Bonjour tout le monde. Vous vous souvenez peut-être des deux amorces d'histoires que j'avais mentionnées ? Ca fait deux ans que je n'y ai plus touché et je doute que ça change de sitôt : je poste donc ce que j'ai fait et le résumé de ce qui n'est pas écrit. Le Serment d'une lame et Le Retour du Maître Assassin sont à l'adoption : si vous voulez faire la rédaction, créditez juste les idées (et un mémo pour que je mette un renvoi à votre page).

Notes préalable: 1. HDM est l'acronyme pour Haut Débit Magique (ce qui fait en sorte que les tapis volant de s'écrasent pas soudainement.

2. La Balka (inventée) est une danse populaire d'Autremonde dans les années 3000 qui est composée de mouvements simples mais très larges. Ne se danse que dans de grands espaces du fait des tournoiements des couples.


Le bruissement des conversations s'interrompit un instant. Toutes les têtes se tournèrent vers celui qui venait d'ouvrir la porte. Au bar, les trois personnes accoudées portèrent la main à leurs ceintures qui dissimulaient de multiples instruments tranchants de toutes sortes.

Sans se presser, le nouveau venu balaya la salle des yeux. C'était une grande pièce au sol recouvert de paille. En face de la porte, un long comptoir derrière lequel le tenancier, un humain grisonnant, observait le nouveau venu, la main suspendue juste au dessus de la caisse où il allait laisser tomber un crédit-mut bronze. La personne avec qui il était en train de discuter, une elfe guerrière violette, le fixait d'un regard perçant. Une dizaine de tables rondes avaient été placées sur l'espace disponible entre la porte et le bar. Des volutes provenant des différentes substances fumées montaient jusqu'au plafond où elles s'amassaient en un nuage grisâtre, dissimulant la charpente en géant d'acier.

Le nouveau venu s'avança jusqu'au comptoir où il s'accouda en ignorant complétement les regards des autres clients.

-Je vous sers quelque chose ? demanda le barman d'un ton suspicieux.

-Une breubière, commanda une voix chaude et suave, grave et riche.

Une voix à nulle autre pareille qui fit se détendre légèrement la compagnie. Le barman laissa tomber l'argent dans la caisse et chacun retourna à ses occupations, reprenant conversations et parties de cartes interrompues.

-Tu sais, Sem, tu devrais arrêter de te pointer tel un démon masqué ; un de ses jours on ne va plus te reconnaître.

Un petit rire sortit de sous le capuchon et un crédit-mut bronze tomba en rebondissant sur la table.

-Du moment que c'est avant le verre de vin, ça ne me pose pas de problème : tu n'imagines pas comme je m'ennuie, des fois.

-Ça te fait combien ? demanda le tenancier.

-758 ans le mois prochain, déclara le nommé Sem.

-Chanceux, soupira l'elfe violette. Moi je suis encore mineure et ne serait-ce que de venir ici est un coup de bol1.

-Comment tu t'es débrouillé ? demanda Sem en s'emparant de la breubière.

-Le gringalet qui est en train de se faire vider les poches, là-bas, dit l'elfe en montrant d'un signe de tête une des tables où se déroulait une partie de cartes, m'a invité. Je l'ai légèrement laissé tomber en début de soirée.

Sem se retourna pour voir un elfe blanc fin de constitution qui tentait en vain de reprendre la main au poker face à deux orcs et un humain. Un seul coup d'œil aux muscles tendus de son dos lui permis de voir qu'il était en effet en mauvaise posture.

-Je peux le remplacer, si tu veux, proposa-t-il.

-Au poker ou au lit ?

-Lequel te plairait le plus ? sourit Sem sous son capuchon.

-Je crains que les deux ne soient impossibles, lança une autre voix, on en a besoin pour quelque chose, je te le rends après.

-Bonsoir Malika, salua Sem en se retournant, la jeune elfe violette déjà oubliée.

La femme qui lui faisait face était plus petite que lui mais ses mains placées sur les hanches, elle inspirait l'autorité. Surtout que deux dagues y étaient également placées. Une coupe courte à la garçonne faisait que ses cheveux noirs de nuit ne rendaient pas à leur juste valeur, mais l'éclat de ses yeux charbonneux sur sa peau qui commençait à brunir n'en était que rehaussé.

-Pas deux minutes que tu es ici et tu dragues déjà, fit mine de s'indigner la nouvelle venue. Tu n'as pas honte ?

-Les avantages du célibat, sourit Sem en passant son bras autour de sa taille.

La femme se dégagea d'un geste et se dirigea vers une table au fond, Sem sur ses talons. Deux personnes y étaient déjà attablées.

-Alors, Sem'e'ter, on peut savoir ce qui t'a retardé ? demanda l'édrakin d'une voix grondante.

Originaires de l'île de Patrok, les édrakins étaient évité par la majorité de la population d'Autremonde. Ils traînaient derrière eux une triste réputation depuis qu'ils avaient tentés d'envahir le reste de la planète sous la direction d'un chef fou, moins de cinquante ans auparavant. Tout le monde avait alors pu constater leur talent au combat et la redoutable machine de guerre qu'ils formaient.

-Il faut un prétexte maintenant, Tyrael ? plaisanta Sem'e'ter.

Le vieil édrakin approchait des huit cents ans et il n'était plus de la toute première jeunesse. Toutefois, le temps n'avait en rien émoussé ses réflexes et il avait encore de belles années devant lui. Sa crinière fauve et blanche qu'il avait soigneusement tressée le long de son crane soulignait son cou puissant. Vêtu d'une tenue moulante de cuir de spalendita noir avec incrustations de ketril, il portait par-dessus un tabard crème et noir usé et délavé par les années passées sur les champs de bataille. Le mercenaire parvenait encore à se faire trouver beau par la gente féminine, malgré le fait qu'il lui manque trois doigts à la main gauche. Il les avait sacrifiés dans sa jeunesse aux dieux de son peuple et c'était donc très bien vu à Patrok. Un peu moins sur le reste d'Autremonde. Et avec la méfiance envers les édrakins depuis la dernière guerre, il avait maintenant quelques difficultés à trouver du travail. Qui voulait embaucher un édrakin ? Surtout un édrakin se promenant constamment avec une hallebarde à la mode chinoise forgée par les nains sur le modèle des sabres des impitoyables et qui était réputée pour avoir bu plus de sang que toute autre arme de ce genre. Cette arme qui ne payait pas de mine était dans la famille de Tyrael depuis la guerre des failles et à ses yeux elle n'avait pas de prix. Et elle était mortellement efficace, en grande partie grâce à une pierre vivante intégrée au bas de la lame courbe. Personne ne s'attendait à recevoir une décharge en même temps qu'un coup. Sem'e'ter s'était cru malin le jour de leur rencontre en bloquant la naginata avec son épée. Sauf que celle-ci était en métal et donc conductrice. Il avait évité de justesse de se faire trancher la tête en roulant sur le côté. C'était lors de la dernière guerre édrakine et ils étaient alors dans des camps différents. Depuis, il avait fait attention à enrober toutes les gardes de ses armes dans des isolants. Histoire de ne pas se faire avoir une deuxième fois.

-Je suppose que non, répliqua Asmodes. Sem'e'ter, salua-t-il.

-Asmodes, répliqua l'autre en serrant brièvement la main que le vampyr lui tendait.

Autant Tyrael ressemblait à un chevalier partant en croisade, autant Asmodes figurait un dandy. Le vampyr portait de longues cuissardes noires sur un pantalon de soie d'aragne tout aussi noir si bien qu'on ne voyait pas la différence entre les deux. En revanche, sa chemise d'un blanc immaculé qui allait s'évasant avant de se resserrer aux poignets, bordée de perles à l'encolure, tranchait singulièrement. Il portait par-dessus un long manteau de cuir noir à motifs d'argent qui semblaient des volutes d'on ne savait quoi dessinant des entrelacs complexes. Les deux pieds croisés sur la table, les bords de son manteau trainaient à terre, dévoilant les deux dagues accrochées à sa taille. Et Sem'e'ter savait qu'il en avait d'autres dans ses bottes, les multiples poches de son manteau et ses manches. Asmodes était un expert es lames autant qu'en séduction. Sa peau pâle n'était pas blafarde comme c'était l'habitude chez les vampyr mais brillait légèrement, se parant d'un éclat opalescent. Il avait de longs cheveux noirs qui allaient jusqu'au milieu de son dos, masquant les ornements de son manteau, des pommettes hautes et des traits fins. Seule l'aura de dangerosité qu'il dégageait contredisait son physique un peu efféminé et l'empêchait de se faire dévaliser à quatre reprises chaque fois qu'il descendait dans les quartiers mal famés de la capitale. Ce qui était nécessaire pour le tricheur professionnel qu'il était.

-Je suppose que la cause de ton retard est une jolie fille ? demanda Asmodes en attirant Malika sur ses genoux.

Tyrael émit un grognement de dédain pendant qu'Asmodes caressait le cou de la jeune femme de ses crocs. Celle-ci se tortilla légèrement pour échapper à sa prise.

-Asmodes ! Le travail d'abord, exigea-t-elle.

-J'écoute, fit savoir le vampyr sans pour autant la lâcher.

Tyrael, ignorant le manège des deux complices, fit monter une bulle de silence.

-Bon dit-il en se penchant, tout amusement oublié. De quoi s'agit-il ?

