Salut à tous ! Me voilà pour ma toute première histoire Stucky, que j'ai passé tout le mois de novembre à écrire dans le cadre du NaNoWriMo. Elle est donc terminée, et sera régulièrement (!) publiée jusqu'à la fin.

Plusieurs petites notes avant de démarrer.

Note 1 : cette fic a été en énorme partie inspirée par une fanvid qui s'appelle "Stucky/Evanstan : Sugar Lover AU" de Resave sur Youtube (que je vous suggère d'aller voir parce qu'elle vraiment géniale) et donc aussi inspirée par la musique de cette fanvid, "Sugar Pill" de Ambulance LTD. J'ai adoré l'ambiance de cette vid et de cette musique et il fallait que j'écrive un truc dessus.
J'ai aussi tiré mon inspiration d'autres sources utiles, telles que la série Political Animals, notamment, ou Kings, et même un peu parfois JAG (parce que je suis une méchante ancienne fan et qu'on n'oublie pas ses racines), et beaucoup aussi l'élection présidentielle américaine de 2016.

Note 2 : Au début de cette fic, j'imagine Bucky avec la coiffure de Sebastian Stan pendant la première d'Iron Man 3, ou la San Diego Comic Con de 2016, ou la Disney Expo. (Tapez donc ces termes sur google images et réjouissez-vous.)

Note 3 : cette fic a une timeline précise, et je SAIS que selon cette timeline, dans la vraie vie, il ne pourrait pas y avoir d'élection présidentielle américaine en 2018. Mais c'est un AU, donc. *hausse les épaules*

Tags pour faire comme sur AO3 (parce que je ne peux plus lire une fanfic sans, maintenant) (cette fanfic est également sur AO3 si vous êtes plus confortables là-bas).

Fandom : Captain America

Relationships : Bucky Barnes/Steve Rogers, Peggy Carter/Steve Rogers, Natasha/Clint, Peggy Carter/Daniel Sousa, Bucky Barnes & Sam Wilson, Bucky Barnes & Natasha Romanov

Personnages : Bucky Barnes, Steve Rogers, Sam Wilson, Peggy Carter, Natasha Romanov, Clint Barton, Joseph Rogers, Rebecca Barnes-Proctor, Winifred Barnes, George Barnes, le reste de la famille Barnes, Dum Dum Dugan, Gabe Jones, autres Howling Commandos

Tags : Romance, Univers alternatif, AU présidentiel, Bucky vétéran, coup de foudre, PSTD, crises de panique, slow burn, hurt/comfort émotionnel, quelques rapides pensées suicidaires, problèmes de famille, coming-out, médias, paparazzis, réseaux sociaux, célébrité, alcool & médicaments, homophobie, Steve Rogers bisexuel.

Résumé entier :
James Buchanan Barnes est un vétéran de l'armée de terre américaine. En sauvant ses hommes d'une mort certaine au prix de son bras, il devient l'heureux (ou presque) récipiendaire de la Medal of Honor, la plus haute distinction de l'armée, remise au cours d'une réception à la Maison Blanche par le président lui-même. C'est lors de cette réception qu'il rencontre le fils du président, Steve Rogers... Surnommé Captain America par tout le peuple américain pour sa droiture, sa loyauté et son sens de l'honneur, en plus de ses missions de charité, Steve Rogers est, pour couronner le tout, quelqu'un de sympathique. De drôle. D'attentionné. Et surtout, d'hétéro. Et de fiancé.
Alors, tomber amoureux de Steve Rogers, c'est un peu comme tomber amoureux du soleil : on finit par se brûler les ailes. Tomber amoureux de Steve Rogers, c'est comme de tomber dans un précipice sans fond. C'est comme de passer de statut de héros décoré à celui d'ennemi public n°1. C'est comme de voir sa fierté déjà misérable piétinée, réduite en miettes, exposée par dessus le marché à tout un cirque médiatique. C'est comme la première cigarette du matin, celle dont tout notre corps a besoin, celle que tout notre cerveau réclame, mais qui, au bout du compte, finira par nous nécroser de l'intérieur.
Tomber amoureux de Steve Rogers, c'est définitivement la pire idée du siècle.
Malheureusement, Bucky Barnes et les bonnes idées évoluent sur deux trajectoires strictement parallèles.

