Auteur : Maeglin Surion

Disclaimer : les personnages et leur histoire personnelle appartiennent à Thomas Harris.

Note : il est préférable d'avoir lu Hannibal Lecter : les origines du mal pour connaître la jeunesse du célèbre cannibale et les événements clés qui y sont liés. Sauf bien entendu si vous n'avez rien contre les révélations inhérentes à des moments importants dudit livre.

Par ailleurs, ce petit OS est ma participation à la Nuit du FoF de décembre 2016 organisée par le Forum Francophone de ffnet. Un thème y est donné par heure et il faut produire une courte fic sur ledit thème pendant le temps imparti. Le thème de cet OS est « Sœur ». Si vous cherchez des infos complémentaires, vous pouvez m'envoyer un MP ou jeter un œil sur mon profil et dans la rubrique "Favorites Authors".

Je crois bien que tout est dit, alors je vous souhaite une bonne lecture.


Pour toi, ma sœur

Lorsqu'ils m'ont annoncé que j'allais avoir une sœur, je t'avoue sans honte l'avoir mal pris. C'était la réaction puérile d'un enfant qui prend peur. Un enfant qui craint que ce nouveau bébé n'accapare l'amour parental. Alors, je t'ai haïe. Toi, ma sœur. Je t'ai haïe de tout mon cœur à l'instant même où j'ai appris ton existence. Toi qui n'étais encore même pas parmi nous.

Pourtant, Mischa… le jour où tu es née… il s'est passé quelque chose que je suis incapable d'expliquer. Ce jour-là, ma sœur, lorsque je t'ai aperçue, je t'ai immédiatement et irrémédiablement aimée. Tu as attrapé mon doigt de ta petite main rose et frêle… et inconsciemment, j'ai souri et je t'ai regardée… puis mon cœur a explosé.

Tu es devenue ma petite sœur adorée. Tu étais si belle, si insouciante quand tu jouais dans ta baignoire de cuivre avec les bulles que je faisais pour toi. Tous ces petits papillons blancs qui venaient pour toi. Qui dansaient pour toi, Mischa, ma chère petite sœur.

Mais moi qui suis ton frère, moi qui devais te protéger, j'ai failli. Quand ils t'ont arrachée à moi et qu'ils t'ont traînée dans la neige devant le relais de chasse. Cet effroyable jour qui me hante et ne me laisse aucun répit. Ce jour où je n'ai pas été capable de te protéger. Ce jour-là, Mischa. Je t'ai perdue. Ils t'ont arrachée à moi. Ces monstres t'ont assassinée. Et moi, avec eux, je t'ai mangée.

Si j'avais su, ma sœur…

Non, c'est faux. En réalité, je le savais. Au fond de moi, je l'ai toujours su. Yeux-Bleus ne m'a rien appris le jour où j'ai pris sa vie en paiement de la tienne. Lui m'avait déjà tout pris bien des années plus tôt, dans notre forêt noire de Lituanie. Au relais de chasse, ils m'ont pris mon humanité en même temps que ta vie.

Il Mostro, voilà le nom qu'on m'a donné en ce pays de goût qu'est l'Italie. Le Monstre… Est-ce vraiment là ce que je suis ?

L'Éventreur de Chesapeake… Hannibal le Cannibale… Bien des noms m'ont été donné à cause de ce que j'ai fait. J'ai tué d'autres gens, tu sais, ma sœur. Et je les ai dégustés avec la plus grande délectation. Cela fait-il de moi un monstre ?

Aujourd'hui, je ne te vois plus. Je ne t'entends plus. Tu m'es si éloignée, Mischa, dans les profondeurs des galeries noires de mon palais mental. Je ne viens jamais te voir. Je ne le peux pas. Je ne le supporterais pas. S'il y a quelque chose qui fait de moi un monstre, alors c'est cela.

Lorsque j'ai donné la chasse à nos monstres, ce n'était pas pour me faire pardonner ma traitrise. Je voulais qu'ils meurent. Je le voulais de toute la puissance du mal avec lequel ils m'ont laissé. Je voulais qu'ils paient le prix de leur monstruosité. Je voulais faire ce que je n'avais pas été capable de faire autrefois, au relais de chasse. Je voulais te protéger, ma sœur.

Aujourd'hui, nos monstres sont morts.

Mais moi, je suis encore là.

Seul, je demeure. Je reste là à te rêver, à te voir courir dans l'herbe grasse, pourchassant une myriade de papillons qui n'existent pas.

Qui n'existent plus.

Parfois, un drôle de geste me prend. Je lâche une tasse de thé pour qu'elle aille se briser sur le sol. Vaine croyance. Ou peut-être que le cours du temps va s'inverser, que la tasse va se reconstituer et que tu me reviendra.

Mais la tasse qui se brise ne se reconstitue pas. Les choses ne changent pas. Et toi, tu ne reviens pas.

Tu es condamnée à rester prisonnière des dédales les plus reculés de ma vaste mémoire.

Mais pour toi, ma sœur, j'y ai créé la plus belle des chambres. Je l'ai habillée de splendides velours parés de cette couleur sombre que tu aimais tant, le violet vibrant des aubergines mûres. J'y ai aussi suspendu le croquis de ta petite main, celle qui chassait les papillons blancs. Eux aussi sont là. Ils sont partout, ils virevoltent et emplissent la pièce d'une kyrielle d'arabesques lumineuses pour toi. Rien que pour toi.

Toi qui n'aimait pas le noir.

Toi que je ne reverrai jamais plus.

Toi, ma petite sœur bien aimée.


Je ne vous cache pas que j'apprécie fortement l'introspection lecterienne. Malgré le fait qu'il soit un tueur cannibale, je trouve Hannibal Lecter très attachant. Fortement marqué par les horreurs de son enfance et par l'amour qu'il portait à sa petite sœur, Mischa Lecter.

J'ose espérer que ce court OS vous a plu. N'hésitez pas à me faire part de vos impressions.

Maeglin