Disclaimer, rating et genre : voir le premier chapitre.


Bonjour tout le monde !

Je vous demanderai d'être indulgent sur cette suite, car il n'y a pas eu beaucoup de relecture sur ce chapitre. C'était soit cela, soit je ne postai pas avant très longtemps. Je suis effectivement en parallèle sur le manuscrit de mon premier roman. Cependant, comme je ne voulais pas vous faire de fausse joie en vous annonçant mon retour sur cette histoire et repartir aussitôt, sachez que je continue cette suite, mais qu'il faudra ne pas trop tenir rigueur des fautes que vous pourriez y trouver (mea culpa) car je posterai sans doute sans trop de relecture dans un premier temps.

J'espère que cette suite vous plaira quand même ! N'oubliez pas de me le dire pour m'encourager.


10

Une délivrance bien douloureuse

Hermione ne sut jamais comment ils finirent par rentrer. Ils avaient transplané, cela ne faisait aucun doute, mais elle ne s'en souvenait pas. Elle voyait encore ces ombres menaçantes qui torturaient une autre à terre et elle n'avait rien pu faire, simple spectatrice impuissante qu'elle était.

Il faisait noir tout autour d'elle et tout d'un coup, une lumière la surprit. Elle cligna plusieurs fois des yeux pour s'y habituer avant de comprendre que son ancien professeur venait d'allumer une lampe.

Tout en reprenant son souffle, elle se rendit compte qu'ils se trouvaient dans sa chambre. Elle était assise sur son lit, le professeur Snape à ses côtés. Il soupira puis se leva, faisant bouger le matelas. Hermione le suivit du regard. Il faisait les cent pas devant elle avant de s'arrêter tout en la dévisageant. Il semblait chercher ses mots.

— Savez-vous ce qu'il s'est passé ce soir ? demanda-t-il avec brutalité. Avez-vous une idée de ce que vous avez vu ?

Elle le contempla, la bouche entrouverte, l'air hagard. Non, bien sûr que non, elle ne le savait pas. Comment aurait-elle pu, de toute façon ? Ce qu'elle avait vu, ces ombres, était-ce un cauchemar ou bien la réalité ? Elle en avait été effrayée, le contraire eût été étonnant, mais… Ce n'était pas elle, ce ne pouvait pas être ses propres souvenirs, n'est-ce pas ? Elle ne le voulait pas !

— Granger ! tonna-t-il, furieux.

Prise au dépourvu, elle sursauta.

— Je vous ai posé une question, gronda le maître des potions qui perdait patience, et j'aimerais que vous me répondiez immédiatement.

Comment osait-il lui parler de la sorte ? Elle n'était plus son élève et… ne venait-il pas de l'appeler par son nom de famille ? Une étrange déception s'empara d'elle.

— Non, je ne sais pas, professeur, cracha Hermione avec colère.

Elle se sentait vexée qu'il la traite comme une enfant.

— Comment pourrais-je le savoir, poursuivit-elle, alors que je n'ai jamais rien vécu de tel ?

Ils se défièrent du regard, le souffle court, puis Severus frappa le mur avec son poing.

— Il est impossible que vous ne fassiez pas le rapprochement, grinça-t-il entre ses dents serrées. Êtes-vous stupide ou le faites-vous exprès pour me faire sortir de mes gonds, Granger ?!

Elle hoqueta sous la surprise que lui causait l'attitude de son patron. Depuis qu'elle vivait ici, c'était la première fois qu'il lui parlait aussi mal, comme s'il ne voyait en elle qu'une simple élève encombrante.

— Non, je ne le sais pas ! s'exclama-t-elle en croisant les bras. Comment pourrais-je alors que…

— Ma patience atteint ses limites, la coupa durement le professeur Snape. Ce que vous avez vu, sombre imbécile, est une réminiscence de votre passé. Une projection. Ni plus ni moins.

