OMG COMMENT EST-CE POSSIBLE ? Et non, ce n'est pas un fake, je suis de RETOUR ! En fait je ne suis jamais partie, je travaille juste trèèèès lentement et je ne peux plus consacrer autant de temps qu'avant à mes traductions, MAIS je ne renonce pas à la cause, mes amis ! Voici donc l'avant dernier chapitre de Learning How To Live, pour les quelques irréductibles qui suivent encore cette histoire (et que je remercie de tout cœur) ! :D

On se retrouve en bas !

Disclaimer : C'est toujours une traduction, je ne suis toujours pas auteure, vous êtes habitués.


Chapitre 14 : Predators and monsters


La Coccinelle avançait lentement et péniblement, bravant la couche épaisse de poudreuse qui recouvrait la route. Il avait commencé à neiger lorsqu'Emma et Marco avait quitté le magasin, et le temps avait continué de se dégrader depuis, si bien qu'il était désormais très difficile de voir et de conduire sur les routes quasi désertes qui se situaient en dehors de la ville. Ce qui aurait dû être un trajet de trente minutes s'était transformé en un périple d'une heure et quart, mais ils étaient enfin arrivés à destination. La voiture d'Emma était dans un sale état, mais elle avait tenu bon.

Entre deux battements d'essuie-glaces, Emma aperçut une grosse camionnette dans l'allée, ce qui voulait dire que Fredrick et Kathryn était déjà là ; mais elle fut quelque peu prise de court lorsqu'elle remarqua la présence d'un autre véhicule garé. C'était une Jaguar XF flambant neuve qui avait dû coûter très cher à son propriétaire, d'après ce qu'Emma pouvait en distinguer à travers les flocons de neige qui virevoltaient dans tous les sens.

- Vous aviez invité quelqu'un d'autre à dîner, Emma ?

Emma haussa les épaules et tordit légèrement la bouche ; les sourcils froncés d'incompréhension.

- Pas que je sache…, dit-elle avant de s'interrompre, s'arrêtant sur la plaque d'immatriculation qui indiquait que le véhicule venait du Massachussetts.

- Kathryn et Fredrick ont peut-être invité un ami ?

Emma grogna intérieurement en se souvenant de la dernière fois où Kathryn et Fredrick avaient « invité un ami » à la maison. La soirée s'était terminée avec sa demande en mariage à Regina, mais elle avait été ponctuée d'événements moins plaisants – Emma s'enfuyant de la maison en courant, sa voiture qui était tombée en panne, Leroy qui avait fait le guignol et qui s'en était pris une, la main cassée de Regina, et les souvenirs déchirants de Marco. Le dénouement avait certes été heureux, mais Emma n'était pas tout à fait prête à renouveler l'expérience.

Mais ses inquiétudes à propos de ce potentiel « invité » en plus furent de courte durée ; elle remarqua que la voiture inconnue était couverte d'une épaisse couche de neige, ce qui signifiait qu'elle se trouvait là depuis beaucoup plus longtemps que la camionnette de Kathryn et Fredrick, sur laquelle n'était visible qu'une fine couche de poudreuse.

- Je ne crois pas. Je ne sais pas qui c'est, mais on dirait qu'il ou elle est là depuis un moment…


Emma sourit, contente, en tapant fermement ses bottes contre le tapis pour faire tomber la neige qui s'y était accumulée avant d'entrer dans la maison. Elle était ravie d'être de retour chez elle et avait hâte de dîner en compagnie de sa famille, qui incluait désormais Marco, Kathryn et Fredrick tous les vendredis soirs. Lors de ces réunions, les discussions étaient toujours animées, le vin coulait à flot, tout le monde était toujours prêt à s'étreindre et à s'embrasser, et un sentiment parfait d'amitié et d'amour emplissait le cœur des les convives. Ils jouaient après le repas ; parfois jusque tard dans la nuit, parfois jusqu'aux petites heures du matin. Tout le monde avait été d'accord pour dire, dès les premières fois, que le strip poker était exclu, étant donné que Marco ne comprenait pas vraiment les règles et avait tendance à perdre… à chaque fois.

- Désolé, on est en retard. C'est incroyable ce qu'il y a comme n—

A peine entrée, Emma s'immobilisa, arrêtée net dans son élan par le silence glacial qui régnait entre les quatre personnes qui occupaient la pièce. Sa pause brusque obligea Marco à lui rentrer dedans, et il leva les yeux, confus, avant de comprendre la raison de son statisme soudain.

Le visage d'Emma se décomposa lorsqu'elle aperçut le sourire forcé que lui adressait Regina. Ça, ce n'était PAS une Regina dans son état normal. Elle était tendue, se tenait droite dans le fauteuil où elle était assise, berçant doucement Henry qu'elle tenait sur ses genoux. Ses yeux reflétaient une mélancolie et une soumission qu'Emma ne lui avait jamais connues auparavant, et même presque, de la peur. Même Kathryn et Fredrick, qui jacassaient d'ordinaire comme des enfants, ou se chamaillaient (et embêtaient Regina) étaient aujourd'hui tranquilles et silencieux. Kathryn avait à la main un verre presque débordant de vin qu'elle porta lentement à ses lèvres avant d'en avaler une énorme gorgée, observant tour à tour Emma, Regina, et la personne assise seule sur le canapé.

Suivant son regard, Emma découvrit une petite femme guindée perchée sur un coussin. Ses jambes, sur lesquelles elle portait des collants, étaient fermement serrées l'une contre l'autre, les chevilles croisées, et elle portait des chaussures à talons. Sa robe était impeccablement coupée, très probablement taillée sur mesure par un tailleur, et ses mains reposaient posément sur ses genoux. Son maquillage cachait les rides que l'âge avait naturellement commencé à créer sur son visage et qu'elle ne parvenait plus à masquer avec la chirurgie plastique. Elle avait un air froid et sérieux que reflétait bien le chignon sévère qui retenait ses cheveux. Elle ne prêta pas du tout attention à l'arrivée d'Emma et de Marco, préférant continuer à fixer Regina d'un œil critique et inflexible.

Toujours avec le même sourire angoissé, Regina s'adressa directement à Emma. Beaucoup plus formellement que ce à quoi elle était habituée.

- Emma, je suis contente que tu aies fait bonne route, dit-elle.

Déglutissant péniblement, elle poursuivit :

- Je te présente ma mère… Cora…

Jusque là, Emma avait seulement entendu parler de la froideur et de l'indifférence de Cora, mais elle voyait maintenant que la description que lui en avait faite Regina avait été juste en tout points. Elle savait d'ores et déjà qu'elle n'apprécierait pas beaucoup cette femme, mais c'était la mère de Regina ; elle ferait donc un effort pour être cordiale et suivrait l'exemple de sa femme. Emma s'approcha du canapé et de Cora, et lui tendit la main.

- Bonjour madame. Ravie de faire votre connaissance.

Les yeux de Cora ne quittèrent pas Regina. Sa tête se détourna même légèrement de celle d'Emma, comme si elle refusait de remarquer sa présence. Emma resta immobile, main tendue, pendant quelques secondes, puis Cora tourna enfin la tête pour l'observer. Ses mains restèrent fixées sur ses genoux, et lorsque ses yeux se posèrent sur Emma pour la regarder, ils étaient plein d'une franche méchanceté. Cora la scruta, depuis le haut de sa tête jusqu'au bas de ses chaussures abîmées. Emma resta immobile, mal à l'aise sous son regard. Son jean était taché et il y avait encore des copeaux de bois sur son pull. Cora poussa un profond soupir, roulant des yeux et émettant un bruit désapprobateur ; et Emma finit par baisser la main, réalisant que son geste ne serait pas retourné. Elle se dirigea vers Regina et vit son regard désolé, auquel elle répondit par un sourire réconfortant avant de murmurer :

- Je t'aime. Tu m'as manquée aujourd'hui.

