Chapitre 15 : Pour un sacrifice, la liberté.


Il se réveilla douloureusement. C'était bien le mot. Il avait mal… Chaque partie de son corps le démangeait comme si quelqu'un s'amusait à le marquer au fer rouge un peu partout. C'était étrange… Pourquoi avait-il si mal ? Une grimace apparut sur son visage. C'était tellement étrange. La peur remplit son estomac d'une bile remontant peu à peu jusqu'à sa bouche. La peur fit battre son cœur de plus en plus vite.

La peur figea tous ses membres, le faisant trembler…

Et pourtant il ne faisait vraiment pas froid ici. Au contraire, une chaleur épouvantable l'entourait. A travers ses paupières, il pouvait remarquer qu'il faisait sombre. Sous lui, le sol se révélait plus dur qu'à l'habitude. Comme si des blocs de béton avaient remplacé l'herbe et la terre… Pourquoi ? Pourquoi était-il allongé sur le sol ? Que faisait-il là ? Et d'ailleurs, où était-il ? Et ces questions l'amenèrent à une principale. Qui était-il ?

Finalement, il ouvrit les yeux et les écarquilla de stupeur. Le ciel était rouge et les nuages noirs. Dans sa tête, c'était le noir absolu. Il ne se souvenait de rien, de rien de ce qu'il avait été. Et pourtant, il se souvenait bien que le ciel était bleu et que les nuages étaient blancs ou gris quand le froid ou la pluie venaient à tomber. Mais pas là. Là, le ciel était rouge et les nuages noirs. La peur revint encore.

De plus en plus fort, comme si ses oreilles elles aussi se réveillaient, des bruits, des cris, de longs râles de détresse vinrent à lui. Ils n'étaient pas loin, à proximité de lui car il pouvait les entendre. Il se releva lentement… mais pas assez pour que sa tête ne tourne pas. C'était trop tard. Il se retourna vivement et pencha la tête, prêt à vomir ce qu'il avait dans le ventre. Apparemment, il n'avait rien du tout puisque rien ne sortit.

Il ne fit que tousser bruyamment.

Il comprit pourquoi le sol était si dur, il était sur du goudron qui formait un grand pont, brisé en deux. Derrière lui, il y avait une dizaine de voiture en très mauvais état, comme si elles avaient brûlé puis qu'on les avait laissé pourrir ici. Devant lui, le vide… Le vide d'où venaient les cris. Il allait pour se lever quand une douleur lancinante l'en empêcha. Ses jambes avaient du mal à lui obéir, ses bras étaient couverts de bleus et de déchirure. Il avait mal à la tête aussi. En se mettant à quatre pattes, il vit quelques gouttes de sang tomber de sa tête au sol. Il passa alors ses doigts sur son visage avant d'écarquiller les yeux.

La blessure se trouvait pile poil au niveau de sa tempe. Un petit trou, un trou de la taille d'une balle de pistolet. Il pouvait presque y glisser son doigt. Son regard s'attarda sur le tout et son esprit, complètement vide mais vivace, fonctionna à cent à l'heure. Il n'y avait pas de doute possible. Il était mort… Son regard perçut quelque chose d'étrange. Il tourna la tête et remarqua un os pendouillant dans le vide, du sang, de la chair et des plumes l'entouraient. Non… Il n'était pas dans le vide. Il était rattaché à son dos. Alors que la sensation revint, il se mit à hurler de douleur.

C'était impossible. Il ne se rappelait de rien, mais il savait bien que les humains n'avaient pas d'ailes. Les oiseaux, oui… Mais sûrement pas les humains. Il tenta de toucher mais s'arrêta au premier contact. Il avait l'impression qu'on lui avait arraché un bras ou une jambe. Des larmes emplirent ses yeux, la douleur était horriblement forte.

Il serra les dents et tourna sa tête de l'autre côté. Pas d'aile. Il n'en avait qu'une ? Où l'autre avait-elle était complètement arrachée ? Si seulement il savait. Pourtant il n'avait pas de douleur de l'autre côté. Pourquoi n'avait-il qu'une aile ?

Les cris retentirent encore, il ne put s'empêcher d'assouvir sa curiosité et se traîna jusqu'au bord, tenta de penser à autre chose que la douleur. Allongé sur le ventre, il tira une dernière fois et juste ses yeux dépassèrent. Ce fut suffisant pour l'effrayer une bonne fois pour toute. Il recula rapidement, restant allongé. Son souffle erratique vint balayer la poussière de l'endroit. Comment était-ce possible ? Juste en bas se trouvait des milliers de corps, dessiné seulement par des ombres, qui ne possédait que de grands yeux blancs sans orbites et une grande bouche pour hurler. Il cherchait à remonter le long du précipice sans succès. C'était affreux. Il fallait qu'il fuie.

Il se remit à quatre pattes, se rua sur la première voiture, chercha à s'appuyer dessus pour remonter mais échoua lamentablement. Il retomba sur les fesses. Il allait recommencer quand deux cris stridents l'obligèrent à se boucher les oreilles. Il leva les yeux pour voir arriver deux horribles créatures. Elles étaient faites d'un corps osseux humain, de mains longues et griffues, d'un crâne humain, de longues ailes de chaire sans plume.

Son corps se stoppa net, tant la peur l'empêchait de bouger. Il tremblait de tous ses membres.

Il vit les deux bêtes se poser lourdement au sol, à quatre pattes, en position d'attaque. L'une d'elles hurla à nouveau. Il vit sa fin arriver. Ou peut-être son autre fin. Qu'avait-il fait ? Que s'était-il passé ? Pourquoi ne se souvenait-il de rien, jusqu'à son nom ? Il ne le saurait jamais. La première créature de l'enfer attaqua et il hurla de terreur, se protégeant avec son bras. Elle ne fit que le taillader, le repoussant au sol si violement que sa tête se fracassa dessus.

