Partie 2 : Yamaguchi

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Yamaguchi Tadashi n'aurait jamais pu espérer que son espoir fou se réaliserait ainsi.

Il était tombé en adoration de Tsukishima Kei quand il était encore gamin, avec la ferveur que les enfants réservent pour les héros de fiction. Mais Tsukki était bien réel, et il l'avait laissé devenir son ami. C'était, à la réflexion, le tout premier exploit que Yamaguchi ait accomplit de sa vie.

Quand avait-il commencé à ressentir des sentiments bien plus forts pour le blond ? Difficile à dire. Il savait que ça avait commencé à devenir très embarrassant à la puberté, quand son affection pure d'enfant avait commencé, à sa propre horreur, à se teinter d'envie plus physique. Comme s'il était à la fois le protecteur de Tsukishima, chevalier toujours sur ses gardes, et son prédateur avide de chair. Et cette deuxième moitié de lui-même, il était hors de question qu'elle soit visible de qui que ce soit. Interdiction absolue. Peu à peu, il avait prit certaines habitudes, savait les moments où il ne devait pas se rapprocher, ne pas le regarder dans les yeux, ne pas le regarder se déshabiller surtout - difficile, quand on partage le même vestiaire tous les jours, mais faisable.

Avec le recul, ce désir-là n'avait pourtant rien de bien choquant. Une envie de le toucher, de l'embrasser, de s'emparer de sa peau, lié à un désir plus trouble d'être regardé par lui d'une certaine manière, d'être le seul à exister à ses yeux... Ses fantasmes de collégien n'allaient pas beaucoup plus loin, et suffisaient à le faire frissonner, comme s'il touchait à un interdit sacré. Ce n'était pas tant le fait d'être amoureux d'un autre garçon, du moins il ne l'avait pas ressenti comme ça. C'était l'idée qu'il n'en était très clairement pas digne. Tsukishima était parfait, tandis que lui n'était rien.

Bon, peut-être que le caractère du blond était légèrement problématique pour la plupart des gens, qui n'aimaient pas qu'on pointe leurs défauts en ayant systématiquement raison. Et que, bien loin des épisodes traumatisants où Yamaguchi était martyrisé en primaire, il aurait pu se faire plus d'amis au collège sans Tsukki. Mais qui pourrait vouloir le reste de l'humanité, quand il pouvait être aux côtés de Tsukki ? Pour le brun, c'était une évidence absolue.

Il avait donc soigneusement muselé ses sentiments, certain que tant que le blond l'autorisait à rester avec lui, il ne pourrait pas être plus heureux.

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Depuis leur entrée au lycée, beaucoup de choses étaient arrivée et avaient troublé cet équilibre. En s'investissant autant dans l'équipe de volleyball, Yamaguchi s'était vraiment fait des amis. Avait trouvé une place, une reconnaissance qu'il ne se souvenait pas d'avoir déjà eu un jour. Il était considéré pour lui-même, pas en tant que satellite bruyant de Tsukishima. Et celui-ci se renfermait de plus en plus dans le silence.

Ça avait été terrible aux yeux de Yamaguchi. Il pouvait combattre n'importe quel ennemi pour Tsukki. Il pouvait se combattre lui-même pour Tsukki. Mais il n'avait aucune idée de comment combattre Tsukki pour Tsukki.

Mais il le savait, Tsukishima avait toujours eu en lui cet esprit combatif, cette fierté qui le pousserait à tout tenter pour aller au sommet. Le blond n'avait fait que le nier. Et finalement, en le remettant face à lui-même, à ses propres désirs, il avait reprit ses esprits et s'était à son tour lancé à corps perdu dans la bataille, donnant à son talent toute l'ampleur de travail et de persévérance qu'il méritait. Et à le voir ainsi se dépasser, jour après jour, Yamaguchi s'était senti tomber amoureux à nouveau.

Au final, il n'avait jamais eu le moindre espoir de le séduire, d'être vu comme un intérêt amoureux potentiel. Il avait simplement ressenti, de plus en plus fortement, cette certitude : Tsukishima devenait de plus en plus extraordinaire avec le temps. Alors on allait finir par le lui prendre. Déjà, ses prétendantes ne se limitaient plus aux lycéennes rougissantes. Des adultes commençaient à lui tourner autour, à l'évaluer du coin de l'œil, à flirter plus ou moins ouvertement. Même des hommes. Yamaguchi était sûr que ce type, qui travaillait au fast-food et lui avait fait une réflexion sur sa taille avec un clin d'œil, n'avait rien d'innocent en tête. Et celui qui...