Hermione se redressa aussitôt, et sous l'impulsion d'une rage grandissante elle gifla violemment son interlocuteur. Le bruit mat la fit sursauter. Elle n'avait pas voulu le frapper, mais…

— Je vous interdis de me parler sur ce ton, Snape, jeta-t-elle froidement. Je ne sais pas ce qu'il vous prend, mais ce que j'ai vu ce soir, je ne l'ai pas convoqué. Je veux juste retrouver ce que j'ai oublié. Vos manières honteuses ne m'aident absolument pas.

— Réveillez-vous, Granger ! se moqua durement Severus. Arrêtez de vous comporter comme une enfant, pour que je puisse peut-être enfin vous prendre au sérieux.

— Sortez de ma chambre, ordonna Hermione entre ses dents.

Severus ne se fit pas prier, il quitta les lieux avec un envol de capes qui lui rappela ses années d'études. Il ne claqua pas la porte derrière lui. Une première, se dit la jeune femme, un peu surprise par cette chute qui ne ressemblait pas à ce qu'elle avait connu de lui.

Bien qu'il soit parti, sa colère ne retomba pas immédiatement. Elle se sentait comme chargée d'électricité ses membres ne cessaient de trembler. Elle était parvenue à invoquer une bribe de son passé. En cinq ans, c'était la première fois qu'elle y arrivait. Comment avait-elle fait ? Qu'est-ce qui avait changé ? Une idée lui vint soudain et ses yeux s'agrandirent de surprise en y réfléchissant. Était-ce dû à sa nouvelle vie ? Jamais jusqu'à ce jour elle n'avait été aussi acharnée de retrouver ses souvenirs.

— J'ai vu un pan de mon passé oublié, murmura-t-elle. Cette ombre à terre, qui était-ce ?

Sa mémoire commençait petit à petit à lui revenir. Snape avait été odieux, mais elle n'avait rien fait pour lui donner tort. Elle avisa avec acrimonie la porte fermée. Se pouvait-il qu'il ait agi ainsi pour qu'elle ouvre enfin les yeux ? Il lui fallait admettre qu'elle ne s'était pas sentie aussi vivante depuis bien longtemps.

Vivante.

— Quelle idiote j'ai été, murmura Hermione. Je comprends mieux ce que vous attendiez de moi, Severus, mais sachez qu'il y a des manières moins brutales pour obtenir ce que vous souhaitiez.

Elle se passa une main sur ses yeux fatigués. Elle se sentait lasse et pourtant un feu nouveau couvait en elle. Elle avait enfin compris qu'elle avait bel et bien vu un événement oublié des années auparavant. Il avait fallu qu'elle soit très en colère pour s'en rendre compte.

Et le croire.

À leur retour elle avait été profondément choquée. Pour se préserver, elle aurait très bien pu reléguer cela dans un coin de sa tête et… l'oublier de nouveau. Severus avait saisi le problème à bras le corps et avait fait en sorte que cela n'arrive pas.

Très ingénieux, s'avoua-t-elle

Elle saisissait mieux pourquoi il s'était comporté comme s'ils étaient revenus au temps du collège. Tout de même, c'était loin d'être agréable et cet ancien Snape-là ne lui avait pas manqué du tout.

oO§Oo

Severus était resté derrière la porte de la chambre d'Hermione, méditant sur ce qu'il venait de se passer. Qui aurait cru qu'un flot de souvenirs remonterait à la surface de sa mémoire aussi abruptement ? Et encore, il ne s'agissait pas de n'importe lesquels… L'impuissance éprouvée devant ces visions du passé lui fit serrer les poings.

Ce n'étaient que des ombres, des formes noires diffusées par l'esprit perdu de sa compagne, mais il avait vite compris de quoi il s'agissait. Entre tous ses souvenirs égarés, elle s'était remémoré sa confrontation avec des Mangemorts, et plus particulièrement avec Bellatrix Lestrange. Oh oui ! Il aurait reconnu cette forme échevelée n'importe où.