Ses yeux se fermèrent lentement alors qu'il sentit le liquide chaud se répandre tout autour de sa tête. Il n'avait maintenant plus aucun usage de son corps. Ses pensées et sa vue commencèrent à se faire floues. Il eut juste le temps de sentir la deuxième bête s'arrêter au-dessus de lui et le prendre par la taille. Ils s'envolèrent. C'était bizarre. Cette sensation lui était familière. Il se rappela son aile brisée dans le dos. Oui… C'était vrai, il avait des ailes autrefois.

La bête s'arrêta au-dessus du gouffre et immédiatement, les corps en bas levèrent les bras vers eux. Il n'eut même pas la force de se débattre. De toute façon, c'était trop tard. Tout était fini… C'était peut-être ce qu'il souhaitait… Sûrement… Il regarda le pont. De là, il pouvait voir qu'il n'avait pas de fin, de l'autre côté. C'était un pont qui n'avait qu'une route, qui ne menait qu'à un seul endroit… Ici. Peu importe qui il était autrefois, il put enfin répondre à une question existentielle que tous se posent…

Voilà donc ce qui se passe après la mort.

Il sourit.

La bête le lâcha, et commença sa longue descende en enfer…


Draco courrait encore. Un couloir plus tard, il était de nouveau au début du labyrinthe. Il l'avait arpenté tellement de fois qu'il le connaissait par cœur maintenant. Malheureusement, quand il y fut, il ne put que voir avec désespérance Harry se faire ramener par le portail. Il tomba à genoux, à la fois sidéré et triste. Il serra les poings aussi forts qu'il le pouvait, se faisant saigner les paumes. Il était venu le chercher… Et il n'avait pas réussi. Sauf que cette fois, Draco avait compris. Il savait. La haine qu'il éprouvait ses derniers jours pour cet être de lumière disparut complètement. La seule chose qui l'empêchait d'accomplir ce qu'il voulait, c'était Lucifer.

Derrière lui, la petite fille sortit de l'ombre. Il garda cet aspect indifférent alors qu'il la dévisagea.

- Qui es-tu ?

Elle sourit. Un sourire horrible sur de si jolie joue. Puis pencha la tête sur le côté et la transformation fut radicale.

- Asmodée, princesse des enfers, mon cher Draco. Quel dommage… Tu étais si près du but d'avoir ta vengeance. Qu'est-ce qu'il ne va pas chez toi ? Tu es un démon, les démons martyrisent des anges, essayent de détruire la lumière… Et toi, tu as eu bon nombre d'occasions de le faire… Et tu choisis de lui faire un câlin… Pathétique.

Elle fit tourner le couteau de Mickaël qu'Harry avait laissé tomber entre ses doigts. Draco la scruta, ne sachant ce qu'il pouvait faire contre un prince des enfers. Elle était bien supérieure à lui. Elle ne fera que le réduire en pièce.

- Tout ça… Cette… mise en scène…

- Etait pour que tu craques, en effet. Et tu étais à ça de le faire.

Elle le pointa du couteau et le défia de haut, le visage sombre.

- Pourquoi as-tu changé d'avis ? Pourquoi ne pas lui faire subir ce qu'il te fait endurer.

Draco ouvrit la bouche avant de regarder l'endroit où il l'avait vu pour la dernière fois.

- Quand… je l'ai vu. Quand je l'ai entendu, je me suis rappelé. Avoua-t-il en bégayant légèrement. Je me suis rappelé un sentiment… Un de ceux que vous m'avez privé.

- Lequel ? Fit le démon en fronçant les sourcils.

Elle eut tout l'air de savoir ce que c'était, c'est pourquoi, elle ne fut pas choquée quand il murmura :

- Je crois que c'était… du bonheur. Je me suis senti bien. Tellement bien.

Asmodée resta un moment sans rien dire. Le bonheur… Draco la regarda profondément.

- Tu ne sais pas ce que c'est… N'est-ce pas ?

Il vit sa mâchoire se crisper puis elle fit demi-tour. Le blond posa une main sur sa joue, celle qu'Harry avait touchée. C'était plus que cela encore. Tous ces sentiments avaient percé son esprit et l'avait ramené dans le monde réel. Du bonheur, du désir… sûrement d'autres qu'il n'avait pas encore appris. Et qu'il espérait ardemment qu'Harry lui apprenne.

Soudain, la douleur revint. Il hurla une fois avant de se retenir. Son aile noire sortie toute seule de son dos. Il avait tant de fois essayé de le faire qu'il resta choqué. Mais le pire vint après. Elle se désintégra en quelques millions de plumes noires avant de disparaître complètement. Son cri attira Asmodée qui le regarda de loin sans comprendre. Elle fronça les sourcils. Draco se redressa et se massa l'épaule. Il retira son long manteau noir tout déchiré et, torse nu, essaya de regarder derrière lui.

Deuxième moment de douleur, sa peau se fendit en deux, il se plia. Asmodée écarquilla les yeux. Puis sursauta quand une main se posa sur son épaule. Lucifer, à ses côtés, regardait aussi le blond se faire malmener par des os qui craquaient et sortait de son dos.

- Que se passe-t-il ? murmura la blonde, hypnotisée par la scène.

- L'aile qu'il portait est une que je lui avais prêtée.

- Il n'a pas reçu ses ailes pendant son voyage ? Fit Asmodée, estomaqué.

- Non. Il n'a rien reçu du tout.