Voilà voilà, je pense que vous savez tout. Si vous voyez des fautes d'orthographe, n'hésitez pas à me les signaler !

Bonne lecture !


I Came Home (But My Key Didn't Like The Door)

Chapitre 1

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.oOo.

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James Buchanan Barnes, vétéran de la guerre d'Irak, était revenu aux États-Unis depuis deux ans lorsqu'il reçut le coup de téléphone qui n'allait probablement pas changer sa vie, quoi qu'en dise son amie et colocataire Natasha.

– C'était le gouvernement. Ils veulent me décerner la Médaille d'Honneur, dit-il en reposant le téléphone nonchalamment.

Natasha, assise sur le canapé en train de faire dieu sait quelle opération secrète depuis son portable, lui jeta un regard abasourdi – et c'était Natasha. Il n'y avait pas grand-chose qui la surprenait.

– La Médaille d'Honneur ? dit-elle d'un ton incrédule. La plus haute distinction de l'armée des États-Unis ? Ils veulent te la donner ?

Elle alla jusqu'à poser son portable, ce qui n'arrivait que dans de très rares occasions : il semblait aussi indissociable de sa main que le bras métallique de Bucky l'était de son épaule.

– C'est ce qu'ils prétendent, en tout cas. C'est peut-être une blague pour Halloween.

– Ils auraient pu te la donner plus tôt, dit Natasha, en récupérant son portable, l'instant de surprise déjà passé.

Bucky eut un sourire. C'était ce qu'il aimait le plus chez Natasha, son impassibilité. N'importe qui d'autre en aurait fait tout un pataquès pendant des jours. Ses parents, par exemple – il étouffa un grognement d'horreur en songeant qu'il allait probablement devoir leur en parler. Est-ce que ce serait si terrible que ça s'ils l'apprenaient par la presse ?

Oui, se dit-il aussitôt. Oui. Il ne voulait pas déclencher une énième dispute familiale. George et Winifred Barnes étaient des gens formidables, et ils ne voulaient (probablement) que le bonheur de leur fils ; malheureusement, ils n'avaient absolument aucune notion de l'espace personnel, et ils n'avaient toujours pas compris que Bucky n'était plus le même qu'avant son départ pour l'Irak. Et Bucky se sentait déjà suffisamment ingrat comme ça ; il n'avait pas envie de dire à sa mère que son attention et son amour maternel l'étouffaient. Il préférait faire le salaud et ignorer ses appels, et refuser ses invitations à dîner sous prétexte qu'il avait déjà quelque chose de prévu.

Tout allait merveilleusement bien.

Puis Natasha se leva du canapé et posa son portable sur la petite table basse, et Bucky, qui avait cru qu'elle s'était déjà désintéressée de la nouvelle, comprit qu'il s'était réjoui trop vite. Le petit sourire mutin qui prenait vie au coin de ses lèvres pleines n'annonçait rien de bon.

– La Médaille d'Honneur, répéta-t-elle. C'est quelque chose, James.

– Natasha, ne…

– Ça mérite d'être fêté, continua-t-elle en ignorant l'interruption. J'appelle Sam.

– Non ! s'exclama Bucky. Pas Sam. Je ne veux pas lui dire.

– Il le saura de toute façon, fit remarquer Natasha en haussant un sourcil. Mais il préférera l'apprendra par toi que par moi.

Le téléphone portable de Bucky traînait sur la table à côté de celui de Natasha. Elle se pencha pour le prendre et le lui tendit avec un sourire.

– Appelle Sam, James. Dis-lui qu'on se retrouve ce soir au Lucky Bucky, vingt heures.

– Pour la millième fois, soupira Bucky en prenant le téléphone, ce foutu bar s'appelle le Lucky Ducky, et la blague commence à être redondante.

– Peut-être, mais pour aujourd'hui, je trouve ça adapté. Appelle Sam.

