Synopsis : Poudlard, 1942. Le monde Moldu est déchiré par le plus grand conflit de son histoire. Chez les sorciers, en revanche, l'ère de paix qui a suivi la fuite de Grindelwald se poursuit tranquillement. C'est dans ce climat serein et sécurisé que Minerva Dingwall - futur professeur McGonagall - entame sa cinquième année à Poudlard, sans se douter du danger qui la guette.
Note: Cet OS est une nouvelle que j'ai écrite pour le concours de Fanfictions HP de Short Editions. Il a d'ailleurs été un des finalistes choisis par le jury de la compétition, ce dont je ne suis pas peu fier ;-).
Disclaimer: L'univers de la magie, le contexte de l'histoire et les personnages principaux (Minerva, Augusta, Tom, Filius et Dumbledore) appartiennent à JK Rowling. Le reste est à moi.
Attention: suite aux révélations de JK Rowling sur le professeur McGonagall, cette histoire se classe désormais dans la catégorie des univers alternatifs, notamment en raison de l'année de naissance du professeur (1925 au lieu de 35) et de l'histoire de sa famille (sang-pure, fratrie de quatre). J'espère néanmoins que vous apprécierez cette version, n'hésitez pas à le faire savoir :-)
Crédits image : "Young Minerva McGonagall", portrait présent dans la Salle Commune de Gryffondor.
Ses parents lui avaient donné son prénom en l'honneur de la grande sorcière qui symbolisait la justice, la sagesse et l'intelligence. Celle-là-même qui avait inspiré le peuple romain – sorciers et moldus confondus – pendant plusieurs centaines de générations, jusqu'à ce que l'influence ambitieuse de ses frères, sœurs et parents finisse par avoir raison d'elle, la transformant en cruelle entité divine et impitoyable. C'était malheureusement le sort qui guettait chaque sorcier ou sorcière lorsqu'il, ou elle, finissait par se considérer au-dessus du commun des mortels avec ses pouvoirs magiques.
Mais s'il y avait bien une chose que l'éducation stricte et sévère de Kenneth et Brianna Dingwall pouvait assurer, c'était bien qu'aucun de leurs quatre enfants n'irait jamais se sentir au-delà du commun des mortels. En effet, avec comme devise « Rigueur et Honnêteté », il était très peu probable que les enfants Dingwall fussent un jour tentés de régner sur les moldus, comme le faisait ce sombre sorcier slave qui terrifiait les terres froides de l'ouest depuis plusieurs dizaines d'années.
Ainsi, comme on pouvait s'y attendre, à peine arrivés à Poudlard, les quatre jeunes sorciers – aussi bien l'aînée que ses trois cadets – avaient su montrer l'exemple à toute une génération d'élèves. Ils récoltaient les notes maximales dans la plupart des matières, se montraient droits et loyaux à la fois envers leurs camarades ainsi que leurs rivaux, et refusaient les compromis qui auraient pu leur permettre de s'élever au sommet de la hiérarchie de Poudlard. Au contraire, en dépit de leurs scolarités exemplaires au sein de la célèbre école de sorcellerie, les enfants Dingwall n'avaient jamais cherché à obtenir ni la gloire des leaders de groupe, ni l'estime suprême dont jouissaient les chahuteurs en chef de Gryffondor.
En effet, bien que préfète de la Maison Poufsouffle, l'aînée June n'avait jamais abusé de son pouvoir à des fins personnelles et s'était contentée d'appliquer les règlements de l'école avec toutefois la douceur et la cordialité qui la caractérisaient. Le titre de Préfète-en-chef ne l'avait jamais attirée – préférant de loin faire partie de l'équipe plutôt que de la diriger – et elle avait volontiers cédé sa place à la Serdaigle, Carmé Greengrass. Plaeguis, le taciturne, avait toujours réussi à éviter les querelles de pouvoir qui animaient ses camarades de Serpentard il se contentait d'occuper la place stratégique du numéro 2. Ainsi, il avait été capable d'influencer les leaders du Serpent à tel point que, pendant près de cinq ans, Poufsouffle, Serdaigle et Gryffondor avaient réussi à vivre en quasi-harmonie avec les Serpentard, ce qui n'était pas arrivé depuis bien longtemps. Les deux derniers, tous deux Gryffondor, n'auraient pourtant pas pu être plus différents l'un de l'autre. La première, rigide et implacable, avait gagné ses gallons de préfète l'année précédente et se montrait intransigeante avec quiconque brisait les règles sacrées de l'école. Le second, aussi turbulent et perturbateur que devait l'être un dernier de fratrie, ne cessait de narguer sa sœur et de faire en sorte que lui et son groupe – dirigé par un certain Charlus Potter – brisent le plus grand nombre de règles établies par les anciens de l'école. Ah qu'il aimait faire enrager son aînée !
