Bonjour à tous,

je reviens avec une histoire un petit peu particulière. Déjà, elle a été écrite dans le cadre du Sterek Pack Fest 2016, donc thème "imposé" ! Le Sterek. Heureusement que ça ne nous dérange pas ;) Donc un grand merci aux organisateur et à mon illustratrice Pitounette 3

Sinon en quoi cette histoire est-elle si particulière ? Hé bien c'est un cross-over dans lequel j'ai fourré en vrac une bonne partie des thèmes fantasy qui me tiennent à cœur et aussi tous mes OTP : Sterek, Destiel, Vutch (dans l'ordre décroissant d'OTP-isation :p ). J'ai pris beaucoup beaucoup de plaisir à écrire ce texte, donc j'espère qu'il vous plaira aussi. Et n'ayez pas peur si vous ne connaissez pas tous les pairings, c'est un Alternate Universe donc vous ne devriez pas avoir de souci pour faire connaissance avec les uns et les autres ;)

10 Chapitres à venir, tout est terminé. J'en posterai un par semaine le mercredi (oui, c'est mon jour ^^, je n'ai juste pas pu cette semaine).

Et pour terminer, un grand merci à Nouchette pour sa correction. Je te fais plein de gros bisous.


Chapitre 1

Les remparts glacés

Vue depuis les marécages nauséabonds de la surface, la forteresse constituait une ombre aussi angoissante qu'imposante. Une gigantesque construction aux arêtes de métal tranchantes dont les poutrelles rappelaient un âge d'or industriel désormais révolu. Des centaines de ces inquiétants palais s'élevaient ainsi dans le monde de l'Après, telles d'innombrables nuées de corbeaux. Inaccessibles au commun des mortels, les tours maintenaient une petite élite hors d'atteinte de la fange qui s'était déversée sur les Basses Terres après le Cataclysme.

Depuis toujours, Stiles observait cette construction aux angles acérés avec une fascination mêlée d'effroi, dévoré qu'il était par la curiosité. Le jeune homme n'était pas plus ignorant que la moyenne du système de castes qui régissait le gris de son univers. Seuls les Surnaturels – peuples anciens et prétendument supérieurs – pouvaient revendiquer l'asile des forteresses. Les seuls mortels tolérés dans l'enceinte de ces murs étaient les domestiques, un nom bien pompeux pour désigner les esclaves qui servaient leurs maîtres Surnaturels, perdus à jamais derrière d'infranchissables remparts.

Des esclaves. Voilà tout ce à quoi se résumait désormais la condition des humains. Les mortels, comme les appelaient avec mépris leurs maîtres. Seuls quelques livres clandestins jalousement gardés par des érudits pourchassés parlaient encore du temps où ces mêmes mortels régnaient sur la Terre, et où les Surnaturels n'étaient au mieux que des légendes, au pire des contes de bonnes femmes.

Stiles avaient parcouru tous ces volumes aux pages humides et souvent moisies, avide d'en apprendre plus sur le monde tel qu'il était avant le Cataclysme. Personne n'avait vraiment su ce qui avait provoqué ce grand bouleversement. La Terre s'était simplement éteinte,comme enfermée dans un éternel hiver qui avait peu à peu décimé les populations humaines et animales. Les nuages avaient assombri le ciel pour ne plus le quitter, et du soleil ne demeurait qu'un orbe blanchâtre dont l'on devinait parfois les contours flous derrière une perpétuelle couverture nuageuse. En conséquence de quoi, les cultures étaient peu à peu devenues stériles, affamant troupeaux et populations.

Certains prétendaient que la terre avait poussé son dernier râle d'agonie, qu'elle avait simplement refusé de porter un jour de plus ses enfants, lassée de leur ingratitude. Depuis, elle les laissait mourir, attendant patiemment que le dernier des profanes qui foulait encore son sol s'éteigne pour renaître seule, apaisée et luxuriante.

De l'ancien monde, ne subsistaient que des lambeaux d'une humanité désormais domestiquée et ces vieux volumes devant lesquels Stiles se prenait à rêver. Il n'avait jamais connu ce que les images et les textes lui faisaient découvrir le Cataclysme étant survenu bien des décennies avant sa naissance. Aussi pouvait-il rester des heures à contempler les cendres d'un monde révolu, lui d'ordinaire incapable de tenir en place.

