Tandis que son humaine était partie satisfaire sa faim, afin de se faire pardonner, il décida de ranger ses précieuses œuvres, qu'il avait éparpillé partout durant leur dispute.
Chaque feuillet était plus beau que le précédent, porteur énigmatique d'un instant de réalité qu'elle avait capturé de son pinceau. Il empila soigneusement les feuilles sur le bureau, rendu inutilisable par les profond sillons que ses griffes y avaient laissé.
Il se promit de lui en trouver un autre rapidement.
Il se sentait à la fois vide et triste de ce qui s'était passé, mais aussi étrangement satisfait et heureux. Cette ambivalence lui était désagréable, aussi s'absorba-t-il dans le mystère de l'aquarelle du vitrail afin de se changer les idées.
Alors qu'elle dégustait, assise à une table du réfectoire, la ration de survie qu'elle s'était préparée tout en songeant aux événements des heures précédentes, Rosanna fut interrompue par un bruit de toussotement.
Giacometti, en survêtement, se tenait à l'entrée du réfectoire, l'air sévère. L'artiste, qui avait eu son compte en dispute, posa son assiette en soupirant.
« Que veux-tu Milena ? » demanda-t-elle d'un ton neutre.
« Je m'inquiète pour toi, Rosanna ! Vraiment ! Je pensais que tu avais pris mon avertissement au sérieux, mais visiblement non. » répondit cette dernière avec sincérité.
« Je te l'ai déjà dit, ma vie privée ne te concerne pas. D'ailleurs, que fais-tu ici à quatre heures du matin ? » répliqua-t-elle, un brin agacée.
« Je suis venue te parler » répondit la soldate.
« Et comment m'as-tu trouvée à quatre heures du matin ? » répéta l'artiste, suspicieuse.
« A peine rentré de mission, Markus est parti en grommelant que tu avais un problème, et ensuite tu as disparu de la circulation. Rosanna, on ne t'a pas vue pendant près d'un jour entier ! » lâcha Milena.
« Je n'ai pas disparu, j'étais dans ma chambre. » grommela l'artiste.
« Je le sais, j'ai demandé au docteur Weir de te localiser avec les détecteurs. Tu étais avec le wraith tout du long ! Collée au wraith ! » répliqua la guerrière, d'un ton dégoûté.
« Tu m'as espionnée ?! » bafouilla Rosanna, incrédule.
« Tu l'as vraiment fait, avec un de ces... monstres. Un humain de Pégase, ou une humaine si c'est ton truc, un Ancien à la rigueur, mais un wraith... comment ? » poursuivit Giacometti, répugnée.
L'artiste devint très pâle, serrant les dents de rage. Elle se leva, et avança lentement vers la marine.
« Pour la dernière fois, Premier-lieutenant Giacometti, Markus est un ami et rien de plus ! Et si tu te mêles encore de ma vie privée, je... » grinça-t-elle d'un ton menaçant, laissant sa phrase en suspens.
La guerrière en eut un frisson. Par la bouche de sa douce artiste d'amie, elle avait cru entendre parler un prédateur menaçant.
« Rosanna, regarde-toi, tu n'es plus la même. Il te change en quelque chose de plus... sauvage. » supplia la guerrière.
La jeune femme la fixa, penchant la tête sur le côté pour mieux la détailler, un sourire désabusé aux lèvres. Elle eut un rire cynique.
« C'est cette galaxie qui m'as changée, c'est les Frygiens, les wraiths, Luminae, toutes ces horreurs ! Je m'adapte, Milena, je m'adapte à ce nouvel univers, c'est tout ! » lui répondit-elle désabusée.
« Rosanna, je ne veux pas que tu changes. Tu es la seule à avoir encore cette... innocence dans cette foutue cité. » implora la guerrière.
L'artiste gronda.
« Tu ne veux pas que je change, alors explique-moi qui était à mes côtés quand j'ai passé des semaines à l'infirmerie avec une rate éclatée ? Qui était là quand je n'arrivais plus à dormir après la mort de Johnson? Tu ne m'as même pas soutenue quand il y a eu des rumeurs répugnantes sur moi ! » siffla-t-elle hargneuse.
Elle fulminait, d'une colère refoulée sortie des tréfonds de son âme.
« Je vais te le dire, Markus était là ! Un wraith, un monstre comme tu dit, étais là quand j'avais besoin d'une épaule amicale, pas toi ! » lui hurla-t-elle au visage.
A sa grande surprise, Giacometti se tourna lentement, prit une chaise, s'y assit et enfouit son visage dans ses mains, éclatant en sanglots.
« Tu es injuste Rosanna, tu...tu es tellement injuste... » murmura-t-elle entre deux hoquets.
La soldate se reprit, respirant à plusieurs reprises profondément, l'artiste tel un fauve furieux faisant les cents pas devant elle.
« Tu t'écoutes parler, Rosanna ? Tu écoutes tes paroles ? » demanda Milena doucement.
L'autre gronda en guise de réponse.
« On dirait un wraith. Rosanna, regarde-toi ! Tu es cruelle et injuste, tu grognes comme une bête, on dirait que tu vas m'étrangler ! » s'exclama -t-elle d'un ton effrayé.
« Je ne suis pas cruelle, je dis la vérité. » grinça Rosanna.
« Quelle vérité ?! Quand tu t'es fait tirer dessus, j'étais là, autant que j'ai pu, malgré mes propres blessures, et les missions de fouille de la cités auxquelles j'ai dû participer ! J'étais là quand Johnson est morte ! J'ai porté son corps sans vie dans ce maudit vaisseau ! Tu ne m'as pas demandé une seule fois si j'allais bien, si j'avais besoin d'en parler, rien ! Et si tu avais entendu les horreurs que certains disaient sur toi ! J'ai menti, à plusieurs reprises, jurant que tu étais avec moi et pas avec le wraith, pour te protéger ! Ne dis plus jamais que je n'étais pas là pour toi, plus jamais, Rosanna Gady ! » asséna la guerrière d'un ton malheureux.
Il y eut une étrange vibration dans l'air, puis l'instant suivant Rosanna gisait, évanouie, dans les bras du wraith.
Giacometti se releva d'un bon, prête à défendre sa vie et celle de son amie, malgré son désavantage.
L'alien posa délicatement l'artiste au sol, avant de se relever, les deux mains levées en un geste apaisant.
« Nous ne nous apprécions pas, Premier-lieutenant Giacometti, mais nous nous soucions tous les deux de la même personne. » dit-il de sa voix glaçante.
« Que lui avez-vous fait ? » gronda la guerrière, sur ses gardes.
« Elle va bien, je l'ai endormie. Il fallait que cette dispute stérile cesse avant de briser définitivement votre amitié. » répondit-il d'un ton qui se voulait apaisant, mais qui fit frisonner Milena.
« Que voulez-vous ? » demanda-t-elle.
« La même chose que vous, je pense. J'ai perçu le début de votre dispute, et j'ai assisté à la fin... » dit-il
« Perçu ? » demanda la guerrière en baissant enfin sa garde.
Le wraith grogna en s'étirant la nuque en un geste prédateur.
« Je vais vous dire la vérité, vous jugerez ensuite qu'en faire. » gronda-t-il en se penchant pour effleurer les cheveux de la jeune femme toujours évanouie.
« Rosanna et moi sommes liés, télépathiquement. Je ne pourrais vous expliquer comment, mais nos esprits sont en permanence reliés. C'est ainsi que j'ai su qu'elle n'allait pas bien en rentrant de mission, et que j'ai suivi votre dispute, par l'intermédiaire de son esprit. » expliqua-t-il.
Giacometti le regardait avec horreur et dégoût.
« Vous êtes dans sa tête en permanence ? » cracha-t-elle.
« Non, je respecte son intimité : mais elle m'y invite souvent, tout comme je partage mon esprit avec elle régulièrement, et si quelque chose d'important arrive à l'un, l'autre le sent. » rectifia-t-il.
Giacometti eut un petit rire dépité.
« Je croyais que vous couchiez ensemble, mais c'est encore pire. » grommela-t-elle.
« Pourquoi voudrais-je faire les choses que je vois dans votre tête avec elle ? » demanda le wraith d'un ton perturbé qui surprit Milena.
Il caressait la joue de la jeune femme avec une tendresse que la guerrière n'aurait jamais soupçonné chez le brutal prédateur.
« Je ne lui veux aucun mal. Rosanna est l'être le plus cher qui soit à mes yeux. Elle est ma seule amie, et la seule, aujourd'hui, pour qui je mourrais sans hésitation. Si vous pouviez voir son âme, elle est éblouissante, tellement lumineuse et foisonnante ! » dit-il en fixant la guerrière droit dans les yeux. Elle détourna le regard, gênée par les pénétrantes pupilles d'or.
