J'avais un trop plein de "fluffitude" à évacuer et c'est malheureusement (heureusement?) par ici que je vais tout laisser sortir.
Cette histoire se déroule après CAPTAIN AMERICA CIVIL WAR et se termine avant AVENGERS INFINITY WAR. Je ne peux pas vraiment appeler ça un AU (univers alternatif) car l'histoire suit quand même en parallèle les mêmes événements et personnages de la MCU. Certains détails et certains enjeux diffèrent des films originaux ou bien se déroulent dans un autre ordre chronologique, mais le tout se terminera pour que ça concorde avec l'avènement de AIW.
Bonne lecture!
~Prologue~
Le Journal
~Page 1~
Un, deux. Un, deux. Test. Test.
Bien, mon crayon fonctionne. Ça fait drôle d'écrire à la main. Plus personne ne fait ça. Ça change vraiment d'un écran tactile ou d'un clavier. Je suis lente pour écrire, ça me prend deux fois plus de temps formuler une phrase.
Tant pis. Faut ce qui faut quand on craint se faire hacker sa tablette. Je travaille quand même dans l'établissement le plus convoité de la planète. On aura beau dire qu'il est inviolable, informatiquement et physiquement, il reste que trop d'yeux sont tournés vers nous, trop de curieux, trop de gens malhonnêtes. Bref, j'ai trop peur que ça tombe entre de mauvaises mains. Non qu'il y ait de quoi faire du tort à qui que ce soit si on trouvait ce que j'écris, mais c'est quand même personnel. Et l'intimité est un luxe rare de nos jours quand tout le monde étale la vie de personnalités connues dans les médias sociaux. Je ne veux pas contribuer malgré moi à cette violation de la vie privée des gens avec qui je travaille, donc, le papier et le crayon, ce sera toujours le meilleur moyen de ne pas me faire avoir. A moins qu'on débarque dans ma chambre pour me voler mon journal. Pour ça, faut d'abord pénétrer cette tour, ce qui implique de tomber sur les plus grands guerriers de la planète. Autant dire que les chances sont quasi nulles.
Bon!
Par où commencer?
Jamais tenu de journal de ma vie, je sais pas trop comment aborder la question. Je dois m'adresser à qui? À moi-même? Ou au journal?
Tiens, je vais faire comme si j'avais un public imaginaire. Si je m'écrivais à moi-même, j'aurais l'impression de devenir schizophrène.
C'est parti!
Allons-y avec une affirmation simple: je les aime, mes Avengers.
Oui oui, je dis "mes" comme s'ils m'appartenaient. Je suis prétentieuse, hein?
C'est juste que pour moi ils sont ma famille, quoi.
Avec les années, je me suis attachée à eux. A force de les côtoyer tout le temps, j'en suis venue à les percevoir un peu comme... mes enfants? Bizarre de dire ça puisque je suis plus jeune que la plupart d'entre eux, mais c'est pourtant comme ça que je me sens; comme une mère de substitution.
Ma tâche au sein du groupe est somme toute banale. Je n'ai aucun talent pour me battre, j'ai une sainte horreur de la violence, je n'ai aucune aptitude en sciences, j'ai une intelligence plutôt moyenne, je ne suis pas une mutante, je suis une fille bien ordinaire. Normale. Qu'est-ce que je peux bien leur apporter à ces Avengers si je n'ai rien de particulier?
Un lit confortable.
Un repas fait maison.
Une déco intérieure conviviale, fonctionnelle et personnalisée.
Un livre, un morceau de musique, un vêtement.
Je m'occupe du confort et du bien-être de cette joyeuse bande d'hurluberlues, vous voyez.
Je m'assure que Thor ne manque jamais de Pop Tarts quand il séjourne chez-nous.
Je fais une fournée de biscuits pour Steve quand il revient de mission -il dit que les miens lui rappellent ceux de sa mère.
Je déniche un schnaps tout spécial, made in Russia, pour Natasha qui a parfois le mal du pays.
J'installe un peu partout des jeux de dards dans la tour. Clint adore ça.
