Lorsqu'elle descendit dans la Grande Salle le lendemain matin, tout le monde était en effervescence. Swan lui sauta quasiment dessus pour lui apprendre la nouvelle.

-Lupin est un loup-garou !

-Alors cela a fini par se savoir…, constata Etaine d'un ton calme.

Les autres la regardèrent, surpris qu'elle ne manifeste pas davantage de surprise.

-Je suppose que c'est Rogue qui a vendu la mèche ?

-Comment est-ce que tu sais ça ? demanda Emma.

-Tu le savais ! s'exclama Anne, presque aussitôt après.

-Oui, répondit Etaine en haussant les épaules, ce n'était pas difficile à deviner. Lupin est toujours absent pour ses cours quand ils entourent la pleine lune et Rogue prépare de la Tue-loup tous les mois depuis la rentrée.

-Et comment est-ce que tu sais pour Rogue ? interrogea Zane.

-Et comment sais-je que cette nuit Sirius Black s'est échappé du bureau de Flitwick où il était enfermé ? Et que la veille un hippogriffe condamné à mort a disparu ? Parce que j'ai le don de découvrir ce que je veux savoir. J'aime bien l'omniscience, même s'il y a encore beaucoup de choses que j'ignore.

-C'est quoi cette histoire d'hippogriffe ? demanda Scott. Celui dont a parlé le ministre hier ?

-Celui-là même. Dans l'ensemble la soirée a été riche en émotions pour un certain nombre de personnes.

-Tu aurais pu nous le dire, pour Lupin, remarqua Anne. Les loups garous sont dangereux, Dumbledore est fou d'en avoir engagé un.

-Pourquoi l'aurais-je dit ? Dumbledore et tous les enseignants étaient au courant. Et Rogue préparait la Tue-loup qui l'empêchait de se transformer en un véritable loup-garou. Divulguer des secrets est le meilleur moyen de se faire pour ennemis les personnes concernées.

-Et il y a autre chose de ce genre qu'on devrait savoir ? demanda Anne.

-Il y a beaucoup de choses que je ne devrais ignorer que je sais. Mais je ne les révélerais que si j'en sens la nécessité. Comment a réagi Lupin ?

-Il a démissionné, répondit Luna avec sa voix rêveuse.

-Réaction logique. Aucun parent ne voudra d'un loup-garou pour enseigner à ses enfants.

-Avec raison, approuva Anne.

-On ne choisit pas d'être loup-garou, remarqua Etaine. Mais cela vous pénalise sur tous les plans. Voyez Lupin avec ses vêtements raccommodés encore et encore. Ce n'est pas une vie facile. Et il n'existe aucun remède à ce jour.

La fille blonde eu la décence de paraître gênée.

-Je me demande qui sera le prochain, intervint Luna.

Les pronostics se poursuivirent durant tout le repas, puis Etaine se leva.

-Je vais faire ma valise, annonça-t-elle.

Les autres acquiescèrent et reprirent leur conversation après que Luna ait décidé de l'imiter. Les deux filles cheminèrent lentement en dehors de la Grande Salle vers la tour des Serdaigle, sans échanger le moindre mot. Lloyd surgit des cachots à ce moment-là. Il avait passé ses Buses la semaine d'avant, avec succès selon lui, et disposait donc de beaucoup de temps libre.

-Etaine, j'aimerais te parler s'il te plaît, demanda-t-il.

-Continue sans moi, dit celle-ci à Luna. Je te rejoindrais plus tard.

Elle se tourna ensuite vers le Serpentard. Lloyd n'était pas ce qu'on pouvait appeler beau. Son visage avait des traits trop marqués pour cela, sans être expressifs. Il n'était pas très grand et ses cheveux sombres étaient coiffés en des mèches savamment ébouriffées. Mystérieux. Un piège tendu à l'innocence s'il s'en donnait la peine. Et cette peine il se l'était donnée pour la séduire. Lloyd savait parler avec élégance mais il ne le faisait qu'en la présence de ceux qu'il jugeait important. Saernel l'avait désigné comme quelqu'un d'important. Etaine trouvait fascinant la façon dont il savait afficher son affection avec distance. Ce devait être parfait dans les familles sang-purs mais ce n'était pas ce qu'elle désirait. Montrer un désir inexistant pour faire une bonne alliance.

