Mayunaise le 2 septembre 2016
Bonsoir bonsoir ! Voilà le dernier chapitre. Je l'aime bien, soit dit en passant :) RDV en bas pour mes plans pour le futur !
En réponse à Muntittra : J'avoue que profaner des tombes et palper les morts n'est pas un passe-temps commun, mais Luna n'est pas, selon moi, du genre à avoir peur de ça :) Je crois que l'idée qu'une baguette est un objet très intime, presque autant que la quéquette ou la zézette, ça me vient tout droit des daemons d'A la croisée des mondes, ma saga préférée... Je suis heureuse que cette version du duel t'ait plu ! Avant d'écrire cette fic, je n'avais jamais vraiment pensé à ce que cela impliquait, que de combattre son premier amour. J'espère que ce dernier chapitre te séduira tout autant. Je te remercie en tout cas très fort, tu as été un grand soutien, comme d'habitude, durant ce mois-ci :)
DU SENS ET DU DÉTAIL
Chapitre 5 : Le goût d'un sentiment humain
26 mai 1999, nuit. Dans le lit de Hermione.
La nuit du samedi 29 mai 1999, un silence atypique régnait dans le dortoir des huitièmes années de Gryffondor. Les ASPICS commençaient lundi : l'écrasante majorité des candidats s'était illégalement réunie dans une grande salle de classe abandonnée, pour noyer une dernière fois le stress dans l'alcool.
Les professeurs, ainsi que Rusard et Miss Teigne, fermaient les yeux sur cette entorse au règlement de l'école. La coutume était vieille comme Poudlard et la supprimer aurait causé plus de tort que de bien.
Hermione et Luna ne s'étaient pas jointes aux festivités. L'image, le bruit, l'odeur, la moiteur de tous ces jeunes corps enivrés et agglutinés les uns sur les autres, rien que dans leur imaginaire, leur paraissaient impossibles à supporter. Elles préféraient de loin le calme apathique du lit de Hermione, sur lequel elles étaient étendues comme deux méduses échouées sur le rivage.
Elles n'ignoraient pas que, tôt ou tard, une vague écumante et impérieuse les ramènerait de force dans le tumulte de l'océan, où d'impitoyables courants les ballotteraient dans tous les sens. Bientôt, leur paresse et leur désœuvrement appartiendraient à un passé révolu et elles repenseraient au doux moment qu'elles avaient passé à traîner dans le dortoir de Hermione avec une nostalgie incongrue.
Mais pour l'heure, les deux jeunes filles en pyjama ne s'inquiétaient pas de ce que leur réservaient les semaines à venir. A tour de rôle, elles piochaient distraitement dans un sachet de sucreries désormais à moitié vide et, occasionnellement, elles tournaient la tête l'une vers l'autre pour échanger un sourire ou une grimace.
xXx
Sans l'inspecter ni le renifler, sans même prendre note de sa couleur, Hermione jeta dans sa bouche un dragée surprise de Bertie Crochue. Elle croqua.
La pellicule sucrée qui enrobait le bonbon craqua sous ses molaires, répandant des miettes dures sur sa langue. Après deux ou trois tours sur lui-même, le dragée avait entièrement perdu sa coquille, donnant ainsi libre accès à son cœur gélatineux et parfumé, qui rappelait à Hermione les confiseries Moldues que ses parents lui avaient toujours interdit de consommer.
La sorcière mâchouilla pensivement durant de longues secondes, incapable de se résoudre à avaler. Elle n'était pourtant pas tombée sur un goût qu'elle appréciait particulièrement et qu'elle aurait voulu garder longtemps en contact avec ses papilles gustatives. Au contraire, le parfum du dragée était plutôt désagréable, sans qu'elle puisse dire à quoi, au juste, cela goûtait.
Mais c'était peut-être pour cela que, plutôt que d'envoyer immédiatement l'écœurant dragée dans son estomac, elle le laissa se dissoudre de lui-même dans sa cavité buccale. Elle était à la fois curieuse et révoltait. Elle prenait ça comme un affront.
Comment ? Elle, Hermione Granger, sorcière accomplie, qui savait reconnaître une potion à sa fumée, un sortilège à sa couleur et le sexe d'un Elfe de Maison à la forme de ses oreilles, n'arrivait pas à identifier la saveur d'un vulgaire bonbon ? Voilà qui était ridicule !
La jeune fille effarouchée s'obligea à se détendre. Elle s'efforça de bloquer toute information sensorielle qui ne lui était pas directement transmise par les bourgeons du goût, pour se concentrer exclusivement sur l'amertume qui emplissait sa bouche.
Car c'était amer, ça c'était sûr, mais ce n'était ni du café ni des endives, ni du pamplemousse ni de la bière. Hermione n'écartait évidemment pas l'idée que Bertie Crochue ait été, ce coup-là, peu inventive, et qu'elle ait tout simplement donné à ce dragée le goût de l'amer mais... il y avait autre chose.
On aurait presque dit que ce dragée s'adaptait à la bouche qui l'accueillait, à la manière de l'odeur de l'Amortentia, qui dépend du nez qui la renifle. En réalité, son amertume pouvait très bien être accidentelle. Elle ne participait en tout cas pas de l'essence du dragée, bien que sa présence était incontestablement un indice.
Oh oui, il y avait définitivement quelque chose d'autre, en dessous de l'amertume, quelque chose de plus grand... Mais alors, quelle était la véritable saveur du bonbon, même après une intense minute de masticage, Hermione ne parvenait toujours pas à le dire.
Déçue et frustrée, la sorcière finit par déglutir. La salive qui s'était accumulée dans sa bouche emporta avec elle ce qu'il restait du dragée, comme la mer qui, après avoir léché la plage, récupère des bris de verre et des morceaux de coquillage et les entraîne au large.
Cependant, bien que la confiserie soit désormais en route pour l'estomac de Hermione, le goût de l'amer n'avait pas quitté sa bouche. Étrangement, il était même plus fort.
C'est seulement après s'être fait cette réflexion que la Gryffondor réussit à nommer le goût du dragée qui venait de glisser le long de son œsophage.
xXx
– Je viens de tomber sur un dragée au goût... d'arrière-goût, murmura-t-elle, déconcertée.
– C'est extraordinaire ! s'enthousiasma Luna, en claquant dans ses mains, comme si Hermione venait de découvrir une nouvelle planète. De quel couleur était-il ?
– Je... je ne sais pas, je n'ai pas fait attention.
– Tant pis, soupira la Serdaigle, en prenant une grosse poignée de dragées. Avec un peu de chance, il y en a un comme le tien, là-dedans. Est-ce que tu as déjà essayé d'en manger plusieurs d'un coup ?
Hermione sourit mais ne répondit pas. Elle observa du coin de l'œil Luna glisser cinq, six, sept dragées surprise entre ses lèvres, mais ses pensées étaient ailleurs.
– Tu n'en... veux... p...lus ? demanda Luna, en mâchant exagérément, afin de vite briser l'enrobage des dragées.
Elle désigna le sachet de bonbons et fit signe à son amie de se servir, avant d'ajouter, la bouche toujours aussi pleine :
– Oh, ce mélange de saveurs... est très intéressant ! On pourrait presque croire... à un goût de vomi ou de poubelle... mais c'est plus subtil que ça...
Hermione, pour la forme, se saisit du sachet coloré que la Serdaigle lui tendait mais elle le posa finalement à côté d'elle sans y avoir touché. Bizarrement, elle ne voulait pas se débarrasser si rapidement du goût d'arrière-goût qui s'éternisait dans sa bouche. Ce n'était pas plaisant, loin de là mais c'était puissant. Hermione avait l'intuition qu'aucun autre bonbon, cette nuit-là, ne pourrait provoquer chez elle une telle réaction.
Aussi sympathiques soient-ils, les dragées au goût de fruits ou de chocolat ne tenaient pas la comparaison.
La Gryffondor frotta sa langue sur ses dents, rêveuse, savourant sans se l'expliquer l'amertume qui les enveloppaient. Elle resta ainsi pendant de longues minutes, prêtant à peine attention aux commentaires et aux hypothèses de Luna concernant la meilleure manière de mélanger les dragées surprise de Bertie Crochue.
Enfin, elle finit par comprendre pour quelle raison elle s'accrochait tant au parfum d'un dragée pourtant peu attrayant. L'arrière-goût, voilà une saveur à laquelle elle était accoutumée ! Ce n'était pas surprenant comme un fruit exotique, ce n'était pas intriguant comme un cocktail insolite, c'était simplement le goût d'un sentiment humain, qu'elle avait plus régulièrement en bouche, ces derniers temps, qu'elle ne l'aurait voulu.
Et, comme la plupart des gens, il arrivait des moments où Hermione Granger aimait se complaire dans son malheur. Cette nuit-là en faisaient partie. Elle s'attachait au goût de ce dragée car il lui avait rappelé combien les choses allaient bientôt changé et combien cela lui faisait peur. Mais aussi combien elle avait hâte que cela arrive, envers et contre tout.
Ça avait le goût de la lettre que Ron lui avait envoyée la semaine précédente, où il lui proposait de passer l'été au Terrier et où il lui promettait ingénument, sans vraiment y croire, que leur récente rupture ne remettait aucunement en cause leur amitié.
Ça avait le goût de la fin d'une époque, ça avait le goût du dernier jour de classe. Ça avait le goût des vacances qui approchent, mais aussi le goût du dernier trajet en Poudlard Express. Ça avait le goût d'examens qu'on prépare depuis des années et le goût d'un diplôme qu'on est fier d'obtenir mais qu'on ne passera plus jamais. Ça avait le goût de l'âge adulte qui commence et de l'adolescence qui veut durer, quelques années de plus.
Ça avait le goût d'une belle relation qui se termine doucement, ça avait le goût d'un feu qui s'éteint dans la nuit, quand tout le monde dort, et que personne ne voit mourir. Ça avait le goût d'un adieu. Ça avait le goût d'un instant présent dont on sait d'avance qu'il deviendra un souvenir – d'un moment qui n'est pas encore terminé mais que l'on considère déjà comme passé.
Et c'était un goût terriblement triste, mais c'était aussi un goût incroyablement romantique. Car c'était celui d'une histoire qui s'achève mais que l'on n'oubliera pas de sitôt, c'était celui d'un premier amour dont on chérira pour toujours la mémoire.
Hermione se connaissait bien. Elle avait conscience que le cours de ses pensées dérivait lentement vers Gellert et Albus, mais elle ne fit rien pour s'extirper de sa rêverie. Qu'est-ce qui l'empêchait de profiter de cette dernière soirée avant les examens pour s'adonner une fois de plus, à sa drôle de lubie ? Qu'y avait-il de mal à songer une dernière fois à eux ?
Ce n'était assurément pas Luna qui lui reprocherait de fermer les yeux et de s'assoupir. Okay, elles avaient prévu de passer une nuit blanche à manger des bonbons, à jouer aux cartes et à papoter de tout et de rien, mais la Serdaigle n'ignorait pas qu'elles partageaient une amitié qui ne nécessitait pas de se prouver à chaque instant ce que l'on s'aime.