Les jours de pluie où il n'y a aucune mission -ce qui est rare!- je suis chargée de trouver "le" DVD qui rassemblera tout le monde au salon pour les divertir et les désennuyer.
Pour faire décompresser la bande, j'organise des soirées Karaoke, de bowling, et même de Bingo.
Bruce apprécie mes séances de tai-chi.
Tony adore quand je lui achète un T-shirt d'un de ses groupes de musique préférés.
Wanda aime mes soirées pyjama.
Jouer au strip-échecs avec Sam est hilarant.
Vision boit littéralement mes histoires, que ce soit la Belle au Bois Dormant ou une anecdote de mon enfance.
Bref, mon boulot est plutôt simple; apporter un peu de normalité et de légèreté dans la vie de ces gens qui en voient de toutes les couleurs.
C'est pas toujours une partie de plaisir non plus. Il arrive que je doive éclater des têtes gonflées pour les faire redescendre sur terre. Être Avenger, c'est être adulé, populaire, porté aux nues. C'est tellement facile de s'enfler la tête.
Parfois, c'est le contraire, ils se croient bons à rien. Je dois leur botter le derrière et les secouer un peu parce qu'ils ont tendance à se morfondre et à se sentir coupables de tous les ennuis que la planète peut avoir.
Difficile de leur en tenir rigueur par contre; ils en ont tous tellement bavé au cours de leur existence... Je ne voudrais pas porter le sort du monde sur mes épaules, comme eux le font. Et parfois, on sent leur lassitude, on sent qu'ils sont fatigués. Ils sont extraordinaires, mais humains après tout (enfin... mis à part Thor. Et Vision. Mais bon, ils sont si proches des habitants de la Terre que je les considère comme des humains à part entière parfois) et moi je suis là pour m'assurer qu'ils tiennent le coup, en leur changeant les idées quand ils broient du noir, en les encourageant, en les écoutant. Ils ne sont pas faciles à gérer avec toutes les séquelles psychologiques qui résultent de ce genre d'existence, mais je suis parvenue, avec les années, à gagner leur confiance, assez en tout cas pour qu'ils viennent cogner à ma porte sans honte, sans réticence, pour me demander une faveur ou pour me demander une oreille attentive. Ils ne sont pas très exigeants, leurs demandes sont simples;un chocolat chaud, un doudou, un bouquin.
Je les aime, mes Avengers.
Et je crois bien qu'ils m'apprécient aussi.
Voilà, ce sera tout pour aujourd'hui (j'ai déjà des crampes à la main! J'ai vraiment perdu l'habitude d'écrire avec un crayon).
Merci Public de votre attention.
(Je me sens ridicule d'écrire mes pensées, mais j'avoue que ça fait du bien de pouvoir extérioriser ce que je vis au quotidien).
~Page 32~
Aujourd'hui on s'apprête à accueillir un nouveau membre au sein de cette petite famille.
Il s'agit du meilleur ami de Steve. Bucky qu'il s'appelle. J'ai lu son histoire et... Ma foi, c'est l'une des plus tragiques que j'ai connues. 70 ans d'esclavage, privé de son cerveau, à commettre les meurtres les plus odieux de l'histoire pour le compte d'HYDRA. J'ai eu mon lot de hauts et de bas dans ma vie, mais je ne me permettrai plus jamais de me plaindre de ma petite existence insignifiante à présent. Pas après avoir appris tout ce qu'a dû supporter cet homme. Il a souffert plus que la plupart de tous les autres.
Mais c'est du passé.
Aujourd'hui, il est libéré. Libre de corps et d'esprit. Après plusieurs litiges (il paraît que ça n'a pas été de la tarte de le ramener ici), et après moult disputes (on peut comprendre pourquoi; c'est quand même l'assassin des parents de Tony dont on parle), James Buchanan Barnes a obtenu le droit de rejoindre son ami de toujours et de vivre sous le même toit que lui. Steve a fait des pieds et des mains pour que son ami revienne et je vais m'assurer que son arrivée parmi nous se passe le mieux possible.