En ce jour de septembre 1942, seuls ces deux derniers demeuraient encore à Poudlard et l'inflexible et intransigeante sœur doutait de pouvoir réussir à supporter très longtemps son frère cadet si turbulent sans la sagesse et la placidité de ses aînés. June avait quitté l'école trois ans auparavant, et Plaeguis venait d'obtenir ses ASPIC. Cela signifiait donc qu'elle serait désormais l'aînée des Dingwall au sein de Poudlard, et ce serait donc sur ses épaules que reposerait la responsabilité du bon comportement de Mercutio. Le plus problématique, c'était que son plus jeune frère ne serait pas le seul élément perturbateur qu'elle aurait à supporter cette année encore…
- MINA !
La jeune fille, au visage solennel et au dos droit, manqua de s'effondrer sous l'attaque surprise de cette jeune tornade avec qui elle partageait un dortoir depuis cinq ans déjà. Un casque de cheveux bruns, bouclés, courts derrière et tombant en anglaises devant, obscurcit le visage de la jeune Mina et manqua de l'étouffer. Elle détestait cordialement ces cheveux et leur façon de lui rentrer dans la bouche lorsque leur propriétaire lui assénait un de ces câlins brutaux dont elle avait le secret. En fait, Mina détestait de nombreuses choses chez cette fille de son caractère à la fois explosif et enjoué, à ses manières brutales et dénuées de toute subtilité, en passant bien sûr par les compositions insensées de ses cheveux qui n'arboraient jamais la même silhouette d'une année sur l'autre. Cette fille n'aurait pu être plus différente de Mina, toujours calme et silencieuse, et dont le chignon de cheveux noirs ne laissait s'échapper aucune mèche. Pourtant, les deux jeunes filles étaient amies depuis bien avant leur entrée à Poudlard. La rumeur prétendait qu'elles jouaient ensemble bien avant même la naissance de Mercutio, bien qu'aucune des deux ne pût vérifier ces dires ni l'une, ni l'autre n'avait de souvenir qui remontait aussi loin.
- Tiens, tiens, tiens ! Mais qui voilà ? Ne serait-ce pas notre charmant petit Crapaud-Buffle ?
Le regard noir de Mina fusilla celui de son frère qui, confortablement adossé à un des réverbères qui s'alignaient sur la voie 93/4, lui rendit un sourire aussi nonchalant qu'insolent. Remontée, la jeune fille s'apprêta à répliquer, mais sa meilleure amie était bien plus douée qu'elle lorsqu'il s'agissait de répondre aux provocations gratuites qui visaient son physique aux joues rondes et aux formes un peu trop prononcées pour une jeune fille de seize ans.
- Mercutio ! Mignon petit souriceau ! s'écria cette dernière en se jetant dans les bras du jeune homme qui, de toute évidence, ne s'y attendait pas. Comment vas-tu ? Toujours à faire la course aux centimètres avec le petit Filius ?
Aussitôt, le visage de Mercutio s'empourpra et il repoussa violemment son assaillante qui réussit cependant à rester sur ses jambes, sans se départir de son sourire espiègle, tandis que le jeune Dingwall serrait à présent les dents avec colère. Contrairement à sa rivale qui assumait sans complexe son visage poupon aux épaisses joues roses, Mercutio avait du mal à accepter sa petite taille. Parmi les élèves les plus petits des élèves sa promotion qui entamaient leur quatrième année, il se classait en deuxième position derrière le jeune Flitwick. Ce qui ajoutait encore au pénible de la situation, c'était que celui qui occupait cette humiliante première place était en partie gobelin, ce qui expliquait sa petite taille. En revanche, que ce fût Mina, June, Plaeguis ou leurs parents, les Dingwall brillaient en général par leur grandeur, aussi bien morale que physique. Ainsi pouvait-on dire que, par sa taille, son caractère emporté, et la blondeur de ses cheveux, le jeune Mercutio s'avérait être une sorte de vilain petit canard au sein de sa famille noble et respectable.