Asmodée ne put s'empêcher de remarquer l'œil étonné de son mentor. Pour la première fois, il avait l'air de ne pas savoir ce qu'il pouvait bien se passer. Malgré le fait qu'il ne pouvait savoir ce qui se passait au dessus des enfers, il avait toujours était fin stratège, et réussit bon nombre de fois à parer aux différents actes des anges, archanges ou même parfois Dieu. Et pourtant cette fois-ci, il se contentait de regarder sans rien faire, aussi hypnotisée que curieux. Mais la démone comprenait après tout... Tout ce que faisait Harry et Draco défiait toutes les lois de la genèse.

- Alors pourquoi maintenant ? Demanda-t-elle.

- Ça, c'est la bonne nouvelle. Harry vient de mettre fin à ses jours. Cela ne peut-être une coïncidence.

Son visage s'éclaira et elle se mit à sourire.

- La cité des anges est à nous.

- Va te préparer mon enfant, je m'occupe du reste.

- Que vas-tu faire de lui ?

- Un marché est un marché. Je ne reviens jamais sur un pacte. Je vais le libérer.

Ils finirent de contempler Draco qui venait de s'effondrer, baignant dans son propre sang. Une seule et unique aile avait poussé et maintenant l'entourait, comme si elle souhaitait le protéger envers et contre tout. Lucifer se tourna vers sa princesse et claqua des doigts, la faisant disparaître. Il se tourna ensuite vers un des murs du labyrinthe et posa une main dessus.

- Très chère…

Sa main commença à le brûler alors il la retira, puis sourit.

- Comme tu veux.

Puis il disparut, emportant le corps de Draco.


Son méfait accompli, Raphaël, cœur de Dieu s'écrasa au sol, sur les larges des côtes espagnoles. Il ne savait pas du tout comment il avait atterri ici. Il s'était laissé transporter par le vent et les bourrasques quand le ciel s'était assombri, la tête pleine de pensées obscures. Pourquoi avait-il fait cela ? Son sourire repassait dans sa tête et son cœur avait tellement lutté pour l'en empêcher. Il n'y avait plus aucun doute, il le sentait au fond de lui. Il était brisé. Il se releva, soufflant le sable qui lui était entré dans la bouche.

- Père, hurla-t-il.

Il regarda le ciel. La pluie tombait depuis maintenant plus d'une heure… autant qu'Harry était allé en enfer. Le ciel noircit encore un peu plus. Il ferma les yeux, hurla à nouveau son Dieu puis se recroquevilla. Enfin, la pluie cessa de le piquait de toute part. Il se redressa et vit d'abord un parapluie au-dessus de lui, enfin sa main… Et Marc. Marc avec l'aura de Dieu… Alors… enfin de compte, il n'était jamais parti.

- Tu vas attraper froid, murmura Dieu en souriant bêtement.

Raphaël resta la bouche grande ouverte. Il secoua la tête en riant à moitié, malheureux, mais avant qu'il ne puisse dire quoique ce soit Dieu s'accroupit et baisa son front.

- Ne t'inquiète pas. Tout sera bientôt fini.

- Je ne peux pas te laisser faire, supplia Raphaël. Les humains n'ont pas mérité cela. Ils ont travaillé si dur pour devenir ce qu'ils sont devenus. Ils ont… tellement souffert. Les progrès, la science, les guerres… Même la Terre fut parfois avec eux… parfois contre… mais jamais elle ne les a lâchés. Tu ne peux pas tout supprimer ainsi.

- Moi ? Rit Dieu. Mais ce n'est pas moi qui aie décidé de changer. J'ai triché… plusieurs fois, c'est vrai. Et je suis en train de réparer mes erreurs. Pour le reste, je compte uniquement sur vous.

- Qu'est-ce que tout cela veut dire. Murmura Raphaël.

- Ce sera… à toi de décider. Le moment venu. Tu seras le seul à prendre un choix. Il te sera difficile. Je ne peux malheureusement t'en dire plus.

Dieu embrassa une dernière fois son fils, cet étrange sourire serein toujours aux lèvres.

- Vous allez me manquer. Plus que je ne l'aurais imaginé…

Puis la pluie tomba de nouveau sur lui. Il avait disparu. Raphaël resta là un instant sans rien comprendre. Dieu ne lui avait pas dit s'il avait bien agi ou non. Il n'avait aucune réponse. La colère monta encore alors qu'il était plus perdu qu'avant. Enfin, Méphistophélès apparut derrière lui. Entre ses doigts, une longue lame faite de pierre noire tranchante et d'un manche en bois. Une lame toute simple, sans artifice, mais qui pourtant l'aiderait à tout réparer… ou tout détruire.


Ramiel, Uriel et Sariel arrivèrent dans l'ambassade. Les anges, tout autour d'eux, s'activaient dans une cacophonie incontrôlable. Uriel hurla une fois, accaparant leur attention, donna ses ordres avec une vitesse que les deux autres archanges ne lui connaissaient que très peu de fois. Sariel s'approcha du voile alors que celui-ci, maintenant complètement vide, brillait plus fort que jamais. Uriel le rejoint en deux pas.

- Combien de temps avant l'apocalypse, penses-tu ?

- Quelle importance, murmura Ramiel. Si les démons s'emparent de la cité des anges, Lucifer sort de sa cave et condamne les anges. Ils continueront à vivre pendant que nous, nous nous ferons exterminés.

- Ce n'est pas la première fois que cela arrive, le rassura Sariel. Nous avons toujours su résister.

- C'est vrai, murmura l'âme de Dieu. Nous avons réussi à résister pendant six mois durant, une fois. Après tout, nous ne faisons que nous blesser et évitons au maximum de nous tuer. Mais cette fois, nous allons perdre. Uriel… La lumière… Adam n'arrivera pas à tenir une attaque de plus de quelques jours.