C'est ce qui avait tué leur fille. Sebastian avait eu une chance incroyable de s'en sortir sans séquelles. Néanmoins, Severus n'était pas certain qu'il s'en serait remis lui-même s'il avait également perdu son autre enfant. Une image funeste lui revint en mémoire qu'il réprima du mieux qu'il put. Derrière la porte, il entendit Hermione se parler à elle-même. Un sourire torve éclaira momentanément son visage blafard. Il avait dû employer la manière forte, qui n'était pas la plus simple pour la sortir de cette torpeur qui l'entourait depuis tant d'années.

Hermione devait se souvenir et s'il n'avait pas encore trouvé les mots justes auprès de l'autre vieille folle de Minerva, il savait enfin comment la faire changer d'avis. La jeune femme avait besoin qu'on la secoue. La cajoler et la traiter comme une poupée de porcelaine ne l'aidait en rien, au contraire il fallait faire preuve de dureté avec elle. Étrangement, ce constat, loin de le chagriner, lui donna une bouffée d'espoir qui faillit le faire rire.

Sélena avait tort. Hermione n'attendait aucune séduction de sa part. Non, elle avait besoin qu'on la confronte. La faire sortir de ce sommeil qui l'anesthésiait depuis si longtemps. Il devait impérativement faire sortir la lionne qui couvait en elle. Le chat s'était assez reposé comme cela.

Il fit quelques pas vers sa propre chambre et avisa la porte de celle où dormait son fils. Sebastian rencontrerait bientôt sa mère, c'était là la seule chose qui comptait à ses yeux. La plus importante. Leur histoire attendrait. Le comportement qu'il avait décidé d'adopter avec elle ne serait pas celui qui la rendrait amoureuse de lui mais c'était un mal nécessaire.

Loin d'en être affecté, cette idée le ragaillardit. Tout heureux de ces initiatives, il décida qu'il pouvait bien s'octroyer un petit verre de whisky pur feu. Il l'avait bien mérité.

.

.

Le lendemain matin, Severus se réveilla avec un terrible mal de tête. Il grogna en se levant, jura en s'habillant puis tempêta contre son corps qui le trahissait d'une telle manière. Il n'était plus tout jeune, c'était un fait.

— Bonjour, cher Severus, déclara Sélena qui lui servit un café bien serré pendant qu'il prenait place à table.

Du coin de l'œil, il vit Hermione se raidir, le regard assassin. Il n'en prit pas ombrage, les pulsations de son crâne monopolisant toute son attention.

— Tu es pas bien, papa ? demanda Sebastian qui l'observait, les sourcils froncés.

Severus grogna un « ça va » à peine audible avant de récupérer sa tasse.

Hermione, quant à elle, se leva et récupéra un sachet qui se trouvait dans l'un des placards. Elle déchira une ouverture avant de verser le contenu dans un verre d'eau qu'elle remua ensuite avec une cuillère. Elle revint vers lui et le lui tendit.

— Tenez, Severus, dit-elle sur un ton sec. Il n'y a rien de plus efficace contre les gueules de bois.

Il haussa un sourcil surpris, mais récupéra le breuvage qu'il but d'une traite. C'était légèrement amer et désagréable en bouche

— Qu'est-ce que c'est ? lui demanda-t-il circonspect.

Hermione ricana.

— Vous buvez AVANT de me poser la question, remarqua-t-elle. J'aurais très bien pu vous empoisonner.

Severus bougonna et récupéra son café.

— C'était du paracétamol, un médicament moldu qui fait effet rapidement, dit-elle devant son manque de curiosité flagrante. Je les ai achetés en pharmacie avant de venir habiter ici.

À ces mots prononcés de manière si sardonique Severus en eut un haut-le-cœur.

— Vous avez osé me donner un médicament moldu ? s'emporta-t-il.

Il aurait aimé se lever mais les tambours dans sa tête avaient décidé d'accélérer leur rythme. C'était infernal. Jamais plus il ne boirait autant, se promit-il.

— Cela ne vous tuera pas, objecta Hermione, narquoise. Au pire cela ne vous fera aucun effet, mais sachez que le paracétamol est bien plus efficace qu'une potion anti-migraines.