Elle embrassa rapidement la joue de la brune avant de s'accroupir pour s'adresser d'un ton plus joyeux à Henry.

- Toi aussi, tu m'as manqué, bébé. Tu as passé une bonne journée ?

Il babilla un peu avant de sourire et de tendre les mains pour attraper les lunettes d'Emma, qu'elle lui céda en faisant attention à ce qu'il ne les casse pas ou ne se fasse pas mal en mâchouillant la monture. Elle lui sourit et passa ses doigts dans ses cheveux, réfléchissant à sa prochaine action.

- Je vais aller me doucher et me changer avant le repas, dit-elle à voix basse pour que seule Regina l'entende.

Peut-être qu'avec un peu de temps pour réfléchir, Emma pourrait penser à une stratégie différente pour engager le dialogue avec la mère de sa femme de manière plus favorable et plus efficace. Regina était sur le point de hocher la tête, mais la voix de Cora, comme sortie de nulle part, l'interrompit net et fit sursauter tout le monde dans la pièce.

- Regina, dit-elle (et Emma se retourna pour lui faire face, mais Cora continua de s'adresser exclusivement à sa fille d'un ton glacial). Je crois que tes invités ont été plus que patients. Il est temps de passer à table.

Emma perçut la malveillance qui brillait dans ses yeux, et elle se rendit tout de suite compte que Cora n'avait pas l'intention de lui donner une minute de répit ; qu'elle allait au contraire faire en sorte de la mettre mal à l'aise et de la déstabiliser pendant toute la soirée. Emma vit Marco avancer d'un pas et retirer son chapeau.

- Miss Regina ? Voulez-vous que je prenne Henry avec moi pendant qu'Emma et vous mettez la table ?

- Je veux bien, merci Marco, répondit Regina d'une voix légèrement soulagée en se levant.

En voyant Marco approcher, Henry tendit les bras et s'agrippa les mains avant de les relâcher à plusieurs reprises, excité de se retrouver dans les bras de son grand-père. Marco l'embrassa sur la joue avant de prendre la place de Regina dans le fauteuil et de le faire sautiller sur ses genoux.

- Aaaaah, Mister Henry, tu commences à être un grand garçon. Tu seras fort comme Mama, hein ?

Cora leva les yeux au ciel en entendant cette référence implicite à la relation d'Emma et Regina, ce qui n'échappa pas à la première.

- Je vais t'aider à mettre la table et à sortir les plats, dit Emma à Regina en la suivant à la cuisine.

La soirée allait être longue.

- Moi aussi, renchérit Kathryn d'un ton un peu trop enthousiaste en sautant de son siège, verre à la main, se dépêchant de les rejoindre.


Emma regarda Regina s'affairer silencieusement dans la cuisine. La brune sortit un plat du four, des assiettes du placard, les couverts et les serviettes d'un tiroir. Elle s'arrêtait de temps à autre pour prendre une inspiration profonde et un peu tremblante pour se calmer, mais refusait de croiser le regard d'Emma par peur de craquer. Emma voyait que sa femme était à deux doigts de fondre en larmes et elle voulait la consoler. Cora terrifiait Regina. Réellement.

- Regina, je suis vraiment désolée, murmura précipitamment Kathryn en débarquant dans la cuisine. Elle a dû m'entendre dire au chef d'orchestre que j'allais me marier quand je suis retournée à Boston pour démissionner le mois dernier. Quand je suis sortie de son bureau, je l'ai vue vadrouille dans le couloir. Je ne savais pas qu'elle était toujours membre du conseil d'administration. Il ne me serait jamais venu à l'esprit d'en parler si j'avais su qu'elle pourrait entendre.

Regina posa sa main sur le bras de Kathryn et lui adressa un pauvre sourire.

- Ne t'inquiète pas. Elle aurait fini par me retrouver, de toute façon. Je ne suis pas fâchée contre toi.

Regina se tourna ensuite vers Emma. Le visage chagrin, elle dit doucement, d'une voix contrite :

- Emma…, sans savoir quoi dire de plus.

- Ne t'inquiète pas pour moi, Regina. Ça va aller…, lui assura Emma.

En un mot, en un regard, Regina lui avait confirmé ce qu'elle savait déjà ; ce serait elle qui serait la cible de Cora ce soir.

Regina hocha rapidement et sèchement la tête, puis elle quitta la cuisine pour aller mettre la table.


Emma revint au salon et récupéra Henry des bras de Marco. Elle-même n'arrivait pas à croire qu'il avait tant grandi depuis la première fois qu'elle l'avait porté, presque neuf mois plus tôt. Elle s'assit près de l'âtre et lui posa les pieds par terre, appuyant son dos contre elle et plaçant ses mains sur ses genoux pour qu'il puisse se tenir debout tout seul.

- Bravo, Henry ! lui dit-elle d'une voix encourageante lorsqu'il resta droit quand elle lui lâcha les mains.

Elle sourit en se rendant compte qu'elle lui aurait dit exactement la même chose s'il était tombé. Elle était fière de lui peu importe ce qu'il parvenait ou non à accomplir.

Il agrippa ses doigts et Emma fit glisser son index et son majeur sous ses petites mains pour lui servir d'appui avant de les lever pour le pousser gentiment à avancer.

Henry riait ; gigotait, se balançait joyeusement et battait des bras, tout excité. Emma ne put se retenir de rire aussi, et elle se décala pour lui faire face avant de le reposer sur le sol pour qu'il puisse marcher vers elle, cette fois. Il trébucha et tomba dans ses bras grands ouverts. Elle posa un baiser sur les mèches brunes et soyeuses qui couvraient son front.

- Ton fils sera bientôt capable de marcher, Emma, déclara Marco en leur adressant à tous les deux un sourire fier.

Emma sentit une vague de bonheur la traverser, et elle lui adressa à son tour un grand sourire. Elle était liée à Henry, et Henry à elle, dans tous les sens du terme, désormais. Les papiers d'adoptions avaient été signés deux jours plus tôt - son cœur s'était gonflé d'amour lorsqu'elle avait lu, dans le bureau de l'avocat, le nom « Henry Edward Swan-Mills » écrit sur le document. Elle n'avait pas hésité une seule seconde, avait signé le papier d'un geste sûr, s'engageant à travers cet acte pour la vie, toute la vie, au même titre de sa femme, dont le nom était inscrit sur le même papier. En un coup de stylo, Emma Swan-Mills était devenue maman.

Allongée sur le dos, Emma souriait paisiblement en songeant aux mots de Marco, laissant Henry l'escalader, ramper sur son ventre ou s'appuyer sur elle pour essayer de se lever. Emma lâchait des « oumph » et riait à chaque fois qu'il lui tombait dessus, refermant ses bras sur lui avant de l'aider à réessayer.

Les moments qui précédaient le repas du soir étaient d'ordinaire réservés à ces petits jeux et donnaient à Henry et Emma l'occasion de se retrouver après les longues journées de travail de cette dernière. D'habitude, Regina était assise sur le canapé et riait de leurs bêtises, ou se joignait à eux par terre, près du feu. Ces soirées en famille passées à observer quelques unes des « premières fois » de Henry, avaient été les meilleures dans la vie d'Emma, et elle espérait qu'il y en aurait bien d'autre. Des soirées avec Regina, Henry, et tous les autres petits bouts qui, elle l'espérait, viendraient bientôt grossir les rangs de leur petite famille.

Par habitude, Emma tourna la tête vers le canapé pour adresser un large sourire à Regina et l'encourager à venir les rejoindre. Mais au lieu des yeux pétillants et du beau sourire de sa femme, elle ne rencontra qu'un regard froid et méprisant. Elle se rembrunit immédiatement et déglutit avec peine, se demandant ce que la soirée lui réservait. Cette femme était une vipère qui n'attendait que le bon moment de frapper.