Bucky jeta un regard morne à son écran de téléphone. C'était une antiquité, un de ces téléphones qui avaient encore des touches, avec un écran minuscule et pas d'accès à Internet ; celui qu'il utilisait avant de partir à la guerre, en fait. Natasha lui lançait régulièrement des regards réprobateurs, et Tony Stark, l'ingénieur qui lui avait fabriqué sa prothèse métallique, avait manqué de s'évanouir quand il l'avait vu pour la première fois. Tous deux avaient proposé de lui offrir un smartphone neuf, haut de gamme, dernier cri, mais Bucky avait refusé. Il avait déjà suffisamment de mal à s'adapter à toutes les nouveautés qui composaient sa vie de vétéran, il ne voulait pas se rajouter volontairement une difficulté en plus. Son portable était parfaitement apte à faire ce pour quoi il était conçu : passer des coups de fil. Bucky n'avait pas besoin de plus.

– Il faut que j'aille travailler, dit Natasha en récupérant sa veste de tailleur au portemanteau et son portable sur la table. Huit heures ce soir, James.

– J'ai compris, grommela Bucky. Fiche-moi la paix.

Le silence qui suivit son départ était à la fois bienvenu et insupportable. Pour la millième fois, Bucky soupira, et rechercha le numéro de Sam dans son vieux répertoire.

.oOo.

– La Médaille d'Honneur, mon vieux !

Bucky n'avait probablement jamais vu Sam Wilson aussi excité, et pourtant, c'était en comptant le jour où il avait appris qu'il avait été sélectionné pour le Programme d'Aide à l'Invalidité Tony Stark pour vétérans, et le jour où on lui avait décerné sa toute première distinction, la médaille Purple Heart. (Bucky n'avait pas vraiment l'impression de l'avoir méritée : elle était presque automatique pour quiconque était blessé – ou tué – par l'ennemi sur le champ de bataille.)

– Je sais, dit Bucky. Je crois que je n'irai pas à la cérémonie.

Il n'avait pas dit ça pour plaisanter, mais il manqua tout de même d'éclater de rire en voyant l'expression d'extrême incrédulité qui se dessina sur le visage de Sam.

Quoi ?! Mec, tu te fiches de moi ?! C'est la plus haute et la plus rare distinction de l'armée ! Les cinq dixièmes de ceux qui l'ont obtenue sont morts au combat ! Le président lui-même va te remettre cette médaille ! À la Maison-Blanche !

– Je déteste Washington, soupira Bucky. À la limite, s'il venait à New York...

Sam se tourna vers Natasha d'un air effaré. Ils étaient réunis au Lucky Ducky, comme souvent, puisque c'était le bar préféré de Natasha (Bucky soupçonnait qu'elle l'aimait juste pour la blague qu'elle pouvait faire sur son nom). Lui-même l'appréciait surtout pour un détail : l'endroit passait suffisamment inaperçu pour n'être jamais plein. Deux ans après son retour, et malgré des progrès phénoménaux en amont, Bucky avait toujours beaucoup de mal avec les foules bruyantes.

Natasha, de l'autre côté de Sam, se contenta de hausser les épaules en sirotant sa bière.

– Je m'attendais à cette réaction, admit-elle.

– Barnes, dit Sam en se retournant vers Bucky d'un air sévère, si jamais je dois aller à ma prochaine réunion et dire au groupe que tu as refusé la putain de Médaille d'Honneur, ça va mal se passer pour nous deux.

Sam, également vétéran, était revenu à la vie civile depuis trois ans, et il exerçait depuis comme psychologue pour le VA, l'Administration des Vétérans. Il gérait des groupes de soutien auxquels Bucky avait participé un peu contre son gré ; mais tout n'avait pas été négatif, puisque c'était à cette occasion qu'ils s'étaient rencontrés. Bucky allait encore régulièrement aux réunions, et connaissait et appréciait la plupart des membres de son groupe, en particulier ceux qui appartenaient à l'unité de combat à qui il avait sauvé la vie en Irak, les Commandos Hurlants, qui lui vouaient à présent une profonde vénération – la mention de leur réaction s'il s'avisait de refuser la Médaille fit courir un petit frisson de terreur le long de sa colonne vertébrale.

– Ok, soupira-t-il, j'irai, c'est bon, j'irai.