- Bonjour Gussy, lui dit Mina d'une voix ferme et sage, en totale opposition avec le caractère emporté de son amie.
- Quoi de neuf, Mina ? s'enquit la jeune Gussy de son habituel ton enjoué. Tu n'as toujours pas réussi à te débarrasser du petit rat né on-ne-sait-comment dans ta famille de hiboux Grand-duc ?
Bien qu'elle trouvât la plaisanterie plutôt amusante, Mina n'esquissa pas le moindre sourire, comme l'exigeait l'honneur familial. Mercutio, en revanche, ne parvint pas à rester aussi stoïque que sa sœur.
- Ferme ta grosse bouche, sale Harpie ! Elle est presque aussi grande ouverte que tes jambes !
Il était de notoriété publique – du moins, parmi les élèves – qu'Augusta Bridgewell était la fille la plus dévergondée de toute l'école. A maintes reprises, elle avait même montré ses chevilles à plusieurs garçons et ce, en plein milieu de la grande salle ! Néanmoins, la jeune Gussy supportait bien mieux sa réputation de « gentille trainée » que le frère de sa meilleure amie ne supportait la sienne. Il se disait d'ailleurs que la seule partie de son être qui n'était pas minuscule, c'était son égo surdimensionné. On suspectait grandement Augusta d'être la perfide instigatrice de cette rumeur. Fréquentant la famille Dingwall depuis son enfance, elle était la seule à Poudlard – avec Mina – à avoir eu l'occasion de voir en intégralité le petit corps de Mercutio. Or, la sœur de ce dernier était bien trop attachée à l'honneur et aux valeurs de sa famille pour s'abaisser à de telles mesquineries, était-il utile de le préciser ?
Le dos raide, la main droite crispée sur la poignée de son cartable en cuir, la main gauche rabattant la visière de son chapeau sur ses yeux, Mina s'éloigna à aussi grands pas que ses longues jambes le lui permettaient, laissant derrière elle les chamailleries des deux personnes qui lui étaient le plus proche. Alors qu'elle grimpait avec grâce les marches du Poudlard Express qui menaçait de démarrer d'un instant à l'autre, la jeune préfète de Gryffondor vint se perdre dans ses pensées. Elle se mit à méditer sur le fait que, dotés de caractères pourtant très semblables, son frère et sa meilleure amie n'avaient jamais pu se supporter, et ce, malgré les nombreux efforts que leurs parents respectifs avaient fournis pour les faire sortir ensemble. Dans la coutume sorcière, il était habituel – bien que légèrement désuet – chez les parents de marier leurs enfants avec les frères ou sœurs de leurs meilleurs amis, ou inversement, aux meilleurs amis de leurs frères et sœurs. Mais si cela avait fonctionné pour June avec le frère d'Hortentia Greenhouse, et si Plaeguis avait toutes les chances de poursuivre la tradition avec la sœur d'Olyvar Clayme, les deux derniers de la fratrie risquaient fort de la rompre. En effet, Augusta Bridgewell n'avait que des sœurs, et Mercutio était soit trop jeune, soit trop vieux pour espérer sortir avec celles de ses amis – à l'exception, bien évidemment, d'Augusta qu'il détestait cordialement. Quant aux amis de Mercutio eux-mêmes, ils étaient tellement immatures que Mina aurait préféré embrasser le calmar géant du lac de Poudlard plutôt que de porter un seul regard sur l'un eux.