J'ai fait mes devoirs; je me suis renseignée sur le type et j'ai posé un tas de questions à Steve. De sa couleur favorite, en passant par ses préférences en matière de nourriture, je me suis construit un dossier en béton sur ce fameux Bucky. Il ne va pas très bien, psychologiquement, les médecins ont dit qu'il mettrait du temps à s'adapter, vu ses troubles de mémoire. On peut comprendre, le pauvre sait à peine qui il est. Mais en lui préparant un repas qu'il aimait autrefois, peut-être que ça éveillera d'autres souvenirs de sa vie antérieure, qui sait. J'espère arriver à l'aider à se rappeler les bons moments parce que, pour l'instant, on m'a dit que les seuls souvenirs qu'il avait étaient reliés à ce fichu HYDRA.
Steve m'a dit aussi qu'il détestait son bras de métal qui lui rappelle tout le temps ce qu'on lui a fait subir et ce qu'on l'a obligé à faire subir à ses victimes. On va donc progresser en douceur et je vais m'arranger pour lui dégotter des vêtements à manches longues qui camoufleront ce qu'il considère être une horreur. Après... mmhh, je vais faire en sorte qu'il le trouve utile ce bras. Rien de tel qu'une nouvelle étagère à monter pour faire sentir à un homme complexé que son bras peut avoir d'autre utilité que celle de tuer...
Voyez? Je suis parée à l'accueillir ce cher Bucky. Il mérite un foyer chaleureux, un peu de confort et d'insouciance après tant d'années à jouer les marionnettes d'HYDRA. Et ça c'est mon rôle. Je suis douée pour mettre à l'aise les gens. Je suis douée pour leur faire sentir qu'ils peuvent compter sur moi.
Il y a une chose importante que j'ai apprise au fil des ans: la confiance est une chose primordiale chez les Avengers. Trop souvent on a abusé d'eux, on a profité d'eux, on les a trahis, on leur a menti ou bien on les a forcés à profiter ou abuser des autres. Aujourd'hui, la confiance est un luxe qu'ils n'accordent qu'à très peu de gens. Chat échaudé craint l'eau froide. Et ça, je le comprends totalement. Et je suis fière de pouvoir dire que j'ai réussi à gagner leur confiance. Et il en sera de même pour M. Barnes. Il me fera confiance. Je ne le décevrai pas.
Il est midi moins quart.
Steve a dit qu'il arriverait en compagnie de notre nouveau protégé à midi.
J'attends avec impatience!
~Page 33~
La journée a été plutôt mouvementée.
Bucky est arrivé dans la Tour Avenger et, bien que la plupart d'entre nous l'aient accueilli avec chaleur, il y a eu de la tension dans l'air.
Normal. Sam ne pouvait quand même pas serrer la main de celui qui lui avait arraché les ailes, hein.
Tony a fait un effort pour éviter les tirades sarcastiques sur la mort de ses parents et Natasha lui a dit bonjour en russe. Enfin... J'espère que c'était un bonjour et pas une insulte. Difficile à dire, Bucky n'a pas montré beaucoup d'expressions faciales qui témoigneraient de ses humeurs et de ses réactions.
FRIDAY l'a fait flipper -on le serait à moins, quand une voix qui vient de nulle part retentit partout où il passe en le saluant « Bienvenue au quartier général des Avengers, Sergent Barnes »- et ça a failli mal tourner. Heureusement, Steve sait comment désamorcer son comportement... explosif.
Après cet épisode presque catastrophique, je me suis présentée comme il se doit et j'ai bien fait attention de lui tendre la main droite. Je savais qu'il ne me serrerait pas la main en utilisant sa gauche.