Bref. Pour l'instant, Tsukishima balayait tous ces regards admiratifs dans la superbe de son indifférence. Mais ça ne pourrait pas durer longtemps. Yamaguchi s'était dit qu'il devait tenter sa chance. Hors de question de laisser le reste du monde marcher sur son terrain. Au moins, Tsukki n'était pas fixé sur un idéal qu'il ne pourrait jamais atteindre - par exemple, les filles petites et à forte poitrine. Il n'avait pas l'air de trouver qui que ce soit à son goût, jamais. Mais du coup... comment le séduire ? Yamaguchi ne savait même pas s'il devait tenter d'être plus viril ou plus efféminé, plus affectueux ou plus distant, plus autonome ou plus dépendant. Ils avaient beau passer l'essentiel de leur vie ensemble, sur ce sujet l'objet de son obsession ne laissait jamais échapper le moindre indice. Sa taille, au moins, semblait aller idéalement avec celle de Tsukki, mais c'était bien le seul atout qu'il se voyait.

Qu'est-ce qui, dans ce bas monde, pouvait être à la hauteur de Tsukishima Kei ?

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Et puis le miracle avait eu lieu.

Miracle qui venait, au départ, d'un gros coup de déprime en entendant des filles discuter. "Lui, avec ses taches de rousseur, je pourrais jamais, c'est trop moche !".

Yamaguchi ne savait même pas si c'était lui qui était visé. Mais ça avait touché un point sensible. Après tout, c'était aussi de ça que se moquaient les enfants qui le harcelait, quand il était petit, avant de rencontrer Tsukki. Comment est-ce qu'il pouvait espérer plaire à son ami avec un handicap aussi terrible ?

Et là...

Première partie du miracle : Tsukki lui avait dit que les taches de rousseur lui allaient bien.

Deuxième partie du miracle : Tsukki lui avait dit qu'il lui fallait quelqu'un de grand.

Troisième partie du miracle : Tsukki lui avait dit qu'il était mignon.

Quatrième partie du miracle : Tsukki lui avait dit qu'il était cool et fort.

Cinquième partie du miracle : Tsukki estimait qu'il lui fallait quelqu'un qui le connaisse très bien.

Sixième partie du miracle, qui englobait toutes les autres : du début à la fin, Tsukki s'était montré inhabituellement compréhensif, et même affectueux. Il avait fait des compliments, lui avait payé un café au lait, lui avait caressé la tête.

Chacun de ces éléments étaient déjà une opportunité, une porte ouverte vers l'idée que peut-être, un jour, Tsukki pourrait envisager de l'aimer à son tour. Mais tous ensemble, c'était carrément une déclaration passionnée de la part de son ami habituellement si froid, et Yamaguchi avait sauté sur l'occasion pour déclarer ses propres sentiments !

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Sauf que non, en fait. Du moins, vu le regard écarquillé de Tsukishima, le fait qu'il n'ait absolument pas participé à ce baiser, et qu'il soit resté sans voix ensuite. Non, lui ne pensait pas du tout à la moindre relation romantique entre eux. Yamaguchi a agit trop vite, sans le moindre argument en sa faveur, et il allait sans aucun doute se faire exploser en plein vol par la fureur indignée du blond devant ce crime de lèse-Tsukki.

Mais il ne fuirait pas. Il s'était loupé, sans aucun doute, et maintenant c'était trop tard. En réalité il n'avait jamais eu de réelle chance, depuis le début. Il devait l'accepter et ne pas flancher. Il était entré sur le terrain, et ne pouvait plus que tenir bon face aux conséquences. Et quand Tsukki lui demanda s'il l'aimait, il répondit oui sans hésiter.

Et Tsukki lui a donné sa chance.

A lui. Il lui a vraiment parlé de sortir ensemble. D'essayer. Comme si c'était une option envisageable. Eux deux. Tous les deux. Ensemble. Vraiment.

Bien sûr, il ne s'est pas laissé pour autant attraper, câliner, ou même approcher plus qu'avant. Distance de sécurité rétablie, à bout de bras - la distance de sécurité des grandes tempêtes émotionnelles. Donc Yamaguchi tenta de se calmer et d'attendre. Du moins d'attendre. Quand à se calmer, c'était tout simplement impossible : il se sentait si heureux qu'il aurait pu voler durant tout le trajet, l'esprit uniquement accaparé par la pensée "TsukkiTsukkiTsukkiTsukki...".