Alors, quand Luna s'aperçut que son amie était plongée dans ses pensées, elle ne lui donna pas de coup de coude boudeur. Elle posa le paquet de bonbons sur la table de chevet, pour qu'il ne soit pas une gêne et se mit à se raconter mentalement une ancienne légende nordique. Hermione lui adressa un sourire reconnaissant, avant de donner à son imagination le droit d'inventer la fin de l'histoire d'Albus Dumbledore et de Gellert Grindelwald.
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C'aurait été faire acte de mauvaise foi que de dire que la nourriture était immonde. Durant ses nombreux voyages, Gellert avait en effet mangé des choses bien plus répugnantes que ce qu'on lui servait à Nurmengard.
Mais cela ne signifiait pas que c'était bon. Après plus de cinquante ans de petit-déjeuners composés de porridge et de banane, de déjeuners à base de pâtes ou de riz, de dîners reposant sur un bol de soupe et sur un morceau de pain, Gellert n'en pouvait plus.
Chaque fois qu'une maudite assiette se matérialisait sur le sol nu de sa cellule, il éprouvait le besoin viscéral de crier et de pleurer, de se débattre comme un petit garçon capricieux à qui on aurait osé présenter des épinards et des brocolis en guise de dessert. Mais il n'y avait personne pour l'entendre, personne pour le plaindre. Et, comme il fallait bien vivre, Gellert ingurgitait sagement des plats qu'il détestait désormais de toute son âme, car il les connaissait trop bien.
Au début, oui, au tout début, – il y avait si longtemps ! – il vidait son assiette avec ennui et indifférence. Cela ne relevait pas de l'exploit car, à Nurmengard, la nourriture était tout juste passable. Il n'y avait aucun risque d'indigestion ou de brûlure d'estomac, mais aucun risque non plus de demander la carte de fidélité et d'insister pour féliciter le chef en personne.
Quand il avait fait construire la forteresse, Gellert n'avait pas trouvé nécessaire de maltraiter ses prisonniers politiques autre mesure, en leur infligeant par exemple des repas informes et infâmes. Il s'était contenté d'ordonner aux Elfes peu scrupuleux avec lesquels il avait pactisé de nourrir correctement les résidents.
Comme c'était ironique, en réalité ! Avant que le Ministre de la Magie le jette dans une cellule de Nurmengard en 1945, Gellert n'avait jamais pris la peine de venir goûter aux mets proposés par ses esclaves. Qui aurait pu croire qu'il serait condamné à se sustenter de ces bouillies et de ces purées pour le restant de ses jours ?
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En tout cas, les premiers jours de son emprisonnement, il avait eu la maigre consolation de voir que les ordres qu'il avait donnés à l'ouverture de Nurmengard étaient toujours suivis à la lettre : tout était comestible. Rien n'était vraiment dégoûtant, mais rien ne valait non plus qu'on s'y attarde.
A vrai dire, les premiers temps, il n'en avait rien à foutre de la qualité des aliments qu'on lui présentait et il mangeait sans broncher. Il finissait toujours son assiette, car, s'il voulait avoir une chance de s'évader de la forteresse, il fallait qu'il reprenne des forces le plus rapidement possible.
Dès qu'une bouchée avait du mal à passer, dès qu'un plat était trop écœurant pour être terminé, l'espoir de quitter Nurmengard lui avait fait tenir le coup. Grâce à ce satané espoir, son dos, qui avait été salement amoché suite à son duel avec Albus, avait mis un peu moins de deux semaines à guérir.
Un beau jour, Gellert s'était réveillé dans une forme olympique. Il avait englouti son petit-déjeuner avec entrain, persuadé qu'il tenait dans ses mains sinon l'ultime, du moins l'un des derniers porridges de sa vie. Il ne doutait pas de sa très prochaine réussite : après tout, il connaissait Nurmengard comme personne.
Il se l'avouait désormais aujourd'hui, à l'époque, il s'était aussi accroché à l'idée qu'Albus avait consciencieusement laissé exprès pour lui une faille dans les sortilèges qui le maintenaient prisonnier de sa cellule. Il avait donc ce jour-là passé des heures à étudier les flux magiques qui émanaient de la porte sans cadre ni poignée qui faisait face à son lit d'acier, attendant patiemment que les barrières ploient, sans imaginer un seul instant que cela ne serait pas le cas.
Et pourtant, rien n'y avait fait. A la fin de la journée, la porte était toujours aussi close, et le dîner toujours aussi morose. Il n'y avait aucun défaut dans la Magie qui entourait la porte.
Et dire que Gellert avait eu foi en Albus jusqu'au bout ! Et dire qu'il avait cru que son ancien ami s'était personnellement occupé des charmes placés sur sa cellule dans le seul but de l'aider à s'échapper ! Il s'était trompé. Albus n'avait jamais eu l'intention de le laisser filer. Au contraire : il s'était assuré que Gellert ne pourrait jamais sortir vivant de Nurmengard, le tombeau qu'il s'était lui-même construit.
Albus avait oublié qui était Gellert, ce que Gellert avait représenté pour lui. Le temps avait passé, il ne voyait plus en lui qu'un ennemi étranger. Sinon, comment aurait-il pu condamner la porte de sa cellule, comme si celle-là contenait, non pas son premier amour, mais le diable fait homme ?
A partir de cette nuit-là, Gellert Grindelwald avait commencé à maudire les trois repas quotidiens qui apparaissaient inlassablement sous ses yeux matin, midi et soir. Ceux-là lui rappelaient, à un rythme cruellement régulier, que son existence n'avait plus aucun intérêt. Pourquoi le gardait-on en vie, finalement ? A quoi bon ?