-J'aimerais savoir où t'écrire cet été, sourit-il dès que la fille blonde fut hors de vue.

-M'écrire ? Pourquoi ? interrogea la Fourchelang en penchant la tête sur le côté.

-Pour rester en contact, répondit-il avec naturel.

Elle eut un sourire qui n'était pas celui de l'amusement mais plutôt l'amorce de celui du chat qui vient d'attraper une souris.

-Tu m'as mal comprise, ma question était pourquoi devrions-nous rester en contact ?

-Nous sortons ensemble, non ?

Il pouvait difficilement répondre autre chose que ce genre d'idiotie.

-Non. Plus maintenant.

Elle tourna les talons et commença à s'éloigner. Lloyd la rattrapa.

-Etaine, qu'est-ce qui te prends ?

Il n'avait pas été assez stupide pour tenter de l'arrêter.

-Disons que je n'ai aucune envie d'établir un lien avec quelqu'un pour l'instant.

-Il va falloir que tu sois plus directe pour qu'il lâche le morceau, conseilla la vipère.

-Qu'est-ce qu'il dit ? demanda le Serpentard.

-Que je devrais être plus directe : je n'ai aucune envie de sortir avec toi et seule la curiosité m'a poussé à le faire. Tu es un menteur et un manipulateur et ne me dit pas que c'est une accusation contre la maison Serpentard car je ne parle que de toi. Maintenant que tu commences à perdre intérêt à mes yeux je ne vois pas de raison à continuer de m'ennuyer. Est-ce assez clair ?

Et sans attendre de réponse elle se désillusionna et partit. Cela ne l'empêcha pas d'entendre :

-Tu me le paieras, Etaine !

-Peut-être un peu trop direct, Saernel, non ?

-Peut-être, admit le serpent. Désolé.

-Ne t'excuses pas, je commençais à en avoir assez et je l'aurais probablement fait même si tu ne m'y avais pas incité.

La jeune fille se dirigea vers la tour d'astronomie qu'elle savait déserte pour ce qu'elle avait à faire. Il ne fallait pas que l'on la voit. Elle se plaça au milieu de la pièce.

-Comment peux-tu être sûre qu'il viendra ? demanda Saernel. Fudge a dit qu'ils repartiraient.

-Il est venu la dernière fois, il n'y a pas de raison pour qu'il ne vienne pas cette fois-ci.

-Je ne partage pas ta certitude.

-Alors regarde ŴĄĐ ŊŎŤŶĂ ĎŮŦĂŅ ŅĚĽĔĦ Destin ĂŦĂŊĐ ! s'exclama la Forchelang.

-Magnifique, mais il n'y a rien, déclara après quelques secondes la vipère.

-Tu m'as demandé, Princesa del Ombre ? déclara la voix froide derrière elle.

Les habitudes avaient la peau dure. Etaine se retourna. Le détraqueur flottait paisiblement, retenant de son mieux le froid qu'il dégageait en temps normal.

-Ce n'est pas en changeant de langue que tu rendras cette expression moins compréhensible.

-J'essayerais de ne plus l'employer, assura Destin de sa voix désincarnée.

-J'aimerais entendre ta version des évènements d'hier, demanda la jeune fille.

-Contre le prix convenu ?

-Nous avions passé un marché dans ce sens.

-Je ne l'ai pas oublié. Mais les humains ont la mémoire plus courte que nous.

-Vous êtes des milliers d'années. Il est normal que votre souvenance soit plus lointaine.

-Tu t'es renseignée sur notre compte, Princesse. Il est vrai que j'ai plusieurs siècles derrière moi, même si je n'atteins pas le millénaire contrairement à certains de mes semblables. De même que le terme « être » et plus approprié que « vivre » puisque toute vie a une fin, ce qui n'est pas notre cas.

-Je ne l'ignore pas.

Qu'il continue à disserter, qu'il m'en apprenne plus, souhaita la sorcière. Mais il n'était pas facile de berner un être plusieurs fois centenaire. Surtout un être qui ne se laissait pas attendrir comme Salazar Serpentard.