Ce que les humains d'alors appelaient « technologie » le fascinait tout particulièrement. Et lorsqu'il avait compris que ses ancêtres nourrissaient une égale curiosité pour la magie et le mystère qui n'étaient autre que le lot quotidien de Stiles, l'ironie s'était teintée d'un goût d'amertume. Il peinait à croire le contenu des livres tant tout ceci lui paraissait éloigné de la misère de leur existence. Une vie qui s'égrainait inexorablement, chaque jour semblable au précédent, sans que les humains ne sortent jamais des tranchées mornes et boueuses des Basses Terres. La magie telle qu'elle avait été révélée aux yeux des mortels par le monde de l'Après n'était ni belle ni éthérée. Elle n'était que pouvoir, sauvagerie et brutalité.

Alors même qu'il favorisait l'émergence de ces forces occultes, le Cataclysme avait renvoyé le reste du monde des siècles en arrière, sans technologie, sans électricité, sans industrie. À peine les survivants étaient-ils capables de produire le peu d'énergie réservée au confort des Surnaturels grâce à d'antiques machines à vapeur remises en service. Peut-être était-ce finalement ce manque à combler qui avait favorisé le développement des capacités magiques telles que les connaissait Stiles ?

Des hommes maniant la puissance des éléments, d'autres capables de se transformer en animaux, d'autres encore répondant à l'appel du sang… Stiles aurait été bien en peine d'énumérer tous les Surnaturels et tous les pouvoirs existants, mais peu d'érudits le pouvaient. Car le monde se drapait désormais de contours incertains et mystérieux.

Stiles et sa famille étaient nés sur le territoire des lycans, des hommes capables de revêtir l'apparence bestiale et sanguinaire d'un animal aujourd'hui disparu : le loup. Les lycanthrophes… Encore des créatures sur l'existence desquelles les anciens humains ne faisaient que spéculer. Pour Stiles et son meilleur ami, Scott, ils s'avéraient pourtant bien réels. Seigneurs avides et impitoyables chevauchant d'immenses griffons ailés.

Rares étaient les occasions pour les esclaves d'apercevoir leurs maîtres, et c'était sans doute mieux ainsi. L'alpha – Peter Hale – avait la réputation d'être le plus cruel et le plus vicieux de tous. D'atroces rumeurs circulaient chez les esclaves sur le compte de ce bourreau sadique. Apercevoir sa monture ailée, ironiquement nommée Warden, n'annonçait qu'un peu plus de malheur et de désolation.

Heureusement pour les Basses Terres, l'arrogance de Peter Hale l'empêchait de s'y intéresser trop souvent. Malheureusement pour Stiles et Scott, ce jour était un de ceux-là.

L'aube venait à peine d'éclore et, déjà, elle se trouvait engloutie par une brume dense aux relents de fumée âcre. Le crachin tombé du ciel gris les pénétraient jusqu'aux os. Stiles frissonna sous la toile rugueuse mais dramatiquement fine de sa tunique. Le manche de la pioche qui lui servait à curer les douves de la forteresse glissait entre ses doigts gourds. L'eau croupie et gluante de la rigole lui remontait jusqu'à mi-mollets. C'était à peine s'il sentait ses pieds, prisonniers de lourds godillots défoncés que la boue retenait dans un bruit spongieux.

Un frisson terrible secoua l'échine du jeune homme et il se retint de tousser. Quelques jours plus tôt, au terme d'une douloureuse quinte qui ressemblait par trop à celles qui avaient emporté son père l'année précédente, Stiles avait craché du sang. Ça n'était pas bon signe, pas bon signe du tout, mais en l'absence de moyens, tout ce qu'il pouvait faire, c'était d'ignorer la douleur et de continuer à mettre un pied devant l'autre. De toute façon, un esclave de plus ou de moins, ça ne faisait pas grande différence pour les lycans qui les traitaient au mieux comme du bétail. Alors de là à les soigner…

Il n'eut cependant pas le temps de s'attarder sur ces considérations, car Scott lui envoya un coup de coude dans les côtes.

