Dean est en colère. Dean est en colère contre lui. Seamus sent ses nerfs en feu sous l'angoisse et l'anticipation. Les douches se succèdent sans que rien n'apaise sa peau, au contraire, il la sent crépiter au contact de sa propre main. Dean n'est jamais en colère, jamais contre lui. Parce que entre eux deux, il est le calme, le serein, le taciturne. Les crises et les cris sont laissés à Seamus. Parfois il se demande si Dean lui en veut d'être bruyant, bordélique, de prendre trop de place. Il ne peut pas s'empêcher de vouloir laisser son empreinte partout, sur chaque moment, sur chaque parcelle de Dean.

Aujourd'hui, Dean ne l'a pas approché de la journée il ne l'a pas regardé ni même ne lui a parlé. Il ne l'a pas frôlé comme il le frôle chaque matin en allant vers la salle de bain, en s'habillant, en riant. Tout mouvement est un prétexte. Seamus ne sait comment réagir face à cette colère froide, glaciale entre ses côtes, quand il sait brulante la peau de Dean. Il scrute les traits fermés de son ami. Il ne connait pas ce nouveau visage, et ses yeux en sont insatiables.

« Je suis désolé » prononce-t-il enfin un en soupir. Il pose, sur le bras de Dean, une main qui voudrait un peu plus.

« C'est pas à moi que tu dois t'excuser » réplique l'autre sèchement. Pourtant ce n'est jamais que chez Dean que Seamus sent le besoin de s'excuser. Pas cet Harry Potter, ce gamin d'à peine son âge qui se pense être l'Elu, qui se pense être Celui Choisit pour sauver le monde et les sauver, eux, mais Seamus, lui, ne l'a jamais choisi.

Mais il ne veut pas penser à Potter, pas maintenant. Juste à Dean.

« Je suis désolé de t'avoir énervé.

- Je ne suis pas énervé, Seamus ». La façon dont son nom chute des lèvres de Dean lui fait entrouvrir les siennes. Il se sent hors d'haleine, à la recherche d'un souffle qui ne serait pas le sien dans sa bouche.

« Je suis juste… » continue Dean.

Seamus devine les mots qui tardent : Lassé, ennuyé, ...

« - dépassé ». Il descend ses iris sombres vers les siens. Finalement. Un léger sourire s'esquisse au coin de ses lèvres pleines. « Je ne sais juste pas quoi penser de tout ça »

« Tout quoi ? » et « Moi non plus », pense à la fois Seamus. Mais c'est bien connu, Seamus ne pense pas beaucoup. Mais on n'en parle pas, car il y a Dean. Et Seamus n'est pas grand chose sans Dean.

Dean rit sans joie.

« Pas que j'en sache plus d'habitude, quand il est question de toi ».

Seamus a chaud. Il ne comprend pas, pas vraiment. Il est incapable de se concentrer. Il se sent juste à l'étroit, confiné dans un corps trop petit quand il a l'infini en expansion juste sous le cœur. Il lève une main fébrile, tend une paume moite. Sans respirer, il réussit à expirer un simple mot :

« Ami ? »

Dean le regarde, comme avant, comme souvent, comme quand il trouve Seamus incroyablement bête ou étonnement malin, Seamus n'est jamais sûr, pas même sûr que Dean le sache. Il a les iris brillants, se riant d'une blague que lui seul connait. Et Seamus se demande furtivement si en se rapprochant un peu plus, en se pressant un peu plus contre lui, il le lui en ferait part. Or, aucun espace ne reste à franchir quand Dean le tient déjà d'une main sur la nuque, l'autre sur la taille. Et lorsqu'il répond, Seamus n'aurait eu qu'à se dresser sur la pointe des pieds…

« Ami ».