Severus ne protesta pas et s'emmura dans son silence. Sa tête le faisait bien trop souffrir.

Sebastian les contempla tour à tour avant de reporter toute son attention sur Hermione. Il se mordit les lèvres puis se pencha vers la jeune femme.

— Dis, Hermione, commença-t-il gêné. Tu ne dois pas être méchante avec mon papa. Moi je l'aime et il est gentil alors toi aussi.

Hermione à ces mots d'enfant, recracha le thé qu'elle buvait et s'en mit partout sur le menton et le haut de son vêtement. Ses joues rougirent de honte. Severus l'en trouva désirable, mais il ne le montra pas. Il était devenu maître dans l'art de cacher ses véritables émotions à défaut de ses maux de tête. Tandis qu'elle récupérait une serviette en papier pour s'essuyer sous le rire léger de Sélena, il lui lança un coup d'œil peu amène. La veille encore, elle aurait détourné les yeux, se serait rassise tout en se demandant ce qu'elle avait bien pu faire. Aujourd'hui, toutefois, elle soutint son regard sans ciller. Avait-il eu raison de la malmener la nuit précédente ? À en juger par son comportement ce matin, la réponse était oui. Il dut se contenir pour ne pas sourire.

Sa migraine avait disparu.

oO§Oo

Finalement, ils ne fêtèrent pas vraiment la St Nicolas comme l'avait supposé Hermione. Néanmoins, Sebastian reçut en cadeau un kit de potions pour enfant, ce qui avait fait ricaner intérieurement la jeune femme.

— Pourquoi ne le fêtez-vous pas ? avait demandé Hermione à Sélena et Severus tandis qu'ils soupaient.

— Sebastian préfère Noël, le bonhomme tout rond et son traineau avait rétorqué la sœur de Lucius en haussant les épaules.

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La semaine suivante, tandis que Hermione et Sebastian étaient en train de jouer dans la chambre de l'enfant, le père de ce dernier apparut dans l'encadrement de la porte. Depuis cette fameuse nuit où Severus l'avait poussée à bout, leur relation s'était considérablement rafraîchie. Hermione supportait de moins en moins les petites piques acerbes que lui envoyait son ancien professeur. Elle ne comprenait pas ce qu'il attendait d'elle. Toutefois, cela l'avait ragaillardie comme si elle était sortie d'un long sommeil. Mais depuis, ses nuits étaient peuplées de cauchemars. Était-ce réel, l'avait-elle vécu ou bien n'était-ce que son imagination qui lui jouait des tours ? Ce qu'elle y subissait était bien trop cruel pour qu'il s'agisse d'un simple mauvais rêve.

— Avez-vous terminé ? demanda Severus d'un ton sec qui fit tressaillir Hermione d'indignation.

Elle avisa du coin de l'œil l'attitude du petit garçon et vit qu'il observait son père, le regard brillant d'adoration. Elle inspira un bon coup avant de lui répondre.

— Oui, nous étions en train de ranger, dit-elle sur un ton neutre.

Il acquiesça avant de faire un signe de la main vers son fils.

— Je vous prends Sebastian pour le reste de la journée, déclara-t-il.

Le petit garçon se redressa en bondissant frénétiquement. Hermione écarquilla les yeux devant ce comportement impromptu avant de se mettre à rire.

— Sois sage, Hermione, dit-il en se retournant vers elle. Papa a besoin de moi, mais je promets que tu me reverras.

Il se jeta sur elle et lui fit un baiser mouillé et courut ensuite vers son père.

— On va chez tonton Draco ? demanda-t-il impatient.

— Oui, lui répondit Severus.

Ils allaient descendre les marches de l'escalier quand la jeune femme les rattrapa au pas de course.

— Sebastian ! s'écria-t-elle le cœur battant, sois sage toi aussi, et n'oublie pas ce que je t'ai dit.

— Compris, Hermione, répondit-il non sans glousser.

