Itinéraire
I. La rencontre
— Où désirez-vous aller ?
Gajeel fut surpris par cette voix qu'il reconnut sur le champs. Il se retourna, baissa le regard, et celui-ci tomba sur une jeune femme vraiment petite à la tignasse bleue. Longtemps il s'était demandé s'il s'agissait de sa couleur naturelle. La fillette ne semblait pas être du genre à se teindre les cheveux mais qu'en savait-il lui ? – rien.
— Tant que j'peux partir de c'trou, ça m'va.
Elle redressa son parapluie rose qu'elle semblait avoir du mal à tenir à cause du vent. Pas étonnant, elle était vraiment minuscule et avait apparemment la peau sur les os. Elle continuait à lui sourire et lui indiqua d'un signe de tête de la suivre. Le voyageur abordait un bandage souillé à son bras gauche et portait un sac minuscule de son autre main.
Gajeel souhaitait partir dans un endroit où il serait inconnu. Certes, impossible qu'il passe inaperçu, pas avec sa corpulence et ses piercings, mais au moins il ne serait pas précédé de sa réputation. Oui, c'était bien le lieu le problème, pas lui.
Ils débouchèrent sur le parking situé derrière la station essence et la boutique ouverte non-stop. Il y avait aussi pas mal de voitures présentes – l'effet des vacances – mais aussi une dizaine de camions et trois camping-car. Gajeel tenta immédiatement de deviner qu'elle était la voiture de cette petite jeune femme.
Peut-être la cabriolet bleue avec les rayures blanches ? Non, ça devait être la vieille rouge qui indiquait clairement « possédée par une étudiante fauchée ». Oh oh, il a trouvé la voiture de la petite bleuté : une minuscule bagnole de deux places avec des fleurs sur le capot. Gajeel n'arrivait pas à croire qu'il allait être vu en public dans ça, parce qu'il jurerait sur...
— J'espère que vous n'avez rien contre les camions, sourit la fillette déjà en train d'ouvrir les portières.
Elle était si petite qu'elle eut du mal à grimper à l'intérieur de l'engin. Gajeel se demanda pendant toute la manœuvre s'il fallait rire ou pleurer. Heureusement pour lui, il n'eut pas à choisir puisque son visage n'arrivait pas à former aucune expression.
Lorsqu'il monta à son tour dans le camion, il découvrit que lui aussi était en difficulté ne pouvant se servir que de son bras droit. Une fois assis sur l'immense banquette, Gajeel recommença à observer sa bienfaitrice.
Son fauteuil l'avalait toute entière. Le volant en face d'elle était immense en comparaison, comme si elle s'était retrouvée dans un monde de géants. Il était sous le choc, non seulement elle était majeure mais elle avait plus de vingt-et-un ans – certainement plus vu la facilité avec laquelle elle manie son engin.
— Je me présente, je m'appelle Levy. Et vous, quel est votre nom ?
Ce contraste entre sa voix, tout douce qu'il qualifierait d'enfantine, et ses gestes assurés et mesurés était trop énorme. La jeune femme prit une demi-seconde pour hausser un sourcil dans sa direction.
— Gajeel.
— C'est un plaisir.
L'homme grogna. Il était, de base, loin d'être quelqu'un de sociable, encore pire lorsqu'il était blessé. Ils passèrent ainsi une heure sans dire un mot.
Gajeel changea son bandage la conductrice souriait de ses gestes maladroits. Il avait alors hésité entre l'engueuler et boire un peu de vodka. La pluie rendait le voyage morose et ennuyeux, la musique classique que diffusait la radio n'arrangeait pas son affaire. En fait, il finit juste par s'endormir. Il espéra, avant de complètement sombrer, qu'il ne baverait pas devant la fillette.
Il se réveilla d'encore plus mauvaise humeur que d'habitude. Dormir dans un véhicule avait cet effet enchanteur. Gajeel regretta son lit (enfin matelas à même le sol), les voisins du dessous dont les enfants sautaient sur leur lit dès six heures du mat', et la mémé d'à côté qui lui laissait toujours un tupperware bien garni sur son seuil. D'ailleurs il avait une de ces dalles ! Voilà une bonne raison de se redresser.
Le camion était garé sur un parking. La jeune femme dormait, appuyée contre la portière, les cuisses repliées contre son ventre. Étonnamment son visage abordait une expression des plus neutres, aussi bizarre que cela puisse paraître Gajeel s'était habitué à la voir sourire. Le sourire faisait parti d'elle.
De toute façon, il ne voyait quasi rien. Il faisait nuit, il ne restait que quelques étoiles ainsi que trois vieux lampadaires pour éclairer tout ça. Juste en face de lui, il y avait une feuille et une boîte en carton.
Gajeel,
Dans cette boîte, il y a de la nourriture thaï c'est pour toi. En espérant que tu n'aies rien contre celle-ci. Il y a des bouteilles d'eau dans la glacière au sol. Je compte sur toi pour le petit déjeuner. Bon app'.
L'homme fixa la note plusieurs secondes. Oh il comprenait parfaitement, le soucis c'était sa façon d'écrire : aussi assurée que lorsqu'elle conduisait.
Avec son bandeau à fleurs, sa robe de couleur vive, ses petites ballerines pastel et son sourire incessant, elle ne correspondait pas au portrait type de la femme sûre d'elle. Surtout vu sa taille de lilliputienne.
Il mangea ce qu'elle avait acheté pour lui, rien d'extraordinaire en fait. Il chercha dans la glacière qui servait normalement à conserver les bouteilles ou aliments au frais, il y avait aussi de la musique – Gajeel fut étonné par la diversité des artistes – mais aussi deux ou trois livres ainsi que plusieurs bouteilles, d'eau, de jus de fruits, un thermos contenant du... café apparemment et par dessus tout ça, son sac à main en cuir. Il finit la bouteille d'eau entamée puis referma la glacière.