– Ton enthousiasme me brûle les yeux, mon gars, soupira Sam. Ça te fait pas plaisir ? C'est la Médaille d'Honneur. C'est énorme.

Bucky haussa les épaules.

– Sam, tu vois, les gens qui croient en Dieu ? Et ensuite, la personne qu'ils aiment se fait écraser sur la route et ils perdent complètement leur foi, parce que Dieu aurait dû les sauver ? Eh bien, moi, je croyais en l'armée. J'ai donné mon bras au service du gouvernement. Et à quoi ça m'a servi ? Deux ans plus tard, je suis incapable de passer un entretien d'embauche sans qu'on ne me dise que je ne serai pas adapté au poste à cause de mon infirmité. Alors, oui, je pourrais être plus enthousiaste. Ce n'est pas une médaille qui va changer ma vie. Ce qu'il me faudrait vraiment, c'est un boulot. Si le gouvernement me donnait ça, je serais enthousiaste.

– La Médaille d'Honneur t'offre des privilèges, fit remarquer Sam. Une pension tous les mois…

– C'est pas une question d'argent ! s'exclama Bucky. C'est une question de capacités. Je sais qu'ils se disent tous que je suis incapable de faire un travail normal. Je voudrais leur prouver qu'ils ont tort. J'ai l'usage de mon bras à 90%, je peux travailler aussi bien que n'importe qui d'autre.

Il y eut un instant de silence, et Sam et Natasha échangèrent un regard navré, qui fit bouillir le sang dans les veines de Bucky.

– Écoute, reprit Sam, tu as perdu ton bras en protégeant tes hommes. Est-ce que tu regrettes de les avoir sauvés ?

– Tu m'as déjà posé cette question un milliard de fois, Sam.

– Et comme toujours, tu éludes la réponse. Est-ce que tu regrettes d'avoir sauvé ces vies ?

Non. Bien sûr que non. Mais je regrette d'avoir perdu mon bras. Je regrette la normalité qui allait avec.

– Le nouveau est tout aussi sexy, assura Natasha avec un petit sourire.

– Dis ça au prochain type que je ramènerai à l'appartement, grinça Bucky. Parce que tous les précédents ont subitement changé d'avis après m'avoir vu enlever mon tee-shirt.

– Forcément, quand on se contente d'imbéciles, répondit Natasha avec un calme imperturbable.

Tout avait l'air si simple, dans sa bouche. Mais quand Bucky flirtait toute la soirée avec un type canon dans un bar, et que celui-ci prenait brutalement le large en découvrant les horribles cicatrices qui couraient autour de son épaule gauche et filaient jusqu'à sa colonne vertébrale, à chaque fois, c'était un coup de marteau supplémentaire porté sur son amour-propre déjà en morceaux. Ces derniers temps, il fallait un miracle pour le convaincre ne serait-ce que de remonter ses manches de chemises, et c'était sans parler du fait de retirer son tee-shirt, ce qui n'arrivait plus que lorsqu'il était seul dans l'intimité de sa chambre ou de la salle de bains.

Oh, il commençait à se faire à l'idée, tout doucement. Lorsqu'il était petit, son incorrigible cœur de romantique avait imaginé la famille qu'il construirait lorsqu'il serait grand. Le rêve avait pris du plomb dans l'aile lorsqu'il s'était rendu compte qu'il était indubitablement gay, mais même s'il n'avait pas trois enfants avec qui fonder un groupe de rock, comme dans son imagination, il avait cru qu'il pourrait toujours trouver l'amour de sa vie, et qu'ils vieilliraient ensemble.

Le rêve semblait de moins en moins probable au fil des relations, et chaque jour qui passait, Bucky tirait une croix supplémentaire dessus. Personne n'avait envie de se coltiner un vétéran infirme, désabusé et aigri, affligé par-dessus le marché d'un sérieux syndrome de stress post-traumatique.

Il resterait célibataire. Où était le mal là-dedans ? C'était encore le meilleur moyen de ne pas être déçu.

– Quand aura lieu la cérémonie ?

– Le 15 décembre, répondit Bucky. Dix-huit heures, à la Maison-Blanche.

– Les amis sont acceptés parmi les invités ? demanda Sam.