Après avoir rencontré tout le monde, j'ai senti que James avait besoin de s'isoler. Trop de monde à la fois dans la même pièce le mettait sur les dents. Steve l'a senti aussi. Je lui ai montré son appartement au 30e étage, Steve nous a suivis. Je lui avais préparé un espace personnel tout spécial. Des quartiers au charme des années 40. Mais je n'ai pas eu beaucoup de succès... Il a paniqué, l'appartement était trop grand, trop de fenêtres, trop de lumière, il voyait trop de menaces imaginaires arriver des quatre coins des murs. Steve m'a fait un regard d'excuse et a demandé si je pouvais trouver une pièce plus petite, plus spartiate. J'étais déçue, j'avais mis beaucoup d'efforts dans l'élaboration de cet appartement, mais tant pis. Bucky a le droit d'avoir sa propre vision du mot confort et si une seule petite fenêtre, un lit simple et une commode lui convenaient, alors soit.
Je l'ai laissé s'installer et Steve est resté avec lui. Entre hommes. Entre amis de jadis. Ils avaient besoin de faire le point tous les deux. J'ai senti que Steve était content de retrouver son ami, mais il est clair qu'il craint en secret que Bucky s'enfuie. Pour le moment, Steve est un concept flou pour Bucky. Il sait qu'ils sont amis, mais il se souvient de si peu de choses... Il est clair aussi que Bucky craint le jugement de Steve. Il a peur de ne plus être digne de son ami, de ne plus être à la hauteur de ce que les gens du camp du Bien attendent de lui. J'aurais voulu lui faire comprendre qu'il faut accorder du temps au temps et affronter une journée à la fois sans se mettre de pression, mais pour l'instant je ne suis pour Bucky que l'intendante de la maison. Il ne me perçoit pas comme une amie qui veut prodiguer de bons conseils. Ça ne fait rien. Je ne serai probablement jamais une amie pour lui, tout au plus un collègue de travail. J'ai senti le mur mental qu'il dresse autour de lui et ce ne sera pas facile de le détruire. Je ne veux pas forcer les choses. Il viendra bien de lui-même, en temps et en heure.
Qu'à cela ne tienne, je devais quand même bien jouer mon rôle de nounou Avenger alors je lui ai préparé un bon petit plat maison, le soir venu. Son préféré, d'après les souvenirs de Steve: boeuf stroganoff, un must dans les années 40 paraît-il. Je n'ai malheureusement jamais su si mon repas lui avait plu; Bucky n'est jamais descendu de sa chambre.
Ce n'est pas grave. Ce n'est que partie remise. Demain est un autre jour.
~Page 49~
Bucky ne m'adresse toujours pas la parole, mais ce n'est pas grave. Je ne force pas la conversation. Je me contente de lui demander s'il a besoin de quelque chose quand je le croise. Il me fait toujours non de la tête. Il n'a jamais exprimé un seul désir jusqu'à maintenant. Il se contente de peu. Je crois qu'il est tellement habitué à ne rien avoir qu'il ne sait pas quels sont ses propres besoins. J'anticipe ce qu'il pourrait souhaiter obtenir; de la mousse à raser, un bouquin que je laisse traîner sur son oreiller, une couverture en plus... Il ne me remercie jamais pour ce que je lui apporte, mais juste le fait de le voir utiliser ce que je lui donne constitue pour moi une grande reconnaissance.
~Page 50~
Ce matin, en faisant les lits, j'ai trouvé une arme à feu sous l'oreiller de Bucky. Je ne sais pas si c'est autorisé de traîner des armes dans les appartements... En tout cas, je sais qu'il n'a pas la permission d'en manier. On le juge trop instable pour ça.
Où a-t-il trouvé cette arme? Quelqu'un lui a donné? Je n'ai pas osé y toucher et j'ai fait comme si j'avais rien vu, mais je me demande si je ne devrais pas en parler à Steve.
Je ne crois pas qu'il ait l'intention de s'en servir. Sinon, il la cacherait sur lui ou dans un endroit moins voyant, pas sous son oreiller. C'est peut-être une sorte de doudou? Ça le rassure sûrement de dormir avec une arme. Il voit des menaces partout alors ça lui prend sans doute ça pour être en mesure de trouver le sommeil.
A moins que cette arme soit... pour lui?
Est-il désespéré à ce point? Veut-il en finir?
J'espère que je ne fais pas une erreur en gardant le silence...
