Raiting: M.
Disclaimer: Je ne possède pas Harry Potter, je ne gagne pas d'argent sur la publication de cette histoire, il faut créditer J.K Rowling.
Warning: Présence de Slash, soi une relation homosexuelle entre deux hommes. L'histoire se déroule en partie dans un Univers Alternatif: certaines choses sont différentes que dans la série originale. Mais vous ne le savez pas encore: no spoil.
Pairing: HP/LV.
Special Thanks to: Ma bêta lectrice, la formidable, que dis-je, l'extraordinaire Azther sans qui cette histoire ne serait pas ce qu'elle est actuellement. Merci petite chenipanne!
Please, Enjoy!
NUANCES.
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01.
Les nuances d'un long voyage.
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Ce soir d'été, pourtant, paraissait tout à fait normal.
Il pleuvait, d'une pluie fine et drue qui recouvrait Londres comme un linceul, aux lueurs déclinantes du jour. Les moldus égayaient la ville de leurs parapluies colorées, se pressants dans les rues commerçantes. Des enfants en anoraks jaunes se poursuivaient en riant, sautant à pieds joints dans les flaques d'eau, sous les regardes courroucés ou amusés des adultes. Petit à petit, les globes électriques des lampadaires s'allumèrent, projetant leur lumière blafarde sur les vieux bâtiments de pierres grises. Un train siffla, quittant Waterloo Station avec ses wagons pleins à craquer.
Dans les hauts bâtiments, il n'était pas rare d'entre apercevoir, au grès d'une fenêtre sans volets, des gens dans la lumière.
Au coin d'une rue banale, Grimmauld Place, un immeuble imposant s'élevait dans l'atmosphère lourdement chargée en humidité. Cependant, loin de l'agitation des autres rues, le bâtiment paraissait assoupi, ou, plus secret peut-être, avec les multiples fenêtres noires ornant sa façade. L'appartement le plus mystérieux était sans aucun doute le numéro 12, dont l'absence alimentait les cancans d'Elisabeth White et Betty Crocker, habitant respectivement les numéros 6 et 14.
Néanmoins, pour un œil aguerri, le numéro 12 du Square Grimmauld était tout aussi intriguant. On pouvait y accéder en empruntant un petit perron envahit par les bandimons, menant à une lourde porte noire.
Dans la cuisine-salle à manger du sous-sol, Orion Black présenta son dos rond à la cheminée tout en observant d'un œil morne sa femme, Walburga, vociférer contre les elfes de maisons. Il était tout à fait courant de la voir dans cet état, les yeux luisants de colère et de rage.
Repoussant d'un coup de pieds vicieux l'elfe qui s'était avancé, Walburga les toisa avec mépris. Sa longue chevelure noire était engoncée dans une riche coiffe assortie avec une longue robe sorcière couleur prune. Bien qu'elle ait été une très belle femme durant sa jeunesse, sa peau était à présent parcheminée et blafarde, rendant son visage anguleux semblable à celui de squelette.
Au salon du deuxième étage, Cynus Black lissait d'un air circonspect un exemplaire de la Gazette du Sorcier, plus précisément le numéro 8602 du 5 Août 1976. Une photographie en noir et blanc du Chemin de Traverse y figurait, l'entête clamant en lettres capitales « Série de vols au Chemin de Traverse ».
Indifférente des lectures de son mari, Druella Black, née Rosier, était assise au grand piano noir, et, elle jouait. Elle avait des poches sous les yeux, ni plus ni moins que les autres soirs, et cela lui était bien égal.
Ni l'un ni l'autre ne parlait.
Cynus parcourait les articles avec attention, soupirait parfois, d'ennui ou d'amusement. Quand il eu fini son journal, il le plia méticuleusement, se réinstallant dans son fauteuil aux motifs argentés afin de donner plus d'aise à son ventre, et, il attendait.
Dans une chambre du troisième étage, Regulus Black couchait sur un papier luxueux son ennui, sa famille étouffante, ses soucis, la stupidité des Griffondors, son frère absent et immensément stupide. Tandis qu'il écrivait, ses sourcils se fronçait délicatement sur son beau visage, des mèches tombant négligemment sur son front.
A sa droite, un grand duc au plumage noir hululait doucement, attendant avec plus ou moins de patience de transporter la lettre terminée à l'impasse du Tisseur de Carbone-les-Mines, comme il avait l'habitude de le faire. Puis, il pourrait enfin se restaurer d'un petit rongeur trouvé ici ou là, ou peut-être se contenterait-il du Miam-Hibou. Et puisqu'il était un hibou avec d'assez hauts standards, il n'accepterait de la part de son maître que celui à quatre gallions, douze mornilles et cinq noises, merci-bien.
On sentait l'odeur du parchemin frai, et du papier des vieux livres dont la reliure s'effritait par endroit.
La mélodie lointaine du piano emplissait la chambre, rythmée par la pluie. Parfois le bruit du vent se joignait, de subites bourrasques déferlant dans les rues de Londres, le tonnerre roulant au dessus des nuages.
Trempant sa plume dans l'encre émeraude, les longs doigts semblaient danser sur le papier. Il signa de son nom, puis plia délicatement la lettre, apposant le cachet de cire de la famille Black.
Le grand duc sautilla sur le secrétaire, présentant une patte à son propriétaire.
Alors qu'il attachait la lettre, Regulus redressa soudainement la tête, intrigué.
Habituellement, à part son oncle Cynus – qui était présent au Square avec sa femme pour les vacances- ou sa cousine Bellatrix nouvellement Lestrange, personne ne transplanait directement au 12 Square Grimmauld. Or, au vu de l'heure, son oncle devait être depuis longtemps rentré du Ministère, et maintenant que sa cousine était mariée, elle ne revenait que très rarement au domicile familial.
Regulus raya mentalement la possibilité que Bellatrix ait une soudaine envie de voir sa famille à 10 heures du soir, car très peu probable. Il pensa ensuite au claquement du fouet que sa mère utilisait d'habitude sur les elfes –le fouet était tellement mieux pour les punitions corporelles-.
Mais le bruit n'était pas venu d'en bas, il n'entendait pas les lamentations pitoyables de Perry et de son fils, Kreattur.
Néanmoins, ce qui avait le plus retenu l'attention de Regulus n'était pas le bruit lui-même, mais plutôt le silence extraordinaire qui en suivit. Un silence si peu commun, si soudain et d'une densité si anormale qu'il aurait pu se croire soudainement devenu sourd.
La pluie et l'orage s'étaient tus, la mélodie du grand piano noir du salon s'était éteinte.
Se détournant de son oiseau, il marcha jusqu'à la porte de sa chambre avant de l'ouvrir doucement, méfiant.
Un lumos au bout de sa baguette, il avança sur les lattes de bois grinçantes du corridor, ne pouvant pas réprimer la grimace qui ourla ses lèvres devant sa stupidité, avant de lancer un assurdito murmuré sur le planché.
Pleinement concentré sur le moindre son dans la maison, il n'entendit cependant que le silence, assourdissant et hurlant avec une clarté étouffante que quelque chose n'était pas habituel.
-« Endoloris! »
Il glapit dans un geste de faiblesse indigne pour un Black, tandis que des hurlements de douleur retentissaient dans toute la maison.
Regulus en fut immédiatement rassuré –car ils signifiaient que sa famille avait trouvé ce qu'il y avait d'inhabituel-, et c'est d'un pas plus léger, presque dansant, qu'il se dirigea vers la source des cris.
C'était un jeune homme brun.
L'écume aux lèvres, les yeux révulsés à cause de la douleur, il se tortillait pitoyablement au sol.
Un sourire tordu étirait les lèvres de sa mère, cette dernière faisant durer le maléfice avec un plaisir sadique, observée tendrement par Orion.
Levant enfin le doloris, elle empoigna l'intrus par les cheveux, levant son visage à sa hauteur.
- « Alors, comment es-tu rentré ici, petite souris ? »
Elle n'eût pour réponse qu'un regard vide et un gargouillement douloureux de la part de l'inconnu.
L'oncle de Regulus émit reniflement face à l'intrus, venant à son tour d'arriver avec sa femme.
Walburga relâcha brutalement l'inconnu –ce qui ne manqua pas de lui arracher une touffe de cheveux au passage-, le visage tordu par la répulsion.
