Note : Hello tout le monde ! Chose promise, voici mon nouveau projet X-Men. Il s'agit d'un Univers Alternatif (ou plus précisement, d'une Rencontre Alternative) à l'université d'Oxford en 1960. Charles, Erik et Raven ont toujours leurs pouvoirs, et la relation sera exclusivement Charles/Erik (pas de Hank cette fois-ci !). Il y a des mentions à l'Holocauste et aux camps, qui ne sont pas détaillées mais qui sont historiquements validées par ma géniale bêta (et prof d'histoire, ça aide) Maya Holmes, que je remercie du fond du coeur, et un gros big up à deadoralive0013 qui est la bêta de la version anglaise. Rating M parce que smut, et ici Erik a 30ans et Charles 20ans.
Sur ce, je vous souhaite une bonne lecture, et si vous appréciez cette histoire, comme d'habitude n'hésitez pas à laisser un commentaire à la fin de votre lecture, avant de fermer l'onglet sur votre ordi ou téléphone,. Parce que c'est sympa de voir le compteur du nombres de lectrices/lecteurs qui lisent un histoire ou un chapitre, mais c'est encore mieux quand ces personnes - vous, kikoo :3 - donnez vos impressions.
Erik regarde par la fenêtre à sa gauche, de laquelle il voit Radcliff Square. L'Angleterre et l'université d'Oxford sont comme il les avait imaginées : froides et très précieuses. Il y a une politesse murmurée dans les gestes de ceux qu'il croise, un mélange de respect et de snobisme enveloppé dans du tartan et l'odeur du thé avec un nuage de lait. C'est très certainement parce qu'ils sont sur une île qui n'a pratiquement jamais connu l'envahisseur que le peuple a ce rythme cardiaque, stable et uni. William McClare entre dans son bureau et Erik le reconnaît immédiatement, son mètre quatre-vingt, son nez fin et ses cheveux courts qui se teintent de gris maintenant qu'il a dépassé la quarentaine. Ça doit faire dix ans qu'ils ne se sont pas vus alors ils se serrent longuement la main en se regardant droit dans les yeux, ceux bruns du plus vieux s'illuminant sous l'émotion.
"Comment vas-tu, Erik ?"
"Bien."
Il l'invite à s'asseoir en lui indiquant un fauteuil dans le petit salon de son bureau et Erik prend place face à lui.
"Comment c'était la vie à Berlin ?"
"Mouvementée."
"Est-ce qu'ils vont vraiment construire ce mur ?"
"C'est ce qu'il se dit. La dernière fois, j'ai vu des hommes tracer des trais à la craie tout le long de la route sur Bernauer."
Les yeux de McClare s'ouvrent en grand alors qu'il secoue la tête, manifestement alarmé par la scission à prévoir de la ville déjà en ruines. Il observe longuement Erik comme s'il ne réalisait pas encore que l'Allemand se trouve devant lui et dit soudain :
"J'ai dit à mon père que tu venais travailler à l'Université, tu sais."
"Comment va-t-il ?", demande Erik, un sourire sincère creusant une fossette sur sa joue gauche.
"Ça va, il est fatigué depuis son dernier infarctus, mais il est assez indépendant. Une infirmière vit chez mes parents depuis janvier, c'est plus pratique."
Erik hoche la tête. Ils parlent encore un peu des parents de William jusqu'à ce que les cinq directeurs des départements arrivent à leur tour. McClare les a conviés à ce thé pour qu'ils rencontrent Erik Lehnsherr qui travaillera sous la direction de Mrs. Smith, responsable du département des Lettres. Les professeurs l'accueillent sans lui demander son parcours, ni d'où il vient. Mrs. Smith, une femme d'une soixantaine d'année à la peau marquée par le temps, lui serre chaleureusement la main et lui propose un déjeuner dans la semaine à venir. Ils s'installent tous et Martha, la secrétaire de McClare, vient les servir le thé. Erik retient parmi les conversations vaines ce que les autres considèrent comme étant d'une importance majeure :
Le deuxième étage des bureaux administratifs dans l'aile Nord sont formellement interdits aux élèves. La clé qu'elle lui donne ne doit donc en aucun cas être prêtée.
Une sortie culturelle est organisée par un professeur une fois par mois. Lui n'étant que assistant, il ne devrait pas être concerné par cette corvée. (Smith a utilisé le mot opportunité.)
En cas de besoin, Erik peut demander l'aide d'un des trois membres des représentants des élèves (Matthew Cromley, Linda Gates ou Charles Xavier).
