CHAMPAGNE, J'AI TENU MA PROMESSE. Et champagne pour votre FOLIE FURIEUSE. 300 reviews pour des assassins tarés dans un train, vous êtes beaucoup trop gentils. Sans vous, ils n'auraient jamais quitté la Chine, alors MERCI.
Edit : Merci à Xio, Souk et la meilleure des cheerleaders Aho-Ushi-Lambo pour m'avoir fait remarquer que ff m'avait trollée.
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Jimmy – Moriarty
Still Broken – Plan Three
Renegades – X Ambassadors
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"And I just got broken,
Broken into two
Still I call it magic
When I'm next to you
Call it magic
Cut me into two
And with all your magic
I disappear from view"
Magic – Coldplay – Ghost Stories
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Ils s'arrêtèrent pour la nuit en gare de Vainikkala. C'était un petit village finlandais perdu entre les lacs et le froid, n'existant que par sa gare et la frontière. Les habitants travaillaient soit à la gare soit aux douanes, et il ne s'y passait jamais rien.
Mais alors qu'elle posait pied sur le quai, la troupe de Wanderful Circus trouva étrange que quatre cent villageois fasse autant de bruit. Le chaos régnait autour d'eux, les gens appelant des bagagistes en russe, des ordres fusant en finlandais, des passagers sautant ou bondissant dans les trains. Le chef de gare leur expliqua que, beaucoup de russes ayant décidé que l'attentat inconnu d'hier était celui de trop, il était temps d'émigrer vers l'Europe. Toute la soirée, les quinze parias dévisagèrent les voyageurs d'un air méfiant; n'y avait-il pas dans la foule des membres d'Hydra, tentant de rejoindre incognito une antenne allemande ou française ?
Il fallut attendre le réveil de Bruce pour que le médecin décrète, d'un ton philosophe, qu'il fallait mieux cacher un arbre dans la forêt, un papier dans une pile de papier, et des gens inquiets, parