Je me rappelle d'hier. Tu te souviens, quand tu m'aimais encore ? C'était hier.

Tu virevoltais dans mes bras, sur les pistes de danse de l'élite Sang-Pur, ou sous la pluie devant chez moi.

Je respirais pour toi. Pour toi...

On s'engueulait à faire trembler les murs.

Tu partais en claquant la porte et j'attendais que tu reviennes.

Car tu revenais, toujours, un pack de bierraubeures à la main. On se réconciliait en écoutant une vieille retransmission d'un match de quidditch à la radio, affalés sur le canapé dans les bras l'un de l'autre.

C'était hier, un matin de janvier. En ouvrant les yeux, j'ai vu que tu m'observais, tenant fermement le drap contre toi, couvrant ainsi ton corps dénudé. Tu paraissais terrifiée par ce qu'on avait fait. Quand nos regards s'étaient croisés, tu avais baissé les yeux sur tes mains, rouge de honte.

Tu n'étais pas restée longtemps, on n'avait pas échangé un mot.

Mais tu étais revenue. Et on avait recommencé. Toujours le même cycle, avec toi : le manque, le désir, l'excitation, le bonheur, la honte.

C'est à peine si on se disait bonjour le matin en nous réveillant côte-à-côte. Mais pourtant aucun de nous ne s'éclipsait dans la nuit.

C'était hier, une journée d'automne. A quinze heures, des coups avaient été frénétiquement frappés à la porte. J'écrivais à Peter. J'ai posé ma plume et laissée la lettre inachevée sur le bureau.

Le temps que j'atteigne la porte, il n'y avait plus de coups. J'ai ouvert, et une forme inerte, ou presque, s'est échouée dans mes bras. Je t'ai portée jusqu'au salon. Je t'ai débarrassée de tes capes. J'avais porté une main à ton front, constaté la fièvre qui hantait tes yeux fous.

Quand j'avais évoqué Ste Mangouste, peu confiant en mes capacités de soigneur, tu m'avais ri au nez. Tu avais tiré sur ta manche et je t'avais aidé à la soulever.

Si tu n'avais pas été dans un tel état, même si je t'aimais -car oui, c'est du passé- je t'aurais jeté dehors sans remords.

Au lieu de ça, je t'ai guéri. Jusqu'où irait-on par amour ? J'ai essayé de te convaincre de rester. Tu as passé deux mois ici, en tant que Isabella, une amie. James n'a jamais été dupe. Mais il n'a jamais rien dit. Il comprenait.

Je lui ai dit, une fois. C'est un peu ma Lily. Il comprenait.

M'as-tu seulement aimé ?

C'était un soir d'avril, c'était hier. M'aimais-tu alors ?

"Sirius ?"

J'étais appuyé sur la rambarde du balcon et je te regardais, lisant un magazine dans notre lit.

"Hum ?"

Tu n'avais rien dit pendant quelques minutes.

"Qu'est-ce que tu en penses ?"

Tu semblais anxieuse. Tu avais lâché ton magazine.

"De ton mariage avec Lestrange ou de la robe de mariée idéale pour ta morphologie selon Sorcière Hebdo ?"

Tu avais rougi.

"Tu sais."

Ton ton était presque accusateur et tu avais croisé les bras sur ta poitrine.

"Oui, je sais. Tu comptais me le dire quand ?"

Tu m'avais jeté un regard mauvais.

"Je n'ai pas de compte à te rendre."

Ce soir là, tu es partie pour ne plus revenir. C'était sans doute mieux comme ça.

Je n'aurais pas supporter de te voir sombrer autant.

Je me rappelle d'hier, quand tu n'étais pas une menace.

Je me rappelle d'hier, quand tu étais encore vivante.

Tu n'es plus toi-même.

Mais je me rappelle d'hier. Et ça m'est plus fatal que ton Avada.

Parce que ça fait bien plus mal de savoir que je t'ai aimée et que peut-être, peut-être au fond, tu m'as aimé aussi.