Elle les regarda partir, un étrange sentiment lui étreignant le cœur. Severus ne l'avait pas prévenue de cette sortie, s'était-il décidé au dernier moment ? Et depuis quand Draco avait-il la place de « tonton » dans la vie du petit garçon ? Il est vrai qu'il était déjà arrivé à Severus de sortir avec son fils, sans doute allait-il là-bas ? Toutefois, elle n'aimait pas cela.

Elle passa le reste de la journée dans la bibliothèque à chercher une solution contre le sortilège qu'elle s'était lancé. En désespoir de cause, et voyant qu'elle était seule dans la maison, elle décida d'appeler son mentor par le biais de la cheminée.

— Hermione ?! s'exclama Minerva McGonagall, surprise par cet appel imprévu. Est-il arrivé quelque chose à l'Impasse du Tisseur ?

La jeune femme s'assit à même le sol pour parler plus tranquillement.

— Non, répondit Hermione. Mais j'avais une question urgente à vous poser, ou plusieurs à dire vrai, mais… Je ne sais pas par laquelle commencer, j'ai l'impression de m'être éveillée d'un long et étrange sommeil, avoua-t-elle.

La vieille dame pinça les lèvres et son regard se durcit.

— Je vous écoute, mon petit, dit-elle simplement.

— Pourquoi ne pas m'avoir raconté ce qui m'était arrivé après la guerre ? Et qui est le père de ma fille ? Vous le savez, j'en suis certaine ! Je vous en supplie, expliquez-moi pourquoi vous n'avez rien fait pour m'aider à cette époque !

La voix de la jeune femme était montée dans les aigus mais elle ne pleurerait pas.

— Je ne vous ai rien dit, commença doucement Minerva, parce que vous ne vouliez pas le savoir. Le plus important était de vous construire un avenir solide. Il ne servait à rien, il ne sert toujours à rien de s'étendre sur le passé, Hermione.

— Mais je veux savoir ! Le trou béant qui ne cesse de grandir dans ma tête me détruit un peu plus chaque jour. Vous devez me le dire, peut-être alors que je finirai par me souvenir et que je pourrais ainsi en faire le deuil.

Un long silence s'ensuivit sans que la jeune femme ne puisse ajouter autre chose.

— Je suis navrée, Hermione, ce n'est pas à moi de vous révéler tout cela. Le mieux serait que vous vous en souveniez vous-même. Si vous recherchez de l'aide, voyez avec Severus. Il sera le plus à même de vous aider.

— Mais Minerva !

Hermione ne put finir sa phrase car la vieille dame avait coupé leur connexion en la laissant sous le choc. Que lui avait-il pris, par Merlin ?! songea-t-elle, blessée.

— Demander de l'aide à Severus, répéta-t-elle en maugréant, autant croire au père Noël, ce serait plus simple !

— Croire en qui ? questionna Sélena depuis le vestibule.

Hermione soupira. La sœur de Lucius était rentrée plus tôt que prévu. La jeune femme vint à sa rencontre et l'observa tandis qu'elle se mettait à l'aise.

— Severus et Sebastian sont partis chez Draco Malfoy, crut bon de dire Hermione.

Sélena hocha la tête et se dirigea vers la cuisine à grands pas.

— Cela vous dit-il que nous prenions un thé ? demanda-t-elle.

Hermione acquiesça et la suivit, silencieuse.

Quand elles furent attablées la belle rousse ne cessa de l'observer ce qui la mit mal à l'aise.

— Quelque chose ne va pas ? voulut savoir la jeune femme d'une voix hésitante.

— Non, rien, répondit Sélena avec un demi-sourire. Je me posai juste une question et vous êtes libre de me répondre, mais…

Son interlocutrice se ménagea un temps en buvant avec délectation une gorgée de son breuvage bouillant.

— Vous êtes jeune, Hermione, et plutôt jolie, continua-t-elle. Pourquoi n'avez-vous pas de petit-ami ?

Hermione en lâcha sa cuillère qui retomba dans un tintement sonore contre la table en formica. Après la surprise, elle se mit à rire sombrement.

— Cela ne vous regarde pas, Sélena, maugréa-t-elle.