Il chercha ensuite son propre sac et fit le compte de ses économies – instant qu'il avait repoussé depuis sa fuite. Quelques centaines de jewels, pas de quoi s'offrir une nouvelle vie. Mais suffisamment pour payer un truc pour le petit dej'. Néanmoins cet achat attendrait puisque rien n'était ouvert en plein milieu de la nuit.
Il parcourut du regard l'habitacle. Plusieurs emballages sombres, une seule chose brillait : une bande. Gajeel vérifia rapidement que la conductrice dormait bien avant de saisir la pochette à la bande brillante. Une trousse de secours, conclut-il, pile poil ce dont il avait besoin. De sa main droite, il désinfecta sa plaie. Il entendit Levy remuer, signe qu'elle ne tarderait pas à se réveiller.
Concentré sur sa blessure, il se fit surprendre par un petit pied qui vint se presser contre sa cuisse. Il arrivait même pas à être en colère contre elle et de toute façon cela n'aurait pas servi à grand chose. Elle ne s'excusa pas une fois redressée se contentant de boire une gorgée d'eau avant de reprendre la route.
— Alors, finit-elle par dire après une trentaine de minutes de silence, tous ces piercings ont une signification particulière ?
— Non, ' servent qu'à me rendre encore plus effrayant.
— En ce cas, il aurait aussi fallu qu'ils soient rouges ou au moins multicolores, poursuit-elle très sérieuse. J'ai une meilleure idée : imitation diamant puisque je suppose que ce n'est pas possible de faire ça avec des vrais. Néanmoins ce serait le top question menace.
Gajeel resta interdit. Ce-n'est-pas-possible. C'est une fillette. Et les fillettes tremblent de peur devant lui. Ouais, mais une fillette au volant d'un poids lourd quand même, lui glissa une petite voix. Peu importe elle était haute comme trois tomates-cerises.
En plus de cela, sa phrase sonnait un peu trop ironique tout de même alors qu'il n'avait dit que la vraie vérité : tout le monde – sauf lilliputienne – avait peur de tous ses piercings. Pourquoi pas elle ? Parce qu'elle l'avait déjà vu ? Parce qu'elle avait appris par n'importe quel pouvoir paranormal qu'il ne souhaitait plus faire de mal à quiconque ? Ou peut-être que c'était ce truc-là – comment ça s'appelait ? – l'intuition féminine ?
Il surprit un de ses regards, celui-ci était inquiet. Et merde, il abaissa le pare-soleil devant lui et se détailla. Avait-il l'air d'un tueur en série ?
— Gajeel, il s'agissait d'une plaisanterie.
Génial maintenant elle le regardait comme un extraterrestre. Il se demanda ce que ça faisait d'être banal. Ça devait être putain de trop cool. Ne plus subir tous ces regards perpétuels, tous ces préjugés capitaux. Être juste quelqu'un.
Il finit par s'apercevoir, bien que partiellement aveugle, que sa conductrice souhaitait ré-initier l'essai d'une discussion. Sa moue révélait son état de réflexion intense. Gajeel coupa court à tout ceci, il n'avait aucune envie de faire ami-ami. Surtout pas avec elle.
Il mit la radio et la voix d'une jeune homme – qu'il soupçonnait de ne pas avoir mué – leur transmit un quelconque savoir scientifique. Gajeel mit une dizaine de minutes avant de comprendre que le débat concerné des hypothèses sur le cerveau.
Quelle idée de perdre son temps avec ça. Ces babillages pouvaient servir au mieux comme berceuse. Aussi il fut surpris d'entendre la gamine jurer comme un charretier – l'empêchant brutalement de s'endormir. Devant son regard courroucé, elle le défia trente secondes avant de se souvenir qu'elle devait se concentrer sur la route. Pourtant, aucun doute qu'elle n'a aucunement apprécié son regard noir. Peu importe, lui aurait voulu se rendormir. Il était blessé merde.
— Il y a un soucis ?
— J'aurais voulu dormir.
Quand il la vit lever les yeux au ciel, il pensa à revoir sa politique de non-violence, juste pour lui faire peur.
— Pas la peine de ronchonner, je me tais.
Gajeel souffla de soulagement. Il se blottit un peu plus contre la portière métallique, étrangement il a toujours apprécié ce contact dure et froid. Il semblerait que cela lui ressemblait. De là, il pouvait en toute discrétion continuer d'observer la camionneuse.
Elle semblait toujours concentrée sur sa conduite mais ses lèvres ne cessaient de remuer. Un de ses petits doigts cognait contre son volant. Cela voulait-il dire qu'elle était en colère ? Parce que si c'était le cas, il aurait bien du mal à arrêter de rire.
Gajeel sentit quelque chose d'étrange en lui. Ses muscles se tendirent – méfiant comme il était – et réveillèrent sa douleur au bras. Un jour, promis, il la mettra en rogne.
— Bon, pourquoi tu peux pas te voir ce type ?
— C'est un pseudo scientifique con et buté qui ne comprend pas quand il est tant de sortir du ring.
Gajeel ricana imaginant mal cette petite sur un ring.
— Des envies violentes te prennent ?
— Pourquoi pas, il paraît que ça défoule.
— Tu sais te battre au moins ?
— Mmh... je connais quelques bases.
— J'en doute, ria-t-il.
— Et vous devez être bien placé pour le savoir.