- « Qu'est-ce qui c'est passé ? Ce garçon a bien transplané entre ces murs, je me trompe ? » demanda une voix sereine.
Druella était la plus posée de la famille Black, étant née Rosier. Néanmoins, cela ne voulait pas dire que, comparé au commun des mortels, elle soit seine pour autant. Elle était mariée à Cynus Black, après tout.
- « C'est ce que tout nous pousserait à croire, nous avons tous pu entendre distinctement le bruit caractéristique du transplanage... »
Alors que Druella ouvrait la bouche pour répondre à Orion, ce dernier la coupa sans remord.
- « Mais, car il y a un mais, j'ai renforcé moi-même les protections de cette maison, en plus de celle déjà présentes. Et je peux vous garantir qu'elles sont puissantes. Il n'aurait jamais pu transplaner ici sans les détruire au préalable, chose qu'il n'a évidemment pas faite. »
Il ponctua son petit exposé avec un haussement de sourcil du plus bel effet.
Sa femme croisa alors les bras, esquissant une petite moue, plus une grimace en fait, qu'elle voulait adorable.
-« Je lui ai demandé gentiment, mais il ne veut pas me dire comment il est rentré ! »
Devant l'affront que subissait sa femme, Orion lança un regard carrément méchant au gêneur étendu sans bouger et dont sa propre situation n'avait pas l'air d'inquiéter outre mesure.
- « Alors s'il refuse de parler, il ne nous ait d'aucune utilité, » déclara-t-il.
Walburga agrippa alors Orion, trépignant comme une enfant.
- « Il ne veut pas parler, alors qu'il ne parle plus! Il enterra son secret dans sa tombe, ce sal petit rat ! La vermine n'a pas sa place dans la maison des Black ! »
Sur un dernier sourire tordu, elle s'avança alors.
-« Avada Kedavra ! »
La lumière verte fulgurante imprégna l'atmosphère un instant, atteignant l'intrus en pleine poitrine.
L'orage gronda au loin.
L'homme était mort.
Totalement désintéressée par le spectacle, Druella se retira sans lancer un regard en arrière, suivie dans son sillage par son mari.
Honnêtement, cette vieille garce avait un cœur de glace. Enfin, pas que cela perturbe Regulus : pour vivre dans sa famille, il fallait avoir le cœur attaché.
L'étudiant de Poudlard s'approcha du cadavre, étudiant les traits réguliers de ce dernier avec attention.
Nez droit, pommettes hautes, cernes de fatigue, teint halé, cicatrice fine en forme d'éclair sur le front. Définitivement pas un moldu ou un sang-de-bourbe. Il n'avait aussi pas l'air d'avoir dépassé la vingtaine.
Des lèvres pleines, délicatement entrouvertes…
Un souffle chaud sortait de ces lèvres pleines, et sans le petit gémissement rauque qui l'accompagnait, Regulus ne l'aurait sans doute pas remarqué, l'intrus était quand même seulement vêtu d'un pantalon…
Regulus poussa littéralement un hurlement mêlant terreur et surprise, sautant pour se relever, les yeux aussi larges que des soucoupes.
- « Salazar, il-il-il… ! »
- « Enfin, Regulus, cela ne fait pas de crier comme- »
- « Il respire ! »
Ses parents s'entre regardèrent, clairement interloqués par la réaction de leur fils –très indigne d'un sang-pur pour tout dire-, et sans doute doutant très fortement de sa stabilité mentale.
- « Mais je vous dis qu'il respire, par Salazar! »
Comme pour confirmer ces dires, celui-qui-aurait-dû-très-clairement-être-mort se rassit, ayant l'air aussi perdu et surpris que Regulus.
- « Il semblerait que ce soit vrai, » fit l'inconnu en observant ses mains, parlant pour la première fois.
Un effroi commun se lit alors sur les traits des membres de la famille Black –Druella et Cynus compris, ayant été alertés par les cris-.
- « Avada Kedavra ! »
Le sortilège lancé par Orion frappa le garçon en pleine poitrine.
Ce dernier tomba à la renverse dans un cri étranglé.
- « Et bien voilà, il est bien mort ! Tu te ramollies avec le temps, ma chérie. Tes sortilèges ne sont plus aussi effica- »
Il fut interrompu par une forte inspiration : le gêneur s'était à nouveau relevé.
Pendant une seconde, on eu dit que le temps était suspendu.
- « A-avada Kedavra ! »
- « Avada Kedavra. »
- « Avada Kedavra ! »
- « Avada kedavra...!»
Quatre lumières vertes convergèrent vers l'intrus : dans un même réflexe, les quatre adultes avaient jeté ensemble le sortilège de la mort.
Voyant les lumières lancées à toute vitesse dans sa direction, le nuisible poussa simplement un soupir avant de basculer à nouveau en arrière tandis que les sortilèges le frappaient en pleine poitrine.
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Il ne savait pas ce qu'il faisait là. Il ne savait pas comment il était arrivé là. Il ne savait même pas pourquoi il était là. Après mûre réflexion, cela n'avait que peu d'importance: il était là. Point. C'était arrivé, et autant qu'il s'en accommode.
En revanche, il était curieux, à son propos.
Il ne se rappelait de rien, hormis de son nom : Harry. Oui, c'est ça: il s'appelait juste Harry. Il savait aussi qu'il n'aurait pas dû se trouver là, la réaction de ces gens le montrant clairement. La magie -car il ne doutait pas que c'en était- ne lui faisait apparemment aucun effet.
" Pratique", observa-t-il alors mentalement, mais ne s'y attardant pas non plus outre mesure : d'autres pensées se succédaient déjà.
Ils l'avaient ensuite fait ingérer une potion, il avait aussi su en la voyant de quoi il s'agissait. Après plus d'une heure d'interrogatoire sous le sérum de vérité, ils en avaient conclu qu'il avait développé une résistance pour ce produit, car selon eux, il mentait. Chose étrange, car il leurs avait répondu honnêtement.
Ensuite, ils lui avaient fait promettre sur sa magie –ainsi, il en avait également…- de ne rien révéler des sortilèges et de la potion qu'ils avaient utilisé sur lui, en plus du serment lui-même. Il avait accepté. Pourquoi ne l'aurait-il pas fait, après tout ?
Peut-être aurait-il dû exprimer un petit peu plus de réserve : la poigne sur son bras était vraiment désagréable.
Harry se trouvait désormais au cœur d'un immense bâtiment de pierres noires, semblant être situé à des kilomètres en dessous du niveau de la mer.
En cette petite heure matinale, cet endroit était particulièrement surbondé. Des centaines de personnes se pressaient sur les dalles noires, criant, s'invectivant les unes les autres, sous les regards autoritaires d'immenses statues. Une multitude d'avions en papiers volaient dangereusement près au dessus de leurs têtes : il avait dû lui-même en éviter gens semblaient apparaître de nulle part, toujours plus nombreux, toujours plus bruyant dans l'effroyable fourmilière que l'endroit semblait être. Cependant, ce qui retenait le plus son attention était que ce lieu semblait littéralement exulter de magie.
Il était donc trainé au milieu de toute cette foule par cette femme au visage squelettique. Harry l'avait entendu dire à sa famille qu'elle devait l'amener au Ministère –peut-être était-ce le nom de cet endroit- afin de régler cette situation une bonne fois pour toute. Soit. Mais il n'empêchait pas qu'il trouvait la femme et sa poigne pleine de griffes particulièrement désagréable.
Quittant l'immense hall du bâtiment principal, ils traversèrent une série de couloirs puis une sorte d'ascenseur. Ils arrivèrent enfin à un guichet, où une femme était assise, entourée de dossiers volumineux. Passant éhontément devant les personnes qui attendaient –et ce malgré les regards noirs de certaines-, ils s'avancèrent, bien qu'il fût plus trainé qu'autre chose.
La femme vêtue d'un étrange uniforme noir sembla reconnaître sa compagne.
- « Quel bon vent vous amène au Département de Justice Magique, Madame Black ? »
Ladite Madame Black enleva enfin sa poigne d'Harry, pour le pousser sans délicatesse vers ce qui semblait être la réceptionniste.