Elle se leva, ne prit même pas la peine de finir sa tasse et laissa la femme avec ses questions idiotes. Au moment où elle gravissait les marches, une douleur fulgurante lui vrilla le cerveau et la fit trébucher. Elle se rattrapa in extremis à la rampe avec un halètement de souffrance. Elle n'avait aucune emprise sur ce qui se jouait devant ses yeux. C'était là sans être là. Elle voyait des scènes qui ne pouvaient signifier qu'une seule chose. Le souffle coupé, elle dut faire un suprême effort pour se redresser. Le temps d'arriver à sa chambre, elle se sentait déjà un peu mieux. Une fois à l'intérieur, elle s'assit sur son lit, le corps en sueur, pourtant elle tremblait de froid.

Le tic-tac lancinant de la pendule égrenait tranquillement ses secondes puis ses minutes, et enfin ses heures, inconsciente des drames que la jeune femme revivait intérieurement.

Était-ce seulement la réalité ? Cela lui semblait impossible et pourtant… Avait-elle vraiment vécu toutes ces horreurs ? Prenant conscience qu'il n'y avait rien à faire, sa bouche s'ouvrit sur un cri muet, son visage se déforma sous l'oppressante douleur qui la dévastait et elle enfouit ses tourments entre ses mains.

— J'ai envie de mourir, murmura-t-elle. Je veux disparaître.

oO§Oo

Severus ressentit un tiraillement au niveau de la cicatrice laissée par son ancienne marque. Il secoua doucement son bras tout en dévisageant Draco qui n'avait pas manqué le geste du maître des potions. Tous deux se trouvaient dans le bureau du jeune homme à boire un bon verre de Whisky pur feu, tandis qu'Astoria s'occupait de Sebastian.

— Ton ancienne marque fait des siennes ? murmura le jeune homme en fronçant les sourcils.

— Pas toi ? répondit sèchement Severus par une autre question. C'est la troisième fois en deux mois. Je ne sais pas pourquoi.

Le fils de Lucius pencha sa tête sur le côté et se caressa le menton, pensif.

— Cela n'a pas de sens, fit-il remarquer. On nous a tous retiré la marque et il ne reste que des cicatrices. Voldemort n'est plus, il est donc impossible que sa magie agisse encore sur toi.

— Cela dit, observa sombrement Snape, tu n'as porté la marque qu'une année alors que pour ma part, je l'ai eue pendant plus de vingt ans.

Ils restèrent muets un moment, chacun ruminant un passé qu'ils voulaient oublier. Finalement, ils sortirent de la pièce quelques minutes après. Il commençait à se faire tard et le petit devait se coucher.

— Merci pour ton aide, Severus, déclara Draco. Ce que tu fais pour nous n' a pas de prix.

L'homme secoua la tête, un lent sourire se dessinant sur son visage aux traits tirés.

— Ce n'est rien. Mais tout comme Granger, la malédiction qui touche ta femme n'est pas anodine. Cette potion vous permettra de procréer, mais est-ce une bonne idée, Draco ?

Son interlocuteur renifla bruyamment.

— Elle veut un enfant, elle n'en dort plus la nuit et moi, je l'avoue à ma grande honte, j'aimerais être père également.

— Au risque de la tuer ? releva Severus en arquant un sourcil.

Le regard de Draco se fit plus vitreux et le maître des potions sut qu'il avait touché un point sensible. Cependant, il comprenait le fils de Lucius. Aussi égoïste que cela puisse paraitre aux yeux du premier étranger venu, Draco voulait rendre sa femme heureuse.

Le bonheur, songea-t-il, est éphémère. Il n'existe qu'un temps, juste un faible instant pour vous être ensuite retiré de la plus impitoyable des façons.

Il avait été heureux avec Hermione quand ils vivaient reclus dans la maison de famille de sa mère. Il n'en avait pas eu conscience alors, mais la jeune femme avait su l'apaiser encore mieux que Lily ne l'aurait fait. Il avait alors cru que ce bien-être ne s'évaporerait jamais. Cela avait duré moins de quelques mois et ensuite, il avait de nouveau plongé en enfer.