_Ils arrivent ! Active ou le Superviseur va encore nous le faire sentir !

Stiles gronda mais se remit à la tâche avec une ardeur toute feinte. Les Superviseurs qui n'étaient déjà pas connus pour leur tolérance en temps normal avaient le coup de fouet encore plus facile lorsque les lycans se montraient. Stiles grimaça. Les Superviseurs n'étaient rien de plus que des hommes asservis, esclaves parmi d'autres esclaves qu'ils tyrannisaient pour les remettre dans le droit chemin au nom des lycans. Et pour quoi ? Rien de plus qu'une illusion de pouvoir.

Soudain un murmure, à peine une rumeur qui n'aurait jamais suffisamment d'élan pour enfler, les avertit de l'approche des seigneurs lycans. Tous baissèrent les yeux, se concentrant sur leur tâche. Ils savaient que l'alpha ne tolérait pas que le regard d'un mortel se pose sur son visage à demi défiguré par les flammes bien des décennies plus tôt.

Bientôt le bruit des gravillons s'entrechoquant sous les pattes des griffons leur signala l'approche des Seigneurs. L'air de rien, Stiles se plaça de manière à pouvoir les dévisager, conscient des risques mais incapable de refréner sa curiosité. Fasciné malgré lui.

En tête de cortège, l'alpha Peter n'était pas le plus imposant des loups, du moins pas physiquement parlant. Mais ce qu'il ne possédait pas en force, il le compensait par son charisme féroce et son esprit retors. Nombre d'adversaires s'y étaient frottés, pensant tirer avantage d'un gabarit plus massif ou de muscles plus développés. Tous s'y étaient cassés les crocs.

À travers ses longs cils, Stiles osa un coup d'œil en direction de l'alpha. Le lycan était sanglé dans une armure de cuir sombre dont on disait qu'il ne la quittait jamais, sauf pour ses ablutions. Le matériau souple avait été renforcé de bordées de clous forgés dans un métal aussi sombre que l'onyx. Le plastron protégeait son torse tandis que ses cuisses se trouvaient gaînées d'un pantalon de cuir souple qui disparaissait dans de lourdes bottes de combat.

Dans son dos, se croisaient deux lames aux pommeaux sculptés. En plissant les yeux, Stiles comprit que l'ornement représentait deux mâchoires de loups resserrées autour de la poignée. Peu de lycans s'encombraient d'armes, leur préférant leur redoutable forme animale. Le jeune homme frissonna rien que d'y penser. Un lycan transformé représentait généralement l'assurance d'une mort douloureuse pour les mortels qui auraient eu le malheur de se trouver sur son chemin.

Stiles baissa précipitamment la tête quand les pattes d'un gigantesque griffon aux plumes ébouriffées entrèrent dans son champ de vision. Il s'activa avec plus d'ardeur à remuer le lisier qui encombrait les douves. De l'alpha, il ne voyait donc plus que la pointe de ses bottes. Il sentit le regard perçant du lycanthrope s'attarder sur ses épaules, tel un étau qui aurait enserré sa poitrine, rendant sa respiration encore un peu plus laborieuse.

_Celui-là va bientôt passer l'arme à gauche, ricana Hale. On ferait mieux de s'en débarrasser avant qu'il n'empeste un peu plus l'atmosphère déjà purulente de ce cul de basse fosse !

Quelques ricanements montèrent des rangs lycanthropes et le cœur de Stiles manqua un battement. C'était de lui que l'alpha parlait ? Son cerveau s'emballa et lui rappela sa toux, le sang dans la paume de sa main, la fièvre qui s'accrochait depuis des semaines à ses os en une étreinte morbide. Son souffle se tarit et il sentit la crise d'angoisse grandir en lui.

Stiles eut l'impression que ses poumons se recroquevillaient petit à petit pour l'étouffer de l'intérieur. Il eut beau chercher l'air à grandes goulées, tout restait bloqué au niveau de sa gorge. Il porta la main à son cou tandis que sa vision se brouillait.