~Page 51~
Il fait beaucoup de cauchemars la nuit. Steve se réveille souvent pour le calmer, mais ça se termine toujours mal. Un réflexe involontaire dans son sommeil et, hop! Steve se retrouve étranglé par une main de métal. J'ai cependant trouvé un moyen pour contrer les cauchemars. Je ne lui ai rien dit parce que je sais que son orgueil est fragile et qu'il ne veut pas admettre que ses cauchemars le terrorisent, mais FRIDAY et moi avons arrangé un truc pour lui à son insu. Dès qu'il commence à s'agiter dans son sommeil, FRIDAY met en marche une playlist via l'intercom de la chambre. Une playlist toute spéciale choisie pour calmer son subconscient. Il a fallu quelques ajustements, mais j'ai fini par trouver la bonne combinaison de mélodies qui arrivent à le bercer et modifier ce qui se passe dans sa tête. Merci Sia, la cornemuse, et U2. Un trio bizarre, mais du moment que ça marche, on se fiche du reste.
Et ce matin, en faisant des crêpes pour tout le monde, j'ai considéré comme une petite victoire personnelle le fait de le voir arriver à la cuisine sans cernes noirs sous ses yeux.
1-0 pour la rémission de Bucky!
~Page 55~
Décidément, son appartement est beaucoup trop terne à mon goût. C'est déprimant. Ça ne stimule pas du tout la guérison. On dirait une prison.
Je n'ai pas pu m'en empêcher, fallait que j'ajoute une petite touche de vitalité dans cette pièce. J'ai profité du fait qu'il était parti faire du jogging avec Steve pour m'occuper de son cas. Je lui ai acheté une plante verte que j'ai mise sur sa commode. C'est pas grand-chose. Un truc simple, pas trop gros, et qui ne demande pas beaucoup d'entretien. Du Gasteria que ça s'appelle. Une plante impossible à tuer, plus résistante même que le cactus. Je trouvais qu'elle était à l'image de Bucky; tenace, indestructible, rude de l'extérieur, mais tendre à l'intérieur. J'espère qu'il va apprécier la surprise à son retour.
~Page 56~
Il a gardé la plante, mais il l'a mise dans un tiroir de sa commode. Mieux que rien. Du moment qu'elle ne finit pas à la poubelle, c'est tout ce que je demande.
~Page 67~
Il est vraiment doué pour les langues, dis donc! Il a regardé une émission de télé en français sans les sous-titres, il a traduit pour Pepper un contrat d'un client chinois, il a remercié le livreur en italien quand on s'est fait livrer une pizza... En plus du russe et de l'anglais, il maîtrise parfaitement toutes sortes de langues mais il n'a pas l'air de se rendre compte que c'est trop génial. J'adorerais qu'il me donne des cours! Un jour, qui sait, il pourrait devenir prof ou traducteur ou ambassadeur-avenger pour les relations diplomatiques...?
Enfin, pour ça, faudrait d'abord qu'il soit un peu plus... ouvert et sociable.
Ça viendra. Je garde espoir.
Ça alors... Quand on y pense, HYDRA a fait un truc positif sur Bucky en lui intégrant des connaissances linguistiques. Ce n'est pas un talent mortel après tout, de savoir parler plusieurs langues. Mh, bon, quand même, je préfère pas savoir de quelle façon on lui a enfoncé ce savoir dans le cerveau...
~Page 73~
La zoothérapie.
Je suis sûre que ça aiderait. C'est prouvé que le contact animal peut réussir là où le contact humain a échoué.
Enfin, je dis pas que le contact humain a totalement échoué, mais ça aiderait Bucky à accélérer son processus de rétablissement. Il n'a pas créé beaucoup de liens avec les autres jusqu'à maintenant. Il s'attend toujours à se faire tirer dessus chaque fois qu'il entre dans un espace public. Ça me brise le coeur de le voir sur le qui-vive comme ça, à craindre constamment des menaces là où il n'y en a pas.
J'ai demandé à Tony si on pouvait adopter un chiot, mais il n'a rien voulu entendre. Il est pas du type animal de compagnie, du tout. Il serait plus du type à s'en fabriquer un lui-même. IronPuppy, je vois ça d'ici.
