétique.

- Oui.

Il l'avait dit, finalement. Et refroidi par cette animosité, Viktor se laissa écrasé par la rancoeur du Japonais.

- Tu es un lâche.

- Je suis un lâche...

- Tu es pathétique.

- Je suis pathétique...

Quand cette torture allait-elle s'arrêter ? Quand, enfin, tout ses désirs allaient cesser de le hanter ? Quand pourra-t-il enfin réparer ses erreurs et reprendre une vie normale ?

Yuuri avait atteint son but, il pouvait rentrer et laisser Viktor là, régler son soucis avec le jeune Yuri, puis repartir avec ou sans. Leur histoire prendrait alors fin à ce moment-là. Rassasié de vérités, l'Asiatique lui fit face, lui lança un regard des plus intrigants (partagé entre la rancoeur et le pardon), mais aucun signe ne laissait présagé qu'il acceptait pleinement la situation. À la place, Yuuri marcha jusqu'à lui, et lui passa à côté pour retourner à l'intérieur. Prit de court, Viktor ne savait comment le prendre.

Il l'acceptait ? Le rejetait ?

Était-ce des adieux ? C'était fini ?

Viktor sentit comme l'envie de pleurer, mais bien trop terrassé pour en être certain. Peu de personnes avaient envie de continuer à le soutenir, après ses fautes, après tant de lâcheté. Il était bon, mais lorsqu'il s'agissait de bien agir, il y avait toujours un temps donné... jusqu'à ce qu'il soit trop tard.

Viktor se laissa tombé pour s'asseoir sur les marches du refuge, nichant son visage dans les mains gantées. Au final, il pleurait. Il en avait assez. Assez de tant attendre, de protéger son cœur avec une si fine protection, de s'inquiéter pour d'autres en échange d'être constamment abandonné et délaissé... Est-ce cela, que Yuri a ressentit ? Cherchait-il le réconfort auprès de son beau-père, alors que celui-ci était aveuglé par la désolation ? Devait-il ressentir ce que ceux qu'il aimait avaient ressentit d'abord, pour être enfin en paix ?

La neige continuait de tomber, et les flocons devinrent plus gros... Fragiles comme le cœur froid et fissuré du Russe qui s'avoua avoir lamentablement échoué.


woot woot.

Bientôt la fin. Dans...

Deux chapitres.

Je crois qu'c'est ça, oui.

Bye.