Heey. Je suis de retour ! Il m'aura fallu moins de temps que c'que je pensais... Mais quand même, je reconnais que c'est long ! Au programme cette fois-ci, des sentiments, des sentiments et... des sentiments. C'est la ville qui veut ça. Il y aura encore un chapitre sur Altissia, après, ça risque de devenir plus compliqué. J'aimais bien ce format épisodique, suivant les aventures dans l'open world, mais passé ce stade de l'intrigue, c'est plus la même. Je vais donc réfléchir à un moyen de garder ce format.
Anyway, comme d'habitude, je vous remercie chaudement de me lire et de m'encourager !
- Givre.

Chapitre XI : Altissia.

Le crépuscule avait cela de particulier qu'il se teintait à Altissia de couleurs défiant l'imagination, et les cascades et les canaux se paraient de lumières extraordinaires, emplissant l'air de particules et de rayons chaleureux. Le glissement silencieux des gondoles dorées, la musique discrète mais présente qui ruisselait le long des ruelles étroites, réverbérée à l'infini, le scintillement des eaux et des murs blancs – tout cela contribuait à la majesté des lieux et leur conférait une atmosphère onirique et sereine, confortable et riche comme le glissement du velours sur la peau. La Cité des Eaux resplendissait dans la lumière sanglante du couchant qui l'enveloppait d'ambre, de cuivre et d'or. L'excitation de la découverte les avait détournés de la recherche de Weskham, et le petit groupe se promenait selon leur fantaisie, les yeux écarquillés comme pour absorber au maximum les paysages splendides de la ville.

« C'est romantique. » constata Gladiolus, et sa voix rauque semblait ne pas croire elle-même à ce que son possesseur avançait.

« C'est vrai. Mais y'a aussi quelque chose d'inexplicablement triste dans l'air… »

Noctis jeta un bref coup d'œil à Prompto, peu habitué à ce ton, et remarqua que cela n'avait pas non plus échappé à leurs aînés. Le Prince se mordit la lèvre, enfouissant un peu plus les mains dans ses poches afin de pouvoir serrer les poings à loisir. Prompto n'avait pas tort – sans doute les rues exhalaient-elles comme de vagues effluves nostalgiques, et Noctis songea à un millier de façons dont il aurait préféré visité Altissia. Malgré l'imminence de la fin, il restait aisé de prétendre être ailleurs. Blotti au fond d'une gondole sur les riches coussins brodés, avec Prompto étalé à ses côtés dans le style de ces tableaux baroques ornant les corridors de la Citadelle, le jeune Héritier n'avait qu'à cligner rapidement des paupières pour occulter tout l'univers en-dehors de son champ de vision. Sourire devenait ainsi plus simple, et il admirait en silence les courbes délicates de l'autre garçon, les rayons chaleureux qui sortaient de son cœur et les poussières mordorées incrustées dans sa peau. Noctis tentait ardemment de s'avouer chanceux, mais le poids du Destin pesait toujours sur ses cils, qui obscurcissait peu à peu son regard et étalait son ombre le long des contours de l'horizon.

Une partie de lui trouvait cela à la limite du risible tant l'ambiance dégoulinait de miel, tandis que l'autre se réjouissait d'un tel déluge de douceur. Il releva la tête pour se trouver nez-à-nez avec l'objectif et se permit un sourire timide, gêné par ce que le vent marin avait infligé à ses cheveux. Prompto lui adressa un clin d'œil et continua à photographier frénétiquement la ville, tout en intégrant plus ou moins subtilement le Prince à ses clichés. Vraiment, l'obsession à peine dissimulée de Prompto commençait à tous les inquiéter, mais personne n'osait élever la voix à ce sujet. Ils devaient laisser le jeune homme trouver réconfort là où il l'estimait bon – même si cela frôlait le maladif, même si certains réprouvaient son attitude. Que pouvaient-ils bien y faire ? Noctis songea à leur dernière nuit à Lestallum, aux mots prononcés du bout des lèvres, presque peureusement. Craignait-il tellement d'être laissé à l'abandon ? Le Prince n'avait jamais insinué qu'il ne se battrait pas pour le garder auprès de lui, n'avait jamais laissé entendre qu'il accepterait d'être séparé de son… Amant. Ami. Compagnon ? Oh, et puis merde.

Ce soir-là, ils rencontrèrent la Ministre d'Altissia, en prime d'un autre des camarades de feu le Roi Regis. Noctis n'avait pas osé poser les questions qui lui brûlaient la gorge, et s'était mis à penser férocement à ce que serait Ignis dans une trentaine d'années. Serait-il lui aussi aux commandes d'un établissement à succès, à essuyer férocement les traces de calcaire sur les verres comme pour déloger la crasse qui se déposait sur les souvenirs ? Il avait chassé ces considérations moroses, se raccrochant aux sourires familiers de ses amis. C'était étrange comme des détails si futiles pouvaient remplir tout l'espace d'un cœur, ou, du moins, de ce sanctuaire sacré érigé en l'honneur de la mémoire. La texture ridicule des gants du chambellan, les arabesques d'encre sur les bras de Gladiolus, la coiffure improbable de Prompto et le clic ! discret de l'appareil photo. Il se força à leur sourire en retour, tentant d'étouffer l'idée qu'il serait peut-être privé – un jour – de tout cela. Je suis plus un gosse, putain. J'en parle comme si c'était mes doudous. Et pourtant, il y avait des fois où il ne se sentait pas plus fort ou courageux que lorsqu'il avait cinq ans et qu'on le poussait d'une grande tape dans le dos dans une pièce trop vaste, pleine d'inconnus aux regards d'acier et entièrement vêtus de noir. Il éprouvait encore ce même sentiment – qu'il détestait – cette impression de ne pas convenir, d'être pris de haut, de ne pas avoir eu le temps d'être prêt. Il n'avait plus cinq ans. Son père n'était pas là pour le rassurer ou le guider, et un nombre beaucoup trop important de vies reposait entre ses mains tremblantes. Il ne serait jamais prêt. Mais est-ce que j'ai le choix, hein ?