Asmodes relâcha son étreinte autour de la jeune femme qui se pencha à son tour.

-Alejand et co, vous connaissez ?

-Ceux qui veulent lancer des cristal-poignets à la place des boules portatives ? demanda Sem'e'ter.

-Ça intéresse les armées d'Omois, je crois, ajouta Asmodes.

-D'où tu tiens ça ? demanda Malika.

-Un garde impérial mignon et ivre, répondit le vampyr en haussant élégamment les épaules. Uniforme en velours de la meilleure qualité, très chic mais affreusement criard. Ça n'allait pas du tout avec ses yeux. Celui avec les épaulettes en platine. Je ne sais plus quel rang c'est.

-As ?

-Oui ?

-Tu t'es fait un commandant, l'informa Sem'e'ter.

-Je doute qu'il s'en souvienne. La prochaine fois je viserais un général. Les elfes sont bons au lit.

-A deux cent trente ou sept cent soixante vous êtes toujours des gamins, fit Tyrael de sa voix rauque qui rappelait davantage un feulement.

-Je suis un elfe, rétorqua Sem'e'ter comme si cela expliquait tout.

Asmodes renifla en et plaça ses deux pieds sur la table, se balançant sur sa chaise :

-Tant qu'à être beau autant en profiter.

-Bref, Alejand et co, reprit Malika. Ils sortent effectivement un cristal-poignet avec autonomie de cent trente heures, soit cinq jours. Fréquence cryptée, idéal pour les militaires. Un petit bijou qui coûte une trentaine de crédit-mut or pièce.

En parlant, elle étalait sur la table plusieurs croquis du cristal-poignet dont il était question.

-Cher, remarqua Tyrael en étudiant le design.

Ça représentait de quoi vivre une année entière à Tingapour dans un mauvais hôtel. Et même si la qualité du lit n'était pas bonne, la capitale d'Omois n'était pas pas chère.

-Le prix de la miniaturisation, déclara Malika en haussant les épaules. Et surtout du titril. Si vous savez ce que c'est…

-Ils s'en servaient pour brouiller les communications en 52, nota Sem'e'ter qui avait participé à cette campagne. Ça à la capacité de faire planter un ordimage à dix tatrolls si mit sur un appareil approprié pour diffuser les radiations. Tu connais, Tyrael ?

-J'étais à Meus à cette époque, grogna l'édrakin. Commandait trois unités.

-Ils ont testé cette technique au Mentalir, reprit l'elfe noir. Sans les communications avec l'extérieur, on a repris le territoire sans trop de difficultés, conclut-il. L'appareil à diffuser, ils ont classiquement appelé ça un diffuseur, coûte une petite fortune d'après le nombre de personnes qui veillaient dessus. Je les ai entendus dire qu'une kévila est moins chère.

-Le problème est qu'apparemment ils rencontrent un problème avec le titril même si tout va très bien. Ne me demandez pas, les arrêta Malika devant leurs airs d'incompréhension, je n'ai réussi à obtenir que des réponses contradictoires.

-Tu sais très bien qu'on ne travaille qu'avec tous les éléments en main, rappela Asmodes. On ne veut pas se risquer trop près des gros poissons.

-Même pour 2000 crédits-muts or ? demanda la femme avec un sourire enjôleur.

-Ça ferait 500 par personne, réfléchit Tyrael. Reste à savoir si ce qu'ils nous demandent les vaut.

-Ça va surement être extrêmement compliqué, estima le vampyr. Un défi. Mais je veux savoir lequel avant de m'engager.

-Non, 2000 par personne, corrigea Malika.

Un silence accueilli cette déclaration. Une véritable fortune miroitait devant les yeux des mercenaires.

-Je ne marche pas.

L'elfe noir se leva, repoussant le modèle de cristal-poignet qu'il avait devant lui.

-Sem, attends au moins avant de décider ! s'exclama la femme.

-Non, 2000 c'est beaucoup trop pour qu'il n'y ait pas d'entourloupe, répliqua l'elfe en secouant la tête. Il y a forcément des intéressés de haut niveau. On risque de s'attirer de gros ennuis.

-C'est 2000 parce que c'est une mission de plusieurs mois, protesta Malika.

-Combien ?

-Presque un an. Jusqu'à la sortie des cristal-poignets. Ils estiment qu'il nous faudra au moins ce temps pour accomplir ce que nous avons à faire.

L'elfe se laissa tomber sur son siège, d'un geste qui paraissait presque gracieux bien que ce ne soit de toute évidence pas l'intention.

-Et le gros poisson, on le connait ?

-Marxon électro, déclara Asmodes qui étudiait les diagrammes en suivant distraitement la conversation. Ils possèdent la quasi-totalité des gisements de titril d'Autremonde et quelques succursales à Sentivor et au Dravouglispenchir.

-C'est ça, approuva Malika.

-Quel est le problème, alors ? demanda Tyrael. Ils refusent de vendre du titril à Alejand ?

-Je crois qu'ils ont déjà acquis la majorité du titril avant d'annoncer pourquoi ils l'acquéraient.

-Marxon donne dans toute l'électro-magie, intervint Sem, ce sont eux qui s'occupent de l'HDM de tout Omois. Alejand est plus implanté sur le continent Nord. Les cristal-poignets sont une manière d'Alejand de prendre pied sur Omois et à la longue de concurrencer le monopole de Marxon. Vous voulez vraiment vous retrouver au milieu d'une guerre entre deux multinationales ? On parle de millions voir de milliards de crédits-muts or par an. Marxon sera prêt à tuer pour ça.

-Juste, on devrait faire monter les offres, remarqua Tyrael.

-On va se balader avec une cible sur notre tête, tenta de les raisonner l'elfe.

-Tu l'as déjà fait en enlevant et séduisant la princesse héritière du Libunja, rappela Asmodes. Tu es toujours là.

-Elle est partie avec moi de son plein grès, contra Sem. J'ai mis quarante ans à me débarrasser des assassins que son père a envoyés à mes trousses. Et ça été encore plus horrible quand je l'ai laissée tombée et qu'elle m'a envoyé un démon du deuxième cercle.

-Ne jamais sous-estimer une fille amoureuse bafouée, déclara fièrement Malika.

Asmodes fit mine de s'écarter.

-Et toi cesses de te moquer de moi, s'exclama la femme en ramenant le bras autour de sa taille.

-Je te manque ? demanda le vampyr en lui faisant les yeux doux. Pas taper !

-Gosses, soupira Tyrael. Vous pensez qu'on peut en tirer combien ?

-Il faudrait faire une étude du marché des cristals, pour savoir, déclara Malika dont Asmodes tenait fermement les deux poignets. Lâche-moi grosse brute, déclara-t-elle en se libérant, mais je dirais que ça va raquer.

-Et on est combien sur le coup ? demanda le vampyr.

-Ça reste encore à savoir.

-La solution, déclara l'elfe noir en grimaçant intérieurement, ce serait d'entrer dans le jeu et d'être suffisamment bien placés pour évincer les autres. Là on pourra formuler notre prix.

-Ça m'a l'air d'une bonne idée, acquiesça Tyrael pendant que Malika, qui avait voulu en venir là tout le long, souriait. Qu'est-ce qu'ils demandent ?

-La première étape est de gagner la confiance de Marxon, expliqua-t-elle.

-On va monter à 3000 rien que pour cette étape, lança Sem'e'ter. Moitié d'avance.

-Marxon père ? Irréalisable, approuva Asmodes. Il dirige un véritable empire, ce n'est pas possible en faisant confiance au premier venu.

-Au moins cette condition limite la concurrence, remarqua Tyrael. Ensuite ?

-On aura plus d'informations une fois bien implantés, les renseigna Malika. Et on a six mois pour le faire. L'étape d'après dure quatre mois. Qu'est-ce que vous en pensez ?

-C'est tentant, déclara Asmodes en inclinant la tête sur le côté dans une position alanguie. Mais cela implique d'y aller à visage découvert. Il faut que ça nous rapporte beaucoup : ainsi que l'a dit Sem, on risque de se faire quelques ennemis, ce qui implique se planquer un certain temps.

-De ce point de vue là, je pense que je peux prendre ma retraite si ça tourne mal. Les côtes sont jolies à Salteran…

-Pleines d'esclavagistes, mignonne, tu n'y tiendras pas trois mois, dit Tyrael, cassant le rêve où elle était absorbée.

Malika lui envoya un regard noir mais ne répliqua pas. Tout le monde à cette table faisait plus que de soupçonner que l'édrakin avait des liens avec les Salterans. On se demandait juste si c'était son père ou sa mère. Mais c'était un non-dit admis qu'on ne parlait pas d'où on venait si on ne voulait pas. Pourquoi Malika, experte programmeuse était parmi eux alors qu'elle avait manifestement des entrées plus haut dans la société, on ne savait pas. Pourquoi Asmodes départait-il du physique habituel des vampyrs par sa peau qui semblait éclairée de l'intérieure et sa beauté, on ne savait pas. Si cela avait été possible, Sem'e'ter aurait pensé qu'un de ses parents était une brillante. Pourquoi lui-même, fils d'une des deux conseillères de la reine de l'Air et des Ténèbres était-il là, il ne le disait pas. A vrai dire il ne le savait pas vraiment. Tout ce qui touchait à sa mère ne le concernait que très peu, comme les affaires des elfes en général. Ils formaient un groupe singulièrement hétéroclite. Le genre qu'on ne s'attendait pas à voir ensemble et encore moins s'entendre. Quatre personnes au futur inconnu et au passé incertain, rassemblées pour faire fortune. Il n'y avait guère que dans les bas-fonds qu'une telle équipe était réalisable.