Charles Xavier est le chouchou du conseil d'administration. Elle n'utilise pas ce mot précis mais Erik le comprend quand, lorsque son nom résonne, les yeux s'illuminent et la conversation des professeurs dérive sur l'étudiant (famille riche, élève brillant, promis à un avenir glorieux).
Dans sa main, Erik serre la clé dont il aura besoin.
C'est au dernière étage de la bâtisse en pierre grise sur Queen's lane qu'Erik est installé. L'appartement est bien plus grand que celui qu'il louait à Berlin. Il y a de la moquette bleue et des épais rideaux marrons. On a mis le chauffage avant qu'il n'arrive. C'est agréable.
D'abord, il visite la petite cuisine qui donne sur le salon, puis la chambre et la salle de bain attenante. Il regarde la vue qu'il a sur un parc avec une immense étendue d'herbe qu'il imagine remplie d'étudiant en pleine journée. Il met de l'eau à bouillir pour se préparer à manger et sort de son sac sa carte, ses papiers, la photo. Erik n'est pas particulièrement heureux d'être à Oxford, mais c'est ici qu'il le trouvera.
Il mange des pâtes en lisant le journal qu'il a acheté à l'aéroport ce matin puis il va se coucher. Il fixe son regard sur la lampe qui pend au plafond, éteinte. Il n'a pas touché les rideaux épais. Il ne les ferme jamais.
Alors, son esprit tangue et chavire sur cette longue journée, sur son voyage de Berlin à Londres, puis de Londres à Oxford, jusqu'à sa rencontre avec William. Il n'a pas vu son père, Georges McClare, depuis mars 1949. À l'époque, Erik était encore à l'internat de Munich et McClare était venu lui rendre visite avec sa femme, mutante elle aussi, et leur fils William. Ils avaient passé le samedi tous ensemble, ils lui avaient parlé de leur vie à Oxford et Erik avait écouté pour remplir sa tête d'images qui seraient matière à rêver (une maison, une famille, une vie). Ils avaient dîné dans un restaurant très chic où Erik avait mangé pour la première fois des huîtres et bu du vin français. Ils lui avaient promis qu'ils l'accueilleraient en Angleterre s'il le désirait.
Ce n'est pas de la pitié que les McClare ressentent envers Erik, il l'a toujours su. Mais il y a, entre George et lui, ce lien qu'on ne pourra plus jamais recréer entre deux êtres.
Parce que le Caporal Georges McClare a ouvert la porte, a laissé entrer la lumière et a détaché Erik. Il l'a porté, couvert de sang et d'une peau trop fine collée aux os, et l'a fait sortir de la pièce, du couloir, du camp.
McClare faisait partie des cinq Anglais qui ont accompagnés la 100e Division qui a libéré Aushwitz.
Ce n'est pas le genre de choses que l'on oublie.
Erik ne donne des cours que les mardi, mercredi et vendredi. Ça dure trois heures, parfois quatre. Il ne fait pas de leçons à proprement parler. Les élèves en master apportent leurs recherches et leurs livres et lui demandent de l'aide pour traduire de l'allemand à l'anglais certains passages dont ils ont besoin pour leurs études. Parfois ils le croisent dans les couloirs et se permettent de lui demander conseil sur un mot, une expression. Il arrive à les ignorer la plupart du temps. Sinon, il leur répond.
Erik rencontre Matthew Cromley lorsqu'il a besoin que quelqu'un aille chercher l'infirmière, puisque Thomas Hughes a fait un malaise - une crise d'hypoglycémie à ce que disent les élèves qui semblent bien le connaître.
Erik rencontre Linda Gates quand elle vient lui faire signer un papier, de la part de Mrs. Smith. Elle est si petite que ça semble être une maladie.
Erik rencontre Charles Xavier lorsqu'il se rend dans le bureau de McClare. Xavier est debout près de la fenêtre et il regarde Erik rentrer comme s'il s'attendait à sa venue. (Un truc de gosse de riche). William se lève pour les présenter. Il y a les mêmes mots qui reviennent pour parler de l'étudiant (brillant, glorieux). Erik récupère le courrier qu'il était venu chercher et va manger en ville.
Les weekend, Erik se promène dans Oxford. Il longe les canaux, les églises. Il essaye quelques restaurants. Il réfléchit.