- Allez, Henry. Je pense que le repas est presque prêt, murmura t-elle dans ses cheveux en se levant pour le porter jusqu'à sa chaise haute.


Cora s'approcha de la table sans s'asseoir d'abord, préférant observer Emma pour voir où était sa place. Dès que la blonde posa sa main sur le dos de sa chaise, Cora se précipita sur le siège qui se trouvait en face.

L'ambiance était morose, les plats passaient silencieusement de main en main. Cora semblait dégoûtée d'avoir à partager avec les autres invités ; elle était d'évidence habituée à être servie. Tolérant à peine cette grossièreté, elle gardait les yeux rivés sur la personne qui se trouvait face à elle. Emma savait que Cora la fixait, mais elle gardait les yeux résolument sur son assiette. Elle commençait à comprendre pourquoi Regina se sentait si mal à l'aise en présence de cette femme.

Tout le monde commença à manger. Les couverts s'entrechoquaient parfois, créant de petits cliquetis, et les verres tintaient légèrement. Cora venait à peine de placer sa serviette sur ses genoux lorsqu'elle lança un regard acéré à Emma, doublé d'un sourire malveillant. Elle était prête à commencer à jouer maintenant que son public était au complet.

- Donc, d'après ce que j'ai compris, vous êtes la boniche.

Les mots qu'elle venait de prononcer étaient emprunts de véhémence et de dégoût. Immédiatement, tout le monde s'immobilisa et quatre paires d'yeux se levèrent pour savoir à qui elle s'adressait. Emma n'eut pas besoin de lever les yeux. Elle le savait déjà.

- Je suis un peu femme à tout faire. Fabricante de meubles ; menuisière aussi, répondit calmement Emma, corrigeant subtilement le terme condescendant employé.

- Et les parties de jambe en l'air avec l'employeur, c'est systématiquement inclus dans vos tarifs ?

- Mère ! murmura sèchement Regina, choquée par l'insulte à peine voilée.

Cora tourna ses yeux froids vers elle, et le regard sévère qu'elle lui jeta la fit taire immédiatement. Plaquant un sourire insincère sur ses lèvres, elle répondit d'un ton faussement avenant :

- C'est une grande fille, Regina. Je suis sûre qu'elle peut répondre toute seule à quelques questions…

Cora redirigea son attention vers Emma, et son sourire se changea en un rictus méprisant.

- J'attends, asséna t-elle, informant Emma qu'elle ne lâcherait pas le morceau.

- N-non, madame, répondit Emma, à peine plus haut qu'un murmure.

- C'est curieux… à voir votre allure et vos vêtements, elle n'a pourtant pas dû vous payer grand-chose pour vos… services…

Elle haussa les sourcils et termina d'un ton traînant :

- On dirait que vous les…proposez… pour presque rien…

Après une brève pause, Cora ajouta, comme si elle venait d'y penser :

- Et d'ailleurs, qui est votre tailleur, très cher ?

Emma savait très bien à quoi jouait Cora. Chacune de ses remarques était un nouveau coup visant à l'humilier ou à la mettre dans l'embarras ; et si Cora avait attendu de passer à table pour commencer, c'était uniquement pour s'assurer qu'un public impuissant profiterait du spectacle. Emma serrait ses couverts dans ses mains, n'osant pas lever les yeux. Elle ne supporterait pas de voir la gêne, la honte et la mortification sur le visage de Regina lorsqu'elle entendrait ses réponses aux questions ou aux remarques de Cora ; mais quoi qu'il se passe, elle ne mentirait pas. Elle espérait simplement le petit manège de Cora ne durerait pas trop longtemps.

- J'achète mes habits à l'Armée du Salut. Ils me donnaient des vêtements gratuits, quand j'étais petite.

- Quelle générosité…, murmura Cora en roulant des yeux, qui n'avait cure de ces informations complémentaires.

Après une courte pause, Cora reprit, prétendant se souvenir soudain de quelque chose :

- Ah, mais c'est vrai ; Regina m'a dit que vous étiez mendiante.

- J'étais orpheline, pas mendiante. Et j'ai une maison, maintenant, et un père qui m'aime.

Regina sentit son cœur se briser pour Emma, qui fixait son assiette, immobile. Elle connaissait ce jeu, elle aussi. Elle en avait été témoin à de nombreuses reprises et se sentait toujours aussi impuissante à l'arrêter. Sa mère ne prêterait pas attention à ses protestations et poursuivrait sur sa lancée, obligeant sa victime à répondre à chacune de ses questions, intégrant chaque réponse afin de pouvoir l'humilier davantage. Elle finirait par s'arrêter ; c'était toujours le cas. Soit elle se lassait, soit elle parvenait à briser complètement la personne à laquelle elle s'attaquait – dans la plupart des cas, c'était la deuxième option. C'était aussi l'issue la plus satisfaisante Cora, car en détruisant son adversaire, elle annihilait généralement toute relation entretenue avec Regina par la même occasion.

- Mmh, j'imagine que la maison de ma fille vous change pas mal du trou à rats dans lequel vous habitiez auparavant.

- C'est aussi ma maison, la reprit Emma.

- Ne me corrigez pas, très chère, je n'ai fait aucune erreur. C'est la maison de Regina, pas la vôtre. Vous avez simplement été assez maligne pour utiliser votre semblant de relation avec ma fille et son bâtard afin de venir vous installer ici.

La voix de Cora s'était échauffée, mais elle se calma pour poursuivre :

- Peu importe. Je suis sûre qu'elle rectifiera bientôt cette erreur ; cette conversation va lui faire prendre conscience que vous n'avez rien à lui offrir. Vous n'êtes qu'un parasite qui en a après elle et son argent…

- Q-qu'est-ce que vous avez dit ? demanda Emma, surprise, sans lever les yeux.

- J'ai dit que vous étiez un parasite… un monstre, si vous préférez, déclara Cora en souriant d'un air narquois.

Emma secoua la tête et lâcha un rire incrédule.

- Ça doit être facile, dit-elle à voix basse.

- C'est à moi que vous vous adressez, très chère ? Si oui, je vous prierais de parler un peu plus fort, pour que tout le monde profite des choses brillantes et intelligentes que vous avez à me dire, l'encouragea Cora d'un ton hautain.

- Ça doit être facile, répéta Emma en haussant légèrement le ton et en posant ses couverts à côté de son assiette. Ça doit être facile d'être assise là, comme une entité divine, et de porter des jugements sur les autres ; de prononcer des mots que vous n'êtes même pas capable de comprendre.

- Comment osez-vous… commença Cora.

- Non, la coupa Emma d'une voix plus forte en levant enfin les yeux pour croiser le regard de Cora, comment osez-VOUS ? Comment osez-vous vous inviter dans cette maison et m'insulter de toutes ces choses alors que vous n'avez pas, ou plutôt n'avez pas VOULU reconnaître les parasites, les prédateurs et les monstres qui ont pourri la vie de votre propre fille ? Vous étiez censée l'aimer et la protéger ; vous l'avez laissée seule, complètement seule, pour se défendre face à des putains de salopards…

Le sourire de Cora disparut immédiatement et elle plissa les yeux, furieuse de l'impertinence dont faisait preuve Emma. Personne ne lui avait jamais parlé de cette façon. Sous les yeux de toute la table, Emma se leva et abattit ses mains sur la table et se pencha vers Cora, la dominant de toute sa hauteur. Elle tremblait de rage et de peur, mais sa voix était claire et posée.