Et c'était dans les bas-fonds de Tingapour que s'était créé ce groupe, le quatrième temps. C'était au départ un mauvais jeu de mots sur une danse populaire en Autremonde, la Balka qui avait inspiré ce surnom. Il datait de leur rencontre, aussi singulière que leur groupe. Il fallait voir le tableau de l'époque. La guerre contre Patrok venait de se finir et les réjouissances se déroulaient dans tout le continent Nord. Sem'e'ter voyait se finir son contrat. Il était déjà mercenaire à l'époque et s'était enrôlé pendant le conflit dans le camp de la Ligue Nord. Il s'était vu – dans un malheureux enchaînement d'événements comprenant la séduction de sa commandante une centaine d'années plus tôt, commandante assez rancunière depuis qu'il l'avait laissé tomber et qui avait profité de la mort de son supérieur pour accomplir sa vengeance contre le séducteur, entre autres choses – refusé son paiement pour la dernière année où il avait combattu. Sem'e'ter avait aussi sec décidé d'aller quand même le chercher, quitte à se servir dans la caisse commune, sévèrement gardée. S'en était mêlé Tyrael, prisonnier édrakin, ancien commandant, qui tentait une évasion ; Malika venue cambrioler la famille royale du Lancovit sous couverture d'une aristocrate d'Omois – la petite amie de l'ambassadeur, en fait –, et Asmodes qui avait précipitamment dû quitter la chambre de la princesse héritière du Lancovit en sautant par le balcon – atterrissant au milieu de la mêlée déjà engagée à laquelle il s'était aussitôt jointe – car le frère de celle-ci venait de faire irruption dans ladite chambre et tenait absolument à l'envoyer ad patres. S'en était suivi la fuite des quatre vers la fête pendant que le capitaine des gardes criait « rattrapez le groupe de quatre ! Les quatre ! ». Ce, au moment où ils faisaient irruption dans le bal populaire à l'entrée des portes du château. La foule n'avait entendu que quatre au lieu de groupe de quatre et s'était aussitôt lancé dans le quatrième mouvement de cette danse, empêchant efficacement leurs poursuivants de les rejoindre. Ils avaient finalement fui le pays dans les bagages de l'ambassadeur d'Omois, totalement inconscient de la présence de l'édrakin, l'elfe et le vampyr, emportant avec eux une cassette pleine de crédits-muts contenant la paye des mercenaires.

Aucun d'eux n'était retourné au Lancovit depuis, et Sem'e'ter comptait bien ne pas le faire avant quelques centaines d'années. Ou dizaines, ça dépendait de combien le travail était payé. Le désavantage à être quasiment immortel, c'est que lorsque vous vous faisiez des ennemis, vous vous les faisiez pour longtemps.

Une fois de retour à Tingapour, le groupe avait continué, parfois chaotiquement il fallait l'admettre, mais continué tout de même. Durant les deux décennies de leur activité commune, le Quatrième Temps s'était fait connaître dans les bas-fonds. Ils auraient pu briller. Ils étaient parmi les meilleurs. Ils avaient toutefois préférés se contenter de contrats de petites et moyennes importances. Plus prudent. Après tout, la vie et l'immortalité ne servait à rien si elles étaient abrégées. C'avait toujours été la solution la plus raisonnable. Cependant, pensait Sem'e'ter en plissant les yeux, il semblait que pour 2000 crédits-mut or, les autres en oublient toute prudence.

-Qu'en est-il de la deuxième étape ? s'enquit-il. Y'a-t-il une troisième ? Quels sont les risques ? Quels sont les enjeux qui justifient une telle somme ? Nous avons besoin de savoir les réponses à ces questions avant de nous lancer, Malika, tu le sais.

-En fait, non. La première étape est relativement bénigne et si la suite ne nous plaît pas on peut toujours se retirer à ce moment-là.

L'elfe noir ne parut pas convaincu, même si Asmodes et Tyrael étaient clairement enthousiasmés, l'un par le défi, l'autre par les crédits-muts.

-Relax, Sem, on va aller voir et si ça nous plaît pas on se barre, lança le vampyr en enlaçant Malika qui roula des yeux.

-La première étape seule est facturée à 50 crédits-muts or personne, précisa Malika.

-Cette histoire sent le coup fourré, insista Sem'e'ter.

-Nous ne sommes pas obligé de décider tout de suite, Sem, déclara Malika. On étudie chacun de notre côté l'offre et on rediscute dans une semaine, ok ?

-C'est tout décidé, grogna Tyrael, un sourire sur son visage félin.


-Honnêtement Sem, je ne vois vraiment pas ce que tu trouves de mal à ce contrat. J'ai enquêté dessus, il n'y a rien de louche.

-Outre le fait que nous ne savons pas ce que désire réellement notre employeur et que notre cible va nous faire la peau dès que possible ? rétorqua l'elfe noir.

-Je ne peux toujours pas croire que tu ais fait ça, soupira le vampyr.

Moi non plus, pensa le mercenaire. Après cette première réunion au Tintinant d'or il avait mené sa propre enquête. D'abord sur Marxon qui ne lui avait véritablement rien dit de bon. Puis sur Alejand qui ne paraissait que légèrement mieux. Marxon avait une vision monarchique, Alejand multi-nationaliste. C'était la différence. Ça et le fait qu'à Omois on connaissait beaucoup moins bien Alejand et qu'il n'avait donc découvert que très peu d'informations et toutes du domaine du grand publique. Trouver de l'intel n'était pas son travail. C'était plutôt celui de Malika qui prévoyait leurs opérations, évaluait les risques. Asmodes aussi, laissait traîner ses oreilles un peu partout et recueillait pas mal d'informations. Lui et Tyrael – l'édrakin plus encore que lui – étaient des amateurs à côté d'eux. Cela ne l'avait pas empêché de rapidement réaliser que le nom de Marxon mettait ses interlocuteurs mal à l'aise. Un très mauvais signe.

La deuxième chose à l'avoir alerté était le fait qu'Alejand ne jouait clairement pas carte sur table avec eux. Ils avaient le titril mais ils n'avaient pas le titril. Ça ne voulait rien dire. Enfin, si. Ça voulait dire que ce n'était clairement pas leur rôle de se préoccuper de cela. Mais si cela semblait aller aux autres, Sem'e'ter sentait le coup fourré venir à cent tatroll à l'heure, même si on n'avait pas encore inventé de quoi aller si vite sur Autremonde.

Et ce fait lui était d'autant plus évident à cause de la somme que proposait Alejand. Soit ils voulaient vraiment ce titril ce qui signifiait qu'ils pouvaient faire monter les prix. Soit ce titril était surprotégé au point qu'ils avaient de grandes chances de ne pas tous survivre à cette mission. Ou alors ce n'était pas du titril mais il ne voyait pas ce que ça pouvait être d'autre alors.

Toujours était-il que cette petite investigation l'avait plus alarmé qu'autre chose. Aussi, lors de la prochaine réunion, avait-il refusé tout net la proposition d'Alejand.

-On sait tous que ce sont de gros poissons, Sem. On sait que ce travail sera plus dangereux que les autres. Mais il n'y a vraiment pas de quoi se décourager. Ou aurais-tu peur ? suggéra sournoisement Asmodes.

Un tressaillement parcourut le corps de l'elfe noir. Les elfes étaient unanimement connus pour leur tempérament bouillant. Une simple insinuation comme celle que venait de faire le vampyr pouvait dégénérer en une bataille générale. Sem'e'ter ne faisait pas exception. En fait, il était généralement l'un des premiers à se joindre aux bagarres déjà lancées. Parfois c'était lui qui les provoquait, par ennui. Cette fois, l'elfe se maîtrisa. Comme il était toujours l'un des premiers lancés, il était considéré comme le sang-chaud du Quatrième Temps. Ce qui faisait que ceux qui ne le connaissaient pas bien avaient souvent tendance à le considérer comme une menace facilement écartée si l'on savait comment s'y prendre. Pourtant, plus que les autres elfes, il savait tempérer son caractère lorsque le besoin s'en faisait vraiment sentir. Ce n'avait pas été une chose facile à acquérir.

-Juste un mauvais pressentiment, répondit-il entre ses dents. Ils proposent beaucoup trop d'argent pour que ce soit clean.

-Mais on ne fait jamais de travail propre, riposta l'autre. C'est pour ça que nous sommes mercenaires.

Sem'e'ter ne répondit pas, fixant avec mauvaise humeur le fond de son verre quasiment vide.

-On a besoin de ta chance de damné, Sem, particulièrement sur ce travail, reprit le vampyr, plus sérieux. Personne n'a son pareil pour se sortir d'une situation désespérée comme toi.

-Ça s'appelle l'instinct de survie, déclara l'elfe avec mauvaise humeur. Et le mien me hurle de ne pas prendre ce travail, même pour 2000 crédits-muts or. Surtout pour 2000 crédits-muts or.

-Allons, qui n'a pas envie d'un peu d'aventure ? sourit paresseusement Asmodes.