Faisant confiance à Gussy pour trouver un compartiment vide dans lequel elle pourrait se mettre à ses aises et y accueillir leurs amis communs, Mina prit directement le chemin du wagon des préfets en tête de convoi. Elle pourrait ainsi y retrouver des élèves plus sages et plus mesurés que son imbécile de frère et sa tornade de meilleure amie. Parmi eux, il y avait Selim Flint, un grand et massif sixième année à Serpentard. Arrivée la même année que lui devant l'antique tabouret du Choixpeau Magique, Mina l'avait vu évoluer du petit garnement brutal et sans gêne au préfet efficace et clairvoyant qu'il était à présent. Ce changement de comportement, Mina savait très bien qu'elle pouvait l'imputer à l'influence bénéfique Plaeguis. Il en avait été de même pour le reste des préfets de la maison du Serpent, y compris leur supérieure Obalyne Orth. Le second Préfet-en-chef était un Gryffondor grand, beau jeune homme, de larges épaules, de longs cheveux couleur paille et des yeux aussi bleus qui rappelaient à Mina la Méditerranée qu'elle avait pu contempler, un jour, pendant des vacances en Italie. Il était également gardien et capitaine de l'équipe de Quidditch. Bien entendu, Gussy avait essayé plusieurs fois de le charmer, mais ce grand benêt ne devait s'intéresser à rien d'autre que le Quidditch. Mina trouvait d'ailleurs hasardeux le choix du Professeur Dippet de le nommer en tête des préfets. Il était toutefois de notoriété publique qu'Angus McGonagall était de nature bonne et joviale et, surtout, très aimé par l'ensemble des élèves de l'école. Ainsi, les décisions et sanctions qu'il prendrait à l'encontre des chahuteurs seraient peut-être plus acceptées que ceux de cette pimbêche d'Elliara Prewett de Serdaigle dont il prenait la suite. Le reste des préfets de Gryffondor se constituait, comme à l'accoutumée, de Weasley et de Londubat, à l'exception de celui de septième année qui était un Dursley, né-moldu selon toute vraisemblance. Du côté des préfets de Poufsouffle, on trouvait des sixième et septième années bons et loyaux, comme le suggéraient les valeurs de la Maison du Blaireau. Mina les connaissait assez bien étant donné que les frères et sœurs de chacun d'entre eux avaient fréquenté June durant sa scolarité. Elle était de ce fait convaincue que personne ne contesterait leur légitimité. Quant aux Serdaigle, ils se montraient aussi peu bavards que Mina elle-même. Ils auraient pu s'octroyer le titre d'élèves les plus sagaces de l'école, si elle n'avait pas été là. Elle partageait une table avec deux d'entre eux au cours de métamorphose du Professeur Dumbledore créneau pendant lequel les trois intellectuels buvaient les paroles de ce génie qui dispensait ses cours depuis la fin de la scolarité des parents de Mercutio et Mina. On ne tarissait pas tari d'éloges sur l'habileté magique, les qualités de pédagogue et la grande érudition de ce sorcier qui, disait-on, étaient supérieures à celle du directeur de l'école en personne. Points sur lesquels Mina ne pouvait que tomber d'accord, la métamorphose étant de loin sa matière préférée.
Laissant ses pensées, d'habitude si précises et si fixes, vagabonder dans son esprit, Mina se surprit à songer qu'elle aurait pu tomber dans une période bien plus sombre de l'histoire de Poudlard. En effet, avec la menace Grindelwald chassée au loin dans les froides contrées de l'Est, un nouveau ministre de la magie très compétent qui parvenait à faire en sorte que le grand conflit moldu n'atteigne aucunement les sorciers, une école de sorcellerie dont les quatre maisons cohabitaient en harmonie depuis le renvoi du sournois Phineas Nigellus Black, Mina se sentait plus que jamais en sécurité dans ce confortable monde magique. Elle n'avait en effet rien à envier aux moldus dont le monde commençait à se déchirer de toutes parts. Certains de ses amis, comme Eugenia Jones, Dyllis Smythe ou Herbert McCallum, risquaient, eux, de se retrouver rapidement au cœur des combats si ces idiotes de nations moldues continuaient de se battre à coup d'engins explosifs. Mina avait demandé l'autorisation à ses parents de poser des charmes de protection autour de leurs maisons respectives, mais son père avait catégoriquement refusé, considérant ce projet comme une infraction grave au Code du Secret Magique et aux lois relatives à l'utilisation de la magie chez les sorciers de premier cycle. Il avait promis, cependant, d'être dans les premiers à se porter garants de la protection des moldus si jamais Leonard Spencer-Moon, qui lui-même attendait l'aval du premier ministre moldu, décidait de l'exécution de l'ordre 99. Cela pourrait autoriser tout sorcier et toute sorcière de Grande-Bretagne à utiliser leur baguette magique pour la protection des moldus de leur pays. A l'image de tous les élèves dont le sort des moldus importait – et il y en avait beaucoup à cette époque de paix et d'harmonie dans le monde magique – Mina espérait silencieusement que ce dénommé Winston Churchill ne tarderait pas à prendre sa décision. Elle craignait que les parents de ses amis fussent les premières victimes de ce moustachu complètement fou qui hurlait à tout bout de champ.