- Vous vous êtes persuadées que les monstres dont vous parlait votre fille étaient des créations de son imagination, des bruits dans la nuit. Mais je vous assure que les monstres sont bien réels, et qu'ils ne se cachent pas sous les lits des enfants. Ils n'ont pas besoin de se cacher ; ils s'insinuent dans vos draps, glissent leurs mains sous vos vêtements, vous souillent d'une manière que vous ne pourriez jamais imaginer, pas même dans vos pires cauchemars. Et quand ils ne sont pas dans les lits… ils rôdent au fond des placards. Quand vous vous cachez dans le noir, recroquevillé, les yeux fermés, que vous essayez de retrouver une paix intérieure, ils vous rappellent que vous n'avez nulle part où vous terrer, qu'ils vous trouveront toujours et… et ils vous trouvent toujours, croyez-moi. Ces « bruits dans la nuit » ? Ils sont produits par un lit qui grince et qui cogne contre le mur, encore et encore et encore, sans que vous ne puissiez rien faire d'autre que prier pour que ça se termine vite, pour qu'on vous foute enfin la paix. Ils sont produits par votre propre corps, votre propre tête, qui cognent contre le mur ; par vos os qui se brisent, ou un poing qui cogne là où le bleu ne se verra pas le lendemain…

Emma déglutit péniblement. Elle avait l'intention de terminer ce qu'elle avait commencé. Désormais, peu lui importait qui écoutait. Il fallait qu'elle le dise. Son silence n'avait jamais servi qu'aux monstres, toute sa vie, et elle avait porté ce fardeau seule pendant trop longtemps.

- Les vrais monstres, ce sont ceux qui, même morts, continuent de vous hanter la nuit parce qu'ils vous ont si complètement brisé que, quoi que vous fassiez, vous ne serez plus jamais la même personne. Ce sont à eux que vous pensez lorsque vous entendez une porte qui claque ou des mains qui applaudissent. A cause d'eux, vous frissonnez de dégoût lorsque quelqu'un vous touche, et ils arrivent à vous faire croire que vous ne méritez même pas d'être aimé. Ils vous terrifient au point que, des années plus tard, vous êtes encore capable de sortir d'une pièce fermée à clé grattant les parois des murs à mains nues. Ils vous font croire que tout est de votre faute, que vous ne l'avez pas volé ; qu'au fond, oui, vous en aviez envie, que vous êtes suffisamment tordu l'avoir cherché. Ils vous font vous sentir coupable et horriblement sale, honteux et bon à jeter, longtemps après avoir disparu de votre vie. Je vous assure que les monstres dont vous parlez sont réels… mais vous êtes visiblement incapable de les reconnaître même quand ils se trouvent dans la même pièce que vous, alors laissez-vous vous donner un coup de main. Le professeur de piano qui a abusé de votre fille quand elle avait 17 ans. La femme qui l'a quasiment battue à mort. Mon père d'accueil, qui ne pouvait pas s'empêcher de laisser ses mains vagabonder sur le corps d'une fille de douze ans. Et vous ; sa mère, qui avez fait semblant de ne rien voir même après qu'elle vous ait dit ce qu'elle subissait, même après qu'elle vous ait supplié de l'aider. Vous vous cachez derrière des mots comme « confusion » et « malentendu » parce que ça vous permet de continuer à dormir sur vos deux oreilles et de vous dire que vous avez fait tout ce qu'il fallait. J'espère vraiment que vous dormez sur vos deux oreilles, Cora, parce qu'au fond, c'est tout ce qui compte, pas vrai ?

Emma leva les yeux vers le plafond, puisant en elle la force de continuer. Lorsqu'elle reprit, sa voix était moins ferme, presque exaspérée.

- Madame Mills, vous pensez que je ne sais pas que je ne suis personne, que je ne représente rien ? Vous pensez que je ne sais pas que les gens se marrent derrière mon dos ? Vous pensez que je ne sais pas que je ne serai jamais capable d'offrir à votre fille la vie qu'elle mérite ? Que je ne me demande pas chaque jour si je suis à la hauteur ou si je ne devrais pas m'écarter, laisser quelqu'un d'autre prendre ma place ?

- Emma, arrête. S'il-te-plaît, arrête…, la supplia Regina en un murmure depuis le bout de la table, les yeux brillants de larmes.

Mais Emma n'arrêta pas. Elle voulait être sûre que Cora entende ce qu'elle avait à lui dire.

- Vous pensez que je ne sais pas ce que je suis ? Je sais très bien que je suis pauvre et ignorante, et que la plupart des gens ne me verront jamais que comme une « boniche ». Je sais que je ne manquerai à personne si je m'en allais. J'entends les remarques désobligeantes qu'on m'adresse, je vois la manière dont on me regarde. Parfois, je suis obligée de me rendre dans des associations caritatives, parce que je n'ai pas de choix. Mais jamais je ne ferai de mal à Regina ou Henry. Ils n'auront JAMAIS aucune raison de me craindre. Alors ne me faîtes pas croire que je suis la personne à laquelle vous pensez quand vous parlez de « prédateur » et de « monstres » ; pas à moi.

Cora se leva pour rivaliser en taille avec Emma avant de se tourner vers sa fille.

- Regina, c'est la première fois…, commença Cora, estomaquée de la manière dont Emma venait de lui parler.

Elle se tourna vers Regina, mais Emma, qui ne la lâchait pas des yeux, l'interrompit :

- Oui, madame, je suis sûre que c'est « la première fois », parce que tout le monde est tellement occupé à marcher sur des œufs pour rester dans vos bonnes grâces qu'ils n'oseraient jamais…

- Comment osez-vous me parler sur ce ton ? Je suis la mère de Regina, vous feriez bien de vous en souvenir !

- Et moi sa femme, et la mère d'Henry. C'est NOTRE maison, et VOUS feriez bien de vous en souvenir.

Emma était étrangement calme lorsqu'elle quitta la table. Elle ne croisa le regard de personne, même si tout le monde la suivait des yeux. Elle se dirigea vers la porte d'entrée, attrapa son manteau et ses bottes avant d'aller brièvement s'asseoir sur le canapé pour les enfiler. Puis elle traversa de nouveau la salle à manger. Regina leva une main hésitante, comme pour la retenir, lui dire quelque chose, n'importe quoi pour arranger la situation ; mais elle baissa finalement la main et la laissa passer. Sous les yeux éberlués des invités, Emma sortit par la porte de derrière et disparut dans la tempête de neige qui faisait rage à l'extérieur.


- Bien, j'espère que cette petite discussion t'a permis de prendre conscience de tes erreurs, Regina, déclara Cora, furibonde.

Elle se tournait vers sa fille maintenant que sa proie initiale avait pris la fuite.

- FERME-LA et ASSIED-TOI, maman ! répondit Regina d'un ton maîtrisé mais sans appel.

- Ne me parles pas comme…, protesta Cora, mais Regina l'interrompit en levant une main.

La brune leva deux yeux mouillés et plein de colère de son assiette et siffla entre ses dents :

- Je te parle comme je veux. Ta place à cette table et dans cette maison ne tient qu'à un fil – la tempête est la seule chose qui m'empêche de te jeter dehors. Je te déteste, je te hais pour ce que tu viens de faire, mais je ne te ferai pas risquer un accident en t'obligeant à conduire sur des routes enneigées. Demain par contre : demain, à la première heure, tu prends tes affaires et tu quittes cette maison. Je ne veux plus te revoir ici, jamais.

La voix de Regina tremblait, et ses yeux s'embuèrent de nouveau.

- Je te relève des potentielles obligations dont tu te sentirais investie envers moi, mon bâtard de fils, ou le deuxième bâtard que je porte dans mon ventre en ce moment même.

Regina posa une main protectrice à la base de son estomac.

- Emma, Henry et ce bébé représentent tout pour moi.