A contrecœur, le mercenaire inclina la tête. L'aventure l'avait toujours tenté, c'est pour ça qu'il était dans le Quatrième Temps, plus que pour l'or. Asmodes qui partageait cette passion avec lui le savait, et savait que seul cet argument pourrait faire taire ses critiques. Ça n'enlevait pas le fait que son estomac se nouait à chaque fois qu'il pensait à ce travail.

-Tu payes ? demanda-t-il.

La vampyr acquiesça en agitant la main vers le serveur à qui il glissa quelques mots. Celui-ci revint avec deux bouteilles pleines.

-Le premier sous la table a perdu ! lança-t-il comme un gamin en levant son premier verre.


-La notion de sérieux vous échappe-t-elle totalement à tous les deux ? lança Malika en posant avec un peu plus de brutalité que nécessaire divers objets pour empêcher le parchemin de se ré-enrouler sur lui-même.

-Moins fort, gémit Sem'e'ter en portant les mains à ses oreilles pendant que celles-ci tintaient encore.

Il tanguait légèrement sur la chaise sur laquelle il était assis. A côté de lui, Asmodes semblait à peine dans un meilleur état. Il adressait un sourire idiot à Tyrael qui fumait dans un coin en lui rendant un regard sombre.

Malika le fusilla du regard par-dessus le parchemin. Sem'e'ter lui adressa une grimace qu'il espérait repentante. D'autant qu'il regrettait vraiment de se saouler à ce point la veille. Sa victoire ne valait peut-être pas la gueule de bois de ce matin. D'autant que Malika refusait de lui jeter un sort pour la faire diminuer, que Tyrael prétendait que pour son peuple seuls les prêtres avaient le droit de faire de la magie et qu'il ne faisait confiance ni à lui ni à Asmodes pour le jeter.

-Gosses, lança Tyrael de son coin.

Malgré le fait que Sem'e'ter ait pratiquement son âge, l'édrakin les appelait toujours ainsi, lui et le vampyr. Bon, il devait quand même admettre qu'il ne se comportait pas de la plus mature des façons qui soit. Il en était d'ailleurs assez fier. Il était probablement l'une des seules personnes de plus de sept siècles qui réussissait encore à se comporter comme un enfant de temps en temps. Après tout ce qu'il avait vécu, c'était un exploit dont il était fier.

Malika fit claquer un dernier presse-papier sur le bord du parchemin, faisant de nouveau grimacer l'elfe noir. De combien de trucs pour écraser cette chose avait-elle donc besoin pour rester plate ? Oui, il savait qu'il y avait un nom, mais il ne se sentait vraiment pas d'humeur à essayer de s'en souvenir. Il avait un putain de mal de crâne !

-J'ai votre attention, maintenant ? demanda-t-elle.

-Oui maman, répondit Asmodes pendant que Sem'e'ter tentait d'acquiescer en remuant la tête le moins possible.

Tyrael se leva, traîna sa chaise juste à côté de la table et se rassit dessus.

-Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-il.

-Un plan, fournit Asmodes comme s'il venait de trouver une idée lumineuse.

-D'un architecte, compléta Sem'e'ter sur le même ton, l'air extrêmement fier de cette inutile ajout.

Tyrael grogna, attrapa leur deux têtes malgré leurs tentatives entravées par l'alcool de s'y soustraire et les fit claquer contre la table sans trop de violence. Sinon ils auraient été assommés au lieu de simplement gémissant.

-J'avais un rendez-vous ce soir, protesta Asmodes. Je suis défiguré !

Malika sortit un poignard de sa poche et le tendit par la lame vers Tyrael.

-Kayyyy, j'arrête, se rendit aussitôt le vampyr.

La dernière fois Tyrael avait pris le poignard et lui avait fait une nouvelle coupe de cheveux, comme ça il ne sortirait plus défiguré mais il sortirait comme un inconnu. L'édrakin était un coiffeur horrible. Son sens de l'humour était encore plus horrible, selon le vampyr. Heureusement il avait réussi à les faire repousser.

A côté de lui, Sem'e'ter avait ramené ses bras sous sa tête et décidé que cette table faisait finalement un très bon oreiller. Peut-être que s'il s'endormait maintenant sa tête aurait cessé de sonner quand il se réveillerait ? Sa tentative fut interrompue par une avalanche d'eau qui le submergea soudain. Sursautant, il glissa de sa chaise, tira un poignard et lâcha une charge de magie. Clignant des yeux, il brandit la lame avec incertitude en voyant le seau vide que tenait Malika. Derrière elle, on distinguait nettement un impact noir sur le mur dont il était plus que probablement le responsable. Tyrael se relevait en pestant.

-Quel genre d'idiot lance un destructus à ceux qui veulent le réveiller, vraiment ? Au moins on sait comment tu as survécu aux bagarres dans les bars si longtemps, sale gosse.

Debout, sa tête masquait l'impact, montrant clairement qu'il s'était trouvé sur la voie du sort. L'elfe noir, toujours tanguant légèrement, rangea le poignard dans sa gaine, agrippa la chaise pour s'aider à se relever, retomba à terre car il n'avait touché que du vide, refis une tentative tâtonnante et se laissa finalement tomber sur ladite chaise. Malika lui envoya un regard qu'il interpréta comme un « qu'est-ce que je ne fais pas pour toi », avant de lever les mains et d'incanter. Son mal de tête diminua grandement. Asmodes retomba dans son habituelle position alanguie. Probablement avait-il choisi d'abandonner un instant cette nonchalance dangereuse qui l'auréolait le temps de dégriser, lui aussi.

-En fait, reprit Malika en les ramenant à la discussion présente, les deux idiots ci-présents n'ont pas tort.

Asmodes afficha une mine peinée devant ce qualificatif. Sem'e'ter, s'il n'appréciait pas de se faire traiter d'imbécile, reconnaissait le fondement de cette déclaration et préféra se concentrer sur la deuxième partie de la phrase.

-La demeure Marxon ? Ker Igar, je crois ?

-Ker Igdar, corrigea Malika, et non.

-Trop petit, pas assez luxurieux, gémit Asmodes.

D'accord, toujours ivre, comprit l'elfe noir. Malika lui adressa un regard signifiant clairement que c'était son problème.

-Luxueux, imbécile obsédé, maugréa Tyrael.

-Louxor, approuva le vampyr.

Tyrael lança un regard amusé vers Malika, tandis que celle-ci levait les yeux au ciel. Une des étranges habitudes d'Asmodes saoul constituait à énumérer le plus de mots possibles ayant les sonorités les plus proches possibles.

-Sobre, lâcha Sem'e'ter, ses mains illuminées d'un flux gris acier tendues vers le vampyr.

Les situations de combats encourageaient incroyablement à réduire ses incantations. Pas élégant. Pas sophistiqué comme les premiers sortceliers et Hauts mages. Mais infiniment plus efficace quand on voulait survivre.

Asmodes papillonna un instant des yeux, puis laissa docilement les pieds de sa chaise retomber sur le plancher.

-Donc ? demanda-t-il.

-Donc, je suis allée aux archives, j'ai fait jouer trois relations, j'ai piraté leur base de données, et nada. Rien. Le plan de Ker Igdar n'y est pas.

-Bien évidemment. C'était toujours la première chose qu'on faisait à Meus : piller les archives pour trouver les points faibles des places fortes.

L'édrakin ne semblait pas surpris.

-Ils ont dû payer pas mal pour être exonérés, nota Sem'e'ter.

-Considérant qu'ils ont aussi privatisé le montant de leur revenu annuel, je pense, accorda Malika.

-Je n'aime pas ce contrat, murmura l'elfe noir.

A chaque nouvelle information qu'il apprenait sur Marxon, son instinct lui hurlait plus fort de faire demi-tour. Pas que cela semble gêner les autres.

-On ne peut pas entrer à l'aveuglette, s'opposa-t-il.

-D'ailleurs on n'a même pas à entrer, lança Tyrael. Gagner la confiance de Marxon ne veut pas dire savoir où il cache ses petits secrets. Et je doute qu'ils soient tous chez lui.

-J'anticipe sur les phases suivantes, riposta Malika.

-Phase un : gagner la confiance de Marxon, énuméra Sem'e'ter. Phase deux… Oups ?

-Tu vas être comme ça tout le long ? demanda Malika, agacée.

-Je ne le sens pas, ce contrat, réitéra-t-il. Pourtant je suis là. Ma mauvaise humeur est un bien faible prix à payer, non ?

-C'est bon, c'est bon, lança Asmodes, jouant les conciliateurs. Sem ne le sent pas, Malika est énervée, vous avez tous les deux vos raisons. Alors plutôt que de se prendre la tête, on va voir ce plan, et on va en discuter, d'accord ?

L'édrakin grogna son approbation. L'elfe et l'humaine se dévisagèrent un instant, avant de se tourner vers le plan.

-Donc, si ce n'est pas Ker Igdar ? interrogea le vampyr.

-C'est le plan de la maison d'un nommé Tornil Ab Farz, déclara Malika. Ker Igdar a connu une grande rénovation, officiellement achevée il y a une semaine. Mais avec les reports, ils en ont encore pour au moins deux mois. Ce cher Tornil, bien qu'architecte assez réputé, tant pour sa discrétion que son talent, est assez avare ; son cabinet d'architecte est l'une des pièces de sa maison.

-Toutes les surprises ne seront pas sur les plans, nota Sem'e'ter.

-La majorité le sera, opposa Asmodes.

Tyrael râla à propos des « constructions démesurée » et que « c'était mieux chez lui » mais maugréer faisait partie de son habitude.