Les trois archanges s'arrêtèrent de parler un instant pour contempler leur lumière. Quand le portail s'ouvrira, les démons afflueraient, le mal envahira de nouveau cet endroit de pureté. Et la lumière mourra, les condamnant tous. Surtout maintenant qu'Harry n'était plus là.

- Je suis peut-être épuisé magiquement, mais je ne compte pas me rendre sans me battre. Grinça Sariel.

Uriel se tourna vers lui et sourit.

- Tu as raison. Nous allons tous nous battre.

- Bien. D'abord, nous devons mettre le pont et l'ambassade en sécurité. Uriel quand tu seras certain que les boucliers sont bien en place, va chercher Azazel et mets là à l'intérieur. Il ne faut pas qu'elle sente tout cela. Elle est déjà bien trop fragile. Sariel, essaye de trouver Raphaël. Demande-lui ce qu'il s'est passé. Comment Harry a fait pour lui échapper ?

Uriel tiqua et haussa un sourcil.

- Comment cela ?

- Je suis certain de l'avoir vu rattraper Harry et s'enfuir avec lui vers la Terre. Alors… soit il l'a amené voir Asmodée ou l'un des démons… Soit Harry a trouvé le moyen de lui échapper. Je pense plus pour la deuxième solution, après tout, notre chère lumière commençait à démontrer une force qui nous est bien supérieure.

Uriel hocha la tête lentement puis se dirigea vers le pont des âmes sauvées. Les anges se mettaient en place, assis autour de l'énorme édifice, formant un cercle concentrique. Ils allaient encore devoir user de tout leur pouvoir et ne pas faillir. A moins que tout cela… ne serve plus à rien. L'ambassadeur chassa ses mauvaises pensées. Non, il devait rester positif. Tout allait bien se passer. Il se pencha sur l'un des anges qui lui sourit.

- Tu as peur, murmura-t-il en le voyant trembler.

- Oui, lui répondit-il. Très.

- Je te comprends, moi aussi, j'ai peur…

- Je me demande parfois… Pourquoi les démons ont été créés pour faire le mal. Pourquoi veulent-ils le faire. Est-ce qu'un jour, quelqu'un se dirait pas « Eh, les gars, vous savez quoi !? J'ai vu des humains, ils sont en colère, parfois, ils aiment bien casser des choses, ils sont jaloux, envieux ou bien luxurieux… Mais… ils aiment. Ils sont heureux… Et ils font aussi le bien. Et si on faisait pareil ? »

L'ange rit et regarda à nouveau Uriel.

- Vous croyez qu'il y a un démon, parmi tous qui pourrait ou aurait dit cela ?

Uriel secoua la tête avant de chuchoter.

- J'en sais rien, mon ami. Je doute que… Je ne sais pas.

- Où est la lumière, Uriel ? Demanda l'ange alors que la tristesse pouvait se lire à nouveau dans son regard.

Le brun écarquilla les yeux avant de sourire. Oui, maintenant, il y en avait un qui pourrait peut-être le dire. Un… ou deux.


Draco se tenait la tête droite et le regard sûr devant Lucifer. Jamais le roi de l'enfer n'avait vu l'une de ses créatures, normalement amorphe et sans pensées, le défier de la sorte. Il avait l'impression d'avoir créé un démon plus horrible qu'un de ses légionnaires. Peut-être un nouveau prince de l'enfer ? Après tout, son âme jumelle était la lumière. D'ailleurs celle-ci ne tarderait pas à le rejoindre. Lucifer se pencha en avant et fronça des sourcils avant de sourire.

- Bien… Qu'allons-nous faire de toi ?

- Laissez-moi partir, fit le blond de but en blanc.

- Et pourquoi je ferais cela, demanda Lucifer en haussant un sourcil.

- Je dois… retrouver la lumière. Je dois lui demander. Pourquoi ? Pourquoi me rendre mes sentiments, pourquoi m'imposer cela sachant les conséquences. Pourquoi moi. Pourquoi… est-il si important pour moi…

- Tu parles de lui, comme un ange parlerait de Dieu. C'est la même chose. Pourquoi, pourquoi, imita-t-il dans une mimique d'enfant agaçant.

Draco serra la mâchoire mais ne répondit pas. Il devait rester libre de ses mouvements s'il devait retrouver Harry. Et surtout, il ne voulait pas retourner dans le labyrinthe. Plus jamais. Il ne savait combien de temps il avait été là-dessous mais cela lui parut une éternité.

- Comme un ange, cracha Lucifer à nouveau comme si c'était la pire des insultes. Enfin bref…

Le roi de l'enfer fit une moue mi amusée, mi contrariée.

- Un pacte est un pacte. Harry a tenu sa parole, il s'est suicidé. Tu es donc libre.

Draco se figea sur place. Le désarroi et l'inquiétude purent se lire sur son visage. Lucifer en profita pour remuer le couteau dans la plaie.

- Oh… il ne t'a pas dit, apparemment. Ta chère petite lumière ne brillera plus jamais. Il va rester, à nos côtés pendant que la cité des anges brûlera. Tu vois, il avait un choix à faire. Toi ou la cité. Et c'est toi qu'il a choisi, au dépit de l'humanité. J'espère que tu te sens mieux maintenant, tu vas pouvoir lui poser toutes les questions que tu voulais.

Lucifer se leva de son siège et s'approcha d'Asmodée. Celle-ci revenait avec de grandes nouvelles. Tout était prêt pour la dernière attaque sur la cité des anges.

- Ah non. C'est vrai, rajouta-t-il une dernière fois en levant un doigt. Il est coincé dans les limbes du Tartares. Tu ne le reverras pas avant longtemps... Très longtemps.