-Le prix reste donc le même ?

-Un patronus. Et je garderais de toi le souvenir.

-J'étais chargé de patrouiller dans le parc ce soir-là. Du saule cogneur sont sortis quatre hommes et trois adolescents.

-Des noms ?

-Severus Rogue, Peter Pettigrow et Sirius Black. Le dernier homme était un loup-garou. Il y avait deux hommes et une femme parmi les plus jeunes.

-Comment étaient-ils ?

-Severus Rogue était assommé et mené par Black, suivi de près par le garçon que les miens ont attaqué lors de notre incursion. L'autre adolescent était lié à Peter Pettigrow. Lequel était également attaché au loup-garou. La femme marchait seule.

Rogue, assommé ? Son témoignage n'avait donc aucune valeur auprès de celui de cet être qui n'était pas sensé pouvoir mentir directement.

-Que s'est-il passé ?

-Le loup-garou a réagi à la pleine Lune. Black s'est changé en loup pour l'éloigner des autres. Peter Pettigrow en a profité pour changer à son tour, en rat.

-Ces transformations se faisaient-elles à l'aide d'une baguette ?

-Non, l'animal était une part d'eux-mêmes.

-Ensuite ?

-J'ai quitté les lieux pour prévenir les miens que notre cible était repéré. Nous étions sur le point de l'embrasser au bord du lac quand le garçon s'est interposé.

-Quel garçon ?

-Celui que nous avions failli posséder.

Embrasser revenait donc à posséder selon eux ?

-Qu'avez-vous fait ?

-Pourquoi aurions-nous refusé cette offre ? Seul le patronus qui nous a attaqués à ce moment-là nous a obligés à reculer. Nous en avons déduit que les sorciers étaient arrivés et que Black serait à nous dans quelques heures. Nous avons regagné nos postes, attendant d'être appelés.

-Comment était ce patronus ?

-Violent, puissant. De ceux qui te brûlent rien qu'à les sentir. Et qui t'attirent aussi fatalement. Trop fort pour que nous puissions nous en nourrir.

-Corporel, donc ?

-Oui.

-Et quand vous êtes arrivés pour prendre Black il n'était plus là.

-Non, il avait échappé aux sorciers.

Etaine garda le silence pendant quelques secondes puis demanda :

-Severus Rogue et Peter Pettigrow. Tu connaissais ces noms parce que c'étaient des mangemorts ?

-Oui.

-Tu en connais d'autres.

-Oui. Mais le prix à payer serait trop cher pour toi, Princesse.

-Quel est-il ?

-Ton âme.

-Non ! s'exclama Saernel.

-Trop cher, en effet, constata calmement Etaine.

-Mon prix, réclama le détraqueur.

La sorcière brandit sa baguette pensa « Spero Patronum » en se concentrant sur l'image du miroir de Risèd. Le patronus sortit de sa baguette et Destin poussa un véritable cri de douleur en reculant précipitamment. Etaine annula le sort.

-Moins fort ! C'est beaucoup trop puissant !

La jeune fille répéta l'opération avec un patronus informe, issu d'un souvenir moins puissant. Le détraqueur s'approcha et, fascinée, Etaine le vit manipuler la brume argentée de ses mains grisâtres de cadavre. Il approcha la tête et sembla l'aspirer. La vapeur sensée le retenir à distance était habilement dirigée vers lui. Destin avait manifestement de l'expérience, ce ne devait pas être la première fois qu'il se nourrissait ainsi.

-Un peu plus fort, demanda-t-il.

La Fourchelang obéit, mais pas trop pour qu'il ne soit pas brûlé. Elle comprenait mieux ce qu'avait voulu dire Rogue en parlant de coup. Mais le Maître des potions n'avait pas été aussi précis que ce qu'elle comprenait à présent. La façon dont Destin attirait à lui les pensées positives du patronus était magnifique, de l'avis d'Etaine. On aurait dit un prédateur qui jouait avec sa proie. L'image était cruelle mais c'était celle qui lui venait à l'esprit. Elle finit par interrompre le flux. Un léger sifflement rauque s'échappa de la cagoule du détraqueur.

