A/N : Bon ! Ceci est normalement le dernier chapitre. Merci à tout ceux qui m'ont accompagné jusque là ! Je ne sais pas quand est-ce que je reviendrai sur ce fandom, mais ce fut une chouette aventure ! N'hésitez pas, comme toujours, à me faire un petit signe à la fin de cet OS.
Ta caresse cruelle
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Ta forme est un éclair qui laisse les bras vides,
Ton sourire est l'instant que l'on ne peut saisir…
Tu fuis, lorsque l'appel de mes lèvres avides
T'implore, ô mon Désir !
Froide comme l'Espoir, ta caresse cruelle
Meurtrit sans assouvir il n'en reste en effet
Que l'éternelle faim et la soif éternelle
Et l'éternel regret.
Tu frôles sans étreindre, ainsi que la Chimère
Vers qui tendent toujours tes vœux inapaisés…
Rien ne vaut ce tourment ni cette extase amère
De tes rares baisers !
Renée Vivien, Études et Préludes
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Tu poses ta main sur ma joue. C'est un geste bref, une caresse imprécise.
Je t'ai déjà vu les yeux débordant de tendresse – rarement dans ma direction. Mais c'est la première fois que ce regard est assorti d'un geste aussi clair à mon encontre et que tu ne fuis pas. Tu ne m'embrasses pas non plus, mais tes yeux comme souvent me percent et me mettent à nu. Tu me regardes et tu m'acceptes et je suis terrifié.
Pourquoi ? Est-ce parce que nous risquons bientôt nos vies ? Parce que, peut-être, un seul d'entre nous survivra ? Parce qu'avec la fin du monde, qu'avec Angel absent, je suis le seul qui reste à tes côtés – ton Champion, sur qui tout repose.
Je ne sais pas. Cela fait trois nuit que tu me demandes de te prendre dans mes bras pendant que tu tentes d'y trouver un sommeil paisible. Cela fait trois nuits que je m'endors au son de ton cœur qui bat. Cela fait deux nuits depuis que tu m'a laissé entrevoir que…
Si nous avions le temps, Buffy, je te demanderai ce que tu cherches en te lovant contre moi. Si nous avions le temps pour que ces nuits ne soient pas aussi nouvelles et stupidement miraculeuses… Peut-être, possiblement, si j'osais détruire l'équilibre miraculeux que nous avons créé au milieu des ruines, je te demanderais de ne pas embrasser l'autre branleur de triste sire la prochaine fois que vos routes se croisent, du moins si tu continues de venir entre mes bras. Juste cela. De ne pas l'embrasser comme si je n'existais plus.
Dans un autre temps, je t'aurais demandé de me cacher la vérité. Je t'aurais dit : mens-moi, embrasse-le, flirte avec lui, échange tous les serments d'amour que tu veux, si tu veux, car tu me serais revenue. Je t'aurais dit que contrairement à lui, je ne réprime pas un pervers sadique au fond de mon esprit et que je suis le seul qui peut jouir avec toi. Et j'aurais pensé que même si cela ne me suffirait jamais, j'aurais au moins choisi dans quel cercueil être enterré. Même un chien à sa fierté, et Dru m'a déjà montré jusqu'où j'étais capable de m'en départir.
J'ai changé.
Peut-être à cause mon âme. Peut-être parce que j'ai déjà emprunté ce chemin et que je sais qu'il peut nous détruire. Malgré cela, je reste un chien qui s'aplatit pour quémander toute la tendresse qu'il peut trouver. J'ai été plus bas que terre pour trouver les extases les plus violentes, et je ne le regrette pas. Je n'ai pas changé. Une âme est un changement de perspective, non de nature, contrairement à ce que laissent croire les Observateurs et le Grand Front Ténébreux. Je suis parti dans l'espoir imbécile de me racheter ou de trouver un moyen d'être digne de toi, dans l'espoir stupide qu'une âme me donnerait un moyen pour ne plus nous détruire mutuellement. Elle ne m'a donné aucune réponse à ce sujet et m'en a offert bien d'autres.
J'aimerais croire que même sans âme, te voir dormir – ou au moins, somnoler – entre mes bras, sans autre raison que parce que tu l'as décidé m'aurait rempli du même émerveillement… Je n'aurais pas pu m'empêcher de te demander un baiser, et une caresse et j'aurais tout fait pour de déshabiller, et –
et je n'aurais pas connu cela.
Quelle ironie ! Je suis certainement en train de me consumer d'amour dans une étreinte terriblement chaste. Et je n'ai jamais autant brûlé que maintenant. Quelle étrange déchéance – quel étrange don – après nos nuits torrides. Regarde-moi ! Je t'ai eue de toutes les manières possibles. Si l'occasion m'était donnée, je recommencerai sans hésiter… Je t'emmènerai dans une maison en ruine et nous la détruirions comme la première fois afin de tout réécrire, de donner un autre sens aux gestes que nous avons échangé. Je doute que cela ne fonctionne. Il y a trop de tristesse et de haine de nous dans ces ruines et dans ces souvenirs.
Mais si je devais te demander quelque chose, ce serait de glisser ma main contre ton ventre. Je reste un vampire. Si tu me laissais toucher ton ventre – là où la peau est la plus fine, là où tes entrailles sont sans défense et où la mort est douloureusement longue… Là où je t'ai déjà griffé dans des tentatives désespérées de t'amener à mon niveau, en refusant de voir ce que nous étions en train de tuer… C'est absolument ridicule. Aussi ridicule que de concevoir que la meilleure nuit de ma vie avec toi a été parfaitement chaste.