– Je suppose que je pourrai vous obtenir une invitation, sourit Bucky. Même si l'idée de vous voir là-bas ne m'enchante pas plus que ça.

Ce qui n'était pas tout à fait vrai – quand une crise d'angoisse fondait brusquement sur lui pour telle ou telle raison, Natasha et Sam savaient toujours comment réagir pour le calmer (contrairement à ses parents, qui l'avaient transporté à l'hôpital la première fois qu'il en avait fait une chez eux. Hôpital. Il ne fallait pas être un génie pour comprendre à quel point Bucky détestait les hôpitaux, pourtant).

Sam lui donna un coup de coude.

– Essaie de nous faire rentrer, ok ? Je suis sûr que les buffets de la Maison-Blanche doivent en valoir le coup.

.oOo.

Le quinze décembre, Bucky se leva avec l'impression d'avoir un boulet de trente au fond de l'estomac, et pourtant, il avait été incapable de manger quoi que ce soit la veille. Ce n'était pas tant l'idée de recevoir une si haute distinction qui le paralysait : c'était plutôt tout le cirque médiatique qui allait avec. Lorsqu'il avait reçu la première, la Purple Heart, ça n'avait déjà pas été simple, et pourtant, la cérémonie avait eu lieu dans son New York natal, il n'y avait eu que trois caméras, une interview, et la médaille lui avait été remise par le colonel Halisbury, un vieux militaire terrifiant, mais beaucoup moins impressionnant que le Président des États-Unis d'Amérique. Lorsque Stark lui avait donné son nouveau bras, la presse avait fondu sur lui, mais il avait réussi à s'en tenir aux interviews obligatoires et à les garder à distance pour le reste.

Cette fois, ce serait à la Maison Blanche, sous les objectifs d'une centaine de caméras, avec la cérémonie retransmise en direct sur une chaîne nationale, et le Président lui passerait la médaille autour du cou avant de lui serrer la main. Avec sa chance, Bucky lui vomirait probablement dessus par nervosité.

Lorsqu'elle le vit sortir de sa chambre avec des cernes de la taille du Texas et un teint terreux, Natasha lâcha un soupir et lui tendit une assiette de bagels déjà grillés, le fromage à tartiner posé à côté, ainsi qu'un verre de jus d'orange rempli. Bucky repoussa le tout d'un air malheureux.

– Pour le bien des chaussures du président, je crois qu'il est préférable que je ne mange pas ce matin.

– Si tu crois que je vais te laisser t'évanouir d'inanition devant le président et cent mille spectateurs devant leur télé, tu te mets le doigt dans l'œil, James, dit Natasha d'un ton sévère.

– Pas cent mille, soupira Bucky, abattu. Cinquante mille ? Au plus ?

– Mange.

Bucky s'effondra plus qu'il ne s'assit sur le tabouret du bar, et attaqua le bagel gentiment préparé par Natasha – et c'était probablement la seule raison qui aurait pu le pousser à avaler quoi que ce soit ; Natasha ne lui préparait jamais le déjeuner.

– Et ton boulot ? demanda-t-il la bouche pleine. Tu vas venir à la cérémonie ?

Le travail de Natasha était tenu rigoureusement top secret. Bucky n'en connaissait que des détails : elle avait un téléphone haut de gamme qui sonnait constamment, un patron qui n'acceptait pas qu'on lui dise non, des missions qui avaient souvent lieu à l'étranger et dont elle était avertie environ deux heures avant de devoir partir, qui pouvaient durer de deux jours à trois semaines, et dont elle revenait parfois légèrement (ou lourdement) blessée. Bucky avait supplié de lui dire ce qu'elle faisait. Elle avait toujours refusé – pour sa propre sécurité, disait-elle.

Il vivait donc probablement avec une espionne de la CIA. Tout allait bien.

– Oui, répondit-elle autour d'un bagel. J'ai arrangé ça avec mon boss, je devrais être libre ce soir.

