En équilibre

Genres: Romance, Action/Aventure, Friendship, Humor

Quelques indications:

J'essaye de respecter au maximum la cohérence des caractères des personnages et tout ce qui est arrivé jusqu'à la fin de l'arc Thriller Bark.

Je me base sur la VF de l'anime.

Couple principal: Zoro/Sanji

Couple secondaire: Luffy/Nami

Rythme de publication prévu: un chapitre toutes les une à deux semaines.

Je prendrai le temps de développer et de passer par nombre de péripéties pour fouiller la psychologie des personnages.

Disclaimer: Bien sûr, je ne fais qu'emprunter les personnages et l'oeuvre originale. Je n'en tire aucun bénéfice commercial et je remercie au passage l'auteur de nous laisser les utiliser comme bon nous semble.

Rating M pour langage (cru, grossier, vulgaire), violence et sexe (scènes très suggérées et/ou explicites). Attention, il s'agit bien de scènes de relation homosexuelle entre hommes.

Une pensée particulière à Typone Lady qui m'a fait découvrir l'univers de One Piece en devenant sa beta-correctrice et qui a eu la gentillesse de me donner son avis sur les deux premiers chapitres. C'est grâce à elle que j'ai eu l'œil attiré sur ce pairing et sur ses possibilités. Je vous encourage à lire ses histoires.

Vos avis sont plus que bienvenus car je débute dans cet exercice.


Chapitre 1

L'étincelle

Ce chapitre est du point de vue de Sanji mais ça ne sera pas toujours le cas. Il y aura aussi un point de vue omniscient (externe), le point de vue de Zoro, et plus rarement celui des autres membres de l'équipage.

Sanji se regarda dans la glace, l'œil vide. Il avait d'énormes cernes sous les yeux et le teint pâle. Il était épuisé. Il soupira et ajusta sa cravate sur sa chemise bleue puis vérifia si son costume n'était pas froissé avant de quitter la salle de bain.

Déjà plus de deux semaines depuis qu'ils avaient repris la mer après leurs aventures sur Thriller Bark… Dehors, le soleil se levait à peine et la matinée s'annonçait fraîche. Il vit Robin un peu plus loin, le regard clair malgré la fin de son tour de garde.

Arrivé dans sa cuisine, il expédia les quantités gargantuesques nécessaires au petit déjeuner de l'équipage grâce à ses gestes rendus experts par la force de l'habitude. Il était en train de savourer une cigarette quand ses compagnons commencèrent à le rejoindre.

Comme à l'accoutumée, le repas était un champ de bataille perpétuel où le butin se comptait en nourriture et en boisson au milieu d'un brouhaha indescriptible. Ce matin ne faisant pas exception, Luffy avait déjà englouti la moitié des plats avant que le cuisinier ne le stoppe pour qu'il en laisse aux autres. Le capitaine décida alors de piocher dans les assiettes autour de la table et bientôt, une pluie de protestation s'éleva.

En soupirant, Sanji décida de se battre au moins pour les plats de ses deux déesses et c'est donc à coups de fourchette frôlant une main élastique qu'il apporta leurs repas à Nami et à Robin qui le remercièrent. De leur côté, Chopper et Ussop tentaient vainement de manger en surveillant leurs aliments tandis que Franky sirotait son cola et que Brook faisait concurrence au garçon au chapeau de paille concernant les quantités englouties. Zoro débarqua un peu plus tard et tenta lui aussi de manger en échappant aux bras de son capitaine qu'il fusillait régulièrement du regard.

Dès que la tornade des membres de l'équipage s'éparpilla à ses diverses activités, Sanji s'attaqua à la vaisselle puis nettoya la cuisine. Quand il émergea de la pièce, la matinée était bien avancée et le blond s'étira.

Il venait seulement de finir de gérer le premier repas de la journée. Plus que deux autres. Sans compter les encas du capitaine. Ni les goûters. Ni les rafraîchissements. Ni les douceurs pour Nami et Robin, même si cette dernière tâche ne lui pesait pas autant que les autres. Heureusement, le cuisinier adorait son boulot et les diverses aventures de l'équipage au chapeau de paille égayaient suffisamment sa vie.