La porte du compartiment s'ouvrit brusquement, forçant la jeune préfète à se tirer de ses rêveries. Elle leva la tête et put apercevoir, non sans une certaine curiosité, les nouveaux préfets de cinquième année que venaient d'amener Angus et Obalyn. Elle en connaissait plusieurs de vue, mais n'avait quasiment parlé à aucun d'entre eux. Celui de Gryffondor était de nouveau un Weasley, tandis que celle de Serdaigle était une autre Prewett. Mis à part ces deux là, Mina ne connaissait les noms d'aucun d'entre eux. Il y avait fort à parier que la plupart était des nés-moldus, ce qui devait être une habile manœuvre du professeur Dumbledore qui avait – semblait-il – enfin persuadé le directeur de l'école de laisser plus d'autonomie et donner plus de responsabilités aux nés-moldus. La jeune fille ne pouvait qu'approuver cette démarche, en cette période particulièrement sombre pour les moldus, mais un léger nuage obscurcit sa vision. Thomas Jedusor avait été nommé Préfet de Serpentard. Il n'était pas né-moldu à proprement parler, car ayant vécu toute sa vie dans un orphelinat, personne ne semblait capable de nommer ses parents, pas même lui. Mais sa nomination de Préfet devait quand même faire partie des plans du professeur de Métamorphose pour faire de Poudlard un havre de paix et d'accueil au bénéfice des nés-moldus. Pourtant, la jeune Gryffondor ne pouvait que regretter ce choix qu'elle jugeait dangereux. Bien sûr, Jedusor était le seul élève de Serpentard qui avait passé toute son enfance en-dehors du monde sorcier certes, c'était un élève hors-pair qui allait probablement obtenir un maximum de BUSE à ses examens de cinquième année évidemment, son beau visage fin et lisse faisait de lui le garçon le plus convoité et le plus aimé de toute l'école, ayant même détrôné Angus au cours de l'année passée. Mais Mina n'avait jamais pu faire confiance à ce garçon car elle le trouvait beaucoup trop énigmatique à son goût. Sa manière de flatter les professeurs les plus influents la dégoûtait plus qu'autre chose. Horace Slughorn, le maître des Potions, Thelius Noctulune du département d'Astronomie, et Sylvanus Brûlopot, qui enseignait les Soins aux Créatures Magiques, avaient beau assurer qu'ils pourraient lui Merlin sans concession, jamais la jeune préfète de Gryffondor ne pourrait lui faire confiance. Elle ne pouvait pas s'empêcher de voir dans le comportement poli et irréprochable du jeune Serpentard une façade fausse et hypocrite qu'il placardait entre lui et ses interlocuteurs pour que personne ne se doute du genre d'individu qu'il était réellement. En réalité, elle non plus n'arrivait pas plus que les autres à le cerner. Depuis qu'il avait intégré Poudlard, un an après elle, les suspects des quelques incidents qui s'étaient produits dans le château avaient toujours fait partie de son cercle restreint d'amis. Mais à aucun moment, une quelconque preuve avait pu incriminer Nott, Mulciber, Lestrange ou Avery pour les crimes qu'on les avait soupçonné d'avoir commis. L'un d'entre eux avait d'ailleurs concerné Mercutio. Curieusement, quelques minutes avant qu'il ne révèle au professeur Dumbledore l'identité de celui qui avait trafiqué les balais de course des Serdaigle, le jeune Dingwall avait fait une chute de sa hauteur. Il en avait résulté une surprenante amnésie partielle et définitive, lui permettant de se rappeler de son nom, de son âge et de toutes les âneries qu'il avait dire à sa sœur ces dix dernières années, mais pas de dire ce qu'il savait au professeur de métamorphose. Ce dernier avait pourtant fourni tous les efforts magiques possibles et inimaginables pour récupérer ce souvenir.