- « C'est pour une déposition. Voyez-vous, ce petit voleur s'est introduit illégalement chez nous la nuit dernière. »
La réceptionniste haussa un sourcil surprit en réponse.
- « Je pensais que vos protections étaient réputées infranchissables ? »
- « Et c'est le cas, » répondit Black d'un ton qui sous-entendait je-vous-défis-de-dire-ou-seulement-de-penser-le-contraire. « Mais ce petit rat a trouvé un moyen pour les contourner. »
Tandis que la femme réajustait les lunettes perchées sur son nez, elle émit un 'hum' d'agrément avant de se tourner vers Harry.
- « Nom et prénom ? »
- « Harry. Juste, Harry. »
Tandis qu'ils parlaient, une plume rouge sang griffonnait furieusement sur un bout de parchemin.
- « Alors, Harry Just, confirmez-vous les dires de Madame Black ? Êtes-vous rentré chez-elle, par effraction, et ce, au beau milieu de la nuit ? »
Il ne prit pas la peine de faire remarquer que son nom n'était pas Harry Just, mais seulement Harry.
- « Il semblerait, » répondit-il d'une voix plate.
La réceptionniste se tourna ensuite vers Black.
- « Vous l'avez tantôt qualifié de voleur. Vous a-t-il prit quelque chose ? »
Elle émit un reniflement méprisant.
- « Oh, il l'aurait certainement fait si ne nous l'avions pas attrapé si tôt ! »
L'employée du Ministère hocha solennellement la tête avant de glisser quelque chose à sa plume, qui s'empressa de griffonner quelques mots de plus.
- « Bien. Madame Black, pour valider votre plainte, je vais vous demander votre baguette, ainsi que votre signature. »
Black obtempéra rapidement, un sourire satisfait aux lèvres.
La réceptionniste enchanta rapidement le parchemin griffonné par sa plume, se dernier se métamorphosant en avion en papier.
- « Stone Elric, Bureau 16 de la Brigade de Police Magique, Département de la Justice Magique. »
L'avion de papier, manquant de quelques cheveux la tête de Black, fila dans les couloirs du Ministère.
- « Tout est en ordre : votre plainte vient d'être transmise avec succès, Madame Black. Je ne doute pas que vous recevrez gain de cause rapidement, l'accusé ayant avoué son méfait. Vous recevrez d'ici quelques jours un hibou du Ministère, bonne journée. »
Black remercia d'un geste sec la réceptionniste, avant de se tourner vers Harry, un éclat dangereux au fond de ses prunelles.
- « Si j'étais toi mon garçon, je ferais en sorte de ne plus jamais croiser le chemin des Black. »
- « C'est une menace ? » demanda-t-il alors, se sentant nullement inquiété pour autant.
La femme âgée lui répondit juste par un sourire particulièrement tordu, avant de faire volte face.
Tandis que la femme désagréable partait enfin, l'employée appela à elle un certain Ailen, un gros baraqué engoncé dans le même uniforme strict qu'elle.
Ledit Ailen l'empoigna fermement par le bras –sérieusement, pourquoi les gens choisissaient toujours cet endroit !-, l'obligeant à suivre ses pas.
Harry lui lança un regard légèrement agacé, mais se laissa faire.
- « Tu vas être amené à la Brigade de Police Magique pour les interrogations d'usages, se sentit obligé de préciser le colosse. »
Il eu un petit silence.
- « Tu dois avoir froid, habillé comme ça, non ? » demanda Ailen.
Sa question semblait sortie de nulle part. Néanmoins, il était vrai que les vêtements d'Harry n'étaient pas très couvrants : il portait uniquement un pantalon de toile blanche, ceinturé par une bande de tissus aux couleurs vives.
Il ne prit cependant pas la peine de montrer qu'il avait entendu son commentaire, se contendant simplement de regarder droit devant lui d'un air absent.
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- « Vous pouvez répéter ? »
Stone Elric semblait sur le point de faire une crise de nerf. C'était un homme d'une forte carrure, entre deux âges, qui semblait avoir une sorte d'obsession pour les pipes : c'était simple, il y en avait simplement partout disséminées aux quatre coins de son bureau.
S'il y avait une chose qu'Harry pouvait dire sur cet homme était que ce dernier avait un niveau de patience extrêmement bas. Il semblait horriblement frustré par l'interrogatoire et les réponses honnêtes d'Harry, et lui avait même carrément hurlé dessus une fois, avant qu'il ne puisse se rappeler qu'il était un employé du Ministère exemplaire.
- « Oui, je le peux, » répondit-il obligeamment.
Stone se massa les tempes avec d'autant plus de force, marmonnant dans sa barbe inexistante quelques insultes avant de relever des yeux remplis de colère vers Harry.
- « Alors faite-le, par la barbe de Merlin ! »
L'homme était peut-être atteint d'un problème d'audition. Ce n'était pas la première fois qu'il lui demandé de répéter ses paroles.
- « Comme je l'ai dit plus tôt, j'ignore ce que je faisais là –bas. »
Stone passa une main fatiguée sur son visage, les épaules agitées d'un petit rire qu'Harry devinait nerveux.
- « Donc, vous vous êtes introduit illégalement dans une des demeures les mieux protégées de la Grande-Bretagne et vous ne savez pas comment ni pourquoi ! HA ! Et j'oubliais aussi que vous ne savez même pas où vous, vous habitez, ou encore si vous avez une baguette ! En plus du fait, bien sûr, que vous ne soyez présent sur aucun registre du Ministère ! »
- « C'est exact. »
L'homme prit soudain une forte inspiration, fermant ses yeux avec toute la force qu'il semblait avoir. Il se leva sans la moindre délicatesse, inspectant son bureau sans poser les yeux sur Harry.
Après quelques secondes de déambulations, Stone prit à nouveau la parole, regardant cette fois-ci Harry droit dans les yeux.
- « Il y a plusieurs options, monsieur Just. Primo, vous êtes un excellent menteur, et vous avez trouvé par je-ne-sais-quel-moyen comment outrepasser le véritasérum, qui est pourtant réputé infaillible. Ce qui serait totalement malavisé, car, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur Just, que mentir lors d'un interrogatoire est passible d'emprisonnement à Azkaban. »
- « Je n'ai fais que vous dire la vérité. » statua Harry.
Stone l'ignora superbement, levant à la place deux doigts.
-« Secundo, vous dites la vérité. Vous ne savez rien, vous êtes réellement amnésique en plus d'être sûrement à moitié cinglé. »
L'homme leva un troisième doigt, continuant sa petite diatribe sans interruption.
- « Tercio, vous mentez effectivement, et le véritasérum que l'on nous a livré est totalement inefficace, ce qui est entre nous, l'option la plus plausible. »
Stone traversa son bureau à grandes enjambées, ouvra la porte de ce dernier avec plus de force que nécessaire, la porte ayant été presque sortie de ses gons.
- « MORAU ! »
Une voix lointaine lui répondit, suivie par le bruit de pas de course, avant qu'Ailen n'apparaisse enfin devant l'autre homme.
- « Oui, monsieur Stone ? »
- « Vas-y, entre et assieds-toi. »
Tandis que le colosse s'exécutait, Stone ferma la porte, prenant dans un même geste le flacon contenant le sérum de vérité.
- « Euh, qu'est-ce que vous voulez je fasse avec ça, monsieur ? » demanda-t-il, visiblement mal à l'aise alors que l'autre homme posait le flacon devant lui.
- « Ha ça, tu vas le boire, Morau. »
Le jeune homme eu l'air véritablement à deux doigts de faire une crise de panique sous l'œil intransigeant de son supérieur hiérarchique, avant qu'il n'obéisse à nouveau, portant le flacon à ses lèvres, le vidant d'un bon tiers.
L'autre homme en eu l'air satisfait, scrutant avec attention le visage du colosse, avant de reprendre la parole à nouveau.
- « Alors, dis-moi Morau, c'est vrai que tu as un faible pour Adeline Campbell ? »
Ailen eu l'air tout bonnement horrifié par la question tandis qu'il répondait par l'affirmative, le visage crispé.
Stone laissa échapper un rire franc.
- « Vraiment, Morau ? La réceptionniste ? »
Il gloussa quelques instants devant le visage complètement défait de son stagiaire, avant qu'il ne se reprenne, se rappelant à nouveau de l'existence d'Harry.