Du coin de l'œil, il vit Luffy lui lancer une question muette depuis le pont et secoua fermement la tête pour le dissuader de quémander si tôt. Quelques instants plus tard, il le regarda se tordre de rire devant le poisson microscopique que venait de pêcher Ussop. Un peu plus loin, Franky retapait le mât du bateau abîmé par la précédente tempête, Brook montrait à Chopper quelques accords, Zoro s'entraînait, Robin lisait et Nami était plongée dans ses cartes. Une journée ordinaire en somme.

Mais aujourd'hui avait un goût différent. Ou plutôt, hier avait été différent et aujourd'hui était étrange.

Sanji s'accouda au bastingage gauche et alluma une cigarette. Il n'avait pas dormi de la nuit et pressentait que la journée serait longue. La faute à la tête d'algue qui se comportait pourtant de manière parfaitement normale, occupée à suer sur le pont. A croire que peut-être, il avait tout simplement halluciné...

Le cuisinier repartit un peu en arrière dans ses souvenirs. Quand, comment, pourquoi cela avait-il commencé, il avait passé la nuit à tenter d'y répondre.

Sans succès.

*Flash-back*

Il se rappelait qu'il avait ressassé son sentiment d'avoir été ridicule contre Kuma malgré les paroles rassurantes de Brook sitôt après leur départ de Thriller Bark. Il se sentait diminué face à la tronche de cactus qui s'était sacrifié et tout naturellement, sa rancœur contre lui-même avait viré à la colère contre l'escrimeur.

Zoro, un rival si évident. Il avait été soulagé de le savoir en vie sur le moment mais il avait beau avoir admiré son courage et sa résistance, plus il y pensait et plus son attitude traîtresse à son égard lui revenait en mémoire. Pourquoi l'avait-il assommé? Comme si sa personne n'était pas aussi importante que la sienne vis-à-vis du gouvernement mondial. Comme s'il n'aurait pas été capable d'être à la hauteur. Comme si son amitié pour Luffy ne comptait pas autant.

Après l'euphorie de la victoire, il avait donc passé les premiers jours en mer à ruminer dans la cuisine pendant que Zoro récupérait grâce aux excellents soins de Chopper. Et à une chance inespérée.

Le médecin de l'équipage maintenait le sabreur à l'infirmerie. Malgré ses menaces, il n'avait droit qu'à une ou deux heures de sortie par jour sur le pont et le renne lui sautait régulièrement dessus pour refaire ses bandages que l'épéiste enlevait aussi vite. Son corps avait été extrêmement meurtri et malgré sa récupération extraordinaire, ses blessures avaient été telles que Chopper n'avait voulu prendre aucun risque.

Alors, lorsque le sabreur avait repris son entraînement à l'insu de tous, ça avait été la goutte d'eau.

C'est lui qui l'avait découvert. Il lui apportait ses repas à l'infirmerie à la demande du médecin et ce jour-là, il l'avait trouvé en équilibre sur un bras en train de faire des pompes. Trop énervé pour se soucier des blessures de son rival, il n'avait pas résisté et lui avait envoyé un coup qui l'avait fait s'écraser sur le sol. Furieux, Zoro avait tenté d'attraper ses sabres contre le mur pour se défendre mais Sanji avait été plus rapide et les avait déjà éloignés.

"T'es vraiment qu'un putain de connard," lui avait lancé le blond.

Bien sûr, l'escrimeur n'avait pas compris et l'avait dévisagé, les yeux ronds comme des soucoupes. Sanji avait soupiré et avait daigné lui expliquer l'évidence.

"T'as frôlé la mort il y a une semaine. Tu crois pas que tu pourrais faire une pause dans ton programme suicide?"

Zoro avait alors haussé les épaules.

"J'me sens bien."

Le cuisinier avait levé les yeux au ciel. Non content d'avoir enduré les pires douleurs, il le narguait en reprenant sa discipline de fer aussi vite. Ce crétin n'accordait vraisemblablement aucune importance à sa propre vie et ça, c'était son problème mais ce qui ennuyait vraiment Sanji, c'était qu'il n'avait pas idée de la blessure qu'il lui avait infligé à lui. A son ego.