_Stiles ! chuchota Scott, mais tout de même trop fort.

_Silence, pourceaux ! hurla le Superviseur en faisant claquer son fouet.

Stiles n'entendit pas le coup tomber, mais il sentit soudain le bras de Scott se refermer autour de sa taille.

_Je t'en supplie, Seigneur Alpha ! Mon ami va mourir !

Seul un ricanement moqueur répondit à la supplique de Scott. Le rire cruel trouva rapidement un écho dans la meute qui se pressait sur les talons de Hale, telle une cour grondante.

_Alpha, supplia Scott en relevant la tête alors que Stiles luttait toujours désespérément pour respirer.

Dans le brouillard qui l'entourait, ce fut à peine si ce dernier entendit le froissement d'une aile et le bruit des bottes frappant le sol lorsque l'un des loups mit pied à terre.

_Silence, mortel ! Qui t'a donné l'autorisation de regarder notre alpha !

Stiles sentit Scott se recroqueviller dans l'attente d'un coup. Mais celui-ci ne vint jamais. Pour pouvoir atteindre son ami, le lycan écarta Stiles d'un geste brutal qui l'aurait envoyé voler si le loup ne s'était pas figé en plein mouvement. La crise d'angoisse se dissipa instantanément. Évanouie.

Par magie, aurait dit Stiles avec ironie.

L'air afflua de nouveau dans ses poumons et il rouvrit les yeux en ayant l'impression de revenir à la vie. En une fraction de seconde, il enregistra la scène qui se déroulait au ralenti sous ses yeux, le temps s'étant embourbé dans quelque méandre dont il avait le secret.

Un jeune lycan avait empoigné Scott par le bras tandis que son autre main s'était posée sur la poitrine de Stiles. Mais le monstre semblait s'être aussitôt désintéressé de sa première victime et ses pupilles dilatées n'étaient plus fixées que sur Stiles. Un hoquet de surprise saisit ce dernier. Le lycan paraissait totalement incapable de se détacher de lui et toute trace d'agressivité s'était évanouie du visage pourtant sévère. À dire vrai, il avait plutôt l'air en état de choc. Ses paupières clignèrent très rapidement à plusieurs reprises.

En dépit du tissu grossier de sa chemise, Stiles sentit distinctement l'empreinte de la paume de l'autre homme s'imprimer dans sa chair. Son propre corps se tendit, avide de contact et de proximité. Tout se passait comme si leurs peaux recherchaient désespérément la jonction, quitte à s'y brûler.

Un flux d'une intensité inconnue et renversante traversa Stiles de part en part. Sous lui, ses genoux se mirent à trembler. Cependant, la main du lycan posée sur lui semblait suffisante pour le faire tenir debout. C'est à ce moment-là que le cerveau de Stiles lui fit enfin comprendre que quelque chose clochait. Quelque chose de proprement indescriptible.

La brutalité des signaux transmis par son champ de vision l'obligea à clore ses paupières. Vifs. Brûlants. Bouleversants. Renversants. Comme si sa perception de ce qui l'entourait se trouvait tout à coup altérée par il-ne-savait quelle drogue. Soudain ce qu'il voyait s'était mu en quelque chose d'éclatant, de miraculeux presque. Jamais il n'aurait pu imaginer cela…

Jusqu'ici Stiles n'avait toujours perçu le monde qu'en deux teintes : le sombre et le clair, chacune s'étalant à l'infini dans un spectre de nuances intermédiaires. Certaines matières, textures ou luminosités s'avéraient plus opaques ou plus volatiles, mais rien ne ressortait ou ne contrastait sur ce terne nuancier.

Et le pire dans tout ça ? Jusqu'à cet instant précis, il n'en avait même jamais eu conscience. Pas jusqu'à ce que son regard plonge dans les pupilles du lycan. Ce même lycan dont l'essence vitale était en train de se mêler si inextricablement à la sienne qu'on aurait pu penser que leurs deux êtres fusionnaient.

Était-ce ce processus que trahissait cette incompréhensible perception que Stiles venait d'acquérir ? Une nouvelle nuance. Une teinte jusqu'alors inconnue de lui. Ni claire, ni sombre. Autre chose.