Il accepterait peut-être des poissons rouges? Pas sûre que des poissons seraient très efficaces comme thérapie, par contre.
Je vais tanner Tony jusqu'à ce qu'il fasse un compromis pour… un chaton? Un furet? Un hamster?
~Page 75~
Échec total pour la zoothérapie. Le propriétaire de la tour, c'est-à-dire Tony, est une tête de mule. Il refuse de céder.
Au moins, entre temps, j'ai réussi à attirer un peu l'attention de Bucky sur un nouveau passe-temps: les films. Il a refusé d'en regarder un avec moi, mais j'ai insisté pour lui donner quelques DVDs à regarder à temps perdu. Il a dévoré Star Wars et The Godfather. Il ne les a pas regardés avec les autres, mais ça a quand même donné un sujet de conversation sur lequel il a pu échanger quelques mots avec Sam, Clint et Bruce quand j'ai subrepticement mentionné lesdits films devant eux.
Youppi! Bucky a socialisé!
~Page80~
Ça lui prendrait peut-être un journal intime à lui aussi? Il se confie si peu. Je vais laisser traîner un cahier vierge sur sa commode. On verra bien s'il l'utilise ou pas.
~Page 82~
Bucky s'est servi du cahier... pour tuer une araignée. Bon, échec pour l'écriture.
Mais ce matin en faisant les lits, je n'ai pas trouvé d'arme à feu sous l'oreiller. Soit il l'a cachée ailleurs, soit il ne ressent plus le besoin d'en traîner une pour se rassurer. Je préfère la deuxième hypothèse, ce serait signe qu'il va nettement mieux!
~Page 88~
Bon, je crois que je me suis montrée un peu trop optimiste.
J'avoue être plutôt triste.
J'ai eu du mal à percer la coquille de Wanda, notre dernière recrue avant Bucky, mais elle a fini un jour par m'accorder un petit sourire, qui a marqué le début d'une certaine complicité entre nous, et qui a fini par évoluer en grande estime mutuelle. Cette petite a perdu la moitié d'elle-même et je suis fière du chemin qu'elle a parcouru, la tête haute. Elle avait été un de mes plus grands défis et j'étais certaine que plus personne ne serait à mon épreuve après elle. Mais j'ai eu tort.
Bucky bat tous les records.
Après plusieurs petits incidents, de faux pas de ma part, je suis presque au désespoir; jamais je n'arriverai à obtenir quelque chose de positif de la part de Bucky.
Il faut dire que je suis douée pour me mettre les pieds dans les plats.
Je lui ai volé sans m'en rendre compte la dernière pointe de tarte qu'il convoitait, au mess.
J'ai échappé sur son pied un tas de chaudrons que je tenais en équilibre précaire dans mes bras.
Je l'ai fait trébucher sur le fil de l'aspirateur quand je faisais le ménage du salon central.
J'ai réalisé trop tard que je lui avais piqué la télécommande et choisi une chaîne qu'il n'aimait pas, alors que je me pensais seule devant la télé. A ma décharge, il est aussi discret qu'un ninja, difficile de savoir quand il est dans les parages.
J'ai changé les draps de son lit pour du gris et il a pété un plomb parce que la couleur lui rappelait sa capsule cryogénique.
Un tas de petites anicroches de ce genre qui semblent jouer contre moi aujourd'hui.
Il ne m'aime pas.
Tout simplement.
Et par-dessus le marché, je lui tape sur les nerfs.
Il ne m'a rien dit, mais ça se voit et ça se sent.
Ce qui est pour moi un accueil chaleureux est pour lui une invasion d'espace personnel.
J'ai cessé de lui dire bonjour tous les matins quand j'ai constaté que je n'obtiendrais jamais de réponse en retour, mais j'offre toujours un grand sourire, dès qu'il apparaît. Il roule des yeux quand je passe près de lui, il soupire bruyamment, agacé par... par je ne sais pas quoi chez moi.