Elle balaya la table du regard, énumérant ses occupants :

- Marco, Kathryn et Fredrick font également parti de ma famille. Ce n'est plus ton cas. Alors, quand tu finiras seule et malheureuse, abandonnée par les amis influents auxquels tu t'accroches si désespérément, quand il ne te restera que ton argent chéri ; ne songe même pas à te tourner vers moi. Je ne serai pas la source de réconfort que tu as refusé d'être pour moi toute ma vie.

Regina attrapa ses couverts et prit quelques bouchées de son plat pour signaler que la conversation était terminée. Elle n'avait pas faim, mais elle n'avait plus rien à dire et elle avait besoin de quelques minutes pour décider de ce qu'elle allait faire. Elle savait qu'Emma aurait besoin de temps avant de pouvoir faire face aux témoins de la conversation explosive qu'elle avait eu avec Cora. Elle avait admis des choses devant Marco, Kathryn et Fredrick auxquelles elle avait seulement fait allusion avec Regina, la nuit, dans la sécurité de leur lit. Les horreurs qui avaient traversé l'esprit de la brune en l'écoutant s'avéraient donc vrais. Et étant donné la tête des invités, le reste de la famille ne savait que très peu de choses, voire quasiment rien, sur le terrible passé d'Emma. Elle ne pouvait pourtant pas se lever et laisser tout le monde en plan alors que sa mère était toujours à table. Kathryn, louée soit-elle, régla rapidement ce dernier problème.

Comme si elle avait comprit la position délicate dans laquelle se trouvait son amie, elle attrapa le plat de pommes de terres qui se trouvait devant elle et l'offrit à Cora, un sourire narquois sur les lèvres.

- Je vous sers un peu de patates pour faire passer tout ça ? Remarque, il ne faudrait pas vous rendre malade ; vous avez déjà l'air sur le point d'exploser…

Elle prit une ÉNORME gorgée de vin et ajouta :

- Si seulement…

Cora siffla de colère, se leva en jetant sa serviette dans son assiette et partit en trombe en direction de la chambre que sa fille lui avait assignée plus tôt dans la soirée. Quelques secondes plus tard, tout le monde sursauta en entendant sa porte claquer.


Emma attrapa la clé de la dépendance dans sa poche arrière. Ses doigts gantés peinèrent un peu à trouver la serrure avant d'ouvrir la porte. Elle la claqua derrière elle et s'effondra contre le battant, se cognant volontairement la tête contre le bois à plusieurs reprises avant d'éclater en larmes et de sentir les sanglots lui déchirer la gorge. Elle avait, en une soirée, reçu plus d'insultes que la plupart des gens dans toute une vie ; une femme qu'elle connaissait à peine lui avait manqué de respect, l'avait humiliée devant ses amis et sa famille. En quelques instants, elle avait révélé plus d'épisodes de son passé qu'elle ne l'avait jamais voulu ; des histoires que personne n'avait besoin de connaître ; des moments de vie qu'Emma aurait souhaité garder secrets, dont elle avait honte ; des souvenirs que personne ne devrait jamais avoir à entendre.

Elle doutait pouvoir un jour les regarder à nouveau dans les yeux. Du coin de l'œil, elle avait vu la tête que faisait Marco alors qu'elle s'adressait à Cora. Il avait sur la figure une expression de choc mêlé de dégoût, et c'est à peine s'il avait osé respirer. Il était devenu tout pâle, puis verdâtre. Il avait toujours suspecté quelque chose. Tant de fois, alors qu'elle était petite, il lui avait demandé de lui faire confiance, l'avait suppliée de lui dire ce qui se passait dans cette foutue maison afin de pouvoir lui venir en aide. Elle avait refusé de parler. Et maintenant, il savait. Ils savaient tous, et il ne faisait aucun doute qu'ils la voyaient désormais comme une ratée de première.

Emma enleva sa veste comme si le tissu la brûlait. Elle la jeta sur le sol. Elle se défit ensuite de son pull, et de fins copeaux de bois se détachèrent du tissu se collèrent sur ses joues mouillées lorsqu'elle le passa par-dessus sa tête. Quelques mèches de cheveux blonds s'étaient prit dans la fermeture éclair à l'arrière, dans le cou ; ils s'arrachèrent lorsqu'elle tira d'un coup sec. Elle avait l'impression d'étouffer, respirait fort et irrégulièrement à cause du sentiment de rage, de frustration, d'humiliation et d'insécurité qu'elle ressentait. Cœur et âme ; elle avait mal partout.

Ses mains tremblaient beaucoup, et elle eut du mal à défaire les boutons de sa chemise ; au bout d'un moment, elle tira simplement les deux bords, et les boutons volèrent. Elle retira à l'aveuglette ses bottes et ses chaussettes, ainsi que son jean sale, et les laissa tomber sur sa veste. Elle resta un instant immobile, en boxer et en débardeur, près de la porte, sans savoir quoi faire. Et elle croisa son regard dans le miroir qui se situait au fond de la pièce.

Traversant la pièce en quelques enjambées et sans hésitation, Emma écrasa son poing contre son reflet, fendant nettement la surface du miroir. Elle y abattit les poings plusieurs fois de suite, laissant des traces de sang sur le verre et éclaboussant occasionnellement ses habits, sa peau et le parquet. Ses phalanges étaient égratignées, coupées, pelées par endroits. Non contente des dégâts qu'elle avait déjà causées, elle attrapa l'objet à deux mains, le dégagea de son support et le balança à travers la pièce dans un hurlement guttural. Il se brisa en mille morceaux par terre, juste à côté du piano en bois de noyer qu'elle était en train de retaper pour Regina. Se focalisant sur le piano, Emma alla chercher une masse parmi ses outils entassés dans un coin de la pièce. Elle agrippa fermement le manche et leva le bras, prête à frapper le banc de l'instrument. Alors qu'elle allait porter le premier coup, elle fit dévier la trajectoire de l'outil. Elle ne pouvait pas. Elle ne pouvait pas détruire son travail. Elle ne pouvait pas abîmer le cadeau qu'elle préparait pour Regina. Le premier instrument de musique qui avait ramené un sentiment de paix dans sa vie, pendant des années. Elle reporta sa colère sur le miroir, qui gisait maintenant au sol.

- FAIT CHIER ! FAIT CHIER ! FAIT CHIER ! FAIT CHIER ! hurlait-elle à chaque coup ; contre elle-même, contre Cora, contre tout le monde, contre personne.

Elle cogna le miroir jusqu'à ce qu'il fut réduit en poussière, jusqu'à ce qu'elle n'eut plus la force de bouger.

L'outil tomba à ses pieds dans un bruit sourd, puis elle tomba elle-même à genoux. Plaquant ses mains contre ses oreilles, elle se balança légèrement d'avant en arrière avant de se plier en deux, le front contre le sol. Elle avait besoin de silence, tout de suite. Elle avait besoin d'être seule. Elle ne voulait pas que sa femme la voit dans cet état. Regina avait déjà été témoin de la manière dont le passé d'Emma pouvait parfois revenir la tourmenter. Il ne manquerait plus qu'elle se rende compte que qu'Emma n'avait pas besoin qu'il fasse nuit pour être en prise avec ses cauchemars.


Emma se redressa dans le lit, trempée de sueur, les yeux écarquillés, le cœur battant à toute allure. Elle eut besoin de quelques secondes pour se souvenir d'où elle était. Dans son lit. Regina dormait à côté d'elle. Emma se dégagea des couvertures et posa les pieds par terre, appuyant ses coudes sur ses genoux, se berçant pour se calmer tout en faisant tourner son alliance autour de son doigt.

Ce connard. Il ne pouvait pas lui foutre la paix ; même après toutes ces années. Elle avait enfin trouvé le bonheur, et voilà qu'il revenait, voilà qu'il essayait de la reprendre, de la briser.