C'est en semaine qu'il avance. Il a la clé, il peut entrer dans les bureaux administratifs, ouvrir les tiroirs, les dossiers. Il y a toujours quelqu'un pour lui demander s'il cherche quelque chose et il ment en prétextant vouloir rajouter un papier à son dossier ou qu'il doit récupérer les notes d'un confrère pour lui. Il ne trouve rien pour l'instant, mais ça ne fait qu'un mois qu'il est ici.
Les élèves lui sourient maintenant quand ils le croisent. Ils restent souvent dans sa classe même quand la cloche a sonné. Il prête des livres qu'il a ramenés de Berlin. Personne ne lui demande d'où il vient.
Les premiers jours il ne pensait qu'à ça, que quelqu'un verrait les chiffres sur son avant-bras même s'il ne porte rien d'autre que des hauts à manches longues. Que quelqu'un lui demanderait s'il était là-bas. Mais personne ne demande parce que personne ne sait que là-bas a existé. C'est infâme, ça lui bouffe les tripes et l'esprit, cette idée que ce qu'il a vécu n'est même pas connu par tellement de personnes.
Il les envie et les hait de ne pas savoir.
Erik longe le couloir du bâtiment Eyre. Il s'arrête devant la chambre 17 et frappe. Il est 7h45, il va probablement réveiller Denis Patmore mais il lui a déjà demandé deux fois de lui ramener son édition de Der Zauberberg et cette troisième sera la dernière. Patmore ouvre et se dévoile avec un air ahuri mêlé à des cheveux qu'il a déjà vus plus brossés.
"M'sieur… professeur Lehnsherr ?"
"Mon livre, Patmore. J'en ai besoin pour mon cours."
"Ah, oui, bien sûr, il est… Merde… Oh, excusez-moi ! Je veux dire, je l'ai passé à Isaac, il est juste à l'étage du dessus, j'arrive tout de suite !"
Patmore rentre à nouveau le temps d'enfiler des chaussures qu'il ne lasse même pas et court pour ne pas faire attendre le professeur qui rentre pour trouver un siège où s'asseoir. Patmore fait partie de ces enfants de la haute bourgeoisie, ceux qui ont une chambre pour eux-seuls. Enfin, si le mot chambre peut être utilisé pour qualifier un trois pièces avec salon et bureau avec vue sur le parc. Erik s'approche d'un des fauteuils lorsque son oeil se fixe sur le canapé. Et sur la couverture au-dessus. Qui bouge.
Sans faire de bruit, Erik continue son chemin vers le sofa. Il attrape entre ses doigts le bout de la couverture d'un vert profond et la recule. Ce qu'il découvre ne peut que le faire sourire.
"Bonjour, monsieur Xavier."
"Bonjour professeur Lehnsherr," répond le plus poliment du monde un jeune Charles Xavier qui ne semble pas vraiment habillé .
Erik ne peut pas faire autre chose que sourire puisque même s'ils ne sont qu'en octobre, il est sûr que c'est la découverte la plus drôle de l'année. Il se souvient parfaitement des mots que McClare et tous les professeurs réunis ont utilisés pendant des semaines pour qualifier ce jeune prodige. Le voir aujourd'hui nu dans les appartements d'un autre étudiant - homme lui aussi -, brise intégralement l'aspect très plat et très prometteur de son existence.
"Je ne vous réveille pas, j'espère ? ", demande Erik, tenant toujours la couverture légèrement relevée mais pas assez pour découvrir autre chose que les clavicules du jeune homme.
"J'allais me lever de toute façon, j'ai une réunion avec le conseil des délégués des élèves et certains professeurs."
"Ah tiens et lesquels seront là, par exemple ?"
"Vous."
Erik hoche la tête et rit mentalement devant l'air que Charles Xavier veut garder très courtois comme tous ces Anglais parfaitement coincés.
"Ne dites pas à Denis que vous m'avez vu, s'il vous plaît," demande simplement Charles Xavier en le suppliant pudiquement de ses yeux bleus.
Erik hoche la tête et lentement remonte la couverture. Ils ne se quittent pas du regard, Erik bien trop fasciné par celui qui se fixe sur lui, sans comprendre pourquoi. Il recule de quelques pas puis va se tenir contre l'encadrement de la porte où Patmore revient moins d'une minute après. Il tend le livre à son professeur et jette un coup d'oeil nerveux à l'intérieur de son appartement qu'il - il ne le réalise qu'à l'instant - a laissé ouvert. Erik part.
Charles entend la porte qui se claque et retire la couverture. Le souffle court, les gestes encore tremblants, il cherche ses vêtements.