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L'entrainement aussi s'était passé comme un rêve. Oh, le blond n'avait absolument rien changé à son comportement habituel. C'était seulement Yamaguchi qui se sentait en feu. Il avait réussi absolument tout ce qu'il avait tenté, comme si le ballon s'associait à sa joie et n'était plus qu'une extension de sa volonté.

C'était au moment de se séparer de Tsukki qu'il avait comprit que finalement, ce ne serait pas si simple.

Ce moment d'au-revoir, au croisement de leurs deux routes, alors qu'il était tard et qu'il n'y avait personne aux alentours, était absolument parfait pour s'embrasser. Et Yamaguchi avait amorcé le mouvement pour le faire. Surtout après le premier qui avait été... une déclaration claire, sans aucun doute, et au final efficace, mais certainement pas un vrai baiser. Tout de suite après, Tsukishima était très gêné, ça n'aurait servit à rien d'insister. Mais là, il avait eu le temps de se remettre de ses émotions. Et d'y penser de son côté.

Et il avait reculé.

Ce n'était pas très net, mais c'était suffisant pour éviter Yamaguchi qui s'approchait, surtout avec leur différence de taille : s'embrasser était facile, s'esquiver aussi. Et le brun avait cruellement compris ce que Tsukishima lui avait dit plus tôt. Il était d'accord pour essayer. Mais il n'était pas convaincu. Et si Yamaguchi n'arrivait pas à le convaincre, ce serait un non.

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Il était donc petit ami à l'essai. A lui de passer titulaire. Et bien sûr, pas moyen d'avoir la règle du jeu. Tout ce qu'il savait, c'était qu'il serait jugé par quelqu'un de parfaitement inflexible.

Et puis, que pourrait-il rajouter à son comportement habituel pour être plus agréable encore à Tsukki ? Les déjeuners fait maison, peut-être. Mais d'abord il faudrait qu'il apprenne à cuisiner. Sinon, ils passaient déjà tout leur temps ensemble, y compris en faisant quelques sorties lors de leurs rares temps libres. La seule différence que Yamaguchi pouvait voir entre une relation amoureuse et celle qu'ils avaient déjà, c'était justement les contacts physiques... Et si s'embrasser était déjà problématique, le reste - tout le reste, car à présent Yamaguchi savait très bien ce qu'il espérait obtenir ensuite - ne risquait pas d'être à l'ordre du jour.

Au quotidien, rien n'était gagné. Quand Yamaguchi se collait à Tsukki, celui-ci se laissait faire, plus ou moins, mais devenait tendu, nerveux, jusqu'à trouver un prétexte pour s'échapper. Et quand le brun tentait un baiser, l'autre avait toujours un geste de recul avant de finalement se laisser faire. Évidemment, ça ne donnait pas grand chose. Après tout, Yamaguchi n'avait aucune expérience, et s'il existait une super-technique qui aurait pu faire fondre ce bloc de glace, il ne l'avait pas trouvée. Et il n'osait pas aller trop loin. C'était extrêmement perturbant pour lui de faire face à un Tsukki nerveux, alors que Tsukki avait toujours été l'incarnation du cool.

Et pourtant, il avait beau se montrer réticent, le blond n'avait pas rompu. Ça aurait été très simple pour lui de dire quelque chose comme : "Ça ne marche pas, on arrête". Que ce soit en ajoutant "et on reste ami" ou pas, ils savaient très bien tous les deux que Yamaguchi resterai. Donc il avait une vraie chance de le faire craquer réellement.

Il ne lui restait plus qu'à trouver un plan.

Changer de comportement, d'apparence, pour paraitre plus sexy ? D'apparence, ça allait être limité, il restait toujours en uniforme ou en tenue de sport, et ne pouvait pas tenter le maquillage comme une fille. Ça ne plairait sans doute pas à Tsukki. De comportement... Approche directe ou détournée ? Le plaquer contre le mur ou l'attirer innocemment ?

Le kidnapper et le garder enfermé pour toujours, proposa une fois de plus son coté le plus sombre, le plus possessif. Impossible, bien sûr, jamais il ne ferait de mal à Tsukki. Mais...

S'il devait tout tenter, autant le faire dans l'ordre. D'abord la douceur. Si ça ne marchait pas, il pouvait tenter de se montrer plus affirmé et le draguer plus activement. Et puis, ce fameux jour miraculeux, Tsukki lui avait dit "Tu es mignon, met-le en valeur". C'était logiquement la première chose à tenter.

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C'était rare qu'ils se retrouvent chez Yamaguchi. Aller chez Tsukishima était plus pratique et ils en avaient pris l'habitude. Mais l'avantage du minuscule appartement de Yamaguchi, c'était qu'il y vivait seul avec sa mère, qui travaillait dans la restauration et ne rentrait que très tard le soir. En insistant pour que Tsukki vienne, le brun savait que ses intentions étaient assez transparentes, mais ça avait marché.

