Iel posa le masque blanc et rouge sur le meuble à l'entrée de son appartement. Un soupir s'échappa de ses lèvres blanchit par l'anxiété. La journée avait été rude et certainement celle du lendemain serait pire encore. Les tensions ne semblaient pas pouvoir se tarir malgré toute la bonne volonté qu'iel mettait à résoudre les problèmes. Du matin au soir, il fallait gérer les pourparlers, désamorcer les conflits, entériner les duels sanglants qui se profilaient tout au long de la journée. Le tanto toujours apposé à sa hanche trouva sa place sur un socle ou reposait déjà un sabre long finement décoré. Un effleurement de doigt pensif et iel se détourna du meuble un poids en moins sur le dos.

L'appartement était bien rangé, rien n'y était superflue, les livres, alignés par ordre de grandeur, par couleur et par thème, dormaient sagement dans une large bibliothèque. Les armes étaient dissimulées un peu partout dans les différentes pièces, pourvue qu'elles soient invisibles aux yeux non avertit. Des cadres représentants différents paysages de son pays décoraient discrètement les lieux. Rien de trop affriolant. La pièce se devait d'être calme et apaisante comparé à la tempête perpétuelle qu'était sa vie due à son métier.

Ses pas l'amenèrent à la salle de douche. L'eau n'était pas encore chaude que déjà son corps finement musclé et marqué de plusieurs cicatrices entrait en contact avec le liquide. Dans un premier temps, elle se répandait rouge à ses pieds, puis rose jusqu'à retrouvé son aspect translucide originel. Elle emporta dans son sillage les traces des actes abjectes de la journée. Le sang avait coulé encore et encore sous le joug de sa lame et de celles de ses compagnons d'arme. Ah ! la vie de ninjas n'épargnait personne. Les illusions enfantines s'étaient depuis longtemps envolées au grès des missions et des meurtres qui souvent les accompagnaient. On leur apprenait une normalité qui aux yeux de la majorité n'était qu'une monstruosité. Les héros proclamés des temps de guerres devenaient les coupables aux yeux de la paix. Et toutes ces ombres qui travaillaient au maintient d'une vie paisible et à la protection des faibles étaient bien mal jugées par la foule. Ils tuaient comme ils respiraient en suivant les ordres comme de stupides marionnettes. Ils ne pouvaient pas être des gens de bien, évidement !

Une heure s'écoula avant qu'enfin l'eau ne fut coupée. Elle avait tout emporté avec elle. Les doutes, les peurs, les erreurs… les meurtres. Et tout ce sang. Ses pieds s'enfoncèrent dans le tapis molletonné qui recouvrait le bois de la chambre puis son corps s'effondra sur l'épaisse couette qui prenait place sur le lit. Ainsi ses yeux se perdirent sur le plafond comme bien souvent avant de s'échouer sur le paysage nocturne qui apparaissait par l'unique fenêtre de la chambre. Un doux courant d'air faisait bouger le rideau blanc. Le silence et la paix l'enveloppait enfin. A cet instant tout allait pour le mieux.

Le sommeil fini par l'emporter sans aucune lutte. La nuit serait tranquille, voilà bien longtemps que les souvenirs et les regrets ne venaient plus interrompent ses songes. Iel n'était plus cet enfant qui avait dû renoncer à ses rêves les plus cher. Les illusions parties, il ne restait que les ordres à respecter et des missions à accomplir pour le bien du pays.

Demain le masque recouvrirait une nouvelle fois son visage et sa hanche retrouverait le contact rassurant de sa lame. Et à nouveau le sang…