Puis il partit dans un grand éclat de rire. Asmodée regarda Draco avec ce même sourire vilain qui lui enlaidit le visage. Le blond pencha la tête sur le côté. Harry ne pouvait avoir fait cela. Il lui avait dit de se battre, de l'attendre, qu'il viendrait le sauver. Mais maintenant… Qui pouvait-il sauver ? Maintenant… Qui allait le sauver lui…

Enfin, Lucifer le congédia et Draco sortit du grand palais. Il marcha lentement dans les rues désertes de la ville. Les démons étaient bien moins nombreux que d'habitude. A moins qu'ils s'étaient tous regroupés à côté du portail. Un ange en moins dans la cité des anges. Ce dernier n'attendait que le déclic de la lumière pour s'ouvrir. C'était bientôt la fin de la cité et du côté des… « gentils ». Que pouvait-il y faire ? Il fronça les sourcils en voyant un des princes de l'enfer courir vers une maison de bois. Son visage et son corps était ravagé, ses ailes avaient été découpées. Il n'était plus qu'un tas immonde de chair en fusion. Et pourtant il courrait sûrement.

Draco le suivit discrètement à l'intérieur de la bâtisse. Une immense tour d'appartement délabrée, comme tout ce qui se trouvait sous terre. Il monta les escaliers, l'entendit grimacer et souffler bruyamment alors qu'il s'effondrait sur une porte avant de se relever et de repartir de plus belle. Draco resta un instant interdit devant la mare de sang et de chair qu'il avait laissé scotché à la porte. Il écarquilla les yeux quand des flashs le prirent. Il serra les dents. Il n'était plus dans le labyrinthe… Il n'y était plus…

Il leva les yeux et passa la tête par-dessus la rambarde. Malgré ses profondes blessures, il avançait vite. Pourquoi un démon était dans cet état-là… un des sept princes de l'enfer en plus. Il y avait quelque chose d'étrange. Il monta à son tour et le retrouva au dernier étage. Il poussa doucement la porte entrouverte et s'arrêta un instant pour regarder à travers l'entrebâillement. Il écarquilla les yeux quand il vit le démon devant lui, le regardant. Alors il finit d'ouvrir et se mit face à lui. Le démon s'effondra sur ses genoux.

- Azazel… murmura Draco.

C'était comme une évidence, il n'avait pu dire autre chose et comme il le pensait, le prince hocha la tête. Son visage tout aussi fondu ne ressemblait à plus rien. Plus de cheveux, son état était bien pire que ce que pensait le blond. Il le vit tendre un bras sans main vers sa droite et le blond se fit violence pour ne pas ressentir cette terreur qui le rongeait. Il n'était plus dans le labyrinthe… il n'y était plus.

- Prend-le…

Draco suivit des yeux son geste et découvrit un coffret. Il fronça les sourcils sans comprendre. Il s'approcha mais juste au moment de toucher le loquet, le prince l'arrêta.

- Seul Harry peut l'ouvrir. La lumière… personne d'autre.

- Pourquoi ? Qu'est-ce que c'est ?

Mais il hocha négativement la tête. Pourquoi était-ce caché ici ? A la vue de tous ? Si c'était à Harry, cela devait être précieux. Pourquoi ici, pourquoi dans ce coffre ? Pourquoi Azazel le lui donnait. Enfin dans une dernière supplique délirante, le prince bégaya :

- Tue-moi avant que je ne change d'avis.

Draco hésita. Il regarda le coffret. C'était pour Harry. Cela pourrait le sauver. Cela pourrait l'aider. Peut-être pas… mais il y avait une chance. Et pour lui, Harry était plus précieux que tout au monde. Il s'approcha du démon et l'attrapa par la nuque. Il posa sa main juste à côté de son cœur et sortit ses griffes qui s'enfoncèrent en lui.

- Tu es sûr ? Demanda-t-il une dernière fois, le regard dur.

- Tue-moi, éructa le démon alors que ses yeux viraient rouges.

Il semblait comme se battre avec une part de lui-même. Draco ne comprit pas. Peut-être que faire le bien était trop dur pour eux. Il vit ses crocs pousser. Il regarda une dernière fois la boîte. Harry était plus important. Enfin ses griffes poussèrent brusquement. Il referma le poing dans son corps et le démon hoqueta. Et dans un geste brusque il arracha son âme de son corps. Le blond regarda son corps s'effriter petit-à-petit alors que son âme pulsait entre ses longs doigts crochus. Il inspira un bon coup. Il n'était plus dans le labyrinthe… Azazel ne reviendra plus. Il venait… de tuer quelqu'un… De ses propres mains…

Harry le pardonnerait-il ?

Enfin il grimaça. La douleur envahit sa main. Il écarquilla les yeux alors que l'âme noire et sanglante à l'instant, se purifia lentement. Elle redevint blanche, forçant Draco à la relâcher. Mais au lieu de tomber, la volute de fumée se mit à léviter avant de s'envoler avec grâce vers le ciel. Le blond écarquilla les yeux. Il retournait au paradis. Etait-ce possible ? Comment…

Draco resta un instant planté là, avant de se retourner à nouveau vers le coffre. Si seul Harry pouvait ouvrir ce coffre, il emmènerait le brun ici. D'abord, il devait le retrouver. Dans un tournoiement de sa grande cape, il fit demi-tour et repartit en direction du pont des âmes déchues. Il fallait qu'il le trouve le premier…


Méphistophélès faisait les cent pas devant le portail. Quelque chose n'allait pas, cela faisait longtemps qu'il aurait dû s'ouvrir. Pourquoi cela prenait autant de temps ? Les légionnaires étaient là, faisant autant de bruit qu'il le pouvait, hurlant criant, c'était presque désagréable. Finalement, il fronça les sourcils et regarda Bélial qui semblait très en colère. Puis il se tourna vers Asmodée qui haussa les épaules. Mammon tourna la tête de droite à gauche et demanda :

- Belphégor ?