"Est-ce qu'il t'a vu ? ", demande Denis, la voix grave.
Charles tourne sur lui-même à la recherche de sa chemise. Il était sûr de l'avoir laissée sur la chaise près de l'entrée et il ne la trouve pas et il va être en retard et le professeur Lehnsherr l'a vu. Charles aurait dû agir avant, il aurait dû utiliser ses pouvoirs et convaincre le professeur qu'il n'y avait personne d'autre dans la pièce mais il s'est laissé pétrifier par l'idée que ça pouvait arriver et c'est arrivé.
"Charles," appelle Denis en attrapant son avant-bras pour retenir son attention, "Est-ce que Lehnsherr t'as vu ? Pour l'amour de Dieu, s'il t'a vu je…"
"Non. Il ne sait rien et tu ne crains rien. Dis moi juste où j'ai mis ma chemise s'il te plaît, je dois y aller…", demande Charles en restant aussi calme que possible.
Denis le lâche et lui indique d'un coup de tête où il a posé le reste des vêtements. Charles s'habille rapidement puisqu'il doit repasser par sa chambre avant la réunion et, une fois qu'il a enfilé sa veste et qu'il a mis la anse de son sac sur son épaule, il s'arrête devant Denis, appuyé contre le plan de travail de la petite cuisine. Lorsque Charles couche avec un humain, tout est un peu comme mis sur pause, puisqu'il ne peut pas utiliser ses pouvoirs, mais cette nuit avec Denis a été sympathique, néanmoins, même si elle ressemble à celles passées avec James Dancy ou Peter Forewell-Stew. Ça n'est pas une raison suffisante pour qu'un des deux fasse un geste vers l'autre pour s'embrasser et Denis lui demande encore s'il n'a rien oublié avant de le raccompagner à la porte sans évoquer l'idée de se revoir.
Charles quitte le bâtiment Eyre pour rejoindre le sien. Il prend une douche qu'il voudrait plus longue et sort de ses placards quelques biscuits qu'il engouffre sans vraiment les savourer. Il change ses vêtements pour quitter l'odeur de Denis et récupère ses lunettes qu'il met sur le bout de son nez avant de sortir à nouveau. Il traverse le parc en courant et se rend dans les bâtiments administratifs. Dans la salle, il est le dernier à entrer, quelques secondes avant que le doyen ne commence à parler. Raven lui fait signequ'elle lui a réservé une chaise.
"Je suis passée te prendre à ta chambre mais tu n'y étais pas là…", murmure-t-elle en le laissant lui embrasser discrètement la joue.
'Avec quelqu'un,' il lui projette.
Ses lèvres à elle miment un silencieux "Qui ?" auquel il ne répond pas alors que ses yeux rencontrent une seconde ceux du professeur Lehnsherr. Il s'empresse de se retourner vers McClare qui explique le déroulement de l'année à venir et du nouveau système d'examen mis en place. Autour de la table, il n'y a que des professeurs dont les yeux et les mots - dits ou pensés - ont toujours été d'une appréciation sans égale pour Charles. Sauf qu'aujourd'hui il y a une nouvelle présence qui le laisse légèrement nauséeux.
"Charles, je suis désolée mais je ne peux pas manger avec toi ce midi. Mon cours de littérature anglaise a été déplacé," elle murmure à nouveau.
'Pas de soucis,' répond distraitement Charles dont les yeux n'osent toujours pas se poser sur le professeur Lehnsherr.
Il y a quelque chose d'étrange qui émane du professeur d'allemand, il semble totalement déconnecté de la réunion et bien que ce soit la première, Charles ressent habituellement le stress et la nervosité des nouveaux. Mais ce n'est pas ce que son esprit renvoie malgré lui et Charles n'arrive pas à interpréter ce qu'il ressent. Il faudrait qu'il fouille un peu plus ses pensées pour comprendre mais Charles ne fait pas ce genre de choses avec ses professeurs. Il détourne le visage pour regarder McClare qui finit son discours.
"Mr. Xavier, en savez-vous un peu plus concernant l'état de santé de Mrs. Artty ?"
Charles se concentre avant de hocher la tête :
"Oui j'ai parlé avec Elizabeth hier et, malheureusement, l'état de santé de sa mère se dégrade plus rapidement que les médecins ne le prévoyaient. Il faut considérer la possibilité qu'Elizabeth devra se rendre à Grimsby avant décembre. Dans ce cas, il faudra mettre en place une session de rattrapage pour ses examens. Mr. Montrey s'est proposé de rédiger une nouvelle série d'exercices," conclut Charles en souriant au professeur qui hoche la tête en faisant rebondir son épaisse moustache grise.