Jedusor, quant à lui, n'avait jamais commis une seule infraction depuis le début de sa scolarité. Les seuls écarts au code de conduite de l'école que l'on pouvait lui reprocher – ils étaient d'ailleurs très récents – c'était de se rendre dans les toilettes pour filles du deuxième étage afin d'y étudier des textes anciens dans le calme et le silence. Mina, éprouvant une affection particulière pour les révisions dans le calme et la sérénité, ne pouvait décemment pas sanctionner quelqu'un qui ne cherchait rien d'autre qu'un coin tranquille pour travailler. Lorsqu'elle lui avait demandé, au cours d'une de ses rondes l'an passé, pourquoi il ne choisissait pas les toilettes des garçons pour ce faire, il lui avait juste répondu qu'il trouvait cet endroit fascinant. La fascination pour des toilettes – le plus souvent vides et à la propreté douteuse – ne constituant pas une preuve solide pour révéler la duplicité du jeune homme aux yeux du monde, Mina se contentait de se méfier de lui sous le seul prétexte qu'il lui faisait froid dans le dos. Elle n'était d'ailleurs pas la seule à ressentir ce malaise en présence du garçon. Trépignant d'excitation il y avait quelques années, lorsqu'elle avait rencontré pour la première fois ce jeune garçon si mignon qu'était Thomas Jedusor à 11 ans, Gussy avait aussitôt changé son manche à balai d'épaule après être très brièvement sorti avec lui. Ils n'avaient fait qu'une seule excursion ensemble à Pré-au-Lard, deux ans auparavant, mais à leur retour, Gussy avait refusé de donner suite à cette courte aventure, donnant à Mina comme seule explication que « ce type lui faisait froid dans le dos ». Deux semaines plus tard, le chaton de Gussy qu'elle venait d'avoir pour Noël était mort prématurément au court de la nuit de la Saint Sylvestre, pendant laquelle il n'avait cessé de ronronner entre ses omoplates jusqu'à cet événement aussi soudain qu'incompréhensible. C'était une simple coïncidence, bien entendu, car Jedusor passait toutes ses vacances à Poudlard, et Gussy l'aurait entendu si quelqu'un était entré dans sa chambre au deuxième étage d'une vieille maison au parquet grinçant pour venir tuer son chat. Mais le fait qu'un jeune félin au summum de sa santé pût mourir de façon aussi prématurée était un mystère total. Une teinte de plus dans l'opacité du brouillard inquiétant qui entourait le jeune homme.
L'intensité des pensées dans lesquelles vagabondait son esprit était telle que Mina fut hautement surprise lorsqu'elle entendit le coup de sifflet du contrôleur qui annonçait leur arrivée à Poudlard. Elle n'avait même pas senti le train démarrer, ni vu les paysages défiler et – pire encore ! – elle n'avait rien écouté du discours de bienvenue des Préfets-en-Chef. Alors que le Poudlard Express ralentissait, elle se dépêcha d'enfiler sa robe en toute hâte et courut sur le quai pour mener les deuxième année jusqu'aux diligences sans cocher ni chevaux, que ces derniers découvraient pour la première fois. Alors qu'elle aidait une jeune fille de Poufsouffle à monter sur une des banquettes, elle aperçut le jeune Jedusor qui la regardait d'un air amusé. Le sourire qu'il lui esquissa ne lui plut pas du tout. Il avait l'air aimable et courtois. Mais quelque part au fond d'elle, elle allait l'impression qu'il savait qu'elle le soupçonnait de manipuler quelque chose, et qu'il la mettait au défi de le découvrir. Et plus que tout autre chose, plus que ses amis, le silence et la rigueur, Mina aimait les défis.
