Chapitre 6 – No way out
Elle avait toujours su qu'elle aurait un jour à revoir Clarke. Tout n'était qu'une question de temps. Longtemps, Lexa avait attendu que ce moment se produise jusqu'à ce qu'elle mette de côté cette pensée pour arrêter de souffrir. Bien sûr, ce n'était qu'une illusion. La peine avait beau être bien cachée, elle restait présente et n'avait pas cessé d'être une source de douleur sourde. Une douleur qu'elle avait appris à connaître et qui faisait, au fond, partie d'elle. A partir de ce moment où elle avait pris cette décision de ne plus se laisser affecter, elle s'était mise à espérer que Clarke ne se manifesterait plus jamais dans son existence. Elle restait persuadée que c'était impossible, trop de choses leur étaient communes, mais cela ne l'empêchait pas de le vouloir. Aujourd'hui, alors que ce moment semblait se rapprocher, elle ne savait plus ce qu'elle souhaitait vraiment. On avait beau imaginer un événement, le vivre n'avait rien de comparable. Elle se retrouvait confuse, avec une seule certitude : elle n'était pas prête. Le flou de cette mission ratée et la douleur qui pulsait dans sa cage thoracique affolaient déjà suffisamment son esprit sans en plus y jeter des retrouvailles avec cette amie perdue des années plus tôt. Dans cet état, elle n'était pas certaine d'arriver à se blinder pour l'affronter. Aux yeux de cette part d'elle qui voulait tirer un trait, elle courrait en ce cas à la catastrophe. Et l'autre part, celle qui restait attachée aux souvenirs, ne faisait que lui donner raison.
L'intervention d'Abby relevait donc de la perfection.
Suite à la disparition du médecin derrière la porte, les minutes s'écoulèrent avec une lenteur angoissante. Lexa s'était tendue à l'entente des éclats de voix, mais supporter les murmures étaient bien pires. Ils laissaient trop de place à l'interprétation et son esprit en alerte ne cessait de déployer sous ses paupières closes des situations dramatiques. Et si Abby craquait ? Et si elle décidait qu'il valait mieux donner ce qu'elle voulait à sa fille ? Lexa avait beau savoir qu'elle pouvait lui faire confiance, le doute restait permis. A plus d'une reprise, elle faillit bien se lever pour s'esquiver, mais cela aurait été une perte de temps. La seule issue était cette porte, bloquée par cette femme qu'elle fuyait. Certes, il y avait aussi la fenêtre, mais les six étages restaient quand même plus problématiques qu'une rencontre avec Clarke. Physiquement parlant, du moins.
Dans cette situation, Murphy n'était guère d'une grande aide. Il semblait préférer l'espionnage à la réalité de cette pièce. Lexa aurait pu lui donner raison s'il avait eu la bonne idée de partager ses découvertes avec elle. Mais non, cet idiot gardait tout pour lui. A ses grimaces, elle devinait néanmoins qu'il y avait peut-être des raisons derrière son silence. Soudainement, il se décala sur le côté et prit un air inspiré, les yeux fixés sur le plafond. Il était à l'image même de la culpabilité, un fait bien ridicule quand on savait que le mensonge et la discrétion étaient son métier. La porte s'ouvrit une seconde plus tard sur une Abby au sourire un brin forcé. Il se transforma aussitôt en moue sévère quand elle posa les yeux sur l'homme.
"C'est la dernière fois que tu écoutes une de mes conversations."
"Oui, M'dame !"
La menace était claire. Si Murphy semblait se moquer avec son exagération et son faux garde-à-vous, il savait jusqu'où il pouvait aller et c'était une limite qu'il n'était pas désireux de dépasser à nouveau. Abigail Griffin pouvait soit être votre meilleure alliée, soit votre pire ennemie... Rarement, elle se plaçait entre les deux avec les personnes qui avaient dépassées le stade de simples relations. Pour ça, elle faisait une équipe particulièrement bonne avec son mari, beaucoup plus ouvert, chaleureux et prompt à accorder sa confiance. Des deux, c'était pourtant Jake que Lexa craignait le plus de décevoir. Elle savait que c'était sa confiance à lui qui serait impossible à reconquérir si elle venait à merder.
"Où en étions-nous ?"
Abby lui offrait une occasion en or de mettre directement de côté cet événement. Si elle le souhaitait, elle aurait juste pu ignorer la venue de Clarke. Se concentrer sur la mission et sur rien d'autre. Pourtant, elle n'envisagea pas une seule seconde cette possibilité. Les mots étaient sortis tout seul, sur un battement de cœur.
"Clarke... Clarke voulait me voir ?"
"Je crois que j'ai pas envie d'entendre ça. J'reviens te voir tout à l'heure, partenaire. Doc, vous la laissez pas faire de connerie, hein."
Plus d'une fois, Murphy avait exprimé son avis. Bien qu'il continuait à fréquenter Clarke, il y avait des choses qu'il ne parvenait pas à avaler. Il n'avait donc pas à en dire plus, Lexa savait ce qu'il sous-entendait, elle le comprenait même, mais ils n'étaient pas forcément d'accord sur tout. Pas en ce moment en tout cas. Abby regarda son départ du coin de l'œil, une certaine anxiété émanant de son aura habituellement sereine en toute occasion. Quelqu'un d'autre ici ne voulait pas avoir cette conversation.
"Je ne crois pas que ce soit l'endroit... La situation était aussi spéciale... Tu sais que la peur peut avoir un certain pouvoir sur nos décisions."