"Parfait, merci Mr. Montrey. Et concernant Denis Patmore ?"
Charles tait avec beaucoup d'aisance l'impression que son estomac se tord à la simple évocation du nom de l'homme avec qui il a passé la nuit et poursuit :
"Son frère a pu être rapatrié. L'accident était beaucoup moins grave que le télégramme ne le laissait entendre."
"Dieu soit loué !" s'enthousiasme Mrs. Smith en serrant ses mains frêles.
McClare exprime à son tour son soulagement et tous les professeurs s'autorisent une petite aparté où l'apaisement prend toute son ampleur dans la salle. Ils évoquent le jour terrible où McClare avait reçu un télégramme du Général en place à Bombay lui informant que le Lieutenant Henry Patmore avait eu un accident de voiture et que ses jours étaient comptés, et que le doyen avait dû aller chercher Denis en plein cours pour lui apprendre la funeste nouvelle. Mais il y a un visage qui ne s'est pas tourné vers ses pairs et c'est celui de Lehnsherr dont les yeux fixent ceux de Charles. Et il sourit.
Charles pince ses lèvres et bout intérieurement. Il est clair qu'ils repensent tous les deux au petit matin, à la façon dont Lehnsherr a soulevé la couverture verte pour lui dire bonjour alors que Charles n'était même pas habillé. Tout comme il est évident qu'ils savent tous les deux ce qu'il s'est passé la nuit précédente et Charles ne se laissera pas juger pour ça. Alors si Lehnsherr veut jouer, Charles n'a plus de raison de se retenir. Il attend que le professeur tourne la tête et glisse discrètement ses doigts contre sa tempe. Il a juste à se concentrer pour fouiller l'esprit de Lehnsherr et sans nul doute qu'il trouvera un détail gênant ou un souvenir honteux qu'il pourra utiliser si besoin est.
Il ferme à peine les yeux et presse son index contre sa tempe et la sensation est immédiate. Abyssale.
Entrer dans l'esprit d'Erik Lehnsherr s'apparente à tomber dans des ronces où la lumière ne passe qu'à peine et où chaque mouvement griffe et lacère. Charles ne sait plus s'il respire ou s'il souffre et peut-être que les deux sont intimement liés. Il y a beaucoup de gens qui l'entourent, peut-être pas des centaines mais des milliers. Et Charles ne veut pas voir leurs visages, il ne veut pas savoir. Il faut qu'il s'accroche à quelque chose qu'il connaît, une odeur, un geste ou un mot, mais il ne comprend pas la langue et il veut partir, veut hurler, veut….
"Je vais vomir…" il grogne juste à destination de Raven. Il se lève, tente de trouver un mot pour s'excuser mais sa main est déjà autour de la clenche et ses pieds avancent dans le couloir. Il pousse la porte des toilettes plus loin au même étage et tombe à genoux avant de vomir. Il ne ressort qu'une fois qu'il s'est passé de l'eau sur le visage pour se nettoyer sommairement. Il pousse la porte avec plus de mal qu'à son arrivée et sourit faiblement en voyant sa soeur qui l'attend, appuyée contre le mur dont elle se décolle pour se rapprocher de lui.
"Est-ce que ça va ?"
"Oui, excuse-moi..."
"Ne t'excuse pas, idiot. Qu'est-ce qu'il s'est passé ?"
"Ne me demande pas pourquoi mais j'ai essayé de lire l'esprit de Lehnsherr…"
"Et c'est ça qui t'a rendu malade ?", elle demande, dégoûtée par avance. "Attends, Charles, qu'est-ce que tu as vu ?"
Il ferme les yeux, se concentre pour essayer d'assimiler ce qui a pu se passer mais c'est encore trop flou. Il hoche la tête pour se donner le courage de le dire et vérifie qu'il n'y a personne dans le couloir avant de se pencher vers elle pour murmurer :
"La mort. Partout."
Elle referme ses lèvres et se recule légèrement alors il attrape ses mains et les serre fort. Il a besoin de sentir sa présence, de sentir quelqu'un.
"C'est lui qui…"
"Non, non pas causée par lui mais… il en était entouré. Et dans son esprit il y avait une obsession, comme s'il cherchait quelque chose… ou quelqu'un ?"