La mort n'aurait-elle pas été plus douce, plus désirable, que cette routine sans distraction ? Tout compte fait, pourquoi continuer, quand le plaisir gustatif n'était qu'un souvenir fantasmé de pâtisseries et de fruits frais et quand le plaisir sexuel était difficilement atteignable, sous les draps fins et rêches, dans cette cellule grise et froide ?
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Pourtant, malgré la solitude et le désespoir, malgré le dégoût que lui inspirait la nourriture de Nurmengard, Gellert Grindelwald continua à s'alimenter. Et les années étaient passées, et les décennies étaient passées, jusqu'à ce que tous les autres prisonniers soient morts ou aient été libérés. Dans la forteresse, il ne restait plus qu'un vieillard qui perdait lentement à la raison : n'était-il pas un genre de capitaine de pacotille, qui coule obstinément avec son navire ?
Malgré le fait qu'il soit désormais le seul occupant de Nurmengard, les Elfes n'oublièrent jamais de lui envoyer leurs préparations fades et caoutchouteuses trois fois par jour. Gellert, que l'âge et la solitude rendaient de moins en moins lucide, ne supportait plus le bruit qui accompagnait l'apparition de ses repas.
Parfois, une larme de frustration et de rage coulait sur sa joue et atterrissait dans son assiette. Cela tombait bien, car les Elfes de Nurmengard n'avaient jamais entendu parler du sel.
Gellert ne comptait plus le nombre de fois où il avait souhaité qu'on cesse tout bonnement de le nourrir.
Il pourrait alors mourir de faim, allongé dans le lit étroit de la plus haute cellule de la plus haute tour de Nurmengard, et quitter enfin cette malédiction qu'on appelait la Terre.
Mais rien ne le forçait, bien entendu, à manger. Il aurait pu ne pas toucher au contenu des assiettes et les laisser s'accumuler les unes sur les autres dans un coin de sa cellule. Il aurait bien fini par crever, de famine, ou asphyxié par les odeurs de moisissures.
Pourtant, sur les cinquante années qu'il avait passées à Nurmengard, Gellert n'avait jamais ne serait-ce que sauté un repas. Tant qu'il y avait de quoi se nourrir, il se nourrissait.
Car, même après tout ce temps, il gardait espoir. Une seule chose, en fait, le détournait de ses désirs de mort et le poussait à manger : la possibilité d'une visite.
Toutes ces années, c'était le souvenir d'Albus qui l'avait encouragé à saucer les détestables ragoûts, à gober les pommes de terre toutes molles et à croquer dans les bananes trop mûres.
Albus ne pouvait pas être aussi cruel ! N'était-ce pas monstrueux, que de partir ainsi, sans jamais revenir ?
Même lui, Gellert, n'était pas certain d'être capable d'un acte pareil. Comment Albus pouvait-il tourner le dos à son premier amour, à celui qui fut un jour Dieu à ses yeux ? Comment osait-il l'abandonner à son sort, lui, Gellert ?
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Même à l'apogée de sa gloire, Grindelwald avait toujours eu une pensée pour son vieil ami Albus, qu'il n'avait pourtant pas revu depuis des décennies. Il avait tout fait pour éviter les terres de Poudlard, si cher au cœur de l'ancien Gryffondor. Il avait épargné Godric's Hollow, où il n'aurait jamais voulu, de toute façon, remettre les pieds.
Il avait fondé son empire en prenant bien soin de ne pas toucher aux lieux auxquels Albus était attachés et de ne pas blesser les êtres qu'il aimait.
Par exemple, il aurait pu tuer Abelforth Dumbledore. C'aurait été si facile ! Et, il fallait l'admettre, il y avait songé plutôt deux fois qu'une. Cependant, quelque chose, un reste d'affection pour Albus, avait retenu sa baguette.
Et voilà qu'Albus Dumbledore, celui qui d'eux deux était censé être le plus sentimental, se révélait avoir moins de cœur que lui ! Comment expliquer l'absence de visite, sinon ?
Sur la fin, c'était à cela que les repas de Grindelwald avaient goût : aux sentiments blessés, à l'amour perdu, à la détresse sans exutoire.
Le jour où Lord Voldemort apparut dans sa cellule, Gellert Grindelwald sentit que la libération était proche. Il aurait certainement soupiré de soulagement si le visage de Tom Riddle ne lui avait pas glacé le sang.
Enfin ! Enfin, la Mort était venue à lui ! Gellert n'en avait plus peur, il l'accueillait avec joie. Mais avant de mourir, il protègerait coûte que coûte la tombe d'Albus Dumbledore. Car Gellert ne trahirait pas le défunt, même s'il n'était finalement jamais venu lui rendre visite. Le Directeur de Poudlard avait probablement eu raison, en fait : qu'est-ce qu'un face à face aurait pu changer ?
Après la mort d'Ariana, leurs vies avaient pris des tournures différentes. Albus avait choisi la Lumière, Gellert s'était enfoncé dans les Forces du Mal. Il n'aurait servi à rien de remuer le couteau dans la plaie, de se rappeler que ce qui n'a jamais été aurait pu avoir lieu. Tant de "Et si", dont le seul résultat aurait été des regrets ! Tant de peine, tant de nostalgie, pour des choses qui n'avaient jamais existé !
Voldemort ne put s'empêcher de donner un coup de pied au visage de l'homme fou qui hantait Nurmengard depuis un demi-siècle et qui se traînait actuellement sur le sol de sa cellule. Grindelwald rit et se lécha avidement les lèvres, car elles avaient un goût bienvenu de terre et de sang.
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Albus Dumbledore faisait tourner la fiole vide dans ses doigts, sans savoir que faire. Un instant plus tôt, il n'aurait jamais pu imaginer avoir un jour une telle idée mais, maintenant, celle-là occupait son esprit comme si elle était là depuis toujours.