Je ne suis pas stupide : je sais que cette tendresse que tu m'offres est un fruit des circonstances. Après tout, je suis le seul à ne pas t'avoir trahi depuis mon retour. La tendresse que tu m'as donné a toujours été par défaut lorsque tu ne pouvais plus la donner à d'autres. Je sais tout cela, et je le vois plus nettement que toi parce que je ne suis pas aveuglé par le passé que tu partages avec ta fine équipe et que je n'ai pas besoin d'eux pour me rattacher à mon humanité. Moi, je suis simplement le seul a t'avoir rejoint. Tu n'as rien oublié du passé, tu n'as rien pardonné – je suis au-delà des excuses et du pardon. Mais un chien affamé ne se demande pas d'où viennent les restes qu'il dévore. Je ne veux pas savoir, pour ne pas espérer.
Je ne te demanderai rien. Je suis ton chien fidèle et j'obéirai à chacune de tes demandes même sans espoir de caresse. Ce que tu m'offres est au-delà de tout ce que j'ai pu espérer, au-delà de ce que j'aurais pu imaginer. Et cette simplicité-là, de dormir avec toi, de te voir sans défense parce que tu l'as choisi, et non parce que je t'ai épuisée, parce que tu es désespérée et que tu ne cherches que le répit d'un sommeil sans rêve, personne ne me l'avait jamais offert. Ce n'est pas simplement le fait de dormir. Non, c'est le fait de dormir avec toi, aujourd'hui. Après tout ce que j'ai fait. Après tant de trahisons volontaires et involontaires, tant de sang, de coups, et de silence glaciaux. C'est le fait de dormir avec toi alors que le monde est en train de disparaître et que la ville est fantomatique. Je sais que j'ai certainement vu le pire de ce que tu es, et le meilleur. Tu n'as pas vu le pire de ce que j'ai été, mais tu as vu le meilleur.
Et depuis trois jour, tu m'ouvres les bras et tu me laisses me rapprocher de toi.
J'ai longtemps cru que nos ébats étaient la seule manière que j'aurais jamais d'avoir un peu de toi. Je t'ai laissé m'utiliser et j'ai construit mes fantasme autour de cela. Nous avons partagé des orgasmes magnifiques et nous avons refusé toute tendresse, car tu ne pouvais pas accepter la mienne et j'aurais fini par utiliser la tienne contre toi. Et si mon amour n'a pas changé depuis cette période, sa forme si. Ce n'est pas l'important. Je suis un chien affamé de tendresse, et tu me laisses dormir dans tes bras, alors qu'il y a des semaines, tu avais ce sursaut terrible qui se gravait en lettres de feu dans ma peau, et alors, tout en moi hurlait : c'est ma faute. C'est ma faute. Cela, je ne l'ai jamais nié, avec ou sans âme. Et aujourd'hui, tu dors dans mes bras, comme si c'était le lieu le plus sûr pour toi. Nous savons tous les deux que ce n'est pas vrai. Et pourtant.
Dis-moi. Si nous nous retrouvions avec un futur sur les bras, me reviendrais-tu ? Poserais-tu de nouveau une main sur ma joue en me regardant dans les yeux, avec cette tendresse que tu as en toi et que tu dois sans cesse assassiner pour être la Tueuse ? Me laisserais-tu encore dormir à tes côtés ?
Je ne te poserai pas ces questions : tu n'es pas capable d'y répondre pour le moment. J'ai fait ma paix avec cela – cela me tue parfois, mais je comprends. Tu n'as pas la réponse. Je ne te demanderai pas de me la donner avant que tu ne sois prête. Je ne te demanderai pas de le faire parce que je ne veux pas t'obliger à dire oui ou non. Mais tu es en train de dormir entre mes bras depuis trois jours, et je me demande : que se passerait-il si cela continuait pendant des années ? Que deviendrions-nous ? À partir de quel moment ce silence ne serait plus un miracle mais une fuite ? Si nous pouvions avoir un futur, je ne veux pas être ton échappatoire, mais marcher à tes côtés.
Si je pouvais, je te proposerai un pari : essayons de découvrir ce que nous pourrions être de meilleur, quand nous avons déjà incarné le pire ensemble. Mais c'est trop demander, trop espérer. Je suis un chien assoiffé de tendresse, et tu m'as déjà offert un os à ronger qui me durera une éternité. Si je devais te proposer un pari, ce serait celui-ci : trouve de être capable de recevoir la tendresse immense que tu portes en toi et qui soit capable de te voir en retour. Qu'il s'agisse de moi ou de n'importe qui d'autre. Si je dois en souffrir, ce n'est pas l'important. J'aimerais savoir que tu es assez entourée pour te permettre de rester humaine – et je sais que je ne suis pas le meilleur pour cette tâche. Loin de là.
Demain, certainement, nous allons risquer la mort. Je sais déjà que je me sacrifierai pour que tu puisses vivre. J'ai vécu déjà assez longtemps, et tu as une vie qui s'ouvre devant toi.
Je t'aurais écrit tout cela, peut-être, si j'avais le courage de me lever. Mais cela voudrait dire te déranger, et tu as besoin de tous le sommeil possible pour demain. Pour aujourd'hui. Pour la suite. Je t'aurais dit : tu m'as offert de répéter la plus belle nuit que j'ai jamais connue. Je t'aurais dit : ta main sur ma joue m'a brûlé et m'a glacé et je porterai toujours en moi la caresse de tes doigts. Je ne te le dirai pas demain. Demain, il faudra nous battre et toute la tendresse que tu m'offres, que tu me laisses t'offrir n'aura aucune place dans ce que nous sommes.
Je ne l'oublierai pas. Et tu seras plus magnifique encore, tourbillonnante, couverte de sang et de cendres, superposée à ce souvenir.