Elle tendit le bras pour attraper un oreiller ; elle passerait le reste de la nuit sur le canapé au cas où les cauchemars reviendraient. Elle ne voulait pas déranger Regina. Elle avait l'air tellement apaisée lorsqu'elle dormait. Quand le jour commencerait à se lever, elle reviendrait au lit. Ce serait sans danger, à ce moment là, parce que, comme lorsqu'elle était enfant, les choses effrayantes n'arrivaient que lorsqu'il faisait nuit. Regina ne s'était jamais réveillée lorsqu'elle avait quitté le lit ou lorsqu'elle était revenue, les fois précédentes. Il valait mieux qu'elle ne sache pas qu'Emma s'absentait. Emma ne voulait pas avoir à expliquer. Parfois, ses forces lui faisaient défaut. Comme Regina, elle avait ses faiblesses et ses flashbacks ; ces saloperies de démons qui venaient la hanter la nuit.

Alors qu'elle s'apprêtait à se lever, une main se posa sur son dos en sueur.

- Reste, s'il-te-plait, murmura Regina. Ne pars plus. Reste.

Emma déglutit péniblement. Plus que jamais, elle avait envie de fuir.

- S'il-te-plait, murmura de nouveau Regina.

Emma se glissa de nouveau sous les couvertures et s'allongea sur le côté, dos à Regina. Elle ne pouvait pas lui faire face.

Regina se colla contre elle, épousant de son corps chacune de ses courbes. Elle passa son bras autour de la taille d'Emma et embrassa doucement son épaule avant de poser sa tête sur son oreiller.

- Tu es en sécurité, maintenant…, chuchota Regina.

Elles dormirent toutes les deux d'un sommeil sans rêve.


Emma était assise par terre. Le dos appuyé contre le pied du lit. Les bras tendus et posés sur ses genoux recourbés. Elle essuya ses joues mouillées contre ses biceps et sentit le sang séché sur ses bras et son visage. Elle en vit aussi les traces sur ses vêtements. Confuse, elle retira un gros morceau de verre d'une de ses phalanges et la jeta au loin. Il y en avait sans doute davantage mais elle était trop fatiguée pour s'en occuper ; elle voulait juste dormir, que cette nuit se termine et qu'on soit le lendemain matin.

Au bout d'un moment, il faudrait qu'Emma retourne là-bas, qu'elle fasse face à tout le monde, mais pas tout de suite. Pas tout de suite.


Regina regardait par la fenêtre. Elle entendait Kathryn et Fredrick discuter à voix basse sur le canapé, devant la cheminée. Leur camionnette pouvait rouler sans danger par ce temps, mais ils avaient demandé à rester la nuit. Elle ne savait pas si leur requête avait été motivée par un sentiment de sympathie et de solidarité, ou par crainte de ce qui arriverait à Regina s'ils partaient (et qu'elle restait seule avec sa mère).

La brune soupira et resserra le pull épais d'Emma autour d'elle. L'odeur familière de sa femme, imprégnée dans les fibres du coton, la réconfortait ; mais ce n'était pas la même chose que de l'avoir à ses côtés. Elle eut l'impression qu'Emma était très loin, dans tous les sens possibles du terme. A travers la neige qui tombait drue, elle apercevait à peine la lumière qui provenait de la dépendance. Elle savait qu'Emma se serait réfugiée là-bas. Pendant des mois, elle avait considéré cet espace comme sa « maison », il était normal qu'elle s'y sente en sécurité. Au moins, elle ne s'était pas enfuie ailleurs. Regina se serait fait un sang d'encre si elle était partie en voiture dans l'état où elle était. Cela faisait presque une heure qu'elle avait quitté la maison, et Regina se demandait toujours s'il fallait qu'elle aille la chercher ou si elle devait plutôt attendre qu'Emma rentre quand elle serait prête, lorsqu'elle entendit des bruits de pas qui piétinaient, derrière elle. Elle tourna légèrement la tête et croisa le regard de Marco, qui se tenait timidement derrière elle. Il avait été tellement silencieux ces dernières heures qu'elle avait presque oublié qu'il était là.

Regina se tourna pour lui faire face et constata qu'il avait l'air dévasté et complètement perdu. Il piétina de nouveau sur place et se tritura les mains, comme s'il essayait de trouver quelque chose à dire ou comment le formuler.

- Miss Regina, je vous jure que je ne savais pas. Elle ne me disait jamais rien, commença t-il en secouant la tête et en se passant une main fatiguée sur le front.

Ses yeux la suppliaient de comprendre.

- Je voulais tellement l'aider, mais elle ne me laissait pas…

- Oh, Marco, soupira Regina, les yeux pleins de larmes en l'attirant dans ses bras. Comment auriez-vous pu deviner ce qu'elle refusait d'admettre ? Vous n'avez rien à vous reprocher.

Elle le sentit sangloter dans son épaule et resserra son étreinte. Il était un dommage collatéral du passé d'Emma. Se dégageant doucement, Marco plongea ses yeux dans ceux de Regina.

- Elle doit me détester, Miss Regina. J'aurais dû agir, dit-il en secouant de nouveau la tête.

Il baissa les yeux et prit une expression pensive, comme s'il réfléchissait à ce qu'il aurait pu faire avec le peu d'informations dont il avait disposé à l'époque.

- Marco, vous l'avez accueillie alors que personne ne se souciait d'elle. Vous l'avez sauvée, dans la mesure de vos moyens, de l'enfer dans lequel elle vivait. Vous lui avez donné une chance.

Regina le regardait avec adoration.

- Elle vous aime tellement. Vous n'imaginez pas tout le bien qu'elle dit de vous. Elle est si fière de savoir que vous la considérez comme votre fille et que vous soyez le grand-père d'Henry. Et elle est très heureuse de pouvoir dire que vous êtes son père. Moi aussi, d'ailleurs…, termina t-elle en lui souriant.

Elle prit ses joues dans ses mains et lui posa un baiser sur le front.

- Je vous aime beaucoup, moi aussi, Miss Regina. Et Monsieur Henry. Et mon nouveau petit-fils ou ma nouvelle petite-fille, répondit Marco avec un sourire triste, posant sa main sur le ventre la jeune maman, qui camoufla timidement son rire haletant derrière sa main.

Sa réaction pouvait paraître inappropriée vue la situation, mais Regina avait eu tellement hâte d'annoncer la nouvelle à Emma quelques heures plus tôt…

- Vous devriez la rejoindre, Miss Regina. Elle a besoin de vous…

Regina soupira et hocha la tête. Elle ne savait pas à quel moment de cette foutue soirée elle était devenue, momentanément, la personne la plus forte de son couple, mais elle avait attendu suffisamment longtemps ; il fallait qu'elle prenne soin d'Emma. Elle enfila ses bottes et un manteau épais, ouvrit la porte de derrière et prit la direction de la dépendance, faisant fi de la neige qui recouvrit presque immédiatement ses traces de pas.


Regina tourna la poignée ; la porte n'était pas fermée à clé. Elle entra et laissa ses yeux s'habituer à l'obscurité avant de balayer la pièce du regard. Les habits d'Emma gisaient au sol, et les boutons de son chemisier étaient éparpillés un peu partout. Un miroir avait exposé par terre, à côté du piano que sa femme lui avait offert pour Noël. Une énorme masse était posée à côté ; une tache sombre en noircissait le manche. Emma n'avait pas l'air d'avoir entendu la porte s'ouvrir. Elle était assise par terre, près de son lit, uniquement vêtue d'un boxer et d'un débardeur. Ses jambes étaient repliées devant elle, et ses bras entouraient fermement ses genoux. Sa tête était appuyée dessus. Regina s'approcha doucement et s'agenouilla devant elle.

- Oh non Emma, qu'est-ce que tu as fait ? murmura-t-elle, horrifiée, en découvrant ses mains maculées de sang séchées.