Il avait déposé son assiette et était parti sans un mot de plus.

Fin du premier acte. Jusqu'au lendemain.


Zoro attendait sagement sur son lit et le blond avait cru que son petit discours avait eu un effet quelconque mais il n'en était rien. Il l'avait regardé s'approcher en souriant de toutes ses dents et Sanji avait compris que quelque chose clochait avant même qu'il n'ouvre la bouche.

"T'as pas dit à Chopper que je m'entraînais."

Tiens, c'était vrai, il n'avait rien dit. Il ne savait pas pourquoi. Ça aurait été une bonne excuse pour que le médecin lui foute une raclée pourtant.

"T'as vraiment envie que j'y passe, hein?"

Là, Sanji l'avait regardé avec perplexité. La tête d'algue ne comprenait décidément rien.

"Si je te dis de te reposer, tu en conclues que c'est parce que j'ai envie que tu meurs?"

C'était le truc le plus illogique qu'il ait pu lui sortir après tout ce temps passé à ses côtés, mais ça ne l'avait presque pas étonné.

"Ouais. Tu m'as dégommé l'épaule et j'pouvais rien dire à Chopper car il m'aurait tué de m'être entraîné, donc j'avais le choix entre mourir des mains du doc ou de douleur en fermant ma gueule. J'en conclus que tu veux que je meurs, et ça fait même aucun doute."

Le blond l'avait dévisagé gravement.

"Si j'voulais te tuer, j'aurais pas essayé de m'interposer entre toi et Kuma, imbécile.

- Arrête de me la faire à l'envers, c'est pas pour moi que t'as fait ça."

Sanji n'avait rien ajouté. Après tout, il n'avait pas tort. Enfin, pas entièrement. Zoro s'était redressé lentement, ses blessures probablement plus douloureuses qu'il ne voulait bien le dire et s'était penché vers le cuisinier qui avait déposé son assiette à côté de lui.

"Tu digères pas que je sois encore debout, hein?" lui avait-il lancé d'un air goguenard.

Le cuisinier s'était figé et le sabreur avait continué.

"Tu supportes pas que j'sois meilleur que toi."

Sanji s'était à son tour lentement tourné vers lui et avait planté durement son regard dans le sien.

"T'as pas la moindre petite idée de ce que je pense alors ferme-la."

Il était sorti le plus tranquillement du monde.

Fin du deuxième acte.


Hier, dernier acte.

Quelques jours s'étaient écoulés. Sanji avait continué à lui apporter son assiette une ou deux fois par jour sans qu'ils n'échangent un mot tandis qu'un autre membre de l'équipage se chargeait des autres repas. Zoro allait mieux et Chopper allait l'autoriser à refaire définitivement surface parmi les vivants d'un jour à l'autre.

Ce jour-là, l'équipage avait fait escale sur une île minuscule et visiblement déserte qui ne prendrait pas longtemps à explorer. Le cuisinier avait été désigné pour surveiller le bateau et il s'était donc occupé en cuisine une bonne partie de la matinée, heureux de pouvoir prendre de l'avance et de ne pas être coupé dans son travail pour une fois.

Vers midi, il avait frappé à la porte de l'infirmerie et avait trouvé le sabreur en train de méditer sur le sol. Il avait déposé sans bruit son assiette et s'apprêtait à ressortir quand l'autre l'avait interpellé.

"On est où? lui avait-il demandé.

- Pas sur l'île qu'on visait mais probablement pas loin. Celle-là est tellement petite qu'elle n'est pas répertoriée selon Nami et Robin ne la connaît pas non plus. Ils sont partis l'explorer mais on devrait repartir dès ce soir."

Avec un sourire, le sabreur s'était levé, avait attrapé son assiette et était sorti sur le pont avant que Sanji n'ait pu faire un geste. Il l'avait suivi à l'extérieur et l'avait trouvé en train de manger par terre appuyé contre le mât au soleil. Comme il s'approchait, l'escrimeur avait froncé les sourcils.

"Je sais ce que tu vas dire mais j'ai pas besoin de baby-sitter", l'avait-il prévenu d'un air menaçant.