Sa voix avait changé, pour dire cette dernière phrase elle était complètement neutre. Neutre mais très tranchante. Gajeel fut autant blessé que surpris. Elle n'avait pas oublié. Elle n'avait pas oublié ses coups. Mais quelle idée d'être monté dans ce putain de camion ! Comme si elle aurait pu oublier.
Lui même se souvenait parfaitement de tous ceux qui l'avaient cogné. Pourquoi il n'en serait pas de même pour elle ? Pourquoi serait-elle différente sur ce point ? Ça lui faisait mal à la tête rien que d'y penser. Principalement parce que s'il se rappelait clairement des coups qu'il avait reçus, il n'avait pas aussi bonne mémoire pour ceux qu'il avait donnés.
Il fallait qu'il calme le jeu avec la jeune fille, non femme aux cheveux bleus, il se sentait un peu trop proche d'elle. C'était de sa faute, elle devrait être plus froide avec lui. Ils avaient besoin de distance s'ils voulaient s'en sortir entier. Mission numéro un, trouver un terrain plat. Hors de question de laisser la discussion tourner autour de l'agression.
— Vous avez fait des études ?
Voilà ! très bien le vouvoiement bonne manière d'être cordial et neutre. Ce n'est pas dure. De son côté, la conductrice suivit le mouvement. Elle ne fit plus aucune allusion à l'agression comme s'il n'y en avait pas eu.
Elle lui parla de son ancien lycée, des professeurs l'ayant marquée, de ses cours préférés. Quand Gajeel lui demanda si elle était forte, elle se contenta de réponde « ça va, je me débrouillais » alors qu'il était sûr qu'elle était dans les premiers de son établissement.
Finalement, il s'intéressa à son histoire, à sa déception lorsqu'elle n'a pas pu aller à l'université où elle avait pourtant été acceptée, aux difficultés qu'elle a rencontré pour passer son diplôme par correspondance. Et encore elle n'avait passé que le premier niveau parce que son travail – dans une usine – lui prenait trop de temps et d'énergie.
Voilà comment ils en sont venus à parler de son travail actuel. Un travail certes fatiguant et exigent mais qui lui permettait d'éviter de supporter des pitreries immatures, de pouvoir écouter la radio et ainsi participer aux débats littéraires, être au courant des nouveautés scientifiques, écouter des humoristes ou un peu de musique.
Gajeel était réellement détendu. Ils s'étaient arrêtés pour acheter le petit déjeuner – offert par monsieur – puis avaient filé sur l'autoroute. Ils avaient mangé et discuté en même temps, Gajeel n'avait pas vu les heures passer. Il appréciait discuter avec Levy.
Jamais elle n'avait été hautaine. Et même s'ils n'avaient parlé que de sa vie à elle, la conductrice attendait toujours un mot de la part de son interlocuteur une remarque drôle, son avis, ou parfois une question.
Puis lorsqu'à midi il était allé chercher un menu – cette fois offert par elle – et avait deviné ce qui plairait à Levy, il comprit qu'il y avait très peu de distance entre eux. Et pire, qu'il en était satisfait.
Sur les coups de quinze heures, Levy ralentit l'allure dans un zone portuaire. Elle se gara et lui demanda de rester à l'intérieur. Gajeel obéit, de toute façon il n'y avait rien à visiter : il ne voyait qu'un entassement de conteneurs, des grues, une gare au loin et quelques camions qui se baladaient.
Cinq minutes plus tard Levy réapparut, ayant toujours autant de mal à monter dans le camion. Ils repartirent rapidement direction Hôsenka. D'après Levy, cette ville n'était pas loin demain ils seraient arrivés.
— Ce soir, c'est hôtel, annonça la conductrice en entrant dans une petite ville.
Gajeel souffla de soulagement, même s'il appréciait la compagnie de Levy, cette banquette commençait à lui sortir par les yeux. Toujours aussi sûre d'elle, Levy se gara.
— Cela vous dérange si on prend une chambre pour deux ? Afin de réduire les dépenses.
Il hocha la tête pour signaler son accord bien qu'un peu gêné. Il n'était pas pudique et n'avait aucun complexe par rapport à son corps. Mis à part son faciès de tueur en série – à ce qu'il paraît. Il n'empêche qu'il avait l'impression de faire quelque chose de mal.
Vraiment stupide. Ce n'était pas une gosse, elle avait sûrement déjà vu un homme nu. Rien que cette idée le choqua. Son cerveau s'obstinait à la voir comme une fillette. Pourquoi ? Elle était adulte.
Pour l'instant ils n'ont parlé que de ses occupations. Elle n'a glissé aucun mot sur un petit ami. Pourtant une fille comme ça devait bien avoir un copain. Un gars mignon la traitant comme une princesse. Putain il fallait qu'il sache si ce gars existait.
Ils atterrirent au restaurant de l'hôtel où ils discutèrent encore. Il n'arrivait pas à lui faire dire si oui ou non elle avait quelqu'un. Alors lui aussi la laissait dans le doute. Ça la fit sourire.
Quand leurs assiettes présentant leur entrée furent enlevées, Levy sortit une enveloppe et lui offrit. D'un regard il la questionna sur les cinquante jewels qui étaient entre ses mains.
— La livraison d'aujourd'hui, c'est ton pourcentage puisque grâce à toi le trajet m'a paru plus court.
— Tu m'donnes ça pour que je paie le resto ?
Elle ria, rejetant la tête en arrière.
— Je crois, mon cher monsieur, que vous commençait à me connaître d'un peu trop près.
Gajeel se retrouvait hypnotiser par sa voix joueuse, ses yeux brillants et sa lèvres qu'elle mordillait. Le serveur arriva à temps pour pas qu'il se pose de questions sur son attitude ensorcelante.