"Abby-"
"Non, laisse-moi finir. Ce que je sous-entends c'est que ce n'est pas si simple. A tête reposée, Clarke pourrait revoir sa décision et... Ce que je veux dire c'est qu'il ne faut pas que tu fondes trop d'espoirs en sa réaction. C'est tout."
De l'espoir ? C'était idiot, mais Lexa n'avait pas pris la peine de réellement étudier ses sentiments. La soudaineté de tout ça et le choc précédent la rendaient trop promptes à se fier à ses sentiments et non à cette raison qu'elle laissait normalement aux commandes. Difficilement, elle mit son cœur en pause et prit un instant pour réfléchir à tout ça. En espérant, elle était en train de prendre le risque d'être blessée à nouveau. Non, c'était plus compliqué. On ne parlait pas ici d'une nouvelle blessure mais bien de l'éclatement d'une vieille cicatrice déjà bien hideuse et douloureuse par mauvais temps moral.
Son visage assombrit devait parler pour elle car Abigail s'approcha lentement et posa une main sur son épaule, serrant doucement pour lui signifier qu'elle comprenait, qu'elle était là. Lexa n'arriva pourtant pas à se nourrir de ce soutien. La déception qu'elle n'avait pas vue venir était encore trop crue et sa propre stupidité avait laissé comme une impression de dégoût sur son palais. Toutes ces années, tous ces efforts, pour ça ? Clarke pointait le bout de son nez et l'ancienne Lexa revenait au galop.
"Merci pour ce conseil, Abby. Je m'appliquerais à ne pas l'oublier."
Lorsqu'elle avait levé le regard vers le médecin, elle avait inconsciemment appliqué un autre de ses conseils. Elle se souvenait encore de sa voix lorsque, quinze ans plus tôt, alors qu'elle n'était qu'une enfant intimidée par les adultes, elle lui avait conseillé de fixer le nez de quelqu'un pour lui faire croire qu'on le regardait dans les yeux sans ressentir cette pression. C'est sur cet élément que Lexa se concentra, incapable de se confronter à cette lueur luisant aux fonds des iris sombres de la mère de Clarke.
Les souvenirs de la mission restaient flous. Malgré le repos et les longues discussions avec Murphy, Lexa était bien incapable de fournir des informations réellement intéressantes. Le seul élément revenant encore et encore était cet œil bleu glacé entraperçu avant qu'elle ne perde connaissance. Mais il lui était impossible de trouver à qui il appartenait malgré cette familiarité certaine. Son insistance ne lui apporta donc qu'une dose de somnifère administrée par Abby lorsqu'elle l'avait trouvée à travailler sur le cas au lieu de se reposer. La brune avait vu ça comme une sorte de trahison au départ, mais le médicament lui avait finalement apporté le répit qu'elle recherchait en se concentrant sur autre chose que la visite d'une certaine personne.
Lorsqu'elle se réveilla, probablement le lendemain tard dans la matinée au vu de la luminosité, c'était satisfaite de ne pas avoir été hantée dans son sommeil par ces deux personnes qui allaient dans le futur occuper de bien trop grandes parcelles de son esprit.
"Bien le bonjour !"
Murphy avait accueilli son retour parmi les vivants d'une voix chantante et bien trop excessive pour cette impression d'avoir la gueule de bois qu'elle ressentait. Elle grogna, incapable de s'exprimer autrement, et tenta de se redresser, mais, comme la veille, elle abandonna vite l'idée en sentant l'élancement de douleur dans ses côtes.
"Tu deviens un blob même à l'extérieur de la maison, ça devient inquiétant."
Elle appréciait peu la plaisanterie. Il n'y avait bien que son partenaire pour se foutre de sa gueule et lui reprocher d'être un peu lente alors qu'elle s'était faite tirer dessus il y a moins de vingt-quatre heures.
"Ta gueule."
"Comme tu voudras. Et dire que j'avais une bonne nouvelle."
Quel fumier ! Il n'avait vraiment aucune pitié aujourd'hui. Cette fois-ci, quand elle se releva, Lexa ignora la douleur et s'installa dans une position assisse tout en se frottant les yeux. Le sommeil ne lui avait vraiment pas réussi, elle se sentait encore plus fourbue et sa bouche était d'une sécheresse désagréable. Mais elle ne s'abaisserait pas à demander de l'eau à Murphy quand il était aussi chiant.
"Pardon, ô grand homme, révèle-moi ce que tu sais."
Elle accompagna le tout d'un roulement des yeux lui aussi douloureux qu'elle regretta un peu. Son partenaire fit durer son suspens juste pour une extra dose de plaisir avant de dévoiler un sac à dos.
"On se casse ! Abby a signé les papiers avant de finir son service, elle s'est dit qu'elle pouvait pas imposer ton comportement aux autres médecins. Mais elle passera te voir cette aprem à la maison. T'as interdiction de bouger pour les prochains jours. Et avant que tu ne répliques quoi que ce soit, sache qu'elle a aussi dit qu'elle ferait en sorte de te faire bosser à l'administration pour le restant de l'année si tu ne l'écoutais pas. Et tu sais qu'elle le fera, cette femme ne fait pas de menace en l'air."
La cruauté semblait avoir contaminé le monde...
NA : Yupe, je suis de retour. Je ne compte pas abandonner mes fics même si ça prends du temps. Si je suis un peu rouillée, je m'en excuse, je n'ai plus écris depuis plus de deux mois pour certaines raisons et ce chapitre était un test pour me refaire la main. Encore une fois pas de Clexa en tant que telle, ce sera pareil dans le prochain chapitre, mais doucement, sûrement, ça arrive. Comme toujours, vos commentaires me font toujours chauds au cœur, alors n'hésitez pas si vous avez quelque chose à dire.