Le sang avait coulé le long des doigts, sur les paumes, puis sur les bras et les jambes. Des micro-bouts de verre, enfoncés dans la peau des phalanges, luisaient à la lumière de l'ampoule qui éclairait faiblement la pièce. Le sol était par endroits poisseux d'hémoglobine. La peau et les cheveux d'Emma étaient tachés de rouge. Regina n'eut pas à réfléchir bien longtemps pour comprendre. Comme elle, Emma ne supportait pas toujours de croiser son reflet. La seule différence entre elles, c'est qu'Emma s'était laissée aller à faire ce que Regina avait seulement imaginé de nombreuses fois.

Nous nous ressemblons plus que tu ne le croies, Emma. Nous portons simplement nos blessures en des endroits différents.

Tendant une main tremblante, Regina dégagea une mèche de cheveux qui cachait le visage et une partie du bras d'Emma. La blonde était profondément endormie.

- Emma…, chuchota t-elle.

Emma s'éveilla en sursaut. Elle scruta Regina d'un air observateur, clignant lentement des yeux, se demandant combien de temps elle avait dormi et ce que la brune faisait là. Elle était exténuée et n'avait pas du tout envie de parler.

- Qu'est-ce que tu veux ? soupira t-elle, triste et agacé.

- Je veux que je suis ta femme et que je t'aime. Je voulais être sûre que ça allait, répondit Regina en s'asseyant à côté d'Emma, au pied du lit.

Elle passa un bras autour des épaules de la blonde et posa sa tête contre son épaule.

Emma recroisa les bras sur ses genoux et posa sa tête dessus. Regina vit qu'elle avait pleuré. Ses yeux étaient gonflés et rougis.

- Comment peux-tu encore m'aimer, Regina ? dit-elle d'un ton éteint.

- Parce que tu me donnes envie d'être quelqu'un de meilleur, tous les jours, murmura la brune avant de déposer un baiser sur l'épaule découverte de sa femme.

- Je ne suis rien, soupira Emma.

- Tu es tout, pour moi et Henry.

- Je suis cinglée.

- Tu es unique et merveilleuse.

- Je suis pauvre.

- La richesse ne se mesure pas toujours en dollars. Tu as des dons que la plupart des gens rêveraient de posséder.

- J'ai l'impression d'être un clown.

- Seulement quand tu décides de faire le pitre pour me faire rire.

Emma ne gagnerait à ce jeu de dépréciation. Regina ne la laisserait pas faire. Elle avait tellement de belles choses à dire à son sujet q'elle pourrait lui renvoyer la balle toute la nuit.

- Je suis détruite.

- Tu es une survivante… comme moi…

- Je suis une moins-que-rien.

- Tu es une épouse et une mère de famille, une meilleure amie, une sœur et une fille. Et malgré ce que tu sembles imaginer, tu manquerais terriblement aux quatre personnes qui t'attendent à la maison et aux deux qui sont avec toi dans cette pièce si tu venais à disparaître.

Regina observa Emma, guettant anxieusement un signe dénotant qu'elle avait compris la nouvelle qu'elle venait subtilement de lui révéler. Mais Emma ne lui renvoya qu'un regard morne et songeur, comme si elle essayait d'assimiler ce qu'on lui disait depuis plusieurs minutes. Elle avait vraiment l'air exténuée. Elles en reparleraient plus tard, lorsque le souvenir de cette soirée ne serait plus aussi pesant.

- On va te débarbouiller un peu, d'accord ? proposa Regina.

Emma hocha à peine la tête pour acquiescer, et Regina se leva et l'aida à se lever à son tour avant de la mener dans la salle de bain. Elle tapota l'abattant fermé des toilettes pour inciter la blonde à s'asseoir, puis dénicha la trousse de premier secours dans le placard avant de s'asseoir à son tour sur un tabouret, en face d'Emma. Tirant ses lunettes de la poche de son pull, elle commença à extraire les bouts de verre des mains usées et inertes de sa femme à l'aide d'une pince, nettoyant au passage les taches de sang qui maculaient sa peau avec un gant trempé dans de l'eau tiède.


Regina finit d'enrouler une bande de gaze autour des mains blessées dont elle s'occupait, faisant passer le tissu fin entre ses doigts et sur ses paume jusqu'à ce qu'elle ressemble à une boxeuse qu'on s'apprête à envoyer sur le ring. Malheureusement, certains combats duraient bien trop longtemps.

- Regina, murmura Emma. Tu penses qu'un jour, on ira bien ?

Regina tint l'une de ses mains entre les siennes et passa plusieurs fois ses pouces sur la bande de gaze avant de lever les yeux vers le regard émeraude de sa femme. Elle prit une grande inspiration. Emma méritait la vérité, aussi douloureuse puisse-t-elle être, et Regina avait besoin de s'entendre dire ces mots, elle aussi.

- Je ne sais même pas ce que « bien » ou « normal » veulent dire, Emma. Si tu me demandes si les souvenirs de ce qui s'est passé disparaîtront un jour ; alors non, je ne pense pas. Mais je crois qu'avec le temps, ils s'estomperont et seront éclipsés par des souvenirs plus heureux, plus puissants ; des souvenirs que nous créeront avec les gens que nous aimons. Est-ce que je pense que les cauchemars cesseront un jour ? Non. Mais je pense qu'ils s'espaceront, et qu'ils seront en partie remplacés par de beaux rêves, des rêves de notre avenir à toutes les deux. Est-ce qu'un jour, je serai capable de ne pas sursauter en entendant une porte claquer ? Est-ce que tu seras capable de te sentir en sécurité dans une pièce fermée, voire fermée à clé ? Je ne sais pas. Peut-être pas… Probablement pas. Mais je pense qu'on aura aussi beaucoup de journées qui se passeront très bien, et qu'on devrait les chérir, chacune d'entre elles. Je pense qu'on aura des jours, comme aujourd'hui, où chaque minute nous semblera relever du défi ; où on se reposera l'une sur l'autre juste en espérant que le temps passe le plus vite possible, pour pouvoir passer à autre chose. Avec le temps, on se trouvera une définition d'« aller bien » ou d'une journée « normale ». Une qui fonctionne pour nous.

S'interrompant, Regina sourit à Emma avant de repousser ses cheveux derrière ses oreilles.

- En tout cas, je sais qu'il n'y a qu'une personne au monde avant qui je souhaite trouver cette définition, et c'est toi.

Emma hocha la tête pour montrer qu'elle comprenait et qu'elle était d'accord. Elle était liée à Regina pour toujours, par leurs passé, par les liens de leur mariage, par la famille, par l'amour qu'elles se portaient, par la compréhension dont elles faisaient preuve l'une envers l'autre, et par toutes sortes de choses que les mots étaient incapables de décrire.

- Moi aussi.

- Je propose que tu te rhabilles et qu'on retourne à la maison avant de se faire enneiger ici sans rien à manger. Tu ne tiendrais pas deux heures sans grignoter quelque chose, la taquina t-elle.

Emma rit malgré elle et lui renvoya un sourire désabusé.

- Ah, voilà une tête que j'aime voir, dit Regina en l'observant d'un air malicieux.

- Je t'aime, Regina. Tu arrives toujours à me faire sourire.

- Te amo mucho también, mi amor, con todo mi corazón y mi alma. Tu sonrisa es como el sol.

- J'adore quand tu parles espagnol…

- Je ne sais pas pourquoi… En plus, je viens de dire que tu étais une catastrophe ambulante, répliqua Regina avec un sourire farceur en lui faisant un clin d'œil.

- Je ne crois pas.

- Si, c'est exactement ce que j'ai dit, insista Regina en gardant son sourire.

Emma fit un pas en avant et se colla si près d'elle que leurs lèvres se touchaient presque.

- Et tu es sûre de vouloir t'acoquiner avec la catastrophe ambulante que je suis ? murmura-t-elle en plongeant ses yeux dans ceux dans la brune.