Ils rirent une bonne partie de la soirée. Même s'ils évitaient de parler d'eux, ils ne manquaient pas de sujets de discussion. Ils avaient parlé musique, et des concerts auxquels ils ont assistés. Ils avaient classé leurs films préférés. Gajeel avait été étonné – dans le bon sens – de voir que Levy n'était pas fan de romances.
Selon elle, elle se rattrapait avec les livres puisque malgré sa collection réduite, Levy était une grande lectrice. Et elle avait donc été choquée de son manque de connaissances littéraires. Quand il lui avait donné son explication habituelle, à savoir « c'est chiant », elle avait été si estomaquée qu'elle a juré qu'elle trouverait un livre qu'il jugerait passionnant. Impossible selon Gajeel.
Puis sans savoir comment, ils se sont mis à parler des gens qu'ils ont connu ou croisés.
La jeune homme appréciait toujours autant la manière dont Levy discutait. Tordante. La conductrice était douée pour faire des imitations. Elle avait aussi un timbre de voix qui s'accordait toujours avec ses mots. Et surtout, surtout, elle avait une façon de penser originale. Alors que les autres étaient pratiquement tous pareils, elle détonnait.
Ça devait être son comportement, elle n'essayait pas de lui plaire lui semblait-il. Au moment où il commençait à se dire qu'elle était trop gentille, elle devenait délicieusement piquante. En fin de soirée, quatre heures après qu'ils se soient installés – on pouvait difficilement manger plus lentement – ils étaient l'un comme l'autre incapable de se remémorer tous leurs sujets de discussion. Ils s'étaient trop amusés. Bon ils avaient aussi un peu bu.
Levy partit chercher deux cafés – pour leur donner la force de monter les escaliers – et en même temps elle en profita pour régler l'addition. Gajeel finit par s'inquiéter de ne pas la voir réapparaître. Pas pour elle, soyons clairs, pour le café.
Il s'approcha du bar, se disant qu'elle avait peut-être croisé une connaissance – ou même le fameux petit-copain s'il existe. Seulement aucune touffe bleue au bar. La barmaid qui l'avait reconnu lui indiqua que son amie était sortie rapidement puis avait tourné à gauche. Il la remercia d'un signe de tête. Il était à deux doigts de partir quand la jeune femme l'arrêta et lui demanda si la fille qu'il cherchait était une amie ou une petite-amie. Comprenant, il la détailla rapidement du regard. Aucun doute, elle était attirante.
— Pas intéressé, dit-il avant de sortir.
Il se dit que cette nuit, il regretterait d'avoir rejeter une femme qui semblait ne demander qu'un bon rapport. Mais à l'heure actuelle, il était surtout inquiet de voir Levy une clope entre les lèvres et les deux cafés à côté d'elle sur le banc. Elle avait le regard fixé au loin.
Il ne savait pas qu'elle fumait, ça l'étonnait après son discours « c'est important de prendre soin de son corps ». Il vint juste en face d'elle, s'appuyant contre la barrière dans son dos. Ses yeux s'écarquillèrent bien de surprise mais elle se contenta de souffler un peu de fumée.
— C'est pas très bio, fit-il remarquer.
Elle rit jaune mais jeta la cigarette au sol. Elle l'écrasa avant d'annoncer de façon très solennelle :
— J'arrête.
Gajeel n'en fut pas rassuré. Son amie semblait toujours abattue. Et même s'il ne la connaissait que depuis peu, il s'était habitué à la voir sourire. Il plissa les yeux.
— Pourquoi tu t'es enfuie ?
Levy fit une petite moue attitude qu'elle prenait souvent quand elle souhaitait faire de la rétention d'information.
— Un type m'a demandée où étaient mes parents.
Gajeel fut complètement déboussolé. Après tout, qu'est-ce que ça pouvait faire qu'un gars (sûrement soûl) lui demande où se trouvaient ses parents. Pourquoi elle était partie s'asseoir sur un banc, avec une clope pour toute compagnie à cause d'une simple et stupide question.
— Tu comprends pas, soupira-t-elle. J'en ai marre de passer pour une enfant. J'en ai marre de devoir montrer ma carte d'identité, de supporter toutes leurs questions : t'es en fugue gamine ? Où sont tes parents ? Veux-tu que je te raccompagne ? Tu es sûre que t'as l'âge de boire ? As-tu le permis ?
— Essaie de prendre un peu de distance.
Elle rit jaune, de nouveau.
— Ça fait cinq ans que je prends du recul. Je sature.
— Bon d'accord, ces mecs sont chiants mais ce sont qu'des inconnus, on s'en tape de ce qu'ils pensent.
— Même quand ils cessent d'être des inconnus, ils n'arrêtent pas, confia la jeune femme en se relevant. Elle resta face à lui et murmura : Même les hommes que je désire me voient comme une enfant. Ils m'appellent fillette. Ils me considèrent comme une petite sœur. Quand je leur fais une déclaration, ils répondent c'est adorable ou t'es mignonne.
— C'est pas une insulte, tenta-t-il.
— Gajeel imagine une femme qui te plaît, lui ordonna-t-elle en se postant devant lui. T'es pas amoureux ni rien mais tu meurs d'envie de te la faire. Tu la chauffes et tout et là elle te fait un petit sourire puis te dit t'es mignon. Tu le prends comme un compliment ou comme une insulte ?
Gajeel resta un moment silencieux. Pour lui c'était évident, se faire traiter de mignon était une insulte. Mais il aurait jamais cru que la petite bleue pensait pareil. Il se demanda pourquoi on l'assimilait toujours à un enfant. Bien sûr il y avait sa taille mais ça ne pouvait pas être que ça quand même. Là tout de suite elle n'avait pas l'air d'un enfant, elle ne souriait pas. Son sourire naïf enlevé, elle semblait tout à fait normal, malgré son penchant pour les couleurs vives.