Comme c'était étrange, tout de même, que les idées les plus incongrues puissent surgir ainsi, tout à coup, de manière inopinée !
D'où venaient-elles ? Qui bien avait pu lui souffler celle-là ? Comment était-il possible que le sorcier sache soudain quelque chose qu'il ignorait une seconde plus tôt ? S'il n'avait pas mieux su, il aurait pu croire que Merlin prenait un malin plaisir à faire germer d'idiotes extravagances dans sa tête...
– Vous feriez mieux de le faire, sinon vous ne le ferez jamais, lui conseilla le portrait d'un des anciens Directeurs de Poudlard. Et ne croyez pas que je ne sais pas de quoi je parle, mon cher : je suis resté célibataire toute ma vie car je n'ai jamais réussi à avouer mon amour à Madame ma cousine.
Le portrait soupira, s'attirant des regards mi-compatissants, mi-réprobateurs.
– Sauf votre respect, mon problème est plus compliqué que cela, répondit doucement Dumbledore, en débouchant la fiole vide.
Il fit quelques pas vers sa Pensine. Sa résolution était prise, bien qu'il n'en était pas encore tout à fait conscient.
– Mais vous avez certainement raison, reprit-il. Les remords valent mieux que les regrets, n'est-ce pas ?
– C'est l'esprit, acquiesça le portrait, avant de retourner à sa rêverie.
Dumbledore plongea précautionneusement sa baguette dans la Pensine et se mit à touiller lentement, à la recherche d'un souvenir bien particulier. Des images apparaissaient successivement à la surface, certaines floues, d'autres beaucoup plus nettes, et toutes se mélangeaient entre elles comme dans un rêve particulièrement alambiqué.
Les plus récentes concernaient majoritairement Voldemort. On y voyait Snape, on y voyait le Journal détruit par Harry en deuxième année, on y voyait Nagini le serpent, mais aussi les Reliques de la Mort, Draco Malfoy et de nombreux objets soupçonnés de contenir un fragment de l'âme de Tom Riddle. Toutefois, plus Albus donnait de tours de baguette, moins Voldemort se faisait présent.
Après un certain temps, plus aucun des souvenirs montrés par la Pensine n'avait de lien avec le Seigneur des Ténèbres : tous tournaient désormais autour de Gellert Grindelwald. A chaque mouvement de baguette, son beau visage émergeait dans la bassine, toujours plus jeune, toujours plus attirant.
Depuis qu'il s'était délesté de ses trop pesants souvenirs de Gellert, Dumbledore n'avait jamais osé remettre le nez dedans. Sa mémoire plus légère, ses souvenirs plus vagues, il avait fini par se persuader au fil des années que son ancien ami n'avait jamais été aussi divin, aussi solaire, qu'il l'avait cru quand il était plus jeune.
Mais voilà que la Pensine lui prouvait le contraire ! Sous ses yeux, Gellert était encore plus séduisant que le diable... et Albus comprenait l'étendue de sa bêtise. Il n'aurait jamais du remuer le passé, il n'aurait jamais du céder à la tentation de revoir, de revivre, une dernière fois, la plus belle période de sa vie.
Cela n'avait fait que renforcer son appréhension de ce qui l'attendait ce soir-là. S'il avait fait comme prévu, c'est-à-dire s'il avait sagement laissé les souvenirs mourir dans la Pensine, il aurait peut-être affronté la perspective de la mort avec plus de sérénité. C'était trop tard !
En trois minutes, à peine, il avait ruiné des années d'efforts et de travail sur lui-même. C'était stupide car, jusqu'à ce soir, il avait vaillamment résisté aux murmures tentateurs de son cœur et tenu la promesse qu'il s'était faite en 1945, quand il avait celé la porte de la cellule de Grindelwald. Il s'était alors juré ne plus rien avoir à faire de son premier amour et, tout juste revenu à Poudlard, il avait balancé tous ses souvenirs dans sa Pensine.
De toute sa vie, il n'était jamais retourné à Nurmengard. Il ne s'était jamais enquis de la santé du détenu auprès des Elfes de la prison. Non, Dumbledore avait dévoué son existence à l'école de sorcellerie dont il était devenu le Directeur et, plus tard, à la lutte contre Lord Voldemort, en qui il avait trouvé un moyen de se racheter.
Car, adolescent, il avait cédé aux charmes de Gellert, il le concédait. Il avait aimé l'autre sorcier d'un amour aussi puissant que malsain et il l'aimerait probablement jusqu'à son dernier souffle. Pour Grindelwald, c'était trop tard, c'était déjà consumé. Quand bien même il avait refoulé ce vilain secret dans un coin de sa Pensine, il ne pouvait changer le fait qu'il était tombé amoureux du Mage Noir.
En revanche, il s'était fait un devoir de garder le petit Tom Riddle à distance et jamais il n'avait baissé sa garde devant lui, jamais il ne s'était laissé berner, contrairement à ses collègues.
Dans l'ensemble, il avait fait du bon travail. Et il avait été trop occupé pour prendre le temps de farfouiller dans les vieilleries qui reposaient au fond de sa Pensine.
Après cinquante années de bons et loyaux services, il allait mourir. Mais comme nous disions, la mort ne l'effrayait pas outre mesure. Après tout, tout était en ordre, ou presque. Le Directeur avait fait parvenir son testament au Ministère de la Magie des mois auparavant. Un peu plus tôt dans la journée, il avait reçu la visite de Snape. Et il avait finalement localisé la Grotte où était caché le Médaillon de Serpentard. Quant à Harry, il n'allait pas tarder.