Il s'arrête, masse son front pour essayer de se souvenir plus précisément mais tout est trop nébuleux. Il rajoute avec un petit sourire :
"La bonne nouvelle c'est que nous ne sommes plus les seuls mutants à Oxford."
Raven ouvre grands les yeux et pointe du doigt la porte de la pièce où la réunion se tient encore.
"Lehnsherr est un mutant ? Tu plaisantes ?!"
"Non, je suis sérieux. Mais je n'ai pas distingué quels étaient ses pouvoirs. Je ne les ai jamais vus avant, j'en suis persuadé…"
Il veut lui proposer qu'ils aillent prendre l'air mais la double-porte en bois de la salle de réunion s'ouvre et les professeurs en sortent avec des dossiers donnés par McClare. Ils s'arrêtent pour lui demander ce qui lui est arrivé mais il prétexte une nuit passée à réviser et un léger malaise. Mrs. Smith lui donne même un petit caramel qu'elle sort de sa veste bleu-canard et tapote sa joue qu'elle qualifie "d'affreusement blanche". Il leur sourit, les remercie pour leur sollicitude et s'excuse platement auprès de McClare qui le rassure en lui expliquant ce qu'il a loupé. Il attend encore un peu dans le couloir que Raven revienne avec leurs affaires qu'elle est allée chercher lorsque Erik Lehnsherr arrive, la démarche lente et le regard toujours aussi froid et perçant.
"Quelle idée de réviser toute la nuit, monsieur Xavier…" il sourit, moqueur et ça suffit à renvoyer Charles dans l'état détestable qu'il a eu tant de mal à quitter.
"Qu'est-ce que vous voulez ? Me faire du chantage ?"
"Du chantage ?" répète le professeur, confus. "Non, je ne…"
"Bien, alors laissez-moi, parce que, moi aussi, je sais."
C'est un coup bas, Charles en est parfaitement conscient. Il l'a dit avec tellement de froideur et de reproches dans la voix et dans son regard, alors qu'il ne sait pourtant rien de ce qu'il a vu, mais il faut qu'il fasse peur à Lehnsherr, il faut qu'il le repousse avant que le professeur n'utilise contre lui un secret qui serait suffisant pour les faire renvoyer lui et Denis.
La phrase fait l'effet d'une gifle à l'Allemand qui plisse les yeux et dont tout le corps se tend. Ça ne dure pas plus de trois secondes avant qu'il ne lève sa main et qu'il ne le choppe par le col de sa chemise. Il repousse contre le mur Charles qui tente d'échapper à son emprise mais ses pieds ne touchent presque plus le sol.
"Qu'est-ce que tu sais ?", grogne Lehnsherr en le surplombant.
"Lâchez-le," crie Raven qui court jusqu'à arriver à leur hauteur.
Elle repousse violemment Lehnsherr et se met entre Charles et lui pour l'empêcher de l'approcher à nouveau. Charles remet sa chemise en place et se décolle du mur contre lequel il était coincé, pour s'approcher de sa soeur.
"Si vous le touchez encore, vous aurez à faire à moi, c'est clair ?"
"Qu'est-ce que tu sais, Xavier ?" demande Lehnsherr sans même poser ses yeux sur la jeune femme qui se tient devant lui.
Il y a une telle violence qui émane de lui que Charles tente de trouver quoi dire, comment le dire, mais c'est impossible de l'expliquer et encore moins au professeur lui-même. Il secoue la tête inconsciemment et c'est Raven qui avoue :
"Il a vu."
La main de Charles se referme instantanément autour de son poignet fin.
'Raven, non.'
Elle le regarde et se retourne à nouveau vers Lehnsherr pour poursuivre :
"Charles a vu que vous êtes un mutant vous aussi."
Cette fois, l'Allemand la regarde et semble enfin réaliser sa présence. Il cligne des paupières plusieurs fois et fait un pas en arrière pour rétablir une distance normale entre eux trois. Il a un rictus et demande avec une confiance qui parait bien dérisoire désormais :
"Comment ça 'moi aussi'... ?"
"Charles est télépathe. Quant à moi…" elle se concentre et son corps se métamorphose en Mrs. Smith en une poignée de seconde. De son visage rond et sa chevelure blonde, elle passe au physique de la soixantenaire, avec ses cheveux d'un brun très clair attaché en un chignon lâche sur le dessus de son crâne. Elle porte elle aussi la veste bleu-canard inratable et elle sourit à Erik en penchant la tête sur le côté. Elle se délecte de son expression stupéfaite encore quelques secondes avant de revenir à son apparence initiale - enfin, celle humaine, évidemment. Il faut encore quelques secondes au professeur pour se remettre de cette découverte avant qu'un petit rire ne donne à son corps tout entier un léger sursaut qui le rend beaucoup plus agréable.