Il s'est pourtant beaucoup amélioré dans ses relations avec les autres. Il a commencé à discuter avec d'autres personnes que Steve et il a même commencé à suivre des entraînements en groupe dans la salle de gym.
Je suis fière de lui et de son parcours. Pour un homme qui avait perdu son identité, il a beaucoup récupéré. Il utilise quelques expressions de son époque, il arrive à se souvenir de quelques coups pendables que Steve et lui avaient faits durant leur jeunesse, il se rappelle certains membres de sa famille... C'est génial de le voir évoluer.
Sa prothèse métallique le complexe de moins en moins, ça se voit. Il porte maintenant des t-shirts sans trop appréhender le regard des autres sur son bras gauche.
Il a même ri, un jour, quand Thor a essayé de tuer une mouche avec son marteau. Steve avait presque les larmes aux yeux, tellement ça lui faisait plaisir d'entendre le rire de son ami.
Bref, Bucky s'adapte bien à sa nouvelle existence et il va mieux. Beaucoup mieux.
Le seul bémol dans sa vie, eh bien, ça semble être... moi.
Force m'est de constater que je ne trouverai jamais grâce à ses yeux. J'ai essayé d'être moins envahissante, moins dans ses pattes, mais il continue à nourrir à mon égard une grande hostilité.
Je ne sais pas trop pourquoi. J'ai fait beaucoup de gaffes déplorables, mais est-ce que ça justifie une telle animosité?
Je lui rappelle peut-être quelqu'un qui l'a torturé? J'ai peut-être les mêmes traits qu'un de ces bourreaux?
Je m'explique mal ce rejet de ma personne.
Je sais qu'on ne peut pas être apprécié de tout le monde, dans la vie. Mais bon... Si au moins je savais pourquoi il me déteste, je me poserais moins de questions et j'accepterais mieux la situation.
Mais difficile d'obtenir une explication de sa part quand il fait tout pour m'éviter.
Alors je suis dans le néant.
Steve étant son seul vrai confident, peut-être qu'il sait quelque chose là-dessus.
On verra bien.
~Page 92~
Moi qui voulais obtenir des réponses... Ha! J'ai été servie! Un peu trop bien même.
Je suis allée voir Steve pour lui demander s'il avait remarqué son comportement à mon égard. Eh bien, j'ai pas eu besoin de lui demander quoi que ce soit; il avait effectivement remarqué que Bucky ne semblait pas trop m'apprécier et il était en train de le questionner à ce sujet lorsque je suis arrivée près de sa chambre. J'ai surpris malgré moi une conversation que je n'aurais pas dû entendre...
« Léa est merveilleuse avec nous, elle nous traite aux petits oignons et toi tu es un véritable mufle. Mais qu'est-ce qu'elle t'a fait, Buck?
-Tout justement. Elle est toujours là, du matin au soir, elle fait à manger, elle traîne dans les parages tout le temps, elle fait mon lit, le ménage, elle nous suit comme un chien avec son maître. Elle m'a même fait couler un bain! Avec de la mousse! »
J'ai entendu le rire de Steve.
« Ouais, je connais ça. J'ai même eu droit au canard en plastique, une fois. Elle avait grossièrement dessiné mon bouclier dessus. »
Steve a paru plus attendri qu'exaspéré par mes petites loufoqueries. Ce qui n'était vraiment pas le cas de Bucky.
« C'est pas la crèche ici. Qu'elle aille materner ailleurs, c'en est épuisant.
-C'est son job, Buck. Tu ne peux pas lui en vouloir de se montrer attentive à nos besoins, tout de même. Pepper nous l'a référé pour ça; pour faire tout ce qu'on n'a pas le temps de faire vu notre statut.
-Ce n'est même pas une des nôtres. Elle ne sait même pas se battre, elle ne connaît rien de notre univers, Steve. Rien de rien. Elle se tient là avec ce stupide sourire servile, à voir la vie en rose. Elle est comme tous les autres humains de cette planète; inconscients de tous les sacrifices qu'on doit faire pour leur bien. Elle n'a rien à faire ici...
-Stop. »
Le ton est monté. J'ai senti de l'électricité dans l'air alors que Steve grinçait des dents.