« Pourquoi me dire tout ça maintenant? » demanda-t-elle, perdue.
« Vous aviez raison tout à l'heure. On aurait dit une reine wraith, arrogante, cruelle et injuste. J'étais tellement fasciné par notre lien, par tout ce qu'elle m'apportait, que je n'ai pas vu que petit à petit, je la... contaminais. J'ai essayé de la préserver de toutes les horreurs de ce monde, mais sans le vouloir, par ce lien que j'ai laissé se renforcer, je l'ai pervertie. J'ai échoué. » grinça-t-il avec colère.
La guerrière avait oublié sa haine et sa rancœur envers l'alien.
« Cette guerre nous change tous. Elle avait raison sur un point, vous avez été là à chaque fois qu'elle avait besoin que l'on veille sur elle. » dit-elle en signe de paix.
« Et aujourd'hui, c'est à vous de veiller sur elle, car c'est moi qui suis un danger. J'ai failli la tuer, hier. Je ne peux pas couper ce lien qui nous unit, mais si je m'éloigne assez, si je lui ferme mon esprit, il s'affaiblira, peut-être suffisamment pour disparaître. » dit-il atone.
« Vous ne pouvez pas partir, Markus ! » s'écria Milena.
« Je vous fais le serment de rester fidèle à Atlantis et à ses habitants, et je ne vous trahirais pas. Si le docteur Weir le désire, je continuerais même à œuvrer pour vous, loin d'ici. » déclara-t-il d'un ton rassurant.
« Et Rosanna, elle aura le cœur brisé ! » s'exclama Milena.
« Vous serez là. » répondit-il simplement.
« Vous ne pouvez pas partir ! » répéta-t-elle
« Les humains oublient vite. Sa peine passera. Occupez-lui l'esprit, faites-la dessiner. Le temps s'arrête pour elle lorsqu'elle crée. Rosanna est plus forte que vous ne le croyez, elle s'en remettra. » dit-il doucement.
« Que vais-je lui dire ? » capitula la soldate.
« La vérité, si elle vous la demande. » murmura-t-il avant de s'accroupir à nouveau vers l'artiste. Avec douceur, il posa ses mains sur ses tempes avant de fermer les yeux. Après quelques instants, il se releva, puis la prit avec tendresse dans ses bras pour la porter dans ses quartiers.
« Que lui avez-vous fait ? » demanda Milena en lui emboîtant le pas.
« J'ai légèrement modifié sa mémoire. Elle se souviendra de moi, mais avec une certaine distance, comme si nous nous étions quitté il y a plusieurs années déjà. J'ai aussi dissimulé le lien dans un recoin de son esprit » expliqua-t-il dans un souffle.
« Ça va... la changer ? » demanda Giacometti, inquiète
« Ce sera plus facile pour elle. Et petit à petit, « l'empreinte » wraith devrait disparaître. Elle redeviendra la vraie Rosanna. » dit-il doucement.
« Comment pourrais-je vous remercier ? » demanda-t-elle, consciente du sacrifice de l'alien.
« Elle se réveillera dans quelques heures. Aidez-moi à quitter Atlantis d'ici-là. » dit-il d'un ton presque suppliant.
Lorsqu'ils arrivèrent devant les quartiers de l'artiste, Giacometti resta devant, laissant Markus faire ses adieux.
Puis ensemble, ils se rendirent auprès du Docteur Weir.
Me voici arrivée à la fin du premier arc d'au-delà des étoiles.
Ce récit est une histoire de choix, d'apprentissage, d'ouverture d'esprit et d'amitié. Au-delà de ça, c'est surtout une histoire d'amour, de cet amour universel qui unit chaque être dans ce monde, et que je souhaite à chacun de connaître.
Il n'est pas besoin d'un homme et d'une femme pour que ce genre de magie opère, c'est avant tout la rencontre de deux âmes, par delà toutes les différences. Vous tous mes lecteurs puissiez vous rencontrer votre Markus, ou votre Rosanna!
Merci de m'avoir suivie sur tout ces chapitres!
Vous pourrez retrouver la suite de leurs aventures dans Au-delà des étoiles-Arc 2, dont le premier chapitre sortira le dimanche 10 juillet, puis aussi quotidiennement que possible.
Vous pouvez découvrir quelques portraits de Markus et d'autres wraiths d'Au-delà des étoiles sur le tumblr atlantisdoddle avec d'autres croquis.