Et, lorsque Tsukki entra, il découvrit un Yamaguchi avec des oreilles de chat l'attendant sagement. Qui lui fit son plus beau sourire avec un "mia !" de bienvenue.

Il marqua un léger temps d'arrêt, puis éclata de rire.

Yamaguchi se senti au moins soulagé d'un risque : le blond ne le trouvait pas dégoûtant - et ça n'était pas gagné, vu ce qu'il pensait de la quasi-totalité des accessoires mignons et girly de cette planète. Il se senti sourire comme un idiot. Tsukki le regarda alors étrangement, comme s'il essayait de reconnaitre quelque chose qu'il avait du mal à se rappeler, et murmura :

« Bordel, t'es vraiment mignon.

Avant de l'embrasser. Un vrai baiser, un échange doux et excitant, en se laissant enlacer par les deux bras de Yamaguchi ravi de l'occasion. Et quand Tsukki rompit leur baiser, le brun lui sourit encore avant de dire :

— S'il faut ça pour te plaire, je peux les porter tous les jours.

— Le pire, c'est que tu en capable... Tu es effrayant, Yamaguchi.

— Désolé, Tsukki.

— Sérieusement, tu aurais fait quoi si je t'avais dit que c'était ridicule ?

— On aurait rigolé tous les deux. Et j'aurai tenté autre chose. Pourquoi ?

— J'essaye juste de comprendre ce qui te passe par la tête.

— Je t'aime, Tsukki.

— Je savais que l'amour rend idiot, mais toi tu es juste complètement fou.

— Désolé, Tsukki.

— Et si je te disais que j'aime... genre, les dominatrices SM, tu mettrais une tenue en cuir et tout ?

— Bien sûr, Tsukki.

— C'était un exemple, hein. Le fait pas !

— D'accord, Tsukki.

Yamaguchi n'avait pas grand-chose à dire. Même s'il avait arrêté de l'embrasser, Tsukki était resté collé à lui, il avait les bras autour de son petit ami à l'essai, la tête dans son cou, et le blond aurait pu lui demander absolument n'importe quoi à cet instant, il l'aurait fait sans réfléchir. Pour l'instant, deux choses occupaient l'essentiel de son esprit : cette main que Tsukki avait posée sur son dos, est-ce qu'il y aurait moyen de la faire descendre un peu plus bas sans le choquer, et s'il ne pourrait pas voler un autre baiser dans la manœuvre. En attendant, il avait un cou à sa portée, et commença à l'embrasser là, tout en collant au maximum à Tsukki.

Celui-ci, pour une fois, se laissait faire sans réticence. Il lui fit juste une remarque :

— T'as vraiment pas peur, hein...

— Ben, non. Pourquoi j'aurai peur ?

— Pour... plein de raisons.

— La seule chose qui me fasse peur, c'est que tu m'ignores.

— Ah... D'où le rythme des "Tsukki".

— Désolé, Tsukki.

— Bah. Je m'y suis fait.

Yamaguchi acquiesça et se remit à l'embrasser. Peu à peu, il s'avançait de plus en plus sur son presque petit ami, et fini carrément à califourchon sur ses genoux, la langue toujours dans la bouche du blond. Jamais encore Tsukishima ne l'avait laissé aller aussi loin, et le fait qu'ils soient isolés sans le moindre adulte à proximité rajoutait encore à son excitation. A partir de là, tout était possible.

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Jusqu'à ce qu'il se fasse à nouveau repousser brusquement en arrière. Encore raté.

Il leva les yeux vers Tsukki et demanda :

— Qu'est-ce qui se passe ?

— Rien. J'en avais marre, c'est tout.

Là, ça commençait à bien faire, et Yamaguchi s'exclama :

— Tsukki, je sais que je suis juste à l'essai, mais tu ne peux pas juste me dire "j'en ai marre" et arrêter sans raison ! J'ai besoin que tu me dises ce qui te plait ou pas, sinon je ne pourrais jamais arriver à te faire plaisir ! Qu'est-ce qui n'allait pas ? Tu as dis que tu me trouvais mignon !

— Attends, attends... Comment ça, "juste à l'essai" ? De quoi tu parles ?

— Ben... Quand je t'ai demandé de sortir avec moi, tu as dis qu'on pouvait essayer.

— Et alors, ça ne veut pas dire... Oh. Je crois que je vois. Sérieusement, tu ne penses pas que tu passes trop de temps avec Hinata ? Sa stupidité te contamine un peu plus chaque jour...