Sanji n'avait pas répliqué tout de suite mais il avait senti la colère monter d'un cran. Zoro l'agaçait toujours autant et depuis leur dernière conversation, c'était pire encore.

"T'as pas bientôt fini de croire que tu sais ce que je pense? lui avait-il répondu en le toisant de toute sa hauteur.

- Et toi, quand est-ce que tu vas reconnaître que j'ai raison?

- Putain mais il y a que ça qui compte pour toi? s'était énervé le blond. Etre le meilleur? Ecraser les autres?!

- Évidemment! avait répondu Zoro comme si Sanji avait perdu la tête. J'veux être le meilleur sabreur du monde, j'te rappelle!

- Tu parles, tu seras pas le meilleur sabreur du monde si tu te proposes de mourir à tout bout de champ, abruti!" lui avait sèchement fait remarquer le cuisinier.

L'escrimeur avait saisi l'allusion mais avait haussé les épaules.

"Au moins, j'aurais essayé alors."

Sanji l'avait dévisagé une seconde avant de sentir la rage le submerger.

"Je sais très bien ce que t'as enduré pour sauver Luffy! avait-il craché d'une voix sombre. C'est moi qui t'ai récupéré après et les frères Risky m'ont tout raconté! Pourquoi tu m'as pas laissé y aller, hein? Tu te crois tellement meilleur que les autres ou alors c'est ton rêve qui n'est pas si important que ça?!"

Zoro l'avait gravement considéré d'un regard dur comme la pierre.

"C'était pas ta place, avait-il ensuite répliqué calmement.

- Quoi?! Espèce d'enfoiré! Tu te prends pour qui?!"

Le sabreur n'avait pas eu le temps de réagir que le cuisinier hors de ses gonds l'avait envoyé s'exploser contre la balustrade du Sunny, son assiette fracassée au sol. Zoro s'était relevé rapidement, le regard noir, et s'était jeté sur lui à son tour, toutes lames dehors.

Le combat avait été rude et les dégâts s'étaient accumulés rapidement sur le bateau. Sanji n'aurait su dire si c'était parce qu'ils ne s'étaient pas battus depuis plusieurs jours ou simplement sous l'effet de la colère mais il ne retenait pas ses attaques malgré l'état de son adversaire et ce dernier lui rendait coup pour coup.

Au bout d'un moment, le pied de Sanji s'était retrouvé bloqué par deux lames et Zoro l'avait contemplé, le sourire moqueur.

"Trop susceptible, le cuistot", avait-il ricané.

Ce dernier s'était débarrassé des armes du sabreur et l'avait réexpédié au tapis.

"Trop faible, la tête d'algue", avait-il répliqué.

L'épéiste s'était démené pour reprendre le dessus et Sanji avait dû se plaquer contre la porte de la cuisine pour éviter l'une de ses lames. Profitant de l'occasion, Zoro avait foncé sur lui et l'avait entraîné dans sa chute quand la porte avait volé en éclat sous leur poids. Ils s'étaient relevés tous les deux prestement, furieux de ne pas l'emporter sur l'autre.

"C'est stupide, avait alors fait le cuisinier en remettant de l'ordre dans ses vêtements. Je sais ce que je vaux, j'ai pas besoin de ton avis."

Il en avait eu marre. Ce type lui sortait par les yeux et il bouillait littéralement de rage rien qu'en le regardant.

"T'abandonnes? lui avait demandé le sabreur avec intérêt.

- Même pas en rêve!"

Le cuisinier lui avait envoyé une rafale de coups de pieds et Zoro s'en était protégé tant bien que mal avant de répliquer à coups de sabres dans sa direction. A la fin, la lame avait touché la veste de Sanji et il avait sursauté au contact trop proche de son bras. Furieux, il avait balancé une chaise sur l'épéiste qui n'avait eu d'autre choix que de la découper avant qu'elle ne l'atteigne.

"Abruti de bretteur! Une veste toute neuve!" avait-il hurlé en se ruant sur lui à nouveau.