- Il ne viendra pas, tu le sais bien. Répondit Bélial.

- Même pour la fin de la cité des anges ? Franchement, il exagère.

- Laisse-le où il est. Minauda Asmodée. Il ne nous servira pas à grand-chose à part pour dévorer des âmes qu'il se fait apporter sur un plateau d'argent.

- Pourquoi ce fichu portail ne s'ouvre pas ! S'énerva encore Méphisto. Je croyais que la lumière était en train de mourir. Comment peut-elle encore réussir à tenir le coup après toutes ses attaques ?

- Il ne s'ouvrira pas…

La voix lente et désappointée s'éleva derrière eux et ils se retournèrent d'un seul geste. Les démons firent silence. Lucifer les surplomba de toute sa malfaisance et prit un temps, réfléchissant rapidement. Il plissa les yeux quand Méphisto lui demanda pourquoi. Puis il fit demi-tour sans un autre mot, laissant ses princes et démons sans comprendre. Enfin, un sentiment les pesa. Alors que la force et l'allégresse les avait emplis depuis qu'Harry avait mis fin à ses jours, une deuxième fois, elles disparurent brusquement.

- L'équilibre, murmura Asmodée. Comment… cela se peut-il ? Comment a-t-il pu être rétabli ?

Méphisto regarda le portail, la colère rougeoyant ses yeux.

- Ce n'est que partie remise, petit frère. Tu as intérêt à assurer ta part du marché.


Quelques instants plus tôt, dans le ciel, et plus précisément dans la haute tour d'Azazel, cette dernière entendit la supplique d'Aza alors qu'il laissa pour la dernière fois ses pensées ouvertes. La blonde écarquilla ses yeux vides de toute lumière.

- Tue-moi.

Elle ouvrit la bouche, elle aurait voulu lui hurler de ne pas faire cela. Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? La pièce lui apparut soudainement, elle voyait exactement ce qu'il voyait. Elle vit de ses yeux, le visage serré et acide de Draco. Elle le vit, sa main sur son torse. Il n'était pas tremblant, ni hésitant. Elle le vit dévier vers un étrange coffre avant qu'il ne lui demande s'il était sûr. Elle entendit de ses oreilles lui assurer que c'était ce qu'il y avait de mieux à faire. Puis elle sentit sa douleur. Toute sa douleur… Et dans sa tête, il lui murmura qu'il était désolé…

Les larmes aux yeux. Elle lui pardonna. Elle sourit et lui pardonna tout ce qu'il avait fait jusque maintenant. Jusque ses atrocités dans le labyrinthe. Elle s'effondra sur son canapé, attendant d'être rappelé. Pour la première fois depuis trois milles ans, elle se sentit extrêmement seule. C'était presque insoutenable. Mais rien ne vient. Des minutes s'écoulèrent, la lumière ne tenta pas de l'emmener de force dans l'arche. Et puis elle la sentit. Elle ne pouvait rien voir, elle la sentit, comme une douce caresse autour d'elle. Son âme était là, batifolant comme une luciole. Et Azazel comprit.

Elle n'était qu'une seule cage. Son autre moitié n'avait nulle part où aller. Les lois fondamentales ne pouvaient agir sur elle. Puisqu'elles n'étaient pas jumelles… L'âme finit de danser autour d'elle et la pénétra, lui coupa la respiration, la tétanisant. Et enfin, elle se sentit complète. Ses paupières s'ouvrirent à nouveau en grand. D'une main tremblante, elle dégagea ses jambes. Elle secoua ses orteils et son sourire revint, embellissant son magnifique visage. Elle éclata de rire quand le froid du carrelage chatouilla la plante de ses pieds. Et elle se leva. Elle fit quelque pas dans son boudoir, évitant les objets avec facilité.

Elle se permit même quelques pas de danse avant de se stopper net.

- Qui est là ? Uriel ? Azazel vient de nous sauver la mise ! Il s'est sacrifié pour nous. L'équilibre du monde…

- A été rétabli. Je sais…

Aza fut soudainement terrifié. Sa voix… elle le connaissait. Elle était sûre et certaine de l'avoir déjà entendu. Et puis son aura se mit à briller. Tellement fort, qu'elle eut les larmes aux yeux. Une larme coula sur sa joue alors qu'elle le sentait s'approcher de lui d'un pas lent.

- C'est toi, murmura-t-elle.

Elle ne verrait jamais le visage qu'il avait pris, mais elle le sentit. Elle posa sa main et refit le contour de ses formes. Elle sourit doucement. La peur qu'elle ressentait s'envola dans son ventre. Elle savait ce qui l'attendait. Qu'importe, elle l'acceptait. Elle ne tenterait pas de s'y absoudre. S'il en était ainsi…

- Je suis désolé.

- Finalement, chuchota-t-elle. Je ne saurais jamais pourquoi…

Mais il en fut tout autre. Il se pencha à son oreille et lui murmura tout ce dont elle voulait savoir, ce qui s'était passé, ce qui allait se passer. Il lui dit la fin de l'histoire comme un conteur trop hâtif pour attendre. Azazel fut choquée. Elle resta là, la bouche grande ouverte sans comprendre, sans y croire une seule seconde. Malheureusement, il ne lui laissa pas le temps de poser d'autre question il leva sa cage et l'aspira. L'âme à l'intérieur se débattit un instant avant de s'apaiser.

- Je te demande pardon, murmura Dieu.