— Gajeel, appela Levy en agitant sa main. T'es avec moi ?
Ledit Gajeel la contourna et prit les verres en plastique sur le banc. Il lui tendit son café froid tout en lui disant :
— Il y a sûrement un moyen d'arranger ça.
Il fut fier de la voir rosir puis baisser légèrement les yeux à ses paroles. Il se dit même qu'il devait être privilégié la connaissant.
Ils commencèrent à marcher tout en continuant leur discussion. Gajeel était quelque peu gêné. Malgré le rustre qu'il était, il avait conscience que c'était un sujet privé. Ce n'était pas pour rien s'ils avaient évité de parler de leurs histoires de cul de cœur pardon.
Il ne chercha pas à la convaincre qu'elle était un vrai sex symbol, il l'incita juste à parler. Elle ne se fit pas prier, signe évident qu'elle en avait envie. Peut-être en avait-elle marre de tout garder pour elle.
Mais elle ne le laissa pas en marge, elle profita de ces instants pour le faire parler. Il ne lui dit pas qu'il en avait ras le bol de terroriser les peuples par sa seule présence. Même s'il appréciait Levy, il n'allait pas se ridiculiser pour l'entendre rire. Quoique...
Arrivés aux célébrités qu'ils aimeraient être, ils jetèrent leur gobelets vides. Ils rirent de leurs petits défauts. Ils finirent par imiter les gens qu'ils n'aimaient pas ou qui avaient le don de les faire rire.
Ils se baladèrent dans toute la ville thermale, se bagarrèrent près de la rivière. Quand les douze coups de minuit sonnèrent, ils étaient en plein concours de nourriture. Bon ils n'avaient trouvé que des gaufres géantes et évidement Gajeel avait gagné. Faut dire qu'il était avantagé. Levy finit par le convaincre de rentrer à l'hôtel puisqu'ils reprenaient la route demain.
Gajeel n'avait pas envie de rentrer pour une fois qu'il passait une bonne nuit sans faire la bête-à-deux-dos, il fallait inaugurer. Elle dut lui promettre de poursuivre leur discussion pour arriver à le traîner jusqu'à leur chambre d'hôtel. Arrivés, Gajeel se laissa tomber sur le lit moelleux. La chambre était vraiment petite, à peine un pas séparé le lit double du canapé. Le bureau, petit en bois, accueillait leurs affaires. Levy sortit de la salle de bain. Elle séchait ses cheveux et portait un débardeur et un bas de survêtement.
— Bouge un peu Gajeel, je prends cette couette.
Il la regarda très agacé.
— Oh maintenant tu aimerais dormir, rit-elle.
— Pourquoi tu veux ce truc ?
— Je m'installe sur le canapé. (Voyant qu'il allait objecter, elle poursuivit : ) Tu es un peu trop immense pour ce canapé Gajeel. Et même si je t'apprécie, je ne dormirais pas dans le même lit que toi.
Ayant récupéré la couverture, Levy s'installa sur le canapé. Elle entendit Gajeel faire de même sur le lit à un mètre d'elle.
— Je sais que tu as ta fierté, commença le jeune homme après quelques minutes, et je ne voudrais pas que t'entaches ton honneur ce qui t'empêcherait à jamais de te marier. (Elle éclata de rire.) Mais si t'arrives pas à bien dormir, hésites pas à venir.
Levy promit. Sans être spécialement douillette, elle avait intérêt à passer une bonne nuit pour être performante le lendemain. Déjà qu'elle n'aurait pas beaucoup d'heures de sommeil, autant que ces instants de repos soient utiles.
Gajeel se redressa et changea de nouveau son pansement sali. Ça lui faisait encore plus mal que ce matin. Il se demanda pendant plusieurs minutes comment il allait faire pour s'endormir. Il avait besoin de se détendre. Et pour cela, une super idée lui vint.
— Tu as quand même déjà eu des petits-copains ?
— Oui, encore heureux j'aurais pas supporté autant de solitude.
— Ça devait pas être top vu ce que t'as dit tout à l'heure.
— Au lit ou en général ?
— Euh... en général.
Ça sonnait presque comme une question.
— C'était très plat, jamais passionné peu importe ce que l'on faisait. Et quand j'essayais de mettre un peu de piquant, ça tournait mal.
— Y'en a pas un qui t'as amenée faire des trucs ? Ou a voulu te convaincre de faire des trucs osés ?
— Pour les « trucs osés » il n'y avait pas besoin de me convaincre mais du coup je passais pour une débauchée, rit-elle. Et pour les sorties, et bien ils m'ont tous amenés à la bibliothèque même si j'y vais seule depuis mes huit ans. Dans des cafés ou restaurants aussi.
— Bah ça c'est romantique, non ?
— Ça l'est, s'il y a une conversation. Pour moi, même en faisant des efforts, je rentrais en me disant que c'était une soirée gâchée. Et c'était aussi ennuyant sous les couettes.
— Putain, c'est dur.
— Non c'était plutôt moue, répliqua-t-elle entre deux bâillements.
Il éclata de rire malgré la fatigue. Gajeel voyait de moins en moins comment quiconque pouvait prendre cette jeune femme pour une fillette. Peut-être que ses anciens copains n'avaient même pas pris la peine de l'écouter. Levy Quelque-Soit-Son-Nom méritait plus d'attention. Sur cette sage pensée, il s'endormit.
Il se réveilla dix heures plus tard. Il n'entendait qu'un léger cliquètement régulier et en déduisit que Levy devait être en train d'écrire. De temps en temps, il y avait un bruissement de feuille. Peut-être que sa nouvelle amie tenait un journal intime sans même l'avoir énoncé à voix haute, il se rend compte que c'est une idée saugrenue.