Zoro avait froncé les sourcils, étonné. Sanji avait été aveuglé par la colère et il s'était mis à découvert, ce qui ne lui ressemblait pas. Il avait perdu tout son sang-froid et le sabreur n'avait eu qu'à en profiter en lui faisant un léger croche pied. Le blond avait alors perdu l'équilibre et Zoro l'avait retenu prisonnier contre le mur, la lame sous la gorge.

"Tu te relâches, sourcil en vrille", lui avait-il fait remarquer avec un sourire satisfait.

Sanji était demeuré hystérique et la lame contre son cou ne l'avait pas calmé. Il avait gesticulé et hurlé les pires insanités à l'adresse du sabreur qui avait fini par retirer son arme, la ranger et plaquer une main sur la bouche du cuistot d'un air renfrogné.

"Mais c'est pas vrai, tu vas la fermer! avait-il grogné. T'es vraiment mauvais perdant."

Sanji s'était immobilisé après plusieurs minutes. Il n'avait plus eu d'air avec la main de l'escrimeur qui l'empêchait de respirer et qu'il n'arrivait pas à dégager mais ses yeux avaient continué de le menacer des pires douleurs possibles. Enfin, Zoro avait retiré sa main et le cuisinier avait pu reprendre sa respiration, le souffle court.

C'est alors que l'impensable s'était produit. Le sabreur avait remplacé sa main par sa bouche sur ses lèvres, le plaquant encore plus violemment contre le mur. Et là, aussi improbable que cela puisse être, Sanji avait répondu à son geste. Si le sabreur pensait qu'il renoncerait en l'entrainant vers l'inconnu, il se mettait le doigt dans l'œil. Qu'importe la provocation, il répondrait toujours. Son ego ne lui permettait plus de perdre la moindre parcelle de terrain face à son adversaire. Plutôt mourir que de reculer face à la tête d'algue.

Une autre bataille s'était alors engagée, toujours pour le pouvoir de l'un sur l'autre. Zoro avait usé de son poids pour le maintenir contre le mur mais Sanji avait réussi à le déstabiliser en lui mordant durement la lèvre, ce qui l'avait fait reculer, le regard contrarié et un filet de sang dégoulinant de la bouche.

Le cuisinier en avait profité pour le bousculer rudement jusqu'au mur opposé, prenant ainsi le contrôle. Tandis que leurs langues reprenaient leur bataille, Sanji avait descendu ses mains contre le mur de part et d'autre de la taille du sabreur pour le maintenir à sa merci. Cependant, lorsqu'il s'était aventuré à embrasser et mordre son cou, Zoro avait fait passer ses mains sous sa chemise et le contact qui l'avait électrisé lui avait fait perdre son ascendant. L'escrimeur avait alors enroulé ses bras autour de sa taille pour mieux le maintenir contre lui avant de le repousser brutalement jusqu'à ce que le blond heurte la table avec son dos. Il s'était alors propulsé contre lui, le renversant sur la surface de bois et l'emprisonnant sous son corps.

Sanji s'était souvenu à ce moment-là qu'il avait déjà perdu une bagarre et qu'il ne voulait pas d'une seconde défaite. Il avait donc usé de ses mains contre le dos du bretteur pour le griffer et se dégager pendant que leurs bouches se rencontraient à nouveau sauvagement. Pourtant, lorsqu'il avait vu le sabreur se débarrasser de son tee-shirt et arracher sa propre chemise et sa cravate avant de se jeter sur son torse, il s'était dit que peut-être, le gagnant n'était pas celui qu'il croyait.

Et il avait commencé à se perdre dans des sensations plus plaisantes malgré les morsures de l'épéiste sur son ventre et ses mains qui l'empêchaient de bouger. Il avait perdu toute notion du temps jusqu'à ce que Zoro le relève soudainement pour le débarrasser de ses derniers vêtements avant de le réexpédier sur la table aussi vite. Sa peau nue avait souffert du contact rêche du bois contre son dos et il s'était redressé, furieux contre lui-même de s'être montré si passif et si réceptif à la fois.

L'escrimeur lui avait semblé aussi peu connecté au monde que lui, ce qui l'avait un peu rassuré. Concentré, le désir qui obscurcissait son regard l'avait rendu bestial et directif, renforçant leur sentiment de compétition.