— Mais, Tsukki...

— T'es pas à l'essai de quoi que ce soit. On est ensemble, je t'ai dit que j'étais d'accord, fin de l'histoire. C'est pas la peine d'essayer de me séduire ou quoi que ce soit. Reste juste... comme tu es d'habitude, ça me va très bien.

Il fit une pause, regardant le visage perplexe de Yamaguchi, et soupira :

— Bon, d'accord, les oreilles de chat ça te fait vraiment une bouille toute mignonne, et j'ai craqué. Ce que je veux dire, c'est que... T'as pas l'impression d'aller trop vite ?

— Trop vite ?

Yamaguchi avait du mal à suivre ce que son petit ami voulait dire. Et, plus déconcertant encore, l'imperturbable Tsukki devenait à nouveau nerveux. Et commençait même un peu à rougir.

Le brun finit par comprendre et s'exclama :

—Tu veux dire que tu es gêné ?

— Rha... Bien sûr que je suis gêné ! Et toi, comment tu fais pour faire des choses comme ça sans y penser ? On croirait vraiment que tu as l'habitude !

Yamaguchi ne sut quoi répondre. Jamais, au grand jamais, il n'aurait pensé que Tsukki puisse être embarrassé par quoi que ce soit. En même temps, s'il y avait un sujet qu'il avait toujours évité comme la peste, c'était bien le thème de la romance. Le brun avait longtemps pensé que c'était parce qu'il méprisait le sujet. Alors que visiblement, c'était plutôt parce qu'il ne maîtrisait pas le sujet.

De son coté, Yamaguchi avait quelques années de fantasmes derrière lui, et surtout n'avait peur ni de ses propres sentiments ni du ridicule. Normal qu'il soit plus entreprenant.

Il répondit le plus gentiment possible :

— Je comprends, Tsukki. Je suis désolé de t'avoir pressé. Ne t'en fais pas, on va avancer à ton rythme.

— Tss... Ce n'est pas non plus ce que je veux. Tu n'as pas à te forcer à faire ce que je te demande.

— Mais je ne me force pas, Tsukki, je me retiens !

— Yamaguchi...

Tsukishima hésitait. Sage comme un gentil petit animal de compagnie, Yamaguchi attendit patiemment qu'il se décide :

— Yamaguchi, qu'est-ce que toi , tu veux ? Tu dis que tu m'aimes, mais dans ta tête, ça impliquait quoi de sortir avec moi ?

Le posséder des pieds à la tête, partager chaque seconde de sa vie, chaque souffle, chaque pensée, l'embrasser, l'enlacer, faire l'amour de toutes les manières possibles imaginables, construire leur foyer, rester ensemble contre le reste du monde, jusqu'à la toute fin, et être enterrés côte à côte. En terme de désir pur, c'était ça le futur idéal de Yamaguchi.

Tentant de le formuler de la manière la moins effrayante possible, il expliqua :

— Tsukki... Je veux tout de toi. Tout ce que tu peux me donner. C'est pour ça que c'est ok si c'est toi qui décide ce qu'on fait ou non. Tu donnes le rythme. J'ai juste besoin que tu m'expliques ce que tu aimes pour pouvoir le faire. Et que ce ne soit pas... rien.

— Donc tu dis que quoi que je fasses, tu m'en réclamera toujours plus ?

— Désolé, Tsukki.

— T'es chiant, tu sais ça ?

— Désolé, Tsukki.

— Bon. J'imagine qu'on n'a pas le choix. Je vais faire de mon mieux pour prendre soin de toi, alors arrêtes de me sauter dessus pour un oui ou pour un non. Laisse-moi le temps.

— D'accord Tsukki !"

Le blond soupira, puis embrassa à nouveau son petit ami, avant de se dégager et de passer à autre chose - en l'occurrence, en mettant une rediffusion de match qui était la raison officielle de sa venue.

Pendant qu'ils regardaient ensemble, Tsukishima s'appuya sur l'épaule de Yamaguchi, puis fini par lui passer carrément le bras autour de l'épaule, laissant le brun se vautrer de plus en plus sur lui, avant de le remettre à sa place au bout d'une heure. Évidemment, il n'allait pas cesser de souffler le chaud et le froid si facilement. Mais il avait promis qu'il ferait de son mieux, et pour Yamaguchi ça valait les plus vibrantes de toutes les déclarations. Même s'il lui faudrait du temps pour se laisser vraiment aller, il s'adoucissait petit à petit, et leur histoire ne faisait que commencer.