D'ailleurs il imaginait très bien Levy dire Journal intime, pourquoi faire ? Est-ce qu'un livre vierge peut nous prodiguer des conseils ? Non je ne crois pas. Il se tourna dans le grand lit. Il profitait de son confort en faisant semblant de dormir principalement parce qu'il avait peur qu'une fois levé, Levy l'oblige à remonter dans le camion.
Lorsqu'il ouvrit les yeux, il lui semblait que quelques minutes à peine étaient passés depuis qu'il avait émergé. Il bailla longuement puis tenta de se redresser. Il marmonna des salutations pour la jeune femme assise à même le sol. Elle lui répondit la voix claire et joyeuse. Il disparut dans la salle de bain.
Il jeta de nouveau son pansement pour prendre sa douche. À part un bon jet d'eau, peu de chose pouvait le réveiller. Il prit tout son temps – il pressentait que cela rendrait la bleue furieuse. Il sortit de l'espace exiguë en pensant à ses cheveux qui auraient besoin de trois heures pour sécher. Et enfin il se souvient que son sac contenant le peu d'affaires de rechange qu'il possédait était toujours sur le bureau en bois.
Il pensa à Levy assise. Il regarda la serviette qu'il tenait autour de sa taille et qui ressemblait à s'y méprendre à une jupe. Putain. Là il aurait adoré voir Levy comme une fillette. Résigné, il entama son périple.
Il n'oublierait pas l'humiliation de si tôt. Gajeel avait du lui confisquer son portable pour effacer la photo compromettante qu'elle avait prise. La bataille avait été rude et il avait été désavantagé de devoir veiller à rester décent. Mais ça ne l'avait pas empêché de triompher.
Ensuite Levy la Gentille était devenu Levy la Militaire. Dès qu'il avait franchi la porte de la salle de bain – habillé cette fois – elle lui avait balancé son sac et annoncé leur départ. Lorsqu'il avait voulu s'arrêter au restaurant de l'hôtel elle s'était exclamée Hors de question. Elle n'avait même pas ralenti le pas et avait poursuivi en expliquant qu'il était onze heures passées et qu'ils déjeuneraient bientôt.
Gajeel s'était senti trahi. Il avait alors tout essayé pour la faire fléchir – et il avait bien failli y laisser sa virilité d'ailleurs. Levy était une femme têtue. Têtue et très organisée. Elle lui avait dit, pour faire cesser ses complaintes, qu'ils mangeraient dans deux heures et vingt-cinq minutes. Gajeel se rappela qu'il avait un peu d'argent et décida d'établir un plan. À leur prochain arrêt, il sèmerait Levy et achèterait quelque chose de sucré.
Gajeel reprit son activité favorite durant les trajets : observer Levy. Elle n'avait aucune cerne. Elle n'avait aucune imperfection sur la peau. Elle maîtrisait toujours aussi bien son appareil. Parfois elle faisait un signe de main à un collège qu'elle reconnaissait.
— Alors tu en as vraiment marre d'être prise pour une gosse ?
Au volant, Levy acquiesça doucement car incertaine de la suite.
— Je peux essayer d'arranger ça si tu veux.
Cette fois elle rit elle n'en croyait pas un mot de toute évidence.
— Aurais-tu des pouvoirs magiques ?
— Non. Mais j'ai fréquenté pas mal de femmes.
Levy arrêta de rire et lui glissa un regard. Deux secondes. Il eut beaucoup de mal à comprendre sa signification. C'était un peu comme un mélange de deux attitudes, d'un côté un hochement de tête accompagné d'un bien entendu, et de l'autre un pincement de lèvres et un froncement de sourcils qui demandaient combien au juste ? Il semblerait qu'il ait piqué la curiosité de la conductrice. Elle pouvait rêver si elle voulait des détails croustillants.
— Gajeel es-tu sincère ?
Cette question il ne l'avait pas vue venir. Pourquoi posait-elle une telle question ? C'est bien les nanas ça ! Pour une situation simple et tranquille, elles compliquent tout dès qu'elles se mettent à réfléchir.
— Je demande ça parce que c'est la première fois que je parle de ça à quelqu'un. Et tu as déjà été assez gentil pour m'écouter sans te moquer. Alors si maintenant tu enfiles un costume de magicien, je vais commencer à avoir des doutes...
Gajeel ricana, il était nerveux pas moqueur.
— J'ai juste pitié de toi et du trou noir qu'est ta vie sexuelle.
— Eh, c'est pas un trou noir ! C'est plus comme... un manège défectueux.
Son éclat de rire grave résonna contre les parois du camion. Levy riait aussi, complètement relâchée contre son fauteuil. Ça c'était un bon moment.
Lorsqu'ils s'arrêtèrent, Gajeel faillit se cogner la tête contre le mur en constatant qu'il n'y avait aucune boutique. Il essaya de lui faire croire qu'il était à deux doigts d'une crise d'hypoglycémie mais elle se moqua de lui. Il passa toute la fin du voyage à souhaiter s'endormir afin d'oublier sa faim. Il n'arrivait pas à croire qu'il ait pu trouver Levy trop gentille. C'était qu'une tortionnaire.
Ils s'arrêtèrent de nouveau dans un hangar. Gajeel faillit bien la tuer quand elle s'installa sur l'herbe, dans un parc pas loin, et sortit des sandwich sous vide de son sac.
— J'arrive pas à croire que tu m'ais fait subir ça, soupira le jeune homme après avoir bu une gorgée d'eau.
— Tu m'as mise en retard, répliqua-t-elle sans lever les yeux de son livre.