Mais avant de se sacrifier pour le plus grand bien, ne pouvait-il pas accéder à l'un de ses désirs égoïstes et revoir Gellert une dernière fois ? Non, le voir n'était pas assez, le toucher n'était pas assez ! Il fallait qu'il l'expérimente, qu'il le goûte... A qui ferait-il du mal, sinon à lui-même ?
Alors, quand Dumbledore trouva le souvenir parfait pour l'expérience inédite qu'il allait entreprendre, il accrocha le filament gazeux et luisant à sa baguette et le laissa tomber dans la fiole qu'il tenait à la main. Il lâcha sa baguette, porta la fiole à ses lèvres et avala le souvenir cul sec.
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Il s'était attendu à ce que ce soit froid et visqueux en bouche, comme un ver de terre mort ou un filet d'eau glacée. Mais c'était plutôt vaporeux et chaud, quoique légèrement amer.
Oh, comprit-il plus rapidement que Hermione, cela avait goût à la nostalgie, cela avait goût au « jamais plus ». Mais il n'eut pas le temps de s'attarder sur l'amertume qui léchait son palais et roulait sur sa langue, car le souvenir qu'il avait sélectionné avec soin, soudain, l'assaillit avec une force hors du commun.
Ce n'était pas du tout comme plonger sa tête dans la Pensine et être le spectateur invisible d'une scène venue du passée. Ce n'était pas assister à un souvenir avec du recul et du détachement. Au contraire, c'était le réincorporer.
Le vieux souvenir, digéré et macéré par les années, était, comme par magie, de nouveau frais et neuf. Après tant de décennies passées à patauger dans la Pensine, oublié, négligé, il cherchait à se refaire une place de choix dans la mémoire d'Albus Dumbledore.
Alors, il jouait des coudes pour occuper le plus de place possible dans l'esprit du vieil homme et ce n'était pas difficile car il était presque plus vif et plus net qu'un souvenir tout récemment créé. Gellert n'était plus un souvenir, une image dans une Pensine, des échos de paroles prononcées il y avait bien longtemps, Gellert était aussi physique que cette chaise, ces tableaux, que le perchoir de Fumseck !
Et c'en était trop. Déjà affaibli par la malédiction qui rongeait sa main depuis qu'il avait détruit la bague des Gaunt, Dumbledore tomba par terre, terrassé.
Ses yeux grand ouverts se firent momentanément aveugles, car c'était dans sa tête que les images étaient les plus vives. Son bureau professoral et familier s'effaça, submergé par une avalanche de sensations et d'impressions qu'il n'aurait jamais cru retrouver un jour.
Les joyeux sourires de Gellert, ses regards complices, ses gestes affectueux, ses poses désinvoltes, ses rires exaltés... oh, comme Gellert avait l'air jeune ! Il n'était encore qu'un adolescent euphorique, passionné par seulement deux choses : son projet révolutionnaire et son alter ego, Albus Dumbledore.
Et si Albus, au lieu de le laisser fuir après la mort accidentelle d'Ariana, était parti à sa recherche ? Et si Gellert, au lieu de rassembler une armée, avait entendu raison et avait décidé qu'il n'était pas si mal de vivre d'amour et d'eau fraîche ? Et si Albus, au lieu de provoquer le Mage Noir en duel, l'avait invité à boire un coup, en souvenir du bon vieux temps ?
Et si Albus, au lieu de laisser son ancien ami croupir en prison, lui avait rendu visite ?
Quand Dumbledore commença à s'habituer à la puissance du souvenir, il se releva, prêt à partir pour Nurmengard. Il avait tout oublié de l'Horcruxe caché dans la cave. Il n'avait plus aucun intérêt pour Lord Voldemort, hanté qu'il était par un jeune homme qui n'existait plus.
Le Directeur attrapa une cape de voyage et la Baguette de Sureau, songea à Nurmengard et... se résigna. Il était vieux, il était sous l'emprise d'un magnifique souvenir, mais il n'était pas fou. Il savait qu'il était trop tard pour rafistoler le passé. Même si Gellert et lui se retrouvaient, ils ne seraient plus que des vieillards, que la jeunesse avait quittés depuis bien trop longtemps.
Ils n'étaient plus les mêmes qu'un siècle auparavant et si Gellert l'aimait encore... ce n'était pas lui, Albus Dumbledore, Directeur de Poudlard, qu'il aimait, mais le fils cadet des Dumbledore, tout juste diplômé. Ils étaient tous les deux encore en vie, mais c'était comme s'ils étaient amoureux de fantômes.
En tombant dans l'estomac du vieil homme, le souvenir se dissipa, laissant dans sa bouche le goût amer de la mélancolie.
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Non ! s'insurgea mentalement Hermione, quand son imagination lui fit subitement défaut.
Non, cela n'avait pas pu se passer comme cela. C'était trop triste, trop injuste. Une si belle histoire, se terminant de façon aussi banale ? Deux hommes épris l'un de l'autre depuis l'adolescence, mourant sans s'être revus, sans avoir assez de testicules pour se donner une nouvelle chance ?
Mais n'était-ce pas ainsi que de nombreuses histoires d'amour s'achevaient ? Le couple se séparait et, au final, chacun se languissait de l'autre dans son coin, se languissait éternellement, car trop fier pour faire le premier pas.
– Tu n'as pas l'air bien, est-ce que tu as mal au ventre ? demanda Luna, qui avait fini le paquet de bonbons et dévisageait maintenant son amie d'un air soucieux.
– Je ne... Ho, je pensais juste à Dumbledore et à Grindelwald. Est-ce que tu crois que le Directeur a déjà rendu visite à Grindelwald en prison ?