D'aucun diraient que la nuit est un spectacle admirable. Que l'obscurité qui brouille les frontières entre la terre et le ciel a quelque chose d'ensorcelant. Lancor n'était certainement pas de ceux-là. Accoudé sur le bord de son balcon, surplombant le sol de quelques étages, ce qui retenait son attention était les centaines de petites lumières qu'on voyait au loin, témoignant de la présence des villes et villages. Des lumières qu'il éclairait, qui s'éteindraient si son empire décidait de couper les vannes de l'HDM.

Le sentiment de toute-puissance que lui procurait cette vue était quelque chose que Lancor appréciait. Ces lumières ne parvenaient pour autant pas à l'illuminer, lui. Seul le clair de Tadix diffusait un peu de clarté sur lui. Dans cette faible luminosité, tout ce que l'on pouvait dire de Lancor était qu'il était plus grand que petit, assez musclé, avait des cheveux pâles coupés assez courts et était entièrement nu. Deux rideaux blancs presque transparents flottaient dans le vent.

-Tu aimes cette vue, constata une voix derrière lui.

Lancor ne sursauta pas quand deux bras l'enlacèrent par derrière et que deux seins et une tête s'appuyèrent contre son dos. Un baiser fut posé dans le creux de sa clavicule.

-Elle m'inspire, rectifia-t-il.

-Toujours plein d'ambition, murmura la femme.

-Ma plus grande qualité.

-Ton plus grand vice.

-Dit ma maîtresse en ce domaine, remarqua-t-il en se retournant. Que me veux ma plus efficace conspiratrice ? demanda Lancor en se retournant, étreignant la jeune femme contre lui.

La dite conspiratrice était également dévêtue. Ses cheveux bruns cascadaient en boucles épaisses dans son dos, tandis qu'il pressait son corps mince contre lui. Une frange contribuait à lui donner un air innocent que ses yeux bruns ne démentaient pas. Elle était belle, songea Lancor. Elle était vicieuse. Une jolie vipère. Juste la personne qu'il lui fallait.

-Peut-être un baiser. Peut-être plus.

Elle se dressa sur les pointes pour le voler. Lancor plongea sa main dans ses boucles brunes, soutenant sa nuque.

-Surement plus, confirma-t-il en se détachant. Après, tout, qu'est Indaro sans ses venimeuses volontés ? murmura-t-il avant de l'embrasser à nouveau.

La femme sourit et commença à l'entraîner vers la chambre qui ouvrait sur le balcon.


Si Tornil gagnait autant que Malika le disait, Sem'e'ter devait admettre être d'accord avec elle : c'était un avare.

Les habitants de Tingapour venant de partout, on croisait tout le monde à ce carrefour du monde. Des immensément riches aux plus miséreux. Il était aisé de voir qui était qui à son habitation, habituellement. Les très riches vivaient dans des palais extravagants que toute une myriade d'architectes conceptualisait et faisait évoluer. Ces palais s'étendaient principalement autour du palais impérial, puis devenaient de plus en plus rares à mesure que l'on s'éloignait du centre du pouvoir. Au fur et à mesure, se mêlaient çà et là des habitations confortables, mais moins extravagantes. Venaient ensuite le flot de petites maisons qui avait bien conscience de la valeur du terrain et montaient vers le ciel, faute de pouvoir s'étendre sur terre. Puis, des petits immeubles qui tenaient davantage des insulae, qui formaient des ilots entres les diverses maisons. Ensuite, comme la valeur du terrain décroissait, on retrouvait de petites maisons qui semblaient moins pressées de s'élancer vers le ciel. Ce vaste amoncellement qui épousait tortueusement la forme des collines recouvrait des tatrolls entiers, avant que, arrivé à l'extrémité de la ville, on ne découvre les quartiers que formaient les bidonvilles.

Quand Sem'e'ter était arrivé à Tingapour la première fois, trois cents ans plus tôt, les bidonvilles n'existaient pas et la ceinture de petites maisons était pour moitié sans occupant. Mais maintenant que la capitale omoisienne reprenait son expansion, les petites maisons avaient été envahies, pas toujours avec l'accord de leur propriétaire.

Ab Farz aurait facilement pu se payer un de ses petits palais de gens qui aiment faire les riches sans l'être tout à fait. Au lieu de quoi, il avait dégoté l'une de ses maisons qui cherchent le ciel, étonnamment proche des palais de ses clients, et l'avait fait recouvrir d'une illusion. Avare et ostentatoire en même temps. Une combinaison qui ne fonctionnait jamais.

Après avoir passé trois bonnes heures à observer la façade, l'illusion était tellement évidente qu'elle crevait les yeux de l'elfe noir, remarquablement ennuyé. Donnez-lui un combat, il était partant. Un défi, d'accord. Une aventure, sans problème. Faire le guet ? Pas son passe-temps favori. Du tout. Il s'était amusé à compter précisément quand le troupeau de bobelles apprivoisées venait voler devant les fenêtres de la maison, et selon quelle formation. Quatre bobelles toutes les vingt minutes. Cinq minutes plus tard, trois autres bobelles viendraient voleter, à une minute d'intervalle chacune. L'une picorerait le sol. Remarquablement ennuyeux.

Soupirant pour la treizième fois cette minute, Sem'e'ter jeta son trente-deuxième coup d'œil au deuxième soleil, Lûdur, qui refusait de disparaître de l'horizon. Avec deux soleils, il était remarquablement difficile d'obtenir une nuit longue. Chaque Faicho, on passait six semaines sans avoir une heure de nuit. La moitié de l'année, les nuits duraient dix heures, sur les vingt-six de la rotation d'Autremonde. Epuisant pour les travailleurs. Pas pratique pour les cambrioleurs.

Allongé sur le toit d'une insulae à trois rues de là, dissimulé à l'ombre d'une colonne d'aération, Sem'e'ter avait une vue parfaite sur la très ennuyeuse demeure d'Ab Farz. Il y avait une cuisinière, un domestique et un huissier, le dernier ne venant que de temps en temps, lui avait appris Malika. La cuisinière avait été rappelée chez elle à cause de sa sœur malade, l'huissier n'était pas prévu pour ce soir, et le domestique avait succombé à un vampyr voleur de cœur qui lui avait fait promettre sa nuit pour lui.

Asmodes l'expert crocheteur étant donc aux abonnés absents pour effectuer sa distraction, la « mission » était donc tombée sur Sem'e'ter et Malika. La naginata de Tyrael aurait singulièrement détonnée dans le coin et le but n'était pas d'offusquer les beaux quartiers en amenant un édrakin si près. D'autant que le dit édrakin était mâtiné de salteran, ce qui le rendait difficilement oubliable.

-Lûdur ne se couchera pas plus tôt pour toi, fit remarquer Malika, occupée à pianoter sur son ordi-cristal portable.

Un fil partait de la massive plaque de cristal enchantée à tant de reprises qu'on ne les comptait plus. Il était relié directement à l'accès en HDM de l'insulae. Il avait déjà été menacé de mort s'il touchait à quoi que ce soit. Apparemment, cette technologie dernier cri lui avait coûté un bras. Le premier prototype portable sur le marché.

-Du nouveau ? demanda l'elfe noir en venant se laisser tomber à côté d'elle.

-Non, soupira la programmeuse en appuyant sa tête contre le mur de chaux, quittant pour la première fois des yeux sur l'écran depuis trois heures. J'ai réussi à accéder au portail d'Alejand, mais il me manque le mot de passe pour entrer dans l'intranet.

-Au risque de paraître désuet, une transaction de titril de cette taille serait enregistrée à la guilde des commerçants, non ? demanda l'elfe noir.

-Sem et les nouvelles technologies, murmura Malika, toute une épopée.

-Elle tiendra dans le temps à tuer, non ?

-Elle l'a fait les cinq dernières fois. Et tu es toujours aussi hermétique à la technologie moderne.

Malika soupira, fatiguée, ferma les yeux, et commença :

-L'HDM qui couvre Tingapour provient d'une unique source, une chambre-cristal massive planquée je ne sais pas trop où. Cet HDM facilite l'utilisation de la magie ici, mais permet aussi le vol de tous les tapis sans batterie magique et non alimentés par un sortcelier ou une pierre vivante. Il alimente également des intranets, une mise en réseau de divers ordi-mages qui partagent des informations entre eux. En théorie, ces intranets sont cloisonnés et ils ne peuvent communiquer entre eux.

-Nouveauté, marmonna l'elfe noir. Qu'est-ce qu'ils feront bientôt ? L'extranet ? La mise en réseau mondiale de tous les ordi-mages ?

-Ca, il faudrait trouver une sacrée chambre-cristal pour l'alimenter. Peut-être dans un siècle ou deux… L'intranet a seulement cinquante ans, après tout. Bref, le point commun de tous les intranets de Tingapour est qu'ils sont tous alimentés par l'HDM. En opérant une transition par l'HDM, j'ai connecté mon ordi-cristal à l'ambassade spanivienne présente ici. Alejand étant basée à Spanivia, ils peuvent faire transiter leurs achats par l'ambassade, afin de masquer leur trace. Mais cela nécessiterait un important pot-de-vin dont il reste forcément une trace dans leur intranet, vu qu'ils ont tout informatisé il y a un demi-siècle.

-Et cette information vient de ?

-La dernière fois que j'ai dû récupérer quelque chose dans leur intranet, il y a vingt-trois ans.