« Buck, je suis à deux doigts de te mettre mon poing à la figure. Et si les autres t'entendaient, tu serais déjà K.O.
-Ne te prive pas pour moi. J'ai besoin de me défouler, moi aussi.
-Écoute-moi, au lieu de faire le malin. Léa sait très bien tout ce qu'on doit endurer. C'est son job de nous sourire, c'est son job de nous rappeler que la vie peut être belle malgré tout ce qu'on traverse comme épreuves. Elle ne sait rien de notre mode de vie, mais en connaît les conséquences; elle doit composer avec... nos travers, tous les jours. Elle ne sait pas se battre, je te l'accorde. Après la débâcle d'HYDRA, c'est difficile de trouver de véritables alliés, Buck. Pepper nous a trouvé une personne qualifiée, pas une agente ou une espionne, mais c'est sa principale qualité. Elle est juste... humaine. Profondément humaine. Et c'est ce qu'il nous manque à nous, bien souvent. L'humanité. Je suis heureux que tu sois avec moi aujourd'hui et tu reviens de tellement loin, Bucky, mais il te reste encore du chemin à faire, mon vieux. Parce que le Bucky que je connais aurait réalisé l'importance de Léa au sein de notre équipe et il l'aurait apprécié à sa juste valeur.
-Le Bucky que tu as connu ne reviendra jamais complètement, Steve.
-Si. Ce Bucky existe toujours. Il est là. Tu ne le sais pas encore, c'est tout. »
Steve l'a planté là, et il est sorti de la pièce.
J'étais trop choquée par ce que j'avais entendu pour me bouger les fesses et déguerpir avant qu'il ne réalise que j'avais épié leur conversation. Steve a failli me heurter quand il a tourné le couloir. Il m'a regardé, d'abord confus, puis profondément navré quand il a vu l'expression de mon visage. Il savait que rien ne m'avait échappé.
« Léa, je suis vraiment désolé... »
A cet instant, Bucky est sorti aussi, alerté par la voix de Steve qui m'interpellait. Lui aussi a réalisé que je venais d'entendre une conversation que j'aurais pas dû capter, même si ça me concernait.
J'avais la bouche entrouverte, les yeux ronds. J'ai brièvement jeté un regard à Bucky, j'ai aperçu sur ses traits quelque chose qui se tenait entre l'embarras et le regret, puis j'ai tourné les talons.
Steve m'a encore appelé, mais je n'ai pas répondu. Je me suis enfermée dans ma chambre et me voilà à écrire dans mon journal.
Je ne sais pas trop quoi penser maintenant. Je suis heureuse de comprendre enfin pourquoi Bucky ne m'aime pas, et les paroles de Steve m'ont beaucoup touchée. Pas très étonnant de sa part, cet homme a toujours eu un coeur pur et loyal. Mais bon... N'empêche, ça fait un peu mal de constater que mes efforts pour rendre la vie paisible à ces gens ne sont pas appréciés par tout le monde. Pire, ils sont dénigrés. Par un homme que je respecte beaucoup et que j'admire beaucoup pour son courage et sa persévérance dans l'adversité.
Oui, décidément, ça fait mal d'être détestée par quelqu'un qu'on aime beaucoup.
Ah, tiens, je n'avais pas réalisé que j'aimais beaucoup Bucky jusqu'ici. Encore plus que tous les autres. Son histoire m'avait beaucoup touchée, j'avais espéré alléger un peu son fardeau avec mes petites attentions quotidiennes, mais j'ai fait une erreur. J'ai été prétentieuse de croire que je pouvais arriver à l'apprivoiser et me faire apprécier de lui.
Bon.
Belle leçon de vie; on ne peut pas être aimé de tout le monde malgré tous les efforts qu'on fait.
Je vais essayer d'être moins dans ses pattes désormais. Je vais tâcher de me faire oublier. Si c'est ce dont il a besoin, ce sera ma façon de faire ma part pour contribuer à son bien-être.
~ traces d'une larme séchée sur la page~
A suivre