- Absolument certaine, lui répondit immédiatement Regina.

Emma éclata d'un rire soulagé et heureux, laissant sa femme enrouler ses bras autour de son cou avant de la soulever sur sol.

Chaque mot qui suivit fut ponctué de longs baisers.


Emma et Regina se tenaient devant la porte et s'apprêtaient à braver une fois de plus le froid et la neige pour retourner à la maison.

- Qu'est-ce qu'on fait, pour ta mère ? demanda Emma après un temps d'hésitation.

- Ah, oui… Ma mère. Je ne pense pas qu'elle remettra le nez hors de sa chambre avant demain matin. Pour reprendre l'expression de Kathryn, je l'ai servie façon Swan-Mills, répondit Regina avec un sourire satisfait ; ce à quoi Emma répondit par un sourcil haussé et un hochement de tête impressionné.

Retrouvant son sérieux, Emma demanda courageusement :

- Qu'est-ce que je vais dire à Marco, à Kathryn et à Fredrick ?

- Tu seras peut-être surprise, Emma. Les gens qui nous aiment n'attendent pas systématiquement une explication. Ils nous acceptent pour qui nous sommes et nous aident à porter les fardeaux qui nous pèsent. Tu peux leur faire confiance.

Regina se tourna vers Emma pour ajouter, une lueur malicieuse dans les yeux :

- Et puis, j'ai tellement de dossiers sur Kathryn qu'elle n'a pas intérêt à moufter…


- Et ben c'est pas trop tôt ! s'exclama Kathryn d'une voix troublée lorsqu'Emma et Regina entrèrent dans la maison, s'ébrouant toutes les deux pour faire tomber la neige de leurs manteau et de leurs bottes. Marco triche aux cartes, depuis tout à l'heure…

- C'est faux, se récria Marco, que l'accusation prit par surprise.

- C'est vrai, répliqua Kathryn avec un accent faussement italien avant de lui tirer la langue d'un air farceur. Enfin bref, on a besoin de quelqu'un pour le surveiller, alors prenez une chaise et on recommence une partie…

Emma se dirigea vers le parc pour bébé et prit Henry dans ses bras avant de rejoindre les autres à table. Pendant ce temps, tous les invités interrogèrent Regina du regard - cette dernière secoua la tête pour leur dire qu'Emma n'avait pas encore appris la seule bonne nouvelle de cette soirée. Elle écarquilla les yeux et mit un doigt devant ses lèvres pour leur demander de se taire. C'était à elle de l'annoncer.

S'installant entre Marco et Regina, Emma assit Henry sur ses genoux avant de placer ses deux mains bandées à plat sur la table. Elle observa Marco d'un air attentif et incertain. Plaçant une main sur la sienne, il l'attrapa sans serrer avant de se lever légèrement de sa chaise pour déposer un baiser sur sa tempe.

- Je t'aime, ma fille, murmura-t-il avant de se rasseoir sans jamais lâcher sa main.

- Il a une carte dans sa manche, fit remarquer Kathryn d'un ton insistant en jetant à Marco un regard qui semblait dire « je vous ai eu ! »

- RAH ! grogna Marco en abattant sur la table l'as de cœur qu'il avait caché dans son pull.


Un silence inhabituel se fit dans la maison après que Kathryn, Fredrick se furent retirés dans leurs chambres pour la nuit. Le feu brûlait encore dans la cheminée, diffusant une lumière chaleureuse dans la pièce autrement sombre. Assise sur le sol, Emma était enroulée dans un plaid et attendait que Regina revienne de la cuisine.

Emma n'avait pas eu la tête à jouer aux cartes ce soir-là, mais elle était restée à table avec tout le monde et s'était occupée de Henry tout en observant de près les gestes de Marco (il était, c'était vrai, bon tricheur, mais elle avait laissé passer passer la plupart de ses fourberies). Elle s'était couchée presque à chaque tout et avait laissé les autres jouer plus sérieusement, préférant repasser dans sa tête les événements de la soirée, accélérant les passages où Cora était présente et se concentrant davantage sur la conversation qu'elle avait eue avec Regina, dans la dépendance. Il y avait une chose que sa femme lui avait dite en passant, une chose qui avait piqué sa curiosité. Sur le moment, Emma avait été tellement fatiguée, tellement submergée par ses émotions, qu'elle ne s'était pas rendu compte de la curiosité de cette phrase.

Deux qui sont avec toi dans cette pièce.

Regina sortit de la cuisine, tirant Emma de ses pensées. Cette dernière lui adressa un sourire et ouvrit les pans de sa couverture, invitant sa femme à venir s'asseoir avec elle. Regina ne se fit pas prier et s'installa entre les jambes d'Emma, se blottissant contre son torse, la tête enfouie dans le creux de son cou. Une fois installée, elle sentit la couverture s'enrouler autour d'elle et elle soupira de plaisir en se pelotonnant dans les bras et la chaleur confortable du corps de sa femme.

Au bout d'un moment, les mains d'Emma se glissèrent sous la chemise de Regina et déboutonnèrent son pantalon pour caresser la partie inférieur de son ventre plat. Elle l'entendit murmurer et soupirer, se détendre complètement contre elle. Quelques minutes plus tard, le rythme respiratoire de Regina changea. Se fit plus lent, plus profond. Emma sourit et demanda à voix basse :

- Tu voudrais que ce soit une fille, ou un garçon ?

- Je m'en fiche, tant qu'il se porte bien, murmura Regina d'un ton ensommeillé.

Les événements éprouvants de la soirée l'avaient épuisée, et les caresses douces et répétées d'Emma n'allaient pas tarder à l'endormir complètement.

- Hmmmmm, répondit Emma avec un petit sourire, ravie d'entendre que ses suspicions étaient confirmées. Je suis tout à fait d'accord.

Elle pressa ses lèvres contre le front de Regina. Elle savait que sa femme était presque endormie, et que ses réponses en seraient rendues… imprévisibles, au mieux.

- On va être mamans pour la deuxième fois, Regina.

- Les meilleures mamans du monde, grommela Regina en enfouissant son visage dans la poitrine d'Emma. On déchire, mon cœur.

Emma haussa un sourcil et sourit narquoisement, approuvant en silence cette affirmation. Même endormie, sa femme avait un sacré caractère.

- Tu n'as pas peur ? Parce que, d'après ce que j'ai compris, je suis une catastrophe ambulante, la taquina t-elle.

- Et moi un desastre

Ah mais on en est carrément à parler espagnol, en fait…, sourit Emma. C'est allé vite…

- … Nueve meses atrás je savais même pas comment tenir un nourrisson, marmonna Regina.

- Ça, c'est vrai, répondit Emma en caquetant d'espièglerie.

Elle avait seulement compris une partie de ce que Regina disait, mais elle n'avait pas pu résister. Pour faire bonne mesure, elle ajouta ;

- Donc en fait, on est foutues ?

- Claro, grommela Regina en s'endormant tout à fait dans les bras de sa femme.


Nous voilà rendus ! One down, one to go. Je ne pense pas pouvoir poster le dernier chapitre avant Noël au moins, pour les raisons que j'ai évoquées plus haut.

Le programme, quand j'aurais fini de traduire LHTL, c'est de reprendre et terminer la traduction de More Than I Am (Sanvers), et ensuite je serai libre comme l'air et prête à me lancer dans de nouvelles aventures (d'ailleurs si vous avez des préférences de pairings/fandom, n'hésitez pas à me le faire savoir que j'aille prospecter un peu) ! J'avais déjà en stock une autre fanfic Sanvers et un OS Supercorp si je me souviens bien !

Et voilà, c'est tout pour aujourd'hui :) Me manque plus qu'à dire qu'une p'tite review pour donner des nouvelles, ça fait toujours plaisir alors n'hésitez pas ! A+