Il déposa la cage au sol et se pencha pour la saluer avant de disparaître dans la nature. Au même instant, Uriel entra dans la pièce. Il fronça les sourcils en la trouvant vide avant de remarquer la petite cage au sol. Automatiquement, il s'effondra devant elle.

- Non… Murmura-t-il. Non…

Sa gorge se noua de désespoir. Il ne pouvait y croire. Comment était-ce possible ? Raphaël arriva à son tour alors que la lumière rougeoyait à nouveau. Il écarquilla les yeux en trouvant Uriel pleurant devant la cage d'Azazel et celle-ci, maintenant en paix, qui râlait comme toutes les autres. L'archange serra des dents. Sa mâchoire craqua.

- Pourquoi ? Demanda-t-il.

Uriel se releva et le vit regarder au ciel. Il ne parlait pas à lui. Il parlait à Dieu.

- Pourquoi ? Hurla-t-il. Pourquoi tu ne fais rien, pourquoi ne nous aides-tu pas ? Pourquoi laisses-tu les ténèbres envahirent notre monde, pourquoi veux-tu tout détruire… encore ? Et nous avec !? Pourquoi tu ne m'arrêtes pas ? Ni moi, ni Lucifer… Que faut-il faire pour qu'enfin tu décides de nous accorder ton bon vouloir ?

Mais il n'eut aucune réponse.

- Tes réponses qui n'apportent rien… Bientôt, ce sera fini… murmura-t-il enfin. Ce que tu dis n'a aucun sens. Tu ne veux pas qu'il y en est. Tu n'es qu'un hypocrite. Pire que Lucifer.

- Raphaël… murmura Uriel en le fixant de ses iris tourmentés. Depuis quand… as-tu tant de colère en toi ?

L'archange évita son regard et se mordit la lèvre. Uriel remit les choses dans l'ordre. Comment avait-il pu passer à côté ?

- C'était toi… Pas Sariel… C'est toi qui as emprisonné Draco… Et aidé Harry à se suicider. Comment as-tu pu ?

Uriel ramassa la cage d'Azazel et la pressa contre lui comme la chose la plus précieuse au monde. Raphaël fit un pas vers lui et l'ambassadeur recula tout autant.

- Tu ne comprends pas… Nous avons besoin de lui… Et s'il ne fait rien pour nous aider, il faut que quelqu'un d'autre le fasse.

- Qui ? Scanda Uriel. Toi ? Tu es devenu fou ! Qu'est-ce qu'il te prend, Raph ?

- Si je tue Dieu, je prends ses pouvoirs et je nous sauve tous.

Uriel eut un rire son joie.

- Tuer Dieu ? Mais qui a pu te mettre pareil idée dans la tête. Comment penses-tu le tuer ? Et même si tu en avais le pouvoir, Dieu voit tout, penses-tu réellement qu'il apparaîtra pour se laisser sagement assassiné par son premier né.

Raphaël ouvrit la bouche mais la referma tout aussi tôt. Il bégaya des syllabes sans suite.

- Raph, finit l'archange. Crois-moi… Si cette… hypothétique fabulation arrivait. Personne ne voudrait être gouverné par un meurtrier. C'est du créateur que nous avons besoin… Pas d'un enfant meurtri par l'absence de notre père. Si tu fais ça… C'est toi qui ne vaudrait pas mieux que les démons… que Lucifer lui-même.

- Je ne veux pas vous gouverner… Finit par dire le cœur de Dieu dans un souffle. Je veux seulement vous sauver.

- Tu as détruit Draco. Sans toi, il ne serait jamais allé dans le labyrinthe d'Hadès. Sans toi, Gabriel aurait toujours sa voix, et Azazel serait toujours en vie… Tu as meurtri Harry puis tu l'as remis entre les doigts infâmes de Lucifer. Tu as envoyé notre future lumière en enfer ! Dis-moi qui as-tu sauvé jusqu'à maintenant !?

La cité se mit à trembler brusquement. La lumière faillit, le portail s'ouvrit, une tour s'effondra dans un immense bruit de cassure et d'explosion.

- Tu les as conduits jusqu'à nous… Tu nous as tous trahis…

Raphaël posa son regard bleuté parsemé de petites étoiles brillantes dans ceux d'Uriel. Lui aussi pleurait.

- Qu'ai-je fait… Murmura l'archange.

Il se tourna vers le portail, puis vers la lumière. Il avait détruit la cité des anges. Tout était de sa faute. Et il n'était plus temps de retourner en arrière. Il sauta par la fenêtre, laissant Uriel seul. L'archange se remit de ses émotions et porta la cage à son visage. Il lui sourit tendrement.

- Je vais te remettre à ta place…

Se fichant de l'avenir de la cité, de la lumière rouge et de son état potentiellement létal, des démons qui affluaient par le portail, Uriel rejoint l'arche et traversa la protection que ses ambassadeurs avaient érigée. Les explosions retentissaient dans son oreille. Il n'y faisait plus attention. Il ancra Azazel dans son emplacement, caressa du pouce sa cage de métal dorée, puis s'effondra à côté d'elle. Il posa sa tête sur son bras et sourit.

- Tu as de la chance, finalement, lui murmura-t-il. Tu ne verras pas l'apocalypse. Elle est faite de trahison, de complot et de douleur. Ce rouge sang… C'est horrifiant… Qui pourra nous sauver ? Sûrement pas Dieu, encore moins Raphaël… Quant à Harry… Il est perdu dans les limbes du Tartare. Et nous ne tiendrons jamais jusqu'à ce qu'il en sorte. C'est la fin Azazel… et je suis tellement malheureux de ne pas la passer à tes côtés.