-Un délice, finit-il par lâcher. Je n'ai rien goûté de si bon depuis des décennies. Que veux-tu que je fasse pour toi, Princesse des Ombres ? Pour ce prix je ferais bien plus que de tuer…

-Qui était le précédent à faire si bien ?

-Une mage noire, celle qui m'en a donné le goût Ester Bydhal.

-L'Archiviste ? s'étonna Etaine.

Destin était Atenar ?

-Elle-même, répondit-il avec révérence.

Devait-elle le questionner ? Cela était dangereux que de lui donner l'identité de sa source sur les détraqueurs… Elle aurait tout le temps plus tard…

-Je n'ai pas besoin de tes services pour l'instant. Mais je n'hésiterais pas à t'appeler si j'ai un travail pour toi.

-Bien, Princesse.

Il s'inclina puis sembla s'évaporer dans les ombres.

-Convaincu, Saernel ?

-Princesse des Ombres ?

-Rapport à Seigneur des Ténèbres. Mais Atenar ? Ça je ne m'y attendais pas…

-Il est étrange que ce soit le même que celui qui a tuyauté l'Archiviste, approuva le serpent. Etrange.

-Tu crois à un piège ?

-Je ne sais pas, il n'a pas cherché à s'en cacher… En avez-vous parlé, avant ?

-Non. De ses contacts avec les humains il a principalement parlé de Voldemort qui l'avait nommé Gamma.

Les deux discutèrent encore un temps des révélations du détraqueur puis se décidèrent à descendre. Etaine avait promis de retrouver Luna. Se faisant elle croisa le professeur McGonagall et Granger. La Gryffondor était en train de rendre le retourneur de temps, disant qu'elle n'en avait plus besoin. La Fourchelang s'arrêta, attendant le moment propice. Même si l'objet ne lui était d'aucune utilité il était d'une grande puissance magique, ce qui n'était pas négligeable, et pouvait se révéler d'une grande utilité.

L'opportunité se présenta quand McGonagall posa l'objet sur le bord d'une fenêtre pour chercher les résultats d'un contrôle de la Gryffondor. Etaine prit sa cravate, la rendit visible derrière le dos de l'enseignante de métamorphose, la fit prendre les couleurs de Serpentard puis celles de Poufsouffle, et la métamorphosa en un objet en tout point identique au retourneur de temps. A ce moment McGonagall lu à Granger son résultat. La Fourchelang profita de la distraction des deux personnes témoins pour procéder à l'échange des deux objets. L'enseignante de métamorphose rangea le contrôle et reprit l'objet sans s'apercevoir de la substitution.

Dans le Poudlard Express la jeune fille écouta ses camarades parler de ce qu'ils allaient faire pendant les vacances sans vraiment les écouter, son esprit préoccupé par l'objet de sa convoitise qu'elle avait désormais en sa possession. Saernel n'avait pas soulevé d'objection à son vol. Du temps de l'orphelinat il arrivait souvent que la sorcière distraie les gens pendant qu'il leur chipait leurs repas. Le vol ne lui apparaissait donc pas comme une infraction et le sort qu'Etaine avait lancé était suffisamment puissant pour tenir plus d'une année avant de dévoiler une cravate aux couleurs des Serpentard. Impossible alors de remonter jusqu'à elle.

Comme l'année précédente le quai de la gare arriva beaucoup trop vite pour la Fourchelang. Mais cette fois-ci elle ne retournait pas à l'orphelinat. Elle allait chez Rogue. A moins que celui-ci n'ait changé d'avis après sa déconvenue. Elle et Saernel firent leurs adieux aux Serdaigle et descendirent sur le quai où ils attendirent. Le professeur de potion avait précisé qu'il ne viendrait pas tout de suite pour éviter que Dumbledore soit au courant qu'elle venait chez lui. Probablement rapport à Anne aussi, avait songé le Fourchelang en faisant signe qu'elle était d'accord.

Lorsque le quai se vida, après plusieurs heures d'attente, le professeur de potion apparut devant elle et lui tapa le bras. Etaine releva la tête et sourit en prenant la main qu'il lui tendait.

Fin du tome II ! Tome III dans une semaine. Sans Gamma, qui est pourtant l'un de mes préférés, mais très dur à écrire.