— J'savais pas que t'étais une maniaque. Et oser faire ça à un ami...
— Quelle honte, finit-elle le regard rieur.
Il changea complètement de sujet voyant qu'il ne la ferait pas culpabiliser.
— C'est quoi le programme pour le reste de la journée ?
— Je suis libre, on repart demain matin. Et on lève le camp avant onze heures, Gajeel.
— Parfait. (Levy fronça les sourcils) On va pouvoir s'occuper de ton cas.
Levy n'arrêtait pas de soupirer. Gajeel l'avait traînée jusqu'au centre-ville et souhaitait l'emmener acheter des vêtements. Arrivés devant la vendeuse, Levy restait sceptique.
— Essaie de sourire, juste pour voir.
— Cesse de te moquer, fit-elle avec une moue. Je ne vois pas ce qu'une tenue peut changer. Et j'aime mes habits.
— Des fleurs, des couleurs vives et des jupettes ? Ça ressemble pas à un bon porno.
— Peut-être parce qu'on est dans la rue et pas dans une maison close.
Gajeel préféra se tourner vers la jeune femme qui attendait patiemment.
— Elle a besoin d'un grand changement physique.
— Vous avez une idée en tête ?
— J'ai d'abord pensé à un jeu de contrastes. Mais un simple changement de coupe de ses vêtements peut peut-être suffire.
Levy fixa Gajeel pendant plusieurs secondes. La vendeuse était déjà partie chercher des vêtements qui pourraient convenir. Levy ne cessait de le fixer.
— Gajeel, nouveau styliste en vogue.
Et elle éclata de rire à en finir pliée par terre.
Évidement, il fallait qu'elle se moque. Gajeel se promit de ne plus faire confiance à cette peste. Même si elle était vraiment craquante quand elle riait ainsi.
— Venez, leur dit la vendeuse réapparue les bras chargés.
Elle les conduisit près des cabines d'essayages. Levy avançait le plus lentement possible. Elle regardait, un sourcil levé, le tas de vêtements maintenant posé sur un meuble.
— C'est parti Levy la Crevette, découvre la mannequin qui est en toi.
La demoiselle n'eut pas le temps de répliquer que la vendeuse l'emmenait dans une des cabines. Elle en ressortit avec ses potentiels futures habits. La voilà qui déambulait dans une robe droite, fendue de cette horrible couleur orange qu'elle affectionnait tant. D'un geste, elle lui demanda ce qu'il en pensait.
— C'est pas à moi que ça doit plaire.
— Alors je me sens tel un morceau de viande, ligotée.
— Je peux vous proposer ceci, c'est mieux pour bouger.
Levy se changea de nouveau, elle avait cessé de faire la moue. Lorsqu'elle sortit cette fois, elle riait.
— Un treillis militaire rose ? Soyons un peu crédible.
Gajeel s'assit et lui balança la prochaine tenue.
Finalement, le défilé dura longtemps. Aucun des deux concernés ne sauraient donner la durée avec précision contrairement à la vendeuse. Gajeel redécouvrit à quel point Levy était dure en affaire. Elle voulait à tout prix être à l'aise dans ses vêtements. Gajeel voyait pas pourquoi. Il n'avait jamais vu une femme courir.
Elle trouvait aussi que pas mal des tenues proposées étaient trop ridicules ou trop osées pour être portées en public. La vendeuse avait fini par en avoir marre de tous leurs commentaires et préféra aller s'occuper de la caisse. Au final, ils ressortirent de la boutique le sourire aux lèvres et deux sacs en main.
Même dans la rue, ils ne cessèrent de parler et de rire. Gajeel ne se sentait pas lui même. Il était bavard. Lui. Bavard. Pff. Depuis qu'il avait commencé à la faire parler, lui même ne s'arrêtait plus. Il se regarda dans une aussi grand. Toujours aussi musclé. Toujours la même touffe de cheveux. Mais maintenant il ne voyait plus tout cela. Il voyait Gajeel le styliste bavard.
Génial. Il était officiellement perdu.
Il fut surpris de voir Levy se rapprocher dangereusement du sol. Il la rattrapa en passant son bras sous son ventre. Ils restèrent un instant comme ça, elle suspendue. Lorsque Levy se redressa, elle était rouge. Assez rouge pour que cela jure avec ses cheveux.
Il éclata de rire. Son rire était tellement fort que des personnes sursautèrent autour d'eux. Elle le frappa avec un sac mais ça le fit redoubler d'hilarité. Au point qu'il eut du mal à mettre un pied devant l'autre.
— Tu... Tu... Même à plat, tu sais pas marcher.
Levy accéléra le pas. Sa chevelure sautillait en même temps. Mais Gajeel n'eut aucun mal à la rattraper. Là encore, elle s'écarta du jeune homme. Lui ne cessait de rire juste à cause d'une jeune femme aux cheveux bleus.
— Tout s'explique maintenant. Tu sais pas marcher à plat, donc tu sais encore moins marcher en talons, donc t'es pas une femme femme.
— Pardon ?
— Tu sais une vraie femme une de celles qui marchent en talons, mettent du rouge à lèvres et remplissent leur soutif.
S'il avait voulu la faire rager, c'était réussi. Ses yeux étaient plissés de fureur. Elle serrait ses poings aussi fort qu'elle le pouvait. Elle était assez effrayante ainsi mais Gajeel n'était pas inquiet. Que pouvait-elle faire contre lui ? Le frapper ? Ce serait elle aurait mal. Gihi. Gajeel le Boss.
Plus vive qu'un serpent, elle lui attrapa une mèche de cheveux et le traîna à sa suite. Il hurla. Certains citadins qui avaient vu la jeune homme se moquer souriaient maintenant du retournement de situation. Gajeel attrapa le poignet de sa tortionnaire pour calmer sa douleur. Cette nana était complètement folle.