- « Par le slip de Merlin ! Il ne mentait pas alors, le con ! »
Stone se retourna alors vers Harry, suspicieux, avant de soupirer.
- « Je ne vois pas pourquoi ça m'embête autant, Monsieur Just. Après tout, vous avez déjà avoué votre méfait, c'est le principal. Le comment du pourquoi n'est pas nécessaire après tout ! Je me contre fou de savoir si vous mentez ou non sur votre identité ! »
L'homme leva alors un doigt menaçant.
- « Mais croyez-moi, même si votre nom est en réalité Butter Fly, Jack Noir, Merlin lui-même réincarné ou que sais-je, vous n'échapperez pas à la Justice Magique, mon garçon ! Ho, ça non ! »
Harry commençait vraiment à être ennuyé, maintenant.
- « Ce n'est pas dans mon intention, » fit-il. « A vrai dire, ce genre de choses ne m'intéresse pas, je veux juste savoir qui je suis. »
Stone resta quelque instant silencieux sous le regard curieux d'Ailen, puis grommela dans sa barbe, tandis qu'il apposait sur le dossier un tampon rouge.
- « Monsieur, je… » commença le colosse.
- « Attends. »
Son supérieur ajouta quelques lignes au dossier, avant de le passer au plus jeune.
- « Affaire classée, Morau. Nous n'avons pas besoin de le monter devant une instance supérieure, il a tout avoué. »
Suivant ses paroles, il se leva, adressant un regard critique à Harry.
- « Vous êtes donc déclaré coupable des charges que Madame Black a porté contre vous, Monsieur Just. Vous encourez donc, suivant les lois sorcières en vigueur, une peine d'une semaine d'emprisonnement à Azkaban ainsi 620 gallions pour dommages et intérêts. Néanmoins, votre affaire me préoccupe, Monsieur Just. Vous vous rendrez lors de votre sortie de prison à Sainte Mangouste pour effectuer un examen primaire. Ne me regardez pas comme ça, enfin ! C'est pour votre amnésie, vous savez. Et c'est sans dérogation de votre part, c'est dans votre intérêt! »
Harry lui lança un regard inchangé, demandant en son fort intérieur où il pourrait bien trouver une telle somme.
Son cheminement de pensées fut coupé par l'arrivée d'Ailen Morau –qu'il n'avait d'ailleurs pas vu sortir de la pièce-, accompagné par deux autres personnes.
Stone poussa un soupire fatigué, avant de faire un geste vague vers Harry.
- « Allez, emmenez-le. »
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Harry fut guidé à bouts de bras jusqu'à une cellule du Ministère, le temps que la bureaucratie valide son transfert à Azkaban. Il ne s'attendait à rien de particulier venant de cet endroit.
Au détour d'une conversation, il avait appris quelques détails intéressants. Azkaban était loin d'être un lieu de villégiature idéal. Il s'agissait ni plus ni moins de la prison la plus sécurisée du monde sorcier, doublée, selon les mots de l'un de ses gardiens, d'être 'l'un des pires lieux qui n'ait jamais existé sur Terre, un putain d'enfer dont même le Diable serait horrifié.' L'homme n'était pas rentré plus dans les détails, mais il ne semblait pas se réjouir de l'accompagner là-bas.
Enfin, Harry allait simplement rester là-bas une semaine. C'était satisfaisant: cela lui accorderait juste le temps nécessaire d'approfondir sa réflexion, d'analyser à tête reposée sa position et le monde qui l'entourait. Et il pourrait enfin se pencher davantage sur son amnésie. Il se doutait bien que la position dans laquelle il se trouvait n'était pas normale, et retrouver ses souvenirs perdus semblait être un bon objectif avant de sombrer dans l'ennui. Cela l'occupera quelques temps.
Harry s'assit à même le sol, et se mit machinalement dans une position de méditation -mémoire musculaire, sans doute- . Cela faisait moins d'une journée qu'il était apparu chez les Black, mais il était assez satisfait de la connaissance qu'il avait amassé.
Tout d'abord, il était un sorcier. Ce qui sous-entendait qu'il devait posséder une baguette, sans doute laissée à l'abandon quelque part. Il savait que s'il trouvait sa baguette, trouver son identité réelle –bien qu'Harry Just lui convienne parfaitement- serait de la bagatelle. Ensuite, il n'était sans doute pas un sorcier anglais, Stone Elric lui avait été bien utile après réflexion. Néanmoins, il parlait anglais couramment, ce qui sous-entendait qu'il avait passé du temps en Grande-Bretagne.
Hum. Tout cela était réellement confus.
Harry n'avait vraiment pas assez de connaissance dans le monde qui l'entourait. Il devenait urgent qu'il se documente. Il ne connaissait du monde que la Grande Bretagne, Londres, la maison des Black –et encore, il n'en avait vu qu'une pièce-, ainsi que le Ministère britannique de la Magie. Il ne pouvait pas faire des déductions pareilles si tôt.
Il y avait pourtant ces 620 gallions qu'il devait aux Black. C'était qu'un obstacle de plus, lequel Harry devra s'affranchir comme il le fait toujours. Et, ça l'aidera à s'occuper.
Soudain, sans avertissement aucun, une voix forte coupa net le fil de ses pensées.
« He'p'tit, c'est l'heure ! »
C'était l'un des gardiens de tout à l'heure. Ce dernier sortit une clé rutilante –dont on pouvait sentir émaner de la magie par vagues discrètes- de ses poches. Il inséra l'objet dans la serrure, et la porte de cellule s'ouvrit d'elle-même.
Comme Harry ne se levait pas assez vite au goût du gardien, il se fit empoigner sans délicatesse le bras –encore !- pour se faire tirer hors de cet endroit.
Aussitôt fait, un autre homme, un roux cette fois-ci, vint immédiatement à ses côtés, se saisissant à son tour de son bras libre.
Charmant.
Ils marchèrent ainsi pendant une bonne dizaine de minutes, traversant divers départements du Ministère qui semblait être réellement interminable.
Ils arrivèrent enfin à un large bâtiment totalement dégagé, où des personnes disparaissent et apparaissaient continuellement. Une femme à l'air austère les y attendait, serrant contre sa poitrine une vieille chaussure pour laquelle elle semblait être complètement absorbée.
Lorsque la femme les remarqua enfin, elle décolla de sa poitrine l'objet inattendu et d'un même geste, tous l'empoignèrent –sa main serrée douloureusement sur l'objet par l'homme à sa gauche-, et, ils disparurent.
Une puissante odeur d'iode assaillit brusquement Harry, suivie de près par une importante bourrasque de vent chargée en gouttelettes d'eau qui le fit chanceler.
Ils se trouvaient perchés sur un rochet, un énorme rochet, au beau milieu de ce qui semblait être la mer.
C'était pour le moins… impressionnant. Les flots étaient très agités ; des vagues incessantes venaient s'écraser dans toute leur splendeur sur l'île solitaire.
Le ciel était d'un noir charbon, certains nuages tiraient même vers l'orange et le jaune, signe imminent d'une tempête.
Mais ce qui était le plus notable était sans aucun doute l'imposante tour qui se dressait devant eux.
Azkaban.
Harry frissonna. Il faisait vraiment froid, ici.
Il fut poussé sans ménagement par ses gardiens sur le chemin de pierres noires qui écorchèrent ses pieds nus. Il n'y prêta pas attention. Les attitudes de ses gardiens étaient curieuses, révélatrices de leur malaise : les épaules rigides, la tête rentrée, les regards angoissés lancés par intermittences vers le ciel tandis qu'ils s'approchaient du bâtiment.
- « Au moindre signe de détraqueurs, vous connaissez la formule, » lança la plus grand au deux autres.