Le besoin de se mesurer l'un à l'autre ne les avait pas quitté une seconde. Ce combat d'un autre genre, c'était tout de même une question d'honneur.

Personne n'avait reculé.

*Fin du flash-back*

Sanji émergea de ses pensées en rougissant. Il avait beau se repasser le fil des événements dans sa tête, il ne comprenait pas ce qui leur avait pris et même si Zoro avait lancé les hostilités, il ne pouvait nier qu'il n'avait pas été en reste pour lui répondre. Sa colère n'expliquait pas tout, leur rivalité non plus, et ça le mettait terriblement mal à l'aise. Aucune idée de ce genre ne lui avait jamais traversé l'esprit, ni avec le sabreur ni avec un homme tout court. Son besoin de se mesurer à son rival allait-il aussi loin ? Au point de se laisser entrainer sur un terrain pareil ? Au point de prendre le risque de tordre encore un peu plus leur relation bouillonnante ?

Focalisé sur sa volonté de ne pas perdre la face, il s'était fait embarquer par les caresses abruptes de Zoro qui avaient peu à peu fait place à la volupté. Lorsqu'il s'en était rendu compte, son corps réclamait avec avidité le sien et sa raison avait foutu le camp.

Le blond contracta la mâchoire. Le sabreur avait gagné sur toute la ligne. Encore. Il avait pris les choses en main, s'était approprié le corps du cuisinier, lui imposant sa place et son rythme. Tout juste Sanji avait-il pensé à l'interroger du regard en voyant qu'il ne prenait aucune précaution au moment fatidique et Zoro lui avait simplement fait remarquer dans un souffle rauque que Chopper les suivait suffisamment pour ne pas s'en inquiéter. Et lui l'avait cru sur parole.

C'était carrément flippant à bien y réfléchir et il se demanda un instant s'il n'avait pas été empoisonné ou si on lui avait jeté un sort. Cependant, l'hypothèse la plus logique étant souvent la meilleure, il dut reconnaître qu'ils s'étaient certainement laissés emporter par leurs émotions et que celles-ci les avaient déposés en terre inconnue.

Par-dessus le marché, cette terre était douloureuse après coup et Sanji soupira en étirant doucement son dos. Il avait cru défaillir ce matin en se redressant mais il avait préféré serrer les dents plutôt que quiconque remarque quoi que ce soit au sein de l'équipage.

La douleur était pourtant lancinante et lui vrillait les reins. Il aurait dû s'en douter au vu de ce qu'il avait d'abord ressenti mais la tension qui l'habitait à cet instant avait eu besoin d'un aboutissement. A ce moment, Zoro l'avait contraint au calme, forçant sur ses bras pour l'empêcher de bouger. Au départ survolté par cette attitude qu'il avait prise pour une domination de plus, Sanji avait cherché à remuer dans tous les sens malgré la douleur. L'escrimeur avait renforcé sa prise sur lui et avait plongé son regard impénétrable dans le sien, le faisant enfin s'immobiliser. Ils étaient restés ainsi quelques instants, le souffle court et douloureux pour le blond qui s'était progressivement rendu compte que la souffrance refluait. Le sabreur avait alors recommencé à bouger et les minutes suivantes avaient été tellement délicieuses que Sanji en avait oublié ce qu'il se laissait infliger…

Le retour à la réalité avait été toute aussi brutal que le reste. Après la vague de plaisir qui les avait submergés, ils avaient brusquement réalisé ce qu'il venait de se passer et surtout, avec qui. Zoro n'avait pas perdu de temps et s'était éclipsé sitôt ses affaires retrouvées, ne lui adressant qu'un rapide coup d'œil. Sanji avait eu plus de mal à se redresser, et encore plus à accepter ce qu'ils avaient partagé. Il avait enfilé ses vêtements avec des gestes mécaniques avant de tenter de remettre un peu d'ordre dans la pièce.

En soupirant, le cuisinier se dirigea doucement vers sa cuisine pour commencer les préparatifs du prochain repas. Au moins, le sabreur n'agissait pas de manière bizarre avec lui depuis la veille et pour une fois, il avait subi les récriminations de Nami sur leur comportement infantile de manière presque soulagée lorsqu'elle avait découvert l'état du bateau à son retour et Zoro avait obtenu la permission d'un Chopper désespéré pour reprendre une vie normale.