"Et alors, est-ce qu'il y a beaucoup d'autres mutants à Oxford ?"
"Non. Enfin, il y avait une femme qui travaillait à la bibliothèque Codrington mais elle est partie à la retraite il y a deux ans je crois. Et il y avait quelques élèves mais qui sont diplômés depuis."
"Est-ce que McClare est au courant pour vous deux ?"
"Oui. Sa mère est une mutante, il est cool avec ces choses là."
Erik hoche simplement une fois la tête et les regarde tour à tour. Le silence gênant se finit quand la cloche sonne et le couloir est envahi d'étudiants qui quittent leur salle pour en rejoindre d'autre. Certains saluent Charles, deux filles s'arrêtent pour parler à Raven. Erik les fixe encore quelques secondes avant de disparaître dans la foule.
"Est-ce que ça va ?" demande Raven, déjà pressée par ses amies pour aller en cours.
'Oui, ne t'en fais pas,' lui ment Charles en lui adressant un clin d'oeil.
Ils se séparent après avoir serré leurs mains une seconde de plus et lui se rend à son cours de Génétique Théorique et Globale, puis à celui de Chimie avant de rentrer à sa chambre. Il fait chauffer de l'eau et prend de quoi travailler. Il s'allonge sur son canapé avec un plaid qui couvre son corps et tente de lire le rapport sur les recherches d'Arthur Kornberg mais il s'endort sans même toucher à son thé qu'il a oublié de sucrer.
Il rêve des ronces de l'esprit d'Erik Lehnsherr, de sa main qui se referme sur son col, puis sur sa gorge.
Même si Charles ne connaissait pas McClare depuis sa naissance, il sait qu'il l'apprécierait. Ça fait bientôt sept ans que William McClare est le directeur d'Oxford. Il était, lors de son investiture, le plus jeune doyen à rejoindre le cercle très fermé des membres de l'administration de l'école mais il a gagné l'admiration de ses pairs en étant, et restant, cet homme intègre, respecté des professeurs et, plus important encore, des élèves.
De l'esprit du quarantenaire, il y a un espèce de nuage de coton qui émane, où l'empathie règne en maître. Charles aime côtoyer l'homme non seulement pour sa gentillesse mais aussi pour cette sensation de droiture qui régit chacune de ses décisions jusqu'à envahir l'esprit de Charles qui s'imagine de plus en plus travailler dans l'enseignement lui aussi.
C'est parce qu'il sait que William McClare se préoccupe réellement du bien-être de ses étudiants qu'il s'est permis de demander à sa secrétaire un rendez-vous urgent. Il pousse la porte du bureau du directeur et le salue d'un sourire sincère avant de venir serrer sa main par-dessus son bureau toujours aussi bien rangé.
"Charles, assieds-toi je t'en prie. Comment vas-tu ?"
Charles prend place et pose son sac à terre. Il hoche la tête et croise ses mains devant son ventre, ses coudes appuyés sur les accoudoirs du fauteuil.
"Ça va, je te remercie."
"J'ai de très bons échos de ton début d'année…" sourit l'homme en haussant ses sourcils et ça fait légèrement rougir Charles qui n'arrive toujours pas à accepter un compliment sans en être gêné. "Pourquoi est-ce que tu as demandé à me voir si rapidement ?" enchaîne-t-il, plus sérieusement.
Cette fois, Charles prend une profonde inspiration et se tortille un peu sur sa chaise. Il répète cette conversation dans sa tête depuis quatre jours et il est temps qu'il en parle à McClare. Il sait qu'il peut lui faire confiance.
"Tu connaissais Erik Lehnsherr avant qu'il ne vienne à Oxford, n'est-ce pas ?"
"Charles, est-ce que tu as fouillé dans mes pensées ?" demande d'une voix grave le doyen qui fronce les sourcils.