Brillante aussi, et c'était bien cela le danger. Elle voulait le faire payer et savait qu'une domination physique serait rageante pour lui. Elle savait qu'il ne servait à rien d'essayer de le taper et que son oreille – cible de prédilection – était trop haute pour pouvoir être attrapée rapidement.
Stratégiquement, elle a choisi une mèche de cheveux. Elle ne payait rien pour attendre celle-là. Une fois dans une boutique de chaussures, elle le lâcha tout aussi violemment. Il ne comprenait pas pourquoi ils étaient là maintenant. Levy prit les premiers escarpins à sa taille qu'elle trouva et les chaussa.
— Tu vois que je peux marcher avec des talons.
Gajeel riait sous cape mais se reconnut vaincu. Elle était tellement fière. Impressionnant. Même vexée elle ne se contentait pas de baisser la tête ou de bouder. Elle était vraiment surprenante. Il n'en connaissait pas une comme elle.
— J'en profite pour te dire que ta vision de la femme est complètement étriquée. Une femme ne se résume pas à son apparence physique.
— Y'avait rien sexiste dans ce que j'ai dit..
— Bien sûr que si, tout se résume au paraître selon toi.
— Peut-être parce que c'est la première chose qu'on voit. Ce n'est pas parce que l'on porte du rouge à lèvres que tout ce que l'on raconte est dénué d'intérêt. Et les talons mettent en valeur, c'est pas juste de la torture – et tu le sais puisque tu viens d'en acheter.
— Oh ! Et comment justifies-tu la remarque sur le tour de poitrine ?
— J'aime les seins. C'est pas un drame.
— Non mais je rêve, soupira la jeune femme.
Gajeel, lui, était plutôt fier. Il venait de lui couper l'herbe sous le pied. Il s'améliorait.
— À droite.
— Pourquoi ? N'a-t-on pas fini ?
Le duo entra chez l'esthéticien. Ils restèrent vers la partie boutique. Les différents parfums essayés sentaient trop forts et étaient trop mélangés pour que cela soit agréable. Levy regardait déjà les étalages de gloss, surtout les brillants. Malheureusement pour elle, Gajeel intervint. Il la poussa jusqu'aux rouges à lèvres. Il semblerait que le gloss fasse trop adolescente. Levy, elle, trouvait ces tubes de rouges à lèvres ternes et pas très joyeux.
Elle acheta quand même un de ces fichus tubes. La vendeuse lui avait dit qu'elle était très séduisante avec. Gajeel la soupçonnait d'accepter parce que la vendeuse en question semblait ne plus vouloir le lâcher et qu'elle voulait fuir le magasin.
— T'es pas trop maquillage toi.
— Et toi t'ignores combien de fois j'ai manqué de me crever un œil. En plus j'oublie toujours de me démaquiller alors t'imagines ma tête au matin.
— T'es vraiment un vétéran crevette.
— Roh mais arrête avec ce surnom. On dirait que tu l'as trouvé sous LCD.
Il la bouscula.
— Tu devrais être plus gentille avec moi. On mange où ce soir ?
— À l'hôtel, ça te va ? Je suis un peu à plat.
Il hocha la tête. Il n'aurait qu'à sortir s'il n'avait pas sommeil il avait déjà repéré quelques bars.
Il rinça son visage avec un jet d'eau. Ils avaient passé une bonne soirée. Assez bonne pour lui couper l'envie de sortir, de boire encore, et de rencontrer de grandes perches. Il s'assit sur la seule chaise de leur chambre. Il avait envie de discuter.
Lui, Gajeel. Kurogane. Le Démon. Certains disaient qu'il était le fils du Diable – les yeux rouges sûrement. Mais pour une fois qu'on écoutait ce qu'il voulait dire, il n'allait pas laisser passer sa chance. Peut-être même qu'il arriverait à la convaincre de ne pas faire sa grand-mère et de poursuivre leur discussion.
— Gajeel.
Il leva la tête, encore innocent. Levy était face à lui, d'accord. Mais elle était en sous-vêtements. De petits sous-vêtement en dentelle qui semblaient vraiment doux.
— Tu vois, je remplie mon soutient-gorge.
Il déglutit. Elle avait raison. Elle était bien faite. Ses doigts gigotaient déjà sur sa cuisse.
— Tu me plais. Mais sache que même si tu me repousses, ça ne changera rien.
— J'ai cru que tu voulais que je me prostitue, blagua-t-il.
Elle s'assit sur lui, sans quitter le jeune homme du regard. Il voyait bien qu'elle attendait un geste de sa part. Mais le dilemme était bien trop compliqué dans sa tête.
Coucher avec une amie ça lui semblait vraiment incorrect. Et puis il s'agissait de Levy. Levy. Il la connaissait un peu trop. Il avait trop peur de la blesser que ce soit en acceptant ou en refusant. Il esquiva son regard.
Dans son champs de vision, il n'y avait que Levy. Il y avait son cou, son buste. Il y avait sa poitrine puis sa taille. Il y avait ses cuisses et sa chair. Elle se pencha et l'embrassa. Gajeel réfléchit. Il hésitait toujours. Il devait se décider. De suite.
Il posa une main sur sa cuisse, sans savoir si c'était pour l'attirer ou la repousser. Il sentit sa cuisse en chair juste sous sa main. Gajeel se rappela ce qu'avait dit Levy : mieux vaut des remords que des regrets. Et puis il était Gajeel, il ne pouvait pas résister à ces cuisses. Il laissa ses mains glisser sur son corps à demi-couvert et intensifia le baiser.