-Pourquoi est-ce toi qui est allé le faire ? Un Voleur n'aurait-il pas été plus approprié ?

-Un Voleur Patenté n'a pas sa place dans un bal masqué, et est une merde en informatique. Mes commanditaires l'avaient déjà tenté.

-Et ce ne serait pas plus pratique si on était directement dans l'ambassade ? On aurait accès à plus de choses, non ? interrogea Sem'e'ter.

-Théoriquement. Mais Spanivia est très fière de ses nouvelles technologies, sourit Malika en faisant tourner dans sa main une plaquette de cristal qu'elle venait d'extraire de l'ordinateur.

-Qu'est-ce que c'est ? demanda l'elfe noir en saisissant l'objet.

Cela ressemblait à une sorte de carte ; dix centimètres sur cinq, un d'épaisseur, d'innombrables rainures sur les bords et une lumière blanche émanant de l'intérieur. Au centre, un faucon doré fondant sur sa proie, l'emblème de Spanivia. Inconnu au bataillon de ses connaissances. Malika reprit la carte et expliqua :

-Ceci est une carte d'accès externe à l'intranet de l'ambassade spanivienne. Avec ça, tu te connectes à n'importe quel ordimage et tu arrives dans le serveur de l'ambassade.

-A distance ?

-Dément, hein ? Spanivia garde ça pour son administration. Pas besoin de piratage, il suffit juste de dépendre de la même chambre cristal et d'avoir un code d'un membre de l'ambassade. Ça leur fait des économies. Ils utilisent le fait qu'ils sont les numéros un des nouvelles technologies pour bloquer les pirates dans mon genre.

-Je présume que ça date aussi d'il y a vingt-trois ans ?

-Tout juste ! C'est ce que le Voleur Patenté avait réussi à récupérer. Je l'ai demandé en guise d'une partie de mon paiement.

-Et l'ambassade ne s'est jamais aperçue qu'il lui manquait une de ses précieuses cartes ?

-Apparemment pas : ces types notent tout, ils passent leur temps à communiquer entre eux par leur intranet et rien n'est jamais apparu sur une carte manquante.

Sem'e'ter acquiesça. Malika poursuivit son explication :

-Le désavantage c'est que la carte ne suffit pas : il faut aussi le code d'un des employés pour que l'ordimage central pense que je suis lui. Mon coco est archiviste ; il a accès à la majorité des informations, mais pas à tout ce qui est classé. J'ai déjà épluché toutes les archives à la recherche de la transaction du titril et elle n'y est pas. Mais le titril est un métal rare et classé comme militaire depuis la Guerre des Edrakins alors ce n'est très étonnant. Actuellement, je tente de pirater leur intranet depuis ma carte d'archiviste pour me faire passer pour le secrétaire de l'ambassadeur qui aura à coup sûr accès à cette transaction.

Elle réintégra la carte dans l'ordimage et Sem'e'ter, soupirant de nouveau, retourna observer les bobelles.


Les deux hommes se regardèrent suspicieusement. Asmodes adressa un charmant sourire à son vis-à-vis, lequel le foudroya du regard. Le sourire du vampyr s'élargit. Il tendit la main, accepta un cigare que lui tendait un homme à sa droite, en inspira une longue goulée, rendit le cigare, ferma les yeux et rejeta la tête en arrière, faisant exprès d'entrouvrir le col de sa chemise dans le mouvement tandis qu'il augmentait imperceptiblement son Charisme. Les yeux à demi fermé, il expira longuement la fumée avant de les rouvrir et de regarder son vis-à-vis pour voir le résultat de ses actions. Il semblait effectivement un peu plus hésitant. Asmodes sourit de nouveau doucement :

-Cinquante argent, misa-t-il en sifflant la première sonorité entre ses canines.

Les hommes de part et d'autre sifflèrent à la somme. Cela représentait une semaine de travail pour un homme moyennement qualifié à Tingapour. Les sons tirèrent son adversaire de son hébétude et un regard plus furieux qu'avant se posa sur le vampyr qui n'en sourit que plus largement.

-Pas assez ? murmura-t-il.

-Soixante, asséna son adversaire sans jeter un coup d'œil à son jeu, déclenchant des exclamations enthousiastes.

-Soixante et à boire pour toute la compagnie, susurra le vampyr, gagnant des applaudissements des spectateurs.

-Ca fait soixante-sept, lança le tenancier, en train d'essuyer un verre.

Ce n'était pas le Tintinant d'or, mais la Cloche creuse, un autre cabaret de la capitale omoisienne, tout aussi mal famé. L'homme devant Asmodes sembla hésiter, visiblement presque à court d'économie, jeta un regard au vampyr souriant puis déclara :

-Soixante-dix et la tournée.

Vivas.

-Quatre-vingts et la tournée, dit calmement Asmodes.

-Mets-les sur la table !

Le vampyr s'exécuta en prenant son temps, assemblant sept piles de dix crédits-muts argent sous les yeux des spectateurs qui considéraient cette petite fortune, puis trois piles d'autant de crédit-mut bronze.

-Il te manque seize crédit-muts argent et soixante-dix bronze, sangsue, lança l'autre tandis que la foule huait Asmodes.

Le vampyr ne répondit pas et mit sur la table une boule de cristal :

-Cinquante argent, annonça-t-il comme valeur. Tu veux aussi la boucle de mes chaussures ? Ou peut-être celle de ma ceinture ? suggéra-t-il d'un ton de flirt.

L'autre rougit et la compagnie éclata de rire. Asmodes observa attentivement le moment où l'autre regarda toute la fortune étalée sur la table, réalisa qu'il n'avait pas autant. Son visage s'assombrit et il abattit son jeu. Un full à la dame et aux rois.

-Dis-moi que je gagne, l'amour, je veux l'entendre de ta bouche, sourit le vampyr d'un rictus qui n'avait plus rien de doux.

-Tu gagnes ! lança l'autre en jetant une bourse garnie sur la table.

-Ne pars pas si vite, l'amour, nous devons faire nos comptes, lança le vampyr dans son dos avant d'ouvrir la bourse et d'en sortir la somme convenue pendant que le tenancier comptait ses propres gains. J'ai tout !

-Moi aussi, répondit le tenancier.

Asmodes sourit et posa un roi, puis le deuxième. Son adversaire était resté en face de lui. La foule s'exclamait quand il posa le troisième. Le vampyr regarda l'autre dans les yeux, et posa un huit de trèfles. Un brelan et non le carré attendu.

-Tu aurais dû bluffer, l'amour. Ou ne pas m'insulter.

Il quitta la Cloche creuse sous les rires des autres consommateurs. Asmodes savoura un instant le moment où il pouvait remettre à sa place un de ces omoisiens, peuple décidément xénophobe, avant de ramasser ses gains. La foule gouttait lentement hors de l'établissement tandis que le tenancier commençait déjà à ramasser les bouteilles au sol. C'était la fermeture. Le vampyr se leva le dernier, posa trois crédits-mut bronze sur le comptoir, donna un regard entendu au tenancier, puis sortit.

Le froid de la nuit l'attrapa brusquement. Il n'y avait pas de brillante dans ces quartiers, non touristiques et non fréquentés par les classes sociales aisées. On n'y rencontrait que des nonsos, des sortceliers de bas-salaires et des coupe-gorges. A cette heure, les derniers étaient les plus fréquents. Le vampyr se mit en marche d'un bon pas, guettant les toits du coin de l'œil. Il ne fallut que deux rues pour que ce qu'il attendait se produise.

-Attention ! cria le tenancier et Asmodes plongea au sol, dégainant les poignards à sa taille. Expedus !

Un Carbonus faisait encore entendre son bruit de braise sur le mur où il s'était écrasé. Un cri indiqua que le sort du tavernier avait touché un de ses attaquants, avant que celui-ci ne percute un autre mur et ne retombe tel une poupée chiffon. Le vampyr se lança en avant, vers les trois assaillant restant. Ceux-ci ne semblaient pas sortceliers car aucun ne lança de sort, l'un tirant un long couteau qui tenait de la machette de sa veste, l'autre, celui qui avait perdu malgré son full avait une barre en fer, le dernier une dague semblable à celle d'Asmodes.

Tous étaient cependant humains et n'égalaient aucunement la vitesse d'un vampyr. Il faucha les deux premiers rapidement et le dernier prit la fuite sans demander son reste. Asmodes lança deux autres pièces vers le tavernier qui empocha et repartit fermer son magasin, peu intéressé par la suite. Un bruit familier arriva aux oreilles du vampyr. Il considéra sa tenue tâchée de sang, constatant qu'il lui faudrait changer de manteau pour son travail du soir. Veillant à ne pas salir la chemise en dessous qui demeurait épargnée, il essuya ses dagues sur les vêtements des deux cadavres, ne trouva que de la menue monnaie et des objets sans valeur dans leurs poches.

Puis il alla calmement dans la direction du bruit.

-Tu n'aurais pas un manteau de rechange ?

-Un de ces jours, il faudra que tu apprennes qu'il y a plus important que la mode, gamin, déclara Tyrael sans le regarder, tandis que sa naginata buvait le sang au corps décapité de l'assaillant fuyard qui n'était pas allé très loin.

Il farfouilla dans son tabard et en tira un manteau avec des cartes à jouer dessus.

-T'as laissé ça chez moi il y a une éternité.