De retour dans la gondole qui les transportait avec une lenteur exceptionnelle vers l'hôtel Leville, Prompto avait profité de la somnolence de ses aînés pour se glisser à l'arrière et poser sa tête sur les genoux de Noctis. Le Prince jouait distraitement avec les mèches blondes, absorbé dans ses réflexions, pendant que l'autre garçon fredonnait doucement son approbation, l'observant de derrière ses paupières mi-closes. Sous ses airs sereins, Noctis percevait distinctement que quelque chose le tracassait, ce même sentiment vacillant qui s'était glissé depuis leur arrivée dans ses mots d'ordinaire si enthousiastes. Ses sourcils se froncèrent et il tapota du bout du doigt sur le front de Prompto, qui s'extirpa immédiatement de sa mélancolie pour lui lancer un sourire éblouissant.

« On devrait se faire une virée nocturne. Demain soir. Peut-être monter sur les toits… Altissia doit être superbe, vue d'en haut.

—Hm.

—En profiter un peu avant que t'ailles voir la vieille dame en tailleur vert. Après ça va être blablabla, lapolitique, l'Empire, l'Hydréenne, la bagarre. » Prompto redevint silencieux, puis lui colla pratiquement l'écran de son appareil sous le nez d'un mouvement un rien trop tendu. Noctis dut pratiquement loucher pour distinguer correctement la photographie.

« C'est la robe de Luna. » énonça-t-il d'un ton égal. Il avait beau tenter de détourner le regard, il ne voyait que les couleurs saturées qui envahissaient son champ de vision. « Belle prise. » ajouta-t-il finalement, hésitant, avant d'abaisser la main de son compagnon – la lumière de l'écran n'était pas franchement agréable, pas plus que la proximité trop difficile à supporter de ce symbole effondré.

« Ouais. » Le Prince entendit le jeune homme reposer l'appareil et sentit son souffle tiède à travers le tissu de son pantalon alors qu'il soupirait. « Et dire que ces jours auraient dû être jours de fête. Ça me rend triste. » Noctis laissa ses doigts quitter le fouillis blond et glisser le long du visage de Prompto, esquissant l'ébauche d'un sourire en appuyant à la commissure de ses lèvres. Il partageait ce sentiment, mais n'était pas tout à fait sûr de saisir la véritable portée des paroles de son ami – et quelque chose pouvant s'apparenter à de la culpabilité le saisit à la gorge.

« Tu devrais pas. C'est juste… les aléas de la vie, je suppose. Et puis, c'est notre boulot de faire en sorte qu'on puisse faire la fête après, malgré tout. J'te promets des feux d'artifice, ça te va ? Et plein de chocobos. Okay ? »

Prompto repoussa légèrement la main de Noctis et leva des yeux scintillants vers lui, une moue timide et enfantine apparaissant petit à petit sur sa bouche. « Il y aura des poussins aussi ?

—Ouais. Des vrais, des peluches et des poussins qui courent partout. »

Le garçon poussa un petit cri attendri en imaginant une telle chose et captura la main du Prince pour y déposer une pluie de baisers. « Deal ! Mais fais gaffe, j'plaisante pas avec les chocobos !

—Ah, je suis ton homme. »

Et avec ça, la gondole les déposa à deux pas de l'hôtel. Noctis dormait debout, et Ignis, arrivé à bout de ses réserves internes d'Ebony, avait une démarche légèrement titubante – ce qui aurait pu être divertissant, n'était l'emprise du sommeil sur leurs esprits. Gladiolus bâillait à en faire trembler les murs – un son qui tenait plus du béhémoth que de l'être humain, si vous demandiez à ses camarades. Umbra et Gentiana les attendaient dans le vaste hall, mais, en toute honnêteté, le Prince était persuadé les avoir rêvés. Le valeureux groupe s'effondra dès que la porte de la suite se fut refermée derrière eux, vaincu par la fatigue et les émotions de la journée. On leur monta de quoi se sustenter rapidement – un bol de soupe accompagné de croutons frottés à l'ail et au persil – puis, un à un, ils se réfugièrent dans les couvertures douces. Ignis n'avait même pas pris la peine d'ôter ses chaussures avant de s'affaler tête la première, et Gladiolus ronflait déjà, son large bras jeté en travers du dos de son compagnon, paume ouverte vers le plafond.

Noctis enveloppa Prompto dans une étreinte possessive, face à face, afin de laisser leurs souffles se mêler en une brise tiède et rassurante. L'autre garçon s'agrippa au corps du Prince avec toute la force que lui permettait son épuisement, et ce dernier songea qu'il n'y avait peut-être rien de honteux au fait de s'accrocher à une intimité familière. Son regard dériva au-dessus de Prompto, où le clair-obscur révélait les masses confondues de leurs aînés. Avaient-ils eux aussi l'impression de n'être parfois rien de plus que des enfants ? Quand le soleil déclinait et qu'il n'y avait plus besoin d'agir en adultes, quand la nuit réveillait les peurs les plus anciennes et les désirs les plus élémentaires ?

« Tu penses trop. » soupira la voix plaintive de Prompto, qui balaya d'une main endormie la joue du Prince. Noctis eut un rire léger et accepta de fermer les paupières.