Bucky hocha la tête. Il ne l'aurait jamais avoué à haute voix, mais l'idée qu'elle soit là lui apportait pile le réconfort dont il avait besoin. Sam aussi était invité ; Bucky se serait bien contenté de ses deux amis, mais malheureusement, la famille était conviée automatiquement, et bien entendu, Winifred Barnes n'aurait voulu manquer ça pour rien au monde (Bucky avait failli devenir sourd le jour où il lui avait appris la nouvelle par téléphone). En comptant en plus son père, ses quatre petites sœurs Becca, Bonnie, Julie et Katie, Adam, le mari de Becca, Ben, leur bébé, Gramma Hubbard, sa grand-mère, et probablement sa tante Ida, il risquait d'y avoir dans l'assemblée plus de membres de la famille Barnes que de journalistes.

L'idée le terrifiait.

– Tout se passera bien, James, le rassura Natasha alors qu'il était en train de détruire son dernier morceau de bagel entre ses doigts au lieu de le manger.

– Comment tu peux dire que tout se passera bien alors que tu as déjà rencontré ma famille ? Tu sais comment ils sont.

– Bruyants, oui. Affectueux. Enthousiastes. Pas malpolis au point de gâcher ta cérémonie.

– Ma mère va probablement se précipiter sur chaque journaliste pour lui raconter l'histoire de ma vie, ma naissance à 3h33 du matin, la première fois que j'ai fait caca sur le pot, ou ma victoire au championnat de boxe au collège. Bonnie et Katie vont draguer tous les beaux militaires qu'elles croiseront. Julie boira jusqu'à vomir dans les toilettes, Gramma demandera aux serveurs si elle peut ramener de la nourriture du buffet dans des Tupperwares, et tante Ida essaiera de me caser avec toutes les femmes de moins de trente ans qui seront présentes à la réception.

Natasha, qui lisait d'un air profondément désintéressé le dos de la bouteille en carton du jus d'orange, releva la tête à ces mots.

– Elle ne sait pas que tu es gay ?

Bucky haussa les épaules.

– Pas vraiment ? Je ne leur ai pas dit. Becca est au courant, on en a déjà parlé ensemble, et mon père le soupçonne, je crois, mais c'était plus simple de ne pas le dire aux autres.

– Et l'armée ne le sait pas non plus ?

– Tu crois vraiment que j'aurais été nommé pour la Médaille d'Honneur si elle le savait ? La politique du Don't Ask, Don't Tell a été révoquée il y a cinq ans, Natasha. Cinq ans. Ça fait peu de temps pour effacer les discriminations.

Natasha poussa un petit soupir.

– Ta sexualité ne change rien au fait que tu aies sauvé les vies de tes hommes.

– C'est vrai, admit Bucky, ça ne devrait pas avoir de rapport. Et pourtant.

Lors de son premier tour de mission, alors qu'il était encore simple soldat, Bucky avait connu un caporal qui avait donné sa vie pour sauver son unité de combat. L'homme avait failli recevoir une médaille d'honneur posthume, qui avait été annulée lorsqu'une enquête avait montré qu'il était séropositif.

Bucky ne tenait pas beaucoup à sa médaille, mais comme n'importe qui d'autre, il ne voulait pas être humilié et discriminé pour quelque chose qui lui était aussi naturel que de respirer.

– Tout se passera bien, James, répéta Natasha. Un peu de confiance.

Il n'avait plus beaucoup de confiance à donner, pour être honnête – mais ce n'était pas comme s'il avait le choix, de toute façon.

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TBC...

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(Dont Ask, Don't Tell : pour ceux qui ne le savent pas, c'était une loi américaine révoquée il y a cinq ans par Obama qui stipulait que, comme s'engager dans l'armée était interdit à la communauté LGBT, les gays et lesbiennes pouvaient s'engager uniquement s'ils gardaient leur orientation sexuelle secrète.)

Et voilà pour le premier chapitre !

J'ai envie de faire une petite chose débile et d'updater cette fic en temps réel, c'est-à-dire que je posterai le chapitre le jour même où il se déroulera, puisque toute la timeline se passe en 2016 2017. (Ce qui veut dire que vous aurez parfois deux chapitres par jour, et parfois un chapitre par mois...). Si ça vous botte, dites-le moi ! Et si vous pensez que c'est une mauvaise idée, dites-le moi aussi. ^^

Selon ce schéma, du coup, le prochain chapitre sera updaté le 15 décembre !

See you then !