Cet enchaînement d'événements restait incompréhensible pour le cuisinier et il avait hâte de les chasser de sa mémoire. Il n'imaginait pas une seconde que cet épisode soit autre chose qu'un moment d'égarement de son côté et à voir le comportement du bretteur, il semblait du même avis. Heureusement.


Le soir même, Nami annonça pendant le repas qu'ils atteindraient la prochaine île dès le lendemain. Une île automnale voire hivernale à en juger par le climat qui s'était établi depuis quelques heures. L'île des hommes-poissons n'était plus à l'ordre du jour depuis que la tempête qu'ils avaient essuyée trois jours auparavant les avait projetés à plusieurs centaines de kilomètres de leur trajectoire après plusieurs coups de burst nécessaires à leur survie. Fidèle à son optimisme, le capitaine avait décrété qu'il s'agissait du destin des aventures de Grand Line et qu'ils entreraient dans le Nouveau Monde par un autre chemin pour mieux retrouver l'île plus tard. Le cuisinier et le squelette avaient été les plus déçus de ne pas rencontrer les sirènes qu'ils s'imaginaient plus belles les unes que les autres aussi rapidement qu'ils le pensaient avant de finalement être à leur tour gagnés par l'enthousiasme de Luffy.

Robin leur expliqua donc que l'île de Nerwa était une île vallonnée et montagneuse dont la population se massait sur les côtes où les températures étaient plus clémentes. Il n'y avait à priori rien de particulier hormis une petite base marine qu'il faudrait donc à tout prix éviter le temps que le Log-Pose se recharge.

La nuit tombée, Sanji s'installa sur le pont puisqu'il avait le premier tour de garde. Son manque de sommeil ne serait pas rattrapé de sitôt et il tombait de fatigue. Le froid lui déplaisait car il raidissait ses muscles déjà endoloris mais il l'aidait à se tenir éveillé et il s'affala sur le siège derrière le gouvernail. Il sortit une cigarette et l'alluma avant de la porter à ses lèvres. La mer était calme et les étoiles scintillaient dans le ciel.

Il aurait dû se sentir bien auprès de ses amis sur le Sunny mais il se sentait d'humeur mélancolique. Les nuits comme celles-ci lui rappelaient les heures qu'il avait passé à contempler les étoiles, perdu avec ce vieux schnock de Zeff au milieu de la mer. Et ça le ramenait inévitablement à son rêve.

All Blue. Avait-il seulement une chance de parvenir à l'apercevoir, occupé à courir sur Grand Line ou à se battre pour sauver sa vie? Et en même temps, où d'autre pouvait-il le chercher? Et avec qui? Sûrement les membres de l'équipage au chapeau de paille étaient-ils les meilleurs pour l'accompagner dans cette quête. Quel autre équipage que le leur pouvait se targuer de regrouper des membres aux rêves aussi insolites?

Ussop et ses ambitions de courage et de gloire.

Nami et ses coups de crayons à l'assaut de la carte du monde.

Zoro et sa volonté d'être le meilleur manieur de sabres.

Chopper et son envie de soigner toutes les maladies.

Robin et son espoir de découvrir l'histoire à travers une langue perdue.

Franky et son désir de parcourir les mers sur sa création.

Brook et sa détermination à revoir une baleine.

Et bien sûr, Luffy et son obsession pour devenir le roi des pirates.

Finalement, découvrir un océan légendaire, ça ne paraissait pas si difficile au milieu de tous ces objectifs improbables…

Sanji s'emmitoufla un peu plus dans la couverture qu'il avait apportée. Oui, s'il devait trouver All Blue un jour, ce serait avec ces dégénérés.

Sa famille.


Les prochains chapitres seront construits différemment, il s'agit ici davantage d'un prologue en réalité. Si vous êtes tentés de poursuivre l'aventure, n'hésitez pas à me laisser un petit message (dans le cas inverse aussi d'ailleurs !).

La suite dans une semaine.