"Non ! Non, bien sûr que non. C'est juste que j'ai senti de l'esprit du professeur Lehnsherr, quelque chose que je n'avais jamais ressenti avant et… ça m'obsède. Tu te rappelles de la réunion en début de semaine ? C'est ça qui m'a rendu malade, c'est… William, ça m'a réellement rendu malade," il insiste en le regardant droit dans les yeux. "Et je sais que tu n'aurais jamais accepté ici quelqu'un dont le passé prouverait qu'il n'est pas digne de confiance. Alors, je me demandais… Qu'est-ce que j'ai bien pu ressentir ?"
McClare frotte ses deux mains avec une application très virile, sa bouche pincée et si ses yeux regardaient Charles à son arrivée, ce n'est plus le cas maintenant.
"Tu as remarqué que le professeur Lehnsherr n'était pas Anglais."
"Bien sûr, il est Allemand," répond Charles.
McClare hausse un sourcil. Charles comprend.
"Il a vécu la guerre. Mon Dieu, je n'y avais même pas pensé. Je comprends mieux maintenant…" réalise Charles, soulagé de trouver une explication.
"Non, Charles. Tu ne peux pas comprendre."
Le sourire si affectueux de William n'a plus les mêmes couleurs. Charles serre l'accoudoir sans s'en rendre compte.
"Je connais Erik depuis dix ans. C'est mon père qui l'a rencontré quand il a libéré l'Allemagne."
William s'arrête, ses yeux se concentrent sur un stylo plume qu'il remet parallèle à une feuille.
"Très peu de gens le savent, Charles, mais les Nazis n'ont pas mis en place que des camps de travail après 1933. Quand les Alliés ont libéré les camps, ils ont découvert qu'il y en avait eu d'autres. Des camps d'extermination. On y amenait des Juifs, des Tziganes et beaucoup d'autres gens. Ils arrivaient par train entier et on les assassinait. Mon père a été un des rares Anglais à entrer dans un de ces camps. Parmi les… il restait quelques survivants, dont Erik. Il avait quatorze ans à l'époque. Papa avait un ami à Berlin, un Américain qui travaillait pour le gouvernement provisoire allié à qui il a demandé de trouver une place pour Erik dans un orphelinat, en RFA. Il a payé son école, sa scolarité. C'est là qu'Erik a appris l'anglais. Nous sommes même allés lui rendre visite en 1949, lorsque ça a été de nouveau possible après le blocus des Soviétiques. On a gardé contact… Alors, quand il m'a appelé il y a six mois et qu'il m'a dit qu'il voulait venir à Oxford, je l'ai bien sûr tout de suite accepté."
"Je ne comprends pas. S'il était dans un de ces camps d'extermination, pourquoi est-ce que Georges l'a trouvé… vivant ?", Charles demande, confus.
"Parce qu'Erik est un mutant. Et qu'il devait servir aux Nazis pour des… expériences, j'imagine. Mon père ne nous a jamais dit, à ma mère et à moi, ce qu'il a vu dans ce camps. Et je pense qu'Erik ne lui a pas tout raconté non plus."
C'est clair maintenant, il le comprend, les ronces qui se sont refermées tout autour de lui étaient faites de lanières de cuir et ce ne sont pas des épines qu'il a senti traverser sa peau mais des aiguilles et…
"Charles, n'essaye pas de trop en découvrir. Crois-moi, il y a des choses qu'il vaut mieux ne pas savoir. Pendant des années, Erik a cherché l'homme qui l'a séquestré et aujourd'hui, il veut du repos, passer à autre chose et il a raison. Alors, ne t'approche pas trop de lui… d'accord ?"
Charles regarde William qui ne pourrait pas avoir plus tort. Charles l'a vu dans l'esprit d'Erik, il n'y a aucun repos possible et il cherche encore. C'est ce qui donne vie à son âme et c'est ce qui l'a amené ici, à l'université. Charles sourit à William de son rictus le plus faux.
"Merci de m'avoir expliqué."
"Je t'en prie. Tu sais que ma porte t'est toujours ouverte."
Charles récupère son sac. Il sort, et longe les couloirs, descend les escaliers, change de bâtiment. Il arrive devant le tableau en liège qu'il cherchait, laisse glisser ses yeux et trouve le numéro de la salle où il se rend ensuite. Il frappe à la porte même si le cours n'est pas fini et le professeur Lehnsherr vient lui ouvrir. Il fronce les sourcils.
"Xavier ?"
"Est-ce que je peux vous parler ?"
"Non, je suis en plein cours. Revenez à seize heures."
Il commence à fermer la porte mais Charles le regarde et projette :
'Je sais pourquoi vous êtes là. Et je veux vous aider à le retrouver.'
Erik ne referme pas la porte.