Les jours sont beaux, messieurs, mesdames
J'ai de la joie plein le tissu
Je vais chanter avec mon âme
Tout le bonheur qui vous est dû
Je le sais, je le sens
Vous êtes contents de me revoir
Et après tout ce temps
Ce n'est pas du tout par hasard
Oui, les plus jeunes ne le savent pas
Je suis bien plus qu'un couvre-chef
Votre belle histoire commencera
Uniquement grâce à moi, en bref
Je dis la vérité
Personne ne me contredira
Et je ne mens jamais
Qui dit le contraire en pâtira.
Je vais à présent de ce pas
Vous dire enfin à quoi je sers
Je suis celui qui à chaque fois
Vous répartit entre confrères
Que ça plaise, que ça frustre
Je ne dis jamais d'âneries
Ne jouez pas les rustres
Et quand j'ordonne, on obéit
A Gryffondor vont les plus braves
Ce sont de grands guerriers vaillants
Mais ils n'ont pas ce charme suave
Qu'ont ceux d'la Maison du Serpent
Ceux-là feront bien plus les zouaves
Que les Poufsouffle persévérants
Qui ne seront jamais esclaves
Des livres qu'on sème aux quatre vents
Les beaux livres, c'est connu
Ils seront lus par les Serdaigle
De la science, ces férus
Ils en trouvent même dans l'pain de seigle.
Ainsi pour le moins éclairé
Vous savez donc c'qui vous attend
Vous avez bien une p'tite idée
Sera-t-elle bonne ? Je le pressens.
Gryffondor, Serpentard
Ou les Serdaigle ou les Poufsouffle
Je n'prendrai pas d'retard
Car après moi viendra la bouffe !
Cette nouvelle chanson du Choixpeau fut accueillie par un mélange d'applaudissements et d'éclats de rire. Tandis qu'Augusta pleurait littéralement de rire en se remémorant le « coup du pain de seigle », Mina fronça quelques peu les sourcils devant le peu de sérieux avec lequel le Choixpeau avait composé sa chanson cette année. Tout portait à croire que les années de paix et de joie au sein du château l'avaient incité à se montrer aussi joyeux et insouciant que les élèves qu'il répartissait.
Ce fut d'ailleurs précisément à ce moment-là que tout bascula. Pendant que tout le monde riait encore, que Mercutio tapait du poing sur la table pour laisser éclater sa joie d'être de retour, qu'Angus McGonagall jetait un regard amusé à ses collègues préfets, et que les professeurs esquissaient de grands sourire à leurs protégés qu'ils étaient heureux de retrouver, un hurlement déchirant retentit en provenance du hall d'entrée.
Toute l'école fut aussitôt sur le pied de guerre dans un assourdissant raclement de bancs, toutes et tous – élèves et professeurs – se précipitèrent en direction du cri. Cri auquel les premiers arrivés firent écho en contemplant l'horreur de la scène. Mina ne cria pas, mais le dégoût et l'effroi qu'elle ressentait à cet instant la firent ouvrir et reculer de quelques pas, les yeux grands ouverts et la mâchoire crispée. Sur le mur en face de la porte à deux battants, deux elfes de maison pendaient à un pieu acéré qui leur avait perforé le ventre. Du sang rouge vif coulait sur le sol marbré du hall et, au-dessus d'eux, brillait un message écrit avec une substance semblable en tous points:
« Ces deux là n'étaient qu'un avertissement. Les prochains seront indubitablement les sang-de-bourbe ! »
Malgré toute l'horreur qui paralysait son corps à cet instant précis, la jeune Minerva Dingwall fut en mesure de comprendre l'ignoble vérité qui s'offrait à elle. Le bonheur, la confiance et le sentiment de sécurité qu'elle avait ressentis jusque là à Poudlard ne seraient plus qu'un doux souvenir, désormais. A partir de cet instant, ce seraient la terreur, la méfiance et le doute qui feraient la loi dans ce bastion sorcier que l'on disait impénétrable.