Draco fronça les sourcils. Accroupi devant le fleuve, il se dit qu'il était fou. C'était la pire chose qu'il allait faire. Le labyrinthe d'Hadès à côté de cela ? Du pipi de chat. Ce n'était même pas sûr qu'il revienne vivant de son périple. Mais qu'importe… Rien ne comptait autre que de sauver Harry. Alors il le fallait bien. Il prit une grande inspiration pour se donner du courage et retira son long manteau. Vêtu seulement de son pantalon, il regarda son reflet à travers la fumée grisonnante qui remplaçait l'eau. C'était la première fois qu'il le voyait. Ou peut-être la seule fois où il y faisait attention.

Il toucha sa peau sur son visage. Un tatouage le parsemait d'un seul côté, descendait jusque son cou et entamait son épaule. On aurait dit qu'il grandissait de plus en plus. Enfin, son image devint floue pour voir celui d'Harry. Il était là, errant dans le flot d'âmes déchues. Il dormait profondément alors qu'elles s'agrippaient à lui, comme un noyé ferait à une bouée. Il sauta sans hésiter une seconde de plus. Sinon, il le louperait. Les âmes, de leur bras squelettiques et noires, se mirent à le griffer de toutes parts, tentant à nouveau de s'agripper à lui. Elles hurlaient et râlaient à son oreille. Draco s'arrachait à elles avec douleur, s'enfonçant encore plus loin dans les Tartares. Jusqu'à ce que sa main finisse par attraper le bras d'Harry.

Et une fois qu'il l'eut attaché de la sorte à lui, il fut bien décidé à ne pas le lâcher. Il s'aida d'une âme pour remonter, la poussant de ses deux pieds, se donnant assez d'élan. Son corps était maintenant ensanglanté, et son vêtement en lambeau. Il avait mal mais ne dit rien… Quand il arriva au bord, il sortit son aile et s'envola. Il se débarrassa des dernières âmes accrochées à eux avant de se reposer sur le bord. Il allongea prudemment le corps sans vie et blanchâtre du brun avant de le dévisager longuement. C'était tellement étrange pour lui. Il avait l'impression de l'avoir connu toute sa vie sans pour autant pouvoir déceler la moindre caractéristique qui le définissait. Autre le fait qu'il soit la lumière.

Il avait juste ce besoin tout particulier de le protéger coûte que coûte. Comme si il l'avait déjà fait et comme si il le ferait à jamais. Draco pencha la tête et toucha de ses fins doigts sa joue. Il ne le brûlait pas, il ne brillait plus. Et pourtant il ressentait encore cette aura qui le composait. Il était toujours la lumière, une lumière éteinte et fatiguée sûrement. Le blond retraça la courbe de son nez et fronça les sourcils. Il manquait quelque chose, il en était sûr. Tout comme sur son front. Comment pouvait-il savoir tout cela. Le faucheur replaça une mèche de ses cheveux en bataille en arrière.

Il l'avait sorti de là, d'accord. Mais maintenant comment le réveiller. Un bruit, derrière lui, l'activa. Il ne devait pas rester à découvert. Il ne pourrait pas se cacher bien longtemps, surtout avec Harry qu'ils devaient tous sentir à des kilomètres à la ronde. Il le prit par le dos, le posa sur son épaule comme un sac à patate et s'enfuit. Il évita habilement les différents légionnaires. Heureusement, ils ne semblaient pas du tout le rechercher, mais se dirigeaient tous vers le même endroit. Le portail conduisant à la cité des anges. Pas de doute, celui-ci devait être ouvert.

Draco se mordit la lèvre. La cité avait perdu leur lumière, était-ce pour cela que les démons étaient plus puissants ? Oui sûrement. Il entra dans l'immense bâtiment où Azazel l'avait emmené et se dépêcha de monter dans la plus haute pièce. Lucifer ne mettrait pas longtemps avant d'arriver et de lui reprendre Harry. Il croisait les doigts, et priait pour ne pas qu'il se mette en travers de son chemin trop rapidement. Il fallait qu'il ouvre cette boite puis traverse le portail pour la cité. C'était la meilleure chose à faire.

Draco l'allongea au sol et l'examina à nouveau. Comment le réveiller ? Il l'avait secoué et balloté dans tous les sens, cela ne suffisait pas. Il pensa à la manière forte, mais il ne pouvait se résigner à lui faire du mal. L'envie monta comme à chaque fois qu'il était si proche de lui. Sauf que pour la première fois, il savait pourquoi, il comprenait ce qu'il faisait. Il s'assit à ses côtés et le releva pour poser sa tête sur sa cuisse. Il ne savait pas combien de temps il aurait avant que sa lumière ne le brûle à nouveau, il voulait profiter de chaque seconde. Il posa son front contre le sien et ferma les yeux.

- Harry, murmura-t-il en caressant de nouveau sa joue. Tu as dit que tu avais besoin de moi. J'ai aussi besoin de toi… Plus que jamais. Je t'en prie, réveille-toi. Je peux parler maintenant, alors parle-moi.

Le blond se décolla pour l'embrasser sur le front d'un geste délicat. Puis il recula tout à fait quand son corps se mit à bouger. Il le vit faire une grimace et fermer durement ses paupières avant de les ouvrir. Le démon eut l'impression que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas revu le vert brillant de ses yeux. Ses pupilles dilatées cherchèrent longtemps un point de repère avant de se stabiliser sur lui. Il leva une main tremblante et toucha ses cornes sur sa tête.

- Tu es un démon ? Demanda-t-il.


A suivre...


Et bien nous y voilà. Harry a enfin accédé aux enfers. Mais il ne se souvient plus de rien. Est-ce que le coffre pour lequel le démon Azazel s'est sacrifié servira à sauver la cité des anges ? Qui a pleuré pour l'archange Azazel ? Je sais, je suis sadique.

A bientôt,

Personne ne l'a jamais connue.