– Comment pourrais-je le savoir ? répliqua Luna. C'est toi, l'experte. Je n'ai pas assez d'imagination pour spéculer sur leur histoire.
Hermione faillit rire tellement cette remarque était inattendue de la part de Luna, mais elle comprit aussitôt que la Serdaigle ne plaisantait pas. Contrairement aux apparences, Luna Lovegood n'avait pas nécessairement beaucoup d'imagination. Toutes les créatures imaginaires qui peuplaient son univers mental n'étaient pas moins réelles selon elles que les Elfes, les Sombrals, les dragons ou les hippogriffes.
Nargoles, Ronflak Cornus et Joncheruines avaient été inventé par son père et sa mère, pas par elle. La jeune fille ne faisait donc rien d'autre que répéter ce que ses parents lui avaient appris, ce qui signifiait que l'on confondait la foi inébranlable qu'elle avait en leurs paroles avec une imagination débordante.
Hermione, quant à elle, n'avait pas pour réputation d'être rêveuse ou fantasque. Pourtant, c'était bien elle qui avait passé une année à reconstituer une histoire d'amour entre deux défunts, à partir d'éléments divers, piochés çà et là. Ce qui était intéressant, c'était que plus son intérêt était allé grandissant, moins les preuves sur lesquelles elle s'appuyait avaient été exactes.
Tout avait commencé avec une photo d'époque – quoi de plus fidèle qu'une photo ?
Un témoignage décousu avait suivi – déjà, voilà qui était plus polémique.
Puis, un symbole sans odeur l'avait inspirée – allons bon, quelle drôle d'idée.
Ensuite, une baguette magique empruntée à un mort lui avait montré certaines choses – nous marchions sur la tête !
Et enfin, un bonbon au goût inhabituel avait stimulé son imagination... – là, c'était carrément du délire.
L'histoire qu'elle s'était plu à se raconter était sûrement aussi conforme à la réalité que les articles de La Gazette du sorcier. Toutefois, elle restait plausible et si ça ne s'était pas passé exactement comme cela, ça avait du se passer d'une façon similaire.
– Dis-moi, Hermione, est-ce que je t'ai déjà dit qu'à trop te plonger là-dedans, tu allais avoir du mal à t'en sortir ?
– Je vais très bien, merci, rétorqua la Gryffondor, sur la défensive.
– Ne t'offense pas, sourit Luna. Je voulais dire que tu devrais peut-être arrêter de vivre une histoire d'amour par procuration. Messieurs Dumbledore et Grindelwald sont morts et–
– Je sais qu'ils sont morts ! s'écria Hermione, avec plus d'énervement que nécessaire.
– Alors, maintenant que tu as rendu hommage à leur aventure, il doit être temps de les laisser derrière toi.
– Je ne suis pas folle, râla la Gryffondor.
– Ce n'est pas ce que je sous-entendais, bien entendu, répondit Luna, en levant les yeux au ciel. Je trouve ça beau, ne te trompe pas, d'investiguer le passé pour leur rendre justice. Personne, mis-à-part toi et moi, ne connaît la nature tragique de leur relation.
– Et donc ?
– Maintenant, nous savons, et c'est suffisant, tu ne crois pas ?
– Où veux-tu en venir ? soupira Hermione.
– Pour le dire franchement, laisse donc Messieurs Dumbledore et Grindelwald reposer en paix et consacre-toi à ce qui est devant toi, dit malicieusement Luna.
xXx
Cinq minutes plus tard, peut-être même quatre, Hermione était à cheval sur Luna, les yeux rivés dans les siens.
Les deux sorcières immobiles retenaient leur souffle, en attente, et elles battaient si rarement des paupières qu'elles tout aussi bien pu être pétrifiées. Elles étaient encore tout habillées et, concrètement, il n'était encore rien arrivé d'indécent entre elles. Pourtant, l'atmosphère était aussi tendue que si elles étaient déjà en train de faire passionnément l'amour.
Rectification : l'air était encore plus électrique qu'il ne l'était pendant le sexe. Car, à ce moment-là, rien n'était encore joué et, ce qui bandait leurs muscles et faisaient frémir leurs peaux, ce n'était pas l'évidence du désir mais l'hésitation de l'espoir.
Au moindre mouvement trop brusque, Hermione avait encore la possibilité de rouler sur le matelas et de faire semblant d'avoir été prise de folie. Elle bafouerait des excuses incohérente et elle ferait mine d'être trop fatiguée pour veiller toute la nuit, tout compte fait.
Si quelqu'un faisait soudain irruption dans le dortoir, Luna avait encore la possibilité de pousser la sorcière brune et de s'extraire rapidement du lit. Elle lui souhaiterait bonne nuit avec tendresse, comme d'ordinaire, et dévalerait les escaliers de la tour de Gryffondor sans un regard en arrière.
Le moment était fragile mais décisif. D'un instant à l'autre, tout allait basculer. Hermione allait-elle oser... ?
Très lentement, la Gryffondor approcha son visage de celui de Luna. Elle s'arrêta à un centimètre de ses lèvres et leurs souffles chauds se mélangèrent.
Et maintenant ? se demanda Hermione.
Luna, s'apercevant de son malaise, tourna légèrement la tête vers la gauche, l'invitant à lui embrasser la joue plutôt que la bouche. Hermione ne se fit pas prier. Elle rassembla tout son courage et, quoiqu'un peu déçue de la chasteté de ce futur baiser, elle posa les lèvres sur la joue veloutée.
Elle se rendit cependant vite compte de l'obscénité que ce simple geste pouvait avoir, dans l'intimité d'un lit. Ce baiser, tendre et pudique, était moins un échec qu'une promesse de plus, un signe, s'il en fallait, de ce qui allait suivre...