Lûdur s'était finalement couché, la cuisinière était rentrée chez elle il y avait longtemps. Pas le domestique, même si Tyrael avait appelé et signalé que l'huissier était arrivé dans le restaurant où il avait réservé une table pour apprendre à mieux connaître ce charmant vampyr qu'il avait rencontré il y a peu. Nul doute qu'Asmodes était actuellement occupé à tirer le maximum en échange de pardon pour son retard. Que l'huissier et Ab Farz restent ensemble jusqu'à neuf heure n'était pas prévu. C'était le moment où Ab Farz se mettait au lit et où tout le monde était déjà parti, de leurs observations précédentes.

-Tu penses qu'il a fini de manger, maintenant ? demanda Sem'e'ter.

-C'est toi qui y voit la nuit, répondit Malika d'une voix endormie.

La lumière de la salle à manger toujours allumée était donc sa réponse.

-Je ne vois pas pourquoi tu te plains ; on a l'opportunité de faire ça de nuit et non en pleine soirée comme on pensait que ce serait le cas. Moins de risque de témoin.

-Je hais la planque.

-C'est moi qui devrais me plaindre : j'ai dû arrêter mes recherches et éteindre l'ordimage pour ne pas nous faire repérer.

La lumière s'éteignit.

-Ca commence ! s'exclama Sem'e'ter d'une voix excité, heureux de sortir enfin de cette longue attente.

Cambriolage chez l'architecte de Marxon ; mission impossible avec Sem'e'ter en serveur, Tyrael en gladiateur de fosse, Malika accompagnant un ex, Asmodes son dernier séduit.

L'extrait ci-dessus est le début de la première partie. Suivent dans cette partie le cambriolage de l'architecte où Sem'e'ter manque de se faire repérer, mais qui est un succès puisqu'il repart avec les plans. Nouveau rendez-vous du Quatrième temps, toujours dans le genre de maison des bas-fonds qu'ils affectionnent : Malika a fait ses recherches sur les Marxon et communiquent les informations sur Marxon père et fils (blonds tous les deux). Après étude du plan, ils décident également qu'ils n'ont pas assez d'information sur Ker Igdar : une soirée dans trois semaines se déroule cependant dans la résidence.

Ce qui suit ressemble assez à un remake de Mission Impossible. La soirée chez Marxon est la définition de la décadence. Tyrael s'y introduit en tant que gladiateur, une fosse de combat étant l'une des principales attractions, à côté de la fontaine de pseudo-champagne. Sem'e'ter joue le serveur. Malika accompagne un ex qui était invité qu'elle a convaincue (on ignore comment). Asmodes accompagne sa dernière conquête. Asmodes essaye de s'éclipser, mais se trouve face au service de sécurité et décide de revenir à la fête. Il rencontre Marxon fils à la table de poker et commence son numéro de flirt. L'ex de Malika connaît Marxon et a promis de la lui présenter. Une fois en face de Marxon, il devient vite clair qu'il compte plutôt la dénoncer pour son comportement suspect. Malika tente verbalement d'alléger les soupçons. Marxon décide de la faire amener dans son bureau pour une « discussion » privée. C'est à peu près le moment où la situation dégénère. Sem'e'ter lui était parvenu à s'éclipser pour faire le repérage du bâtiment. Manque de chance pour lui, il tombe sur une équipe concurrente qui compte cambrioler le coffre des Marxon ce soir-là. Les cambrioleurs se font avoir par les pièges. Entrée en scène du service de sécurité qui confond Sem'e'ter avec l'un des cambrioleurs. Course-poursuite dans le bâtiment qui se termine finalement avec un combat entre un des cambrioleurs et un membre du service de sécurité qui tombe dans la fosse. Panique générale parmi les convives, Malika en profite pour s'échapper. Sem'e'ter après s'être débarrassé de son membre du service de sécurité décide de ne pas faire de vieux os non plus. La xénophobie omoisienne fait que Tyrael n'est pas très bien accueilli non plus quand il s'extirpe de la fosse (surtout qu'on vient de le voir tuer quelques intrus). Asmodes glisse son numéro à Marxon fils avant de quitter les lieux à son tour.

Colère de l'homme blond en compagnie d'Indaro, il a une video-taludi de la surveillance de Ker Igdar qui montre l'évasion de Sem'e'ter. Indaro lui suggère d'envoyer les Tzaï à la poursuite des gêneurs.

Nouveau conseil du Quatrième temps. Devant les pièges chez Marxon et le service sécurité qui sera en alerte, ils décident d'abandonner l'option cambriolage. Le fait que Marxon fils ait rappelé Asmodes les fait pencher vers l'option « complicité intérieure ». En rapportant cela à leur commanditaire, ils apprennent que la deuxième partie de la mission est de s'emparer du titril gardé par les Marxon. Après un mois de romance en bord de mer, Asmodes parvient à infiltrer Malika qui pirate l'intranet de chez Marxon, obtenant la localisation et les codes d'accès au titril. Deuxième mission impossible, qui cette fois se passe bien.

Scène avec le chef des Tzaï, Kuro, et son amante et collègue Maria : on les embauche pour éliminer le Quatrième temps.

Le mode de paiement adopté par leur commanditaire est : premier paiement, livraison du titril, deuxième paiement. Suite au premier paiement, le Quatrième temps fête son succès. Malika fait part de ses projets de partir prendre sa retraite incognito, puisqu'elle a été identifiée par Marxon. Le Quatrième temps se dissout donc et le premier paiement va à Malika et Tyrael. La situation dégénère une semaine après quand les Tzaï tuent Tyrael dans une des ruelles de Tingapour. Il a eu le temps d'appeler Asmodes dans un message brouillon et alarmant. En arrivant, Asmodes trouvent le cadavre d'un des Tzaï qu'a tué Tyrael, et Tyrael lui-même, mourant et auquel on a attaché une bombe qui se déclenche quand Asmodes le retourne.

Grâce à sa régénération vampyrique, Asmodes s'en sort. Lui et Sem'e'ter se cache dans les bas-fonds de Tingapour. Ils apprennent par les informations la mort de Malika, abattue en Spanivia. Sem'e'ter désire quitter Tingapour pour aller se cacher dans l'arrière-pays, mais Asmodes, remis, le convainc que pour se cacher efficacement ils ont besoin d'argent. Le lieu de rendez-vous est une rue de Tingapour. Asmodes va chercher l'argent, Sem'e'ter étant chargé de le couvrir. Cela n'empêche pas Kuro, un des Tzaï, de décapiter Asmodes par surprise : les Tzaï se révèlent ainsi avoir été employés non par Marxon comme ils l'avaient supposé, mais par Alejand.

Cette partie se finit sur cette réalisation de Sem'e'ter et sa promesse de venger ses amis.

La deuxième partie commence un peu plus d'un mois plus tard. Sem'e'ter s'est caché dans une maison close dont il connait la tenancière, l'elfe Mérovée (qu'il avait rencontrée dans une autre maison close peu après avoir quitté Salanda). De là, il dresse ses plans et recueillent des informations : il vient de retrouver la trace d'une des Tzaï qu'il a vu à l'assassinat d'Asmodes, Maria (une snipeuse). Après l'avoir observé quelques temps, il réussit à la piéger puis la torture pour obtenir des informations sur ses complices.

Kuro et un autre Tzaï, Anthony, retrouvent Maria inconsciente. Ils la ramènent à leur quartier général pour la soigner, ignorant que Sem'e'ter a retourné l'une de leur technique contre eux (ils avaient repéré Malika et Tyrael par des traceurs placés dans les crédits-mut, Sem'e'ter en a placé un sur Maria que Kuro, préoccupé par son amante, manque).

Nouvelle scène entre l'homme blond, Alejand, et Indaro, le premier demandant à celle-ci la raison de sa rancœur contre le Quatrième temps. Elle raconte son histoire : il s'avère qu'elle est la princesse du Libunja que Sem'e'ter a séduite et abandonnée, ce dont elle veut se venger.

Dans le quartier général des Tzaï à Omois, la Tzaï Serena renseigne Kuro sur les blessures de Maria. Arrive le Tzaï Marcus qui dit que Sem'e'ter a été repéré par Anthony dans le quartier des épices. Kuro empoigne aussitôt ses armes. Scène où l'on voit Sem'e'ter se promener dans le marché aux épices. Scènes rapides où on s'aperçoit que les trois Tzaï sont en position : Anthony, installé dans une chambre avec vue sur la rue, Kuro en visuel dans la rue et Marcus bloquant le trajet le plus probable si Sem'e'ter cherchait à s'échapper. Un carreau d'arbalète tiré par Anthony transperce Sem'e'ter qui s'effondre à terre. Kuro s'approche pour vérifier qu'il est mort. Le bruit d'un carreau décoché attire l'attention de Kuro et Marcus sur la position d'Anthony. Celui-ci ne répond pas à son cristal-poignet. Marcus fonce vers la chambre par les escaliers tandis que Kuro reste en place à la fenêtre. Malgré cela, Anthony est mort, le Sem'e'ter à terre s'avère être un faux et le vrai s'est échappé. Marcus découvre toutefois un morceau d'étoffe que portait Sem'e'ter et qu'il a accroché dans sa fuite. Il reconnait cette étoffe (qui avait été donnée à Sem'e'ter par la tenancière).