Si sans avoir recours au moindre mot, Stiles avait dû donner une définition de la perfection, il aurait choisi cette nuance dont se parait soudain le regard féroce du loup. Inconnue, stupéfiante. Inconcevable.

Sans même en avoir conscience, Stiles leva la main pour l'approcher du visage figé. Le lycan aurait pu le tuer sur place qu'il n'aurait pu dissuader Stiles de le toucher. Ce geste apparaissait comme l'extension de ce lien qui s'était soudain enroulé autour d'eux. Pour un peu, Stiles aurait pensé que les filaments d'énergie qui s'infiltraient dans chaque parcelle de son corps naissaient directement du regard lumineux du loup.

_Tes yeux…, chuchota-t-il.

Le lycan sursauta. La voix de Stiles semblait l'avoir brusquement ramené à la raison. Il écarta la main du jeune homme avait qu'elle ne puisse toucher son visage et recula d'un bond puissant.

_Quelle est cette sorcellerie ? cracha le lycan.

Stiles avait pensé que le sort se dissiperait au moment où le contact entre lui et le lycan se trouverait rompu. Il n'en fut rien et Stiles crut bien devenir fou. Il secoua la tête, incrédule, incapable d'en croire ses propres yeux. Cette tache si lumineuse dans les yeux de l'autre homme s'étendait. Elle envahissait tout le corps du lycan, leur environnement immédiat, le monde entier même. Polymorphe, changeante, elle émaillait le monde d'une variété de nuances infinies, toutes inconnues et fascinantes.

Leur environnement n'était plus affaire de teintes. Le sombre et le clair se trouvaient relégués aux marges de cet univers. La variété de ce qui émergeait stupéfia le jeune homme qui ne savait plus où poser les yeux, assailli de toutes parts. Certaines nuances étaient glaciales, d'autres brûlantes comme l'enfer. Quelques-unes, plus rares, évoquaient la douceur, notamment celle, tendre et moelleuse, qui ornait les quelques brins d'herbes épargnés par l'hiver.

Stiles se prit la tête à deux mains quand une brusque migraine lui déchira le crâne. Son cerveau, saturé d'informations qu'il ne parvenait ni à traiter ni à identifier, venait de rendre les armes. Il hurla sa douleur.

_Stiles !

Faisant fi des lycans qui demeuraient médusés, Scott se précipita vers son ami pour le soutenir.

_Stiles ! Stiles ! Il se passe quoi ? Réponds !

_Derek ! Amène-moi l'humain.

La voix de l'alpha claqua dans le silence de mort qui s'était abattu sur les douves. Le dénommé Derek – qui n'était autre que le lycan qui avait provoqué cette étrange réaction chez Stiles – obéit aussitôt. Il ne prêta aucune attention à Scott qui tentait désespérément de s'accrocher à son ami et l'envoya valser dans le fossé d'un revers de main.

Alors que Scott allait se relever en leur hurlant de laisser Stiles, une jeune femme s'interposa et le força à garder son calme. Ce qui lui sauva sans doute la vie. L'attention des lycans demeurait focalisée sur Stiles, sans quoi une telle mutinerie ne serait pas passée inaperçue.

Derek, lui, agrippa le bras de Stiles et l'obligea à avancer. La souffrance de ce dernier était telle qu'il vacilla. Le lycan jura quand il dut passer son bras sous les aisselles de l'humain crasseux et pouilleux pour le soutenir. Arrivé devant l'alpha, il le poussa sans ménagement presque sous les pattes de son griffon. Stiles s'écrasa au sol avec un gémissement de douleur.

Peter le regarda convulser un moment avant de mettre pied à terre. L'éperon de sa botte de cuir cliqueta quand il racla le sol rocheux. Son griffon s'agita, remuant les ailes, visiblement nerveux à l'idée d'être séparé de son cavalier. Peter ne s'en préoccupa pas et avança vers le corps tremblant de Stiles roulé en boule sur le sol gelé. De la pointe de sa botte, l'alpha retourna le jeune homme avant de s'accroupir pour l'examiner.