Sans comprendre d'où elle tirait son audace, Hermione se mit à faire de tout petits baisers sur la joue de Luna, qui gazouilla de plaisir. Comme elle n'osait pas croiser le regard de la Serdaigle, elle enfouit son nez dans son cou et... ce fut tout.
Était-elle vraiment capable d'embrasser, de lécher, de mordiller le cou d'une autre fille, aussi belle et attirante soit-elle ? Était-elle suffisamment intrépide pour lui faire des avances ?
Avec Viktor, c'était facile, elle n'avait eu qu'à suivre. Après tout, elle avait trois ans de moins que lui et encore aucune expérience. Le garçon de Durmstrang avait donc tout naturellement pris les choses en main et il l'avait patiemment guidée. Ils n'étaient jamais allés jusqu'à la pénétration, mais Viktor l'avait introduite à nombres de plaisirs tout aussi satisfaisants, sinon plus.
Avec Ron, ça avait été plus délicat. Le garçon, qui avait toujours souffert d'un manque de confiance en soi aigu, avait vu son estime de lui-même boosté par sa relation avec Lavande. Résultat : quand Hermione et lui avaient commencé à sortir ensemble, il faisait preuve de la témérité des grands timides. A chaque fois qu'ils se bécotaient, il essayait de lui prouver qu'il était extrêmement doué pour les arts de la chair. Il en faisait trop et son enthousiasme débordant avait plus d'une fois fait rire Hermione, au lieu de l'exciter.
La sorcière comprenait toutefois désormais son trac. Ce n'était pas facile d'être aux commandes ! Elle se sentait idiote, elle avait l'impression de tout faire capoter, avec son inquiétude et ses mains moites, avec sa rigidité et ses pensées anxieuses qui ne voulaient pas se taire...
Heureusement, Luna prit gentiment pitié d'elle et décolla la tête de l'oreiller pour l'embrasser amoureusement dans le cou.
xXx
C'était divin. La langue de Luna courait le long de ses veines, traçait le contour de sa clavicule, allait se perdre sur son épaule avant de remonter taquiner la peau sensible qui se cachait derrière son oreille. La Serdaigle alternait entre baisers secs et mouillés, léchouilles joueuses ou excitantes, mordillages légers ou lancinants.
Tout était parfaitement dosé et, pourtant, rien n'avait l'air calculé. La chorégraphie improvisée était parfaite – elle convenait en tout cas absolument à Hermione, qui se tordait et se crispait et gémissait.
La Gryffondor avait presque oublié que le plaisir qui explosait en elle comme un feu d'artifice silencieux, elle le devait à quelqu'un. Elle était à mille lieux de son lit et de Luna, perdue dans un océan de délectation. Le dos cabré, la tête rejetée en arrière, elle se frottait contre le corps de son amie avec une impudeur sauvage et ses ongles courts étaient plantés dans les bras de Luna.
Luna déposa un dernier baiser dans son cou et laissa retomber sa tête sur l'oreiller. Hermione ouvrit immédiatement les yeux, prit note de la décadence de son attitude et décida qu'elle s'en contrefoutait. Aussi, se pencha-t-elle sur le cou de son amie, déterminée à lui rendre la pareille.
xXx
La nuit fut longue et, quand Hermione y repenserait plus tard, elle en rougirait sans doute. Elle aurait aussi une pensée pour Albus et Gellert, ces deux sorciers qui étaient devenus ses compagnons, le temps d'une année. L'histoire d'amour qu'elle leur avait inventée continuerait à la bouleverser, bien qu'elle soit étrangement ordinaire, en réalité : une rencontre hasardeuse, une amitié fusionnelle, un amour fou, une douloureuse séparation et, finalement, un arrière-goût, doux et amer, à chaque fois que les souvenirs reviennent.
Mais si l'histoire d'Albus et Gellert était terminée depuis longtemps, celle de Luna et Hermione ne faisait que commencer. Un jour, peut-être, sûrement, viendrait l'arrière-goût... Hermione espérait simplement que cela ne serait pas pour tout de suite. Elle avait encore tant de choses à voir, à entendre, à respirer, à toucher, à goûter !
FIN
Petit mot de fin : Même si je me suis bien amusée avec cette histoire, j'avoue que je l'achève sans regret. La motivation est difficile à trouver avec si peu de lecteurs :) Heureusement, vous avez toujours eu un petit mot gentil pour votre humble auteure, merci, merci !
Le turfu :
– Si vous voulez me retrouver avec une fanfic plus sale et sombre que celle-ci, pleine d'angst et de body horror, je reviendrai sous peu avec une traditionnelle HPDM (oui, je suis faible mais Draco me manque terriblement).
Une fois n'est pas coutume, je ne chercherai pas l'originalité, car j'exploiterai le populaire Werewolf!Draco et je reprendrai éhontément le plot de La Belle et la Bête, dans un univers toujours canon. J'espère réussir à faire quelque chose de bien avec tout ça !
En gros, Harry, Auror, se retrouve coincé au Manoir Malfoy avec Draco, loup-garou. Je ne sais pas encore bien quelle forme ça va prendre, ni comment est-ce que je vais trouver le temps d'écrire cette fic, mais je vous tiens au courant dans mon profil.
– Je risque de me relancer dans un travail de réédition/réécriture d'une de mes fics (sûrement Les Enchaînés) donc si vous ne l'avez pas lue, passez plus tard ;)
En attendant, je vous remercie tous d'avoir donné une chance à ma fanfic de l'été ! Et je vous arrose de cœurs et de pâquerettes si vous voulez bien laisser un petit avis, ou juste une trace de votre passage.