Pendant ce temps, Sem'e'ter vient de tuer Serena et achève Maria malgré le sort qu'elle jette en sa direction. Il fouille également les QG des Tzaï et découvre l'étendue des machinations d'Alejand qui ne prépare rien de moins qu'un assassinat sur l'Empereur d'Omois dans la démonstration des cristal-poignet qui doit se faire dans deux mois.

En revenant dans la maison close, Sem'e'ter se trouve surpris par Kuro et Marcus : tous deux lui ont tendu une embuscade dans le bureau de Mérovée qu'ils ont attachés à une chaise, un couteau tenu sous la gorge par Marcus. Discussion sous tension entre Kuro et Sem'e'ter qui accepte d'entrer dans la pièce pour que Mérovée ne se fasse pas tuer. La discussion porte sur la destruction du Quatrième temps auquel Sem'e'ter rappelle son attachement, Kuro lui oppose une mentalité mercenaire (il précise que son travail n'a rien de personnel) et révèlent que les Tzaï sont fidèles à Alejand depuis longtemps. La discussion dérive sur Maria (Sem'e'ter ne révèle pas son passage dans leur QG), l'affection que Kuro lui porte, lequel finit son discours en ordonnant la mort de Mérovée. Marcus s'exécute tandis que Sem'e'ter échappe à un destructus de Kuro.

Kuro et Marcus retournent à leur QG. Moment émotionnel où Kuro découvre Maria et jure à son tour vengeance à tout prix.

Troisième partie, quelques semaines après.

Alejand, en discussion avec un noble d'Omois, cousin de l'empereur. Ils préparent la prise de pouvoir de celui-ci. Alejand lui propose de blâmer Kuro pour la mort de l'Empereur, désapprouvant le manque de distance professionnelle dont il fait preuve dans cette affaire. Le cousin demande un mobile. Alejand révèle que Kuro est un sortcelier trouvé sur Terre dont la dernière affiliation connue il y a vingt ans était pour le Palais du Lancovit. Voyant l'hésitation du noble, Alejand lui suggère qu'un autre coupable possible serait Sem'e'ter le fils illégitime d'une des conseillères de la reine des elfes : la mort de l'Empereur apparaîtrait alors comme une conspiration politique. Le noble répond une non-réponse.

Scène de bataille urbaine : Sem'e'ter échappe de peu à un destructus lancé par Kuro. Dégénère en duel mais quand Sem'e'ter gagne la haute main, Marcus intervient et le force à fuir. L'arrivée des thugs achèvent définitivement la confrontation, forçant les Tzaï à se retirer.

Indaro tente de séduire le noble mais échoue, ce dernier réalisant parfaitement ses intentions. Il lui dit de transmettre à Alejand son intention de réfléchir à la question, jugeant une guerre avec Salanda un très mauvais début de règne.

Marxon interrogeant Sem'e'ter qui s'est rendu volontairement à Ker Igdar. Si Marxon veut d'abord livrer Sem'e'ter aux autorités, les plans d'Alejand que Sem'e'ter lui dévoilent, et ceux de la bombe-cristal-poignet trouvée chez les Tzaï le convainquent de différer. Il fait tout de même enfermer Sem'e'ter le temps qu'il étudie les schémas.

Discussion entre Marcus et Kuro, le premier avertissant le second de son obsession. Kuro refuse d'abandonner et réitère son objectif de tuer l'assassin de Maria.

Confrontation entre Sem'e'ter dans sa cellule et Marxon fils, furieux d'apprendre qu'Asmodes l'a manipulé.

Scène anonyme : discussion entre un thug camouflé et un homme à la mèche blanche (devinez qui ? Bingo, l'Empereur) sur l'agitation de son cousin.

Matin, Marxon qui n'a pas dormi de la nuit à étudier les diagrammes et Sem'e'ter. Marxon déclare que si le cristal poignet est technologiquement possible à créer, son coût est beaucoup trop important pour être rentable, ce qui lui fait donner foi à l'histoire de Sem'e'ter. Marxon révèle également les autres propriétés du titril raffiné : une explosion anti-magique qui tuerait tout sortcelier à la ronde ne portant pas de l'anti-titril, un métal annulant les radiations du titril raffiné. Coupure de la scène au moment où Marxon propose un partenariat.

Nuit, rues des bas-fonds de Tingapour. Grâce aux informateurs de Marxon, Sem'e'ter connait la planque de Kuro. Il entre dans la pièce où se dernier est attablé à un bureau, dos à la porte. Kuro entend ses pas et le prend pour Marcus, mais en levant les yeux il aperçoit le reflet dans la vitre et esquive le poignard de Sem'e'ter. Nouveau duel, après un passage par la fenêtre et un corps à corps sur les toits voisins, Sem'e'ter tue finalement Kuro.

Appel de Marcus à Alejand pour lui apprendre la mort de Kuro. Alejand lui confie la mission de l'escorter quand il présentera le cristal-poignet à l'empereur.

Le noble arrive à Tingapour, saluant l'Empereur et sa femme. Réunion tout ce qu'il y a de plus cordiale, seule l'impératrice semble légèrement hostile à l'égard du cousin, rappelant à l'Empereur qu'il y a une raison pour laquelle il l'a exilé. Ce dernier lui répond qui depuis la mort de sa sœur il y a huit mois, le cousin est son héritier au trône impérial.

Sem'e'ter, alangui, chez Marxon, ce dernier frustré de n'être pas parvenu à obtenir audience avec l'Empereur car celui-ci passait la journée en famille. Il a toutefois après que la présentation du cristal-poignet est le surlendemain.

Soirée, dans le Palais impérial. Un camouflé vient avertir l'Empereur d'une possible tentative sur sa vie dans les jours à venir dont l'auteur serait l'elfe noir Sem'e'ter.

Mission impossible numéro trois : infiltrer le palais impérial tout en étant suspecter de vouloir assassiner l'Empereur. De manière peu surprenante, Marxon qui est venu exiger de toute urgence une audience avec l'Empereur pour le prévenir du danger sur sa vie, et Sem'e'ter se font rapidement arrêter. Marxon insiste que c'est une question de vie ou de mort, qu'il doit parler à l'empereur. Il parvient à faire venir le chef des gardes et le cousin de l'Empereur. Le cousin confirme les propos de Marxon mais rajoute que l'assassin probable est son accompagnateur et donc l'ignorance de Marxon, si ce n'est sa complicité. Le chef des gardes décide lui d'aller prévenir l'Empereur, ce à quoi l'encourage le cousin. Alejand accompagné de Marcus montent les marches du Palais impérial où Indaro les accueille. Ils ont des bracelets vert jade à chaque bras. Discussion entre l'Empereur et sa femme sur le sujet du cousin. Le cousin revient et l'impératrice lui reproche son manque de patriotisme car il porte des bracelets vert jade, le cousin répond qu'il s'agit au contraire d'organiser leur rapprochement avec Spanivia dont se sont les couleurs et d'où vient Alejand. Marxon et Sem'e'ter sont emmenés vers les cellules, Marxon plaidant pour se faire entendre, parlant de la bombe et des bracelets d'anti-titril du cousin. Sem'e'ter assomme ses gardes puis ceux de Marxon qui lui dit comment désamorcer la bombe avant que Sem'e'ter ne s'y rende seul, Marxon préférant tenter d'expliquer encore une fois la situation. L'impératrice s'excuse auprès de l'Empereur et du cousin, une de ses suivantes étant venue la chercher pour qu'elle règle une affaire urgente. L'Empereur et son cousin se rendent donc seuls à la cérémonie. Sem'e'ter se faufilant des les couloirs du Palais, se fait arrêter par deux gardes. Salle de réception, une foule observant Alejand discourir sur la révolution que sont les cristaux-poignets. Sem'e'ter argumentant avec les gardes qui ne semblent pas au courant qu'il est un intrus. Le chef des gardes informant l'Empereur (qui fait mine d'écouter le discours) de l'arrestation d'un elfe noir ressemblant à la description du camouflé. L'Empereur lui demande s'il ne trouve pas que les bracelets portés par Alejand et son cousin se ressemblent, le chef des gardes confirme. Sem'e'ter finit de convaincre les gardes de le laisser passer. Alejand ayant fini son discours présente un exemplaire à l'Empereur, qui lui est apporté sur un coussin par Marcus. Sem'e'ter fait irruption, clame le danger, Marcus active la bombe à radiation. Le chef des garde se jette devant l'Empereur, le protégeant de la déflagration. Le reste des présents s'effondre, exceptés ceux portant des bracelets en anti-titril et les non-humains. Etant un elfe, Sem'e'ter est moins affecté que les sortceliers et parvient à lancer un poignard dans le dos à Marcus qui s'apprêtait à tuer l'Empereur. Puis les gardes font irruption et arrêtent Sem'e'ter qu'ils ont vu lancer un poignard en direction de l'Empereur étourdi.

Enfermé dans une cellule, Sem'e'ter attends sa mort pour crime de lèse-majesté en se remémorant le Quatrième temps. Un groupe de gardes vient le chercher et l'amener dans une cellule fermée. L'Empereur se tient de dos à lui et lui raconte les événements, avant de continuer sur la confession de Marxon, ses propres soupçons sur son cousin et finalement remercier Sem'e'ter, lui ordonner le silence et lui accorder une faveur impériale en même temps.

Epilogue : l'idée d'entrée à la Guilde des Assassins est entrée dans la tête de Sem'e'ter mais il préfère partir pour l'Océan des Brumes, tout en retenant la possibilité d'entrer dans l'armée impériale dans le futur.