Quand il revint au présent, il vit que Draco ne l'avait pas quitté des yeux.

— Comment ça va avec Granger ? le questionna-t-il, l'air de rien.

— Cela ne te regarde toujours pas, jeta sèchement Severus en relevant la tête vers l'escalier principal.

Il avait entendu son fils et effectivement il descendait tenant dans sa petite main celle plus pale et plus fine d'Astoria.

— On rentre à la maison, papa ? questionna le petit garçon en bâillant.

Son père le toisa avant de sourire.

— Je pense jeune homme qu'il est temps de partir, effectivement, murmura-t-il d'une voix onctueuse.

Cela fit rire Astoria qui mit une main devant sa bouche avant de rougir.

— Je suis désolée, mais cela m'a rappelé mes années à Poudlard, s'excusa-t-elle en baissant les yeux.

Severus ne répondit pas récupérant son fils, il se rendit dans le vestibule avant de prendre congé de ses hôtes sans un mot de plus.

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.

Rentré à l'Impasse du Tisseur et après avoir bordé son fils, Severus prit une longue douche pour se détendre puis il se rendit dans le salon qu'il trouva vide. Pris d'un étrange pressentiment, il se dirigea vers la chambre d'Hermione. Il ne frappa pas et y pénétra sans y être invité. Une douce lumière éclairait la pièce. Il ne la vit pas tout de suite, elle était assise à même le sol, recroquevillée sur elle-même. Pleurait-elle ? se demanda-t-il, perplexe.

Il se baissa à son niveau et tendit le bras vers elle, mais la voix pleine de détresse de la jeune femme l'arrêta dans son entreprise.

— Je me souviens, vous savez, je me rappelle, marmonna-t-elle entre deux gros sanglots.

Le cœur de Severus se mit à battre de manière désordonnée. Avait-il bien entendu ? avait-elle dit… ?

— Hermione, fut le seul mot qu'il put prononcer.

Alors, elle se redressa et le regarda dans les yeux. Elle avait le visage rougi et les paupières bouffies. Quant à son teint, il était cadavérique. Il pouvait voir son corps trembler et sursauter par à-coup.

— J'ai été torturée dans cette maison où vous m'aviez emmenée la dernière fois. Je me souviens avoir voulu fuir, parce que me battre dans mon état était impossible, mais… ils étaient trop nombreux et, elle, cracha Hermione, oscillant entre désespoir et fureur, elle prenait son pied à me voir à terre. « Sale petite sang de bourbe, tu ne mérites pas de vivre, ni toi ni cette chose ignoble à notre sang que tu abrites dans ton ventre », et là elle a levé sa baguette, une fois, puis deux, avant qu'un de ses copains ne tente de m'achever à coup de pied… Oh !

Un bruit attira Severus que le récit glaçant de la jeune femme avait tétanisé. Il tourna sa tête et il vit que les objets de la pièce étaient tous en lévitation. Son pouvoir, comprit-il, elle ne le canalise plus du tout.

Il se pinça les lèvres, ne voyant pas ce qu'il pouvait faire. Puis une idée lui vint à l'esprit, sans doute pas la meilleure, mais il devait la ramener à la réalité. Il avait bien compris qu'elle s'était perdue dans un souvenir précis et qu'elle le passait en boucle comme un de ces disques moldus qui aurait été rayé.

Il sortit sa baguette de sa poche et murmura le sort de Legilimancie. Il n'avait pas d'autre choix.

Il se retrouva propulsé presque six ans en arrière. Il aperçut Hermione enceinte et à terre tandis que Bellatrix se délectait des hurlements et des supplications de sa proie.

— Je vous en supplie, épargnez mon bébé, il n'a rien fait !

La folle éclata d'un de ces rires suraigus qui vous fracassait le crâne et le laissait en mille miettes.

— Endoloris !