Lorsqu'il agrippa la tignasse emmêlée de l'humain, celui-ci ne parvint même pas à masquer sa terreur. L'agonie dans son crâne se mêlait à l'angoisse en un cocktail détonnant qui le laissait à la merci des lycans. De toute façon, même en pleine possession de ses moyens, il n'aurait eu aucune chance.

_Ouvre les yeux ! exigea l'alpha.

Pour la première fois, Stiles ressentit dans sa propre chair le don de commandement d'un Alpha. L'ordre s'enroula autour de ses membres et de ses terminaisons nerveuses, les amenant à bouger en dépit de sa volonté. La sensation la plus atroce qu'il ait connue de sa vie. Il tenta de résister.

_Ouvre les yeux, vermine ! cracha Peter en agrippant plus fermement ses cheveux.

Stiles fut contraint d'obéir et la souffrance explosa de nouveau sous son crâne alors qu'un flot d'informations visuelles venait saturer ses rétines hyper-sensibles.

_Que vois-tu ?

La voix de l'alpha était profonde, calme, posée. Elle contenait pourtant une indubitable note de menace. Stiles leva les yeux pour croiser ceux de l'alpha. Qu'elle qu'en soit leur teinte, seule la folie habitait ces prunelles brillantes.

_Parle.

_Je vois…, haleta Stiles. Je ne sais pas, Seigneur. Je vois le monde autrement. Il est chaud, il est froid… Je crois que quelque chose ne va pas avec mes yeux…

Cette tirade avait coûté tant d'énergie à Stiles qu'il s'effondra complètement face contre terre lorsque Peter relâcha ses cheveux. Son seul point de repère était désormais le bruit des bottes et des griffes autour de lui, tel des échos vibrants dans le sol.

_Derek, aboya l'alpha.

Le lycan qui avait touché Stiles s'approcha. Une expression confuse marquait ses traits sévères.

_Oui, mon oncle ?

_C'est une trouvaille fort intéressante que tu as faite là. Ramène-moi ça à la forteresse.

Sans bien savoir comment, Stiles eut l'impression que les émotions du jeune lycan se mêlaient soudain au tumulte des siennes. De la confusion, de l'inquiétude. De la méfiance aussi. Le dénommé Derek s'exécuta pourtant. L'alpha avait donné un ordre, il se devait de lui obéir.

Il sentit Derek se pencher sur lui et agripper ses avant-bras pour le redresser. Le lycan eut un moment d'hésitation quand sa peau frôla celle de Stiles, mais se reprit bien vite. Le jeune humain fut chargé sans douceur en travers de la selle d'un griffon, les membres pendants le long des flancs de l'animal. Celui-ci renâcla face à la double charge.

Stiles battit des cils, maintenant à demi-inconscient, tout en espérant que ses yeux aient miraculeusement guéri entre temps. Mais il n'en était rien.

Un grondement du cavalier et le griffon déploya ses puissantes ailes. Ils furent propulsés dans les airs en un instant alors qu'une nouvelle décharge sensorielle faisait gémir Stiles. Il referma bien vite les paupières, pleinement conscient de l'air glacé qui lui picotait désormais le visage. Les genoux anguleux du lycan vinrent buter contre ses côtes et Stiles commença alors à prier les anciens pour ne pas tomber.

Mais qu'est-ce qu'il m'arrive ? gémit-il intérieurement, terrifié à l'idée de ce qui l'attendait une fois qu'il serait à l'intérieur de la forteresse. Que me veulent-ils ?

_Tu es spécial, Stiles, murmura alors une voix éthérée qui résonna directement dans son esprit. Ce que tu vois, les anciens humains appelaient cela « les couleurs ». Tu es le seul à les distinguer désormais et cela fait de toi un être à part.

Quelle était cette voix ? Il ne connaissait pas cette langue, pourtant il discernait sans peine le sens des mots, le sens des réponses apportées. Mille questions se bousculèrent dans l'esprit de Stiles. Mille de trop. Cette fois-ci, il perdit connaissance.


Voilà, j'espère que ce début vous aura plu et je vous dis à mercredi prochain pour la suite. Bisous à tous.