- « Je connais la formule, je sais la faire mais… Les détraqueurs n'ont pas ordre de ne pas nous attaquer… ? » questionna sa collègue gauchement. « Je veux dire, techniquement, on ne risque rien… non ? »
- « Ha, avec ces créatures répugnantes, on n'est jamais trop sûr. » commença-t-il. « Elles sont attirées par les émotions positives des gens, c'est dans leur nature profonde… Après tout, si Azkaban est considérée comme la pire prison sorcière, ce n'est pas à cause de ses hauts mûrs ou de la mer déchainée ! Les prisonniers ne peuvent littéralement pas s'échapper ! Pas lorsqu'ils sont emprisonnés à l'intérieur de leur propre tête, entre rêves et cauchemars perpétuels… »
Ses compagnons laissèrent enfin le silence tomber entre eux, semblant chacun ruminer des pensées noires. Cette prison pourrait se révéler plus utile qu'Harry ne l'avait pensé au premier abord: si les dires de l'homme se révélaient exacts, ces créatures pourraient provoquer en lui un retour de quelques uns de ses souvenirs. Ses gardiens, cependant, ne semblaient pas partagé la même attente que lui.
Au fur et à mesure que leurs pas les rapprochaient de l'imposante tour, l'air semblait se glacer encore davantage. Il n'y avait aucune végétation : uniquement de la pierre noire recouverte d'une fine pellicule de givre, et ce, malgré la saison estivale.
Un frisson agita son torse nu, la buée se formant à ses lèvres tandis que ses gardiens se figeaient.
L'atmosphère semblait se solidifier autour d'eux, c'est vraiment un curieux phénomène.
Harry leva les yeux.
Devant eux, se dressait un homme d'une importante carrure, habillé tout de noir. Il avait une attitude désinvolte et détachée, mais son teint blafard, ses joues creuses et ses cernes bleutés racontaient une toute autre histoire.
Cependant, ce n'était pas à cause de lui que ses gardiens s'étaient figés dans un silence craintif, mais à cause de la créature encapuchonnée à ses côtés, qui exultait littéralement d'ondes négatives.
Harry ne sourcilla pas lorsque le détraqueur prit la liberté de s'avancer vers eux, récoltant néanmoins les halètements mi-surpris mi-épouvantés de l'équipe chargée de sa transition.
Il ne s'en souciât pas.
Il avança d'un pas, comme dans un état second, allant de sa propre volonté à la rencontre de la créature.
Il ne vit pas les sorciers dégainer leurs baguettes, pas plus qu'il ne les entendit crier.
Le froid était insupportable, intrusif, et l'air était tellement épais qu'il peinait à respirer correctement.
Qu'importait.
Les secondes ralentirent, le temps sembla se suspendre.
Pendant une infime seconde, le brun et la créature restèrent ainsi à s'observer, immobiles et atones.
Pendant une infime seconde, Harry ressentit enfin quelque chose.
Pendant une infime seconde, Harry eu peur. Une peur si instinctive, intense, primitive et irraisonnée qu'elle le submergea totalement sans qu'il ne puisse rien y faire.
Un cri féminin terriblement familier déchira l'atmosphère glaçante, si proche de lui et pourtant si lointain et inaccessible.
Harry cligna des yeux, et, ce fut comme se réveiller d'un long rêve : brusquement, le détraqueur avait disparu, comme si rien ne s'était jamais passé.
Le brun prit une inspiration tremblante, puis se laissant glisser sur le sol, totalement aveugle et sourd au monde qui l'entourait.
Son cœur battait tellement fort dans sa poitrine, tellement fort et tellement vite qu'il lui semblait qu'à tout moment, ce dernier allait briser ses côtes pour se frayer un chemin hors de son corps.
Il…
Il ne comprenait pas.
Il haletait comme s'il venait de courir durant une longue distance, fait qui n'était pas démenti par les sueurs froides qui lui coulait le long du cou et du dos.
Il semblait à Harry que ses entrailles étaient prises dans de la glace, mais, ce genre de choses seraient complètement illogiques, il le savait…Il était complètement…
Perdu.
Il était perdu.
Il voulait tellement comprendre, mais, il ne se comprenait plus lui-même!
Ses mains… elles tremblaient…
Elles ne tremblaient jamais, pourtant !
Mais…d'où venait cette foutue information !
Il ne comprenait pas ! IL NE COMPREN-
Une main chaude se pausa doucement sur son épaule, causant un sursaut de la part d'Harry.
- « Là, là… Tout va bien, tout va bien. » chanta presque une douce voix féminine. « Le détraqueur n'est plus là, tout va bien. »
Une sensation étrange et diffuse de chaleur l'envahi soudainement ; les battements effrénés de son cœur se calmèrent, sa respiration s'apaisa. C'était… inattendu, mais pas pour autant désagréable.
Une autre main, celle fois plus dure, s'agrippa férocement à son avant-bras, avant de lever Harry de force.
- « Ca suffit ce maternage, non ?! » gronda l'un de ses gardiens. « J'te rappelle qu'ici, il y a des tonnes de détraqueurs, alors il aura le temps de paniquer et de réfléchir sur ses actes ! Je te rappelle qu'il est un criminel et qu'il doit être puni, c'est le rôle des détraqueurs ! »
Cette dernière se releva rapidement, comme giflée. Sans un mot de plus, les joues rougies, elle s'éloigna d'Harry.
L'homme habillé tout de noir, s'effaça.
Ils pénétrèrent dans le bâtiment.
Le sol de pierre noir était gelé, et dur, si dur.
Tandis qu'Harry reprenait pieds avec la réalité, la vie suivait son cours.
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Ce garçon était vraiment étrange. Il avait quelque chose… d'accablant.
Le plus troublant chez lui, hormis sa masse corporelle plutôt faible et son tait marmoréen caractéristiques d'un séjour à Azkaban, étaient ses yeux.
Elle se rappelait de ce dicton, répété longuement par sa mère alors qu'elle n'était encore qu'une toute petite fille.
Les yeux sont le miroir de l'âme.
Or, cette âme-ci semblait si vieille, si perdue et si seule… Ces yeux détonnaient particulièrement sur ce visage juvénile.
Son attitude, également, portait à confusion. Il agissait comme si rien ne lui importait, comme si rien ne l'atteignait, toujours fier et froid. Cependant, elle ne pouvait s'y tromper : il dévorait de ses yeux avides le monde qui l'entourait, tel un nourrisson découvrant la vie pour la première fois. Et cet être semblait porteur de tellement de contradictions qu'il la fascinait. Elle avait envie de plonger dans ses yeux verts –non pas vert-bleuté comme l'on en voit souvent, mais d'un beau vert pur- et de les étudier jusqu'à ce qu'elle ait découvert tous les mystères que cette vieille âme semblait abriter.
Seulement, elle ne le pouvait.
Alors, se contentait-elle de l'observer de loin, tentant tant bien que mal de satisfaire son insatiable curiosité.
Ainsi, elle avait remarqué, durant son temps de convalescence, quelques facettes de ce personnage.
Il parlait peu. Et lorsqu'il ouvrait la bouche, c'était pour des phrases succinctes, presque désintéressées, qu'il prononçait d'une voix sans intonation aucune, égale.
Il pouvait s'écouler des heures entières sans qu'il ne ressente le besoin de bouger. Durant ces moments là, il semblait véritablement être hors du temps, totalement inconscient de ce qui se produisait autour de lui. C'était durant ces moments là qu'elle pouvait se permettre d'observer à loisir les traits de ce visage, sans craindre qu'il ne remarque son petit manège.
Oh, curiosité, douce curiosité.
Elle s'était renseignée, à son propos. Il faut dire que lorsqu'elle avait su que cet étrange jeune-homme sortait directement d'Azkaban, elle avait eu peur.
Mais heureusement pour elle, il n'était ni un meurtrier, ni un psychopathe ou pire, un mage noir.
En réalité, il semblait être la cible d'une méprise. Il serait entré chez la vieille famille des Black par effraction, sans qu'il ne sache ni comment, ni pourquoi.
Pour elle, cela ressemblait particulièrement à un complot. Elle était certaine que s'il avait perdu sa mémoire, la famille Black, celle-là même qui trempait allégrement dans la magie noire, devait être pleinement impliquée.
Il avait du voir quelque chose de trop, et les Blacks l'avaient puni de la plus horrible des façons.
Sans doute avait-il découvert des choses innommables…
Et, la famille Black jouant de ses appuis au Ministère, lui aurait affligé la peine d'une semaine d'emprisonnement à Azkaban et de 620 gallions d'indemnité.
Déjà qu'elle trouvait qu'une semaine à Azkaban était particulièrement cruel, 620 gallions était tout simplement une somme énorme, pour juste un délit d'intrusion.