Severus aurait aimé mettre fin à ceci, faire en sorte que cela ne soit jamais arrivé, et une fureur sans nom le posséda. Ce n'était guère le moment. Il devait trouver Hermione, celle de son époque. Après avoir croisé deux autres Mangemorts, il finit par la remarquer. Elle avait les yeux fixés sur sa propre image, cette part de son passé qu'elle avait voulu effacer.

— Comment avez-vous réussi à vous enfermer dans ce souvenir ? cracha-t-il, sa fureur loin d'être retombée.

La bouche de la jeune fille se tordit en une grimace hideuse. Elle allait pleurer.

— Je vous interdis de vous effondrer maintenant et surtout pas ici, petite idiote ! tonna-t-il.

Il ne vit pas le coup de poing qu'elle lui asséna violemment contre la tempe. Ni les suivants.

— Comment osez-vous me parler de la sorte ? Vous n'êtes qu'un monstre pour ne pas comprendre ce que je ressens ! explosa-t-elle tout en le frappant.

Il réussit néanmoins à lui prendre les bras.

La poitrine de Severus se serra. Elle n'avait, semble-t-il, pas encore retrouvé tout ce qu'elle avait perdu. Mais c'était déjà un grand pas et peut-être pas des moindres.

— Ce que vous voyez maintenant, Granger, jeta-t-il froidement – alors qu'au fond de lui cela le déchirait –, n'est qu'un souvenir et vous auriez dû en faire votre deuil depuis bien longtemps au lieu d'agir en lâche.

— Vous n'avez pas le droit ! s'écria-t-elle. Vous ne savez pas ce que j'ai vécu, vous ne savez pas ce que ça fait de perdre son enfant ! Par Merlin, Severus, mon bébé est mort ! Cette salope a tout fait pour que cela arrive ! Je…

Mais elle ne put finir sa phrase, son chagrin trop grand explosant enfin par d'infinies larmes et des hoquets ravageurs.

Ravagé. C'était cela, songea-t-il le cœur au bord des lèvres. Hermione, mon amour, c'était aussi ma fille, mon enfant, lui avoua-t-il, mais il ne dit pas les mots à voix haute. C'est moi qui ai mis son petit corps inanimé dans un cercueil, pendant que toi, tu oubliais tout, nous abandonnant pour un océan aussi blanc et neutre que peut l'être l'oubli. Comme si nous n'avions jamais existé, comme si ce nous n'avais pas eu lieu. Hermione, réveille-toi, si ce n'est pour nous, au moins pour ce fils qui te réclame depuis son premier souffle de vie.

— J'ai perdu ma fille, se lamentait-elle, je n'aurais plus jamais d'enfant.

Dévasté lui aussi, et pour ne pas l'entendre davantage, il la serra dans ses bras jusqu'à l'étouffer. Elle tenta de le repousser en le frappant de ses poings, puis elle finit par se détendre.

— Nous devons rentrer, Hermione, termina-t-il d'une voix désincarnée. Cet endroit n'est pas fait pour nous.

Il la sentit acquiescer doucement contre son torse et au moment où le soulagement se déversait en lui, il se sentit aspirer à l'extérieure de la tête d'Hermione.

Quand il reprit ses esprits, il se trouvait à quatre pattes devant la jeune femme qui l'observait avec attention. Il était si proche qu'il pouvait sentir son souffle tiède contre son visage.

— Merci, Severus, finit-elle par dire.

Il allait lui répondre que ce n'était rien quand elle combla la faible distance qui les séparait encore pour se jeter dans ses bras. Il n'eut pas le temps de prendre appui et c'est dans un bruit sourd qu'il s'écroula à terre, Hermione allongée sur lui.

Elle se souleva légèrement avant de le regarder avec intensité. Il aurait aimé savoir ce qu'elle pensait. Il aurait aimé le savoir ou peut-être pas, car la surprise qu'il ressentit après était bien plus agréable et agissait sur lui comme un baume sur ses souffrances passées.

Il avait oublié à quel point c'était bon d'embrasser Hermione Granger et c'est avec délectation qu'il referma ses bras autour d'elle.

À Suivre