Tsss, comme si qui que ce soit pouvait honnêtement croire que la famille Black avait besoin de cet argent. Saleté de famille de sang pur, saleté de Ministère corrompu jusqu'à la moelle.
Enfin, ce n'était pas comme si elle pouvait y faire grand-chose, elle, la petite sang-mêlé sans histoire.
Cependant, si il avait une chose qu'elle pouvait faire, c'était aider le jeune homme.
Ils n'avaient pas encore eu l'occasion de discuter ensemble, la pauvre interne qu'elle était n'en avait pas le courage. Après tout, il était pour le moins intimidant !
Or, il se trouvait qu'elle avait trouvé la solution.
Il y avait quelques jours de cela, son père l'avait contactée, particulièrement excité. Elle lui avait fait part maintes et maintes fois que son travail à Sainte Mangouste lui déplaisait fortement, car, elle le trouvait extrêmement stressant. Son père, comme toujours, avait prit son problème à cœur. En effet, il se trouvait que la vieille infirmière de Poudlard, Miss Ceston, partait enfin à la retraite. Pour elle, c'était une occasion en or, une de celle que l'on n'a qu'une seule fois dans sa vie et qui ne se refuse aucunement. Elle n'avait pas hésité un seul instant.
Puis, pas plutôt que ce matin, la réalisation l'avait heurtée en pleine face avec la force d'un cognard: là voilà, sa chance ! Le jeune homme avait désespérément besoin d'argent, d'un toit où se loger et où se nourrir.
Rien ne le retenait à Sainte Mangouste, il quitterait d'ailleurs l'hôpital à l'heure du thé. Il aurait pu rester évidemment plus longuement afin d'approfondir les recherches sur son amnésie, mais il n'en avait, hélas, pas les moyens.
Il fallait agir vite.
Elle s'était alors fait portée pâle toute la matinée, et avait profité de tout ce temps libre pour aller directement parler au Directeur, « saint patron des causes désespérées », le très reconnu Albus Dumbledore.
Elle lui avait tout raconté : son étrange attirance pour un jeune homme, sa réaction horrifiée lorsqu'elle avait apprit qu'il revenait tout droit d'Azkaban, la découverte sur son amnésie, sur son affaire plus que louche avec les Black ainsi que ses suspicions.
Puis, lorsqu'elle avait abordé le sujet de la magie noire, de complots et de choses cachées, elle avait immédiatement vu l'intérêt briller dans les prunelles du Directeur. Elle avait visiblement touché une corde sensible du vieil homme.
Quoi qu'il en soit, ce dernier semblait s'être prit d'intérêt pour son affaire, et elle en avait été plus que ravie.
Bien que le Directeur ne lui avait rien promis, il avait parlé à demi-mot d'un emploi au sein de son établissement, où le jeune homme serait nourri et logé gratuitement en guise de salaire. Inutile de dire qu'aux mots du vieux sorcier, elle avait littéralement rayonné de contentement.
Pour que son projet prenne vie, il ne manquait plus qu'un entretien entre le jeune homme et le vieux sorcier. Et la jeune sorcière ne doutait pas que le grand Albus Dumbledore serait immanquablement séduit par Harry Just.
Non, vraiment, Poppy Pomfrey était aux anges.
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Les larmes de pluie roulaient sur les carreaux, en des motifs imaginaires et hypnotiques.
La nature était silencieuse, presque paresseuse. Les feuilles vertes des arbres étaient agitées par la brise et leurs branches, immobiles, abritaient quelques moineaux. Leurs plumes étaient gonflées par l'humidité, leurs yeux étaient fermés. Ils semblaient dormir.
Le soleil se cachait derrière de lourds nuages noirs. Harry ne savait quelle heure du jour ou de la nuit il était, et cela ne le dérangeait pas. Le temps s'écoulait, lentement, paresseusement, goutte par goutte sous ses yeux verts.
La silhouette longiligne du jeune homme, emmitouflé dans des draps blanc, semblait irréelle, intemporelle. Son visage était dans la pénombre, offrant avec les bougies un charmant jeu de clair obscur.
Soudain, un bref flash de lumière éclaira le profil fatigué.
Sans savoir pourquoi, Harry se mit à compter.
Une seconde. Deux secondes. Puis trois secondes. Quatre secondes, cinq secondes. Six secondes. Sept secondes. Huit secondes. Neuf sec-.
Dans le lointain, le tonnerre retentit.
Neuf secondes donc.
Il ignorait ce que ce nombre signifiait.
Neuf.
Neuf…coups de tonnerre ? Neuf lumières ? Neuf moineaux ? Neuf vies ? Neuf siècles ? Cela pouvait aussi bien n'être rien, qu'aussi être tout à la fois. Peut-être les lits, peut-être les nuages, peut-être le ciel ! Pouvait-il avoir Neuf cieux ? Harry en doutait. Mais après tout, il ignorait tellement de choses, et il trouvait cela assez grisant.
Perdu dans le fils de ses pensées, il n'entendu nullement le bruit caractéristique d'escarpins sur les dalles de marbre de l'Hôpital.
- « Monsieur Just ? »
Le visage du brun quitta l'obscurité de la fenêtre, en faveur de la lumière dansante des bougies.
Les deux billes vertes se posèrent sur la jeune femme qui se tenait devant elles.
Harry l'avait déjà plusieurs fois entraperçu dans l'Hôpital, mais, cette fois, la jeune infirmière ne portait pas son uniforme blanc.
Le tonnerre rugit au dessus de Sainte Mangouste, immortalisant par une lumière crue la scène.
- « Je suis venue pour… Enfin, je suis Poppy Pomfrey, je travaille ici… et… j'aimerais vous aider. »
Devant l'absence de réaction du brun, les pommettes de la jeune fille prirent une douce teinte rosée.
- « Hum, je veux dire… Je… me suis renseignée. A votre sujet. Et, je voulais vous dire que votre histoire m'a touchée… »
Rougissant de plus belle tout en se tordant les mains, la jeune fille lui lança un regard presque suppliant. Voyant qu'Harry n'allait pas l'aider, ses yeux se portèrent vers la fenêtre, où elle sembla y puiser quelque courage.
- « Il… se trouve que je vais bientôt quitter cet Hôpital. Et je sais que vous, lorsque vous sortirez, vous n'aurez aucun endroit où aller… Et ! Et ! Et je sais que ça peut paraître bizarre, enfin ça l'est certainement, mais je veux faire quelque chose pour vous ! »
Harry fronça les sourcils devant l'attitude de la jeune infirmière.
Pomfrey dû interpréter sa mimique différemment car ses yeux semblèrent brûler d'une détermination renouvelée, la lumière des bougies se jouant dans les prunelles bleues.
Précipitamment, elle s'avança jusqu'à lui pour lui empoigner fermement les épaules.
- « Je veux faire quelque chose pour vous, vous méritez que l'on vous aide, monsieur Just. Si vous voulez, si vous acceptez mon aide, vous aurez un endroit où vous pourrez manger et dormir, un endroit où travailler. Un endroit où vous pourrez guérir. Poudlard pourrait être tout ça à la fois… »
- « Poudlard… ? » fit son interlocuteur.
Heureuse de le voir enfin parler, la brunette esquissa un sourire sincère.
- « Il s'agit de l'une des plus grandes écoles de sorcellerie au monde ! Chaque sorcier ou sorcière britannique y sont déjà passé une fois dans leur vie ! Et…si vous acceptez, je suis sûre que vous pourrez consulter leurs archives…»
Cela pourrait être une piste envisageable. Et bien qu'il ne fût nullement mentionné dans les archives du Ministère, peut-être qu'il pourrait trouver des traces de ses racines à Poudlard. Enfin, s'il en avait. Et quand bien même ses recherches se révèleraient infructueuses, l'Ecole avait d'autres utilités.
- « Vous avez parlé de travail… »
Voyant que l'intérêt d'Harry s'était éveillé, Pomfrey s'empressa de répondre.
- « Oui ! Vous pourrez postuler à l'entretien du château…Vous voyez, ce genre de chose. A vrai dire, je ne suis pas trop rentrée dans les détails, mais monsieur Dumbledore, enfin, le Directeur, vous expliquera tout. Je peux juste vous dire que vous serez nourri et logé. Hum, à condition, bien sûr, de passer un entretien avec le Directeur.»
Voilà donc ce qui réglerait ses soucis… immédiats. Mais, ce n'était qu'une solution temporaire. Il lui faudra de l'argent, une somme conséquence, bien que cela de le dérangeait pas outre mesure. Et, lorsqu'il l'aura atteinte, Harry pourrait enfin se consacrer à une autre tâche. Une rencontre avec les détraqueurs était dans sa liste de priorité. En effet, celui qui l'avait approché lors de son entrée à Azkaban avait été d'une utilité surprenante. Harry était certain qu'une exposition prolongée lui permettrait de faire resurgir certains de ses souvenirs. Car, chose plus qu'étrange, après sa petite incartade, il n'avait recroisé plus aucune des ces créatures sombres, bien qu'elles étaient sensées peupler la prison. Un mystère de plus, en somme.
Les yeux verts rencontrèrent les yeux bleus.
- « J'accepte de vous suivre à Poudlard. »
La lumière des bougies dansait dans les prunelles azures. Ses lèves pourprines esquissèrent un sourire heureux, une main fut tendue.
Le brun sortit de son cocon, rejetant le drap blanc au loin tandis qu'il se levait.
Deux petites silhouettes, main dans la main, sortirent en courant du grand bâtiment battu par la pluie.
L'orage roula dans le lointain.
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Un éclair illumina pendant une seconde les vieilles pierres chargées d'histoires.
Une main était elle aussi tendue, toute aussi marquée en sa chaire d'anecdotes et de vies.
- « Bonjour mon garçon, je suis ravi de vous rencontrer enfin. »
Les prunelles bleues étincelèrent derrière les curieuses lunettes en forme de demi-lunes tandis qu'Harry acceptait, non sans réticence, la main du vieil homme.
- « Allons, allons, ne restez pas là, entrez, je vous en pris ! »
Il vit du coin de l'œil Pomfrey lui offrir un petit sourire d'encouragement, avant que la lourde porte ne se referme sur elle.
Il était vrai que le Directeur était une personne relativement atypique. Malgré sa longue barbe blanche, il semblait déborder de vie.
En quelque sorte, son bureau était à son image. Remplit jusqu'au plafond d'objets farfelus, de toutes sortes de livres et de tableaux de toutes tailles, il était pour le moins animé.
Cependant, ce qui accapara immédiatement l'attention d'Harry était un être pleinement vivant : un magnifique oiseau au plumage de feu.
Un phœnix, lui souffla son esprit.
Le vert s'accrocha aux yeux dorés.
Un… étrange sentiment naquit au fond de son estomac. Harry sentait en son âme et conscience que cette créature était importante.
- « Ah, je vois que Fumseck a su retenir votre attention, monsieur Just !»
L'air positivement ravi du Directeur sembla glisser de son visage lorsque le gracieux volatile poussa un cri strident avant de disparaitre soudainement dans une gerbe de flammes.
Les tableaux se turent, le bureau fut engloutit dans un silence de mort.
- « Et bien, c'est pour le moins…curieux. » glissa le vieux sorcier dans sa barbe, sans doute plus lui-même que pour Harry.
Néanmoins, l'étincelle dans son regard réapparue un instant après comme si rien ne c'était passé. Mais, un observateur aguerrit remarquerait que ces yeux s'étaient fait méfiants, voir calculateurs.
- « Enfin, » reprit-il, « quel triste hôte je fais là. Je vous en pris, prenez un siège ! Une sucrerie, mon garçon ?»
Harry n'accorda pas un regard à la gourmandise, tandis qu'il prenait place sur un vieux fauteuil rouge.
Sans un mot, le Directeur replaça le bonbon dans l'une des nombreuses poches qu'habitait sa robe.
La pluie cognait particulièrement fort sur la vitre des fenêtres, les gouttelettes d'eaux créaient des ombres dansantes et envoutantes à travers la pièce.
Le vent hurlait dehors, faisant trembler la cime des arbres d'une forêt en arrière plan.
Dumbledore toussa, esquissant un sourire n'atteignant pas ses yeux.
- « Donc, mon garçon, vous êtes intéressé par un poste dans mon établissement, je présume ? »
Fatigué des manières du vieil homme, Harry acquiesça silencieusement.
- « Hum, vous aurez donc le droit à un hébergement complet, du coucher au lever du Soleil. Vous serez nourrit et blanchit, moyennent l'entretient de l'Ecole, évidemment. On vous assignera des tâches, toutes sortes de tâches. Oh, mais ne vous inquiétez pas. Monsieur Rusard, notre concierge, Monsieur Hagrid, notre garde chasse, et nos elfes de maison se feront une joie de vous assister. Puis, si vos services nous conviennent, nous pourront peut-être commencer à parler d'un salaire. N'est-ce pas là une chose merveilleuse ? »
Harry acquiesça à nouveau.
Les silhouettes immobiles dans les divers tableaux le fixaient avec une insistance silencieuse et dérangeante.
- « Vous avez vraiment une chance formidable d'avoir une amie pareille, monsieur Just. Une honnête petite, qui m'a prié de vous accorder une chance, alors même qu'elle ne vous connaissait pas…vous, un homme tout juste sortit d'Azkaban… »
Le Directeur se pencha sur son bureau, plantant droit ses yeux bleus dans les prunelles vertes du brun.
- « Ce qui m'amène à me poser des questions sur vous, monsieur Just. Voyez-vous, je ne peux naturellement pas inviter n'importe qui dans une école. »
Le jeune homme cligna des yeux.
- « Je ne pense pas être une personne préjudiciable à des enfants, » répondit-il.
Le vieux sorcier se rassit, une expression soigneusement neutre sur le visage.
- « Mon garçon, ça, c'est ce que nous verrons. Aussi, si vous désirez véritablement travailler avec nous au sein de ce projet pédagogique, il est naturel que nous installions une relation de confiance. Nous allons parler des circonstances de votre admission à Azkaban, voulez-vous ? »
Avisant l'air impassible de son vis-à-vis, le Directeur s'éclaircit la gorge.
- « Lorsque Miss Pomfrey est venue me trouver, elle m'a également racontée ce qu'elle savait sur vous. Vous vous êtes retrouvé dans la demeure de la famille Black, sans aucun souvenir de votre vie. Vous ne savez donc pas pourquoi et comment vous vous êtes retrouvé là. Enfin, dites moi si je commets une erreur ! » Le Directeur toussa légèrement. « Et donc, la famille Black vous a conduit devant la Justice pour infraction. Sans procès ni rien, vous avez été directement jugé coupable de quelque chose dont vous n'aviez même pas conscience d'avoir fait, puis vous avez été envoyé à Azkaban. »
Tandis qu'il s'exprimait, le vieux sorcier illustrait son discours par divers petits gestes.
- « Cependant, il est nécessaire de nuancer ce qui vous est arrivé et d'en chercher les causes : que je sache, aucune cause naturelle n'occasionne une amnésie comme la votre, et je suis sûr que vous êtes vous-même parvenu à cette conclusion : les Black sont les responsables les plus probables de votre perte de mémoire. »
Devant l'air surprit d'Harry, le Directeur se permit un petit sourire.
- « Vous ne vous en souvenez peut-être plus, mais, les Black ne sont certainement pas des gens profondément bons. Leur famille est connue, outre pour être des politiciens-nés, pour abriter de puissants sorciers noirs. »
Le vieux sorcier se leva de son siège pour s'approcher doucement d'Harry.
- « Je vais être franc avec vous, monsieur Just. Vous avez dû voir quelque chose de trop, quelque chose pour laquelle vous avez dû perdre la mémoire. »
Dumbledore lui adressa un sourire chaleureux.
- « Je sais que cela doit être très dur pour vous Harry, vous devez être perdu au milieu de tous ces lieux et de ces visages étrangers… »
Il posa sa vieille main ridée sur l'épaule du brun.
- « Et je peux vous guider, mon garçon, je peux vous aider ! Voyez-vous, je suis particulièrement au fait de la magie noire, alors, il me serait tout à fait possible de vous guérir du mal dont vous souffrez… »
Harry leva son regard vers le Directeur, le dévisageant ouvertement.
Dehors, la pluie tombait toujours, et le vent puissant semblait faire vaciller la lumière des bougies jusque dans le château.
Étrangement, cet endroit soulevait une certaine mélancolie.
Les odeurs du passé saturaient l'atmosphère, une atmosphère dont les fantômes en seraient les éternels occupants.
Le brun inspira profondément.
- « Je ne doute pas de votre talent en matière de magie,» commença-t-il. « Mais, s'il y a une chose que j'ai appris cette dernière semaine, c'est que concernant mon amnésie, il me serait plus profitable de travailler seul. »
La tristesse sembla voiler les prunelles azures du Directeur.
- « Mon jeune garçon, je ne peux pas vous laisser dire ça et vous laisser vous enfermer dans votre solitude sans rien faire. C'est contraire à mes principes, j'en ai bien peur. En ce jour, vous avez devant le monde à peine une semaine d'existence. N'est-il pas trop tôt pour faire de tels jugements? N'est-il pas trop tôt pour vous éloignez des vôtres alors que vous en avez le plus besoin ? »
Pour la première fois depuis qu'il était rentré dans son bureau, le vieil homme contempla une véritable expression orner le visage fatigué de son invité.
Un hideux sourire narquois, complètement tordu, comme si le jeune homme n'avait pas l'habitude de produire une telle expression.
- « Les Hommes ne sont pas les miens, et ne le sauront jamais. Je le sais, tout simplement. Je le sais avec une force absolue, et même vos paroles enrobées de miel ne me feront pas changer d'avis. »
Trop abasourdi pour réagir, Dumbledore ne fit aucun geste pour empêcher le garçon de se lever.
- « Il y a plusieurs failles dans votre raisonnement », continua Harry. « Pourquoi les Black, s'ils souhaitaient véritablement que j'oublie quelque chose, ne m'auraient-ils pas tout simplement tué… ? Ca aurait été bien plus simple et ça aurait évité bien des ennuis à tout le monde. Peut-être que, si se sont eux qui m'ont effectivement effacé ma mémoire, qu'ils souhaitaient faire de moi un quelconque symbole, un exemple qui dissuaderait de suivre mon chemin. Or, ceci est démentit par plusieurs éléments. »
Le brun s'approcha de la grande fenêtre, observant d'un œil calme la furie des éléments.
- « Tout d'abord, personne ne me connait. Difficile dans ce cas, de servir d'avertissement. Ensuite, il se trouve que je sais parfaitement ce qui c'est réellement produit cette nuit-là chez les Black, mais que, je me trouve dans l'incapacité d'en parler. Néanmoins, je peux vous dire que les événements ne desservent pas votre théorie. Mon amnésie ne concerne en rien les Black. »
Alors que le Directeur ouvrait la bouche pour parler, Harry l'interrompit d'un geste de la main.
- « Bien que vous vous ne pourriez m'aider, votre emploi m'intéresse toujours. Je peux vous jurer que les enfants n'ont rien à craindre de moi.»
Le vieil homme, les sourcils froncés, observa un moment les traits impassibles de son invité avant de soupirer.
- « Si c'est mon unique moyen par lequel je puisse vous aider, alors ainsi soit-il. Monsieur Just, nous attendrons votre présence dès le 25 août pour signer le contrat. Vous commencerez le 26. Profitez du peu de vacances qu'il vous reste pour réfléchir un peu, vous en avez besoin. »
Lorsque la lourde porte se referma sur la silhouette d'Harry Just, le bureau du Directeur se transforma en véritable capharnaüm. Chaque tableau y allait de son commentaire, criant pour se faire entendre.
Dumbledore se contenta de s'affaler dans son siège et d'enlever ses lunettes en demi-lunes.
- « C'est un être maléfique, il a fait fuir le phœnix ! » en criait un.
- « Albus, vous n'allez le laisser rester ici, enfin ! » vociférait un autre.
- « Il n'a pas sa place ici ! » hurlait un autre encore plus fort.
Noyé dans le bruit, le vieil homme se frotta les yeux, lasse.
Petit à petit, les portraits se turent voyant que le Directeur actuel de Poudlard ne les écoutait pas.
Ce dernier, après quelques minutes de mutisme, se leva enfin.
- « Phineas ? » fit-il alors.
Le portrait, se voyant ainsi interrogé, se redressa dans son cadre.
- « J'aime beaucoup ce garçon. Il a la tête sur les épaules, c'est certain. Il ne s'est pas laissé convaincre par tes manipulations, c'est très clairvoyant de sa part. Si mon fils Phineus avait été comme lui, il ne serait surement pas tombé si bas, » commenta-t-il dans un reniflement hautain.
Le Directeur hocha la tête distraitement, clairement perdu dans ses pensées.
- « Everard, votre avis ? »
Le vieil homme dans le portrait sembla réfléchir un instant avant de formuler sa réponse.
- « Le jeune homme doit être surveillé. » statua-t-il en ajustant sa coiffe de vair. « C'est une occasion excellente qui se présente à vous, Albus. Sa présence ne pourrait vous être plus utile qu'à Poudlard ; si, en effet, il a un lien avec le Seigneur des Ténèbres. Vous devez gagner sa confiance. Vous devez le rendre dépendant le vous. »
Le portrait d'une sorcière âgée sembla s'insurger.
- « Eoessa ? » s'enquit le Directeur actuel. « Qu'avez-vous ? »
- « Je ne pense que sa présence conviendrait à une école. Le phœnix semblait fort marri, et seulement savons-nous quand ils le sont… »
Dumbledore déambula dans son bureau, semblant assez soucieux.
- « Certes, » reprit Everard. « Mais c'est ici qu'Albus pourrait surveiller le mieux ce garçon. Qui sait ce qu'il pourrait devenir, en dehors de ces murs et entre de mauvaises mains. »
Contrariée, Eoessa Saknderberg pinça les lèvres.
- « Poudlard est, indépendamment de toutes volontés, une contrée de sûreté et de quiétude pour nos pupilles. Je ne saurais tolérer que le Malin y prenne assise, une fois de plus. Ce serait porter l'estocade à nos valeurs. »
Immédiatement, des dizaines de portraits crièrent leur approbation, tandis que d'autre se plaignirent du langage désuet usité.
Dumbledore laissa échapper un soupire sonore.
- « Je crains que les temps aient changé, ma chère Eoessa. Harry Just doit rester ici. »
Le portrait de Phineas Black émit un ricanement.
- « Sage décision, » fit ce dernier. « Ce garçon ira loin, je peux le sentir. Et, contrairement à tes imbéciles, Albus, lui ne se fera pas avoir facilement… »
- « Il est assurément en votre volonté, Dumbledore, d'égarer l'anarchie en nos domaines, » coupa sèchement la vieille sorcière. « Cependant, si le freluquet doit de séjourner ici, les cachots ne seraient-ils pas plus appropriés ? »
Encore une fois, une dizaine de portraits semblèrent s'accorder sur ses paroles.
Celui d'Everard s'y opposa néanmoins.
- « Je pense qu'il serait malavisé de traiter ainsi ce garçon. Nous avons besoin de ses souvenirs, et un séjour dans les donjons serait plus que contre productif. Albus doit gagner sa confiance, non gagner sa haine ! »
Un bruit approbateur sortit du portrait de Phineas.
- « Je vois que finalement, tu es capable de paroles sensées. À la bonne heure ! »
D'autres portraits commencèrent à défendre Everard, qui, blasé, se contenta d'observer la discussion s'envenimer.
La voix de Dumbledore mit fin au débat.
- « Mesdames, messieurs, je vous remercie de votre participation. Comme toujours, vous m'avez été d'une grande d'aide. »
- « Alors, Albus, que comptez-vous faire ?» questionna la peinture d'Eupraxia Mole, silencieuse jusqu'à lors. « La décision finale vous appartient, après tout. »
Le vieil homme s'approcha de son bureau et se saisit d'une sucrerie.
- « Harry Just est un individu dangereux, » dit-il en inspectant sous ses doigts la gourmandise. « Et, il doit être contrôlé. »
Le bonbon céda sous les dents du Directeur.
Joyeuses fêtes à toutes et à tous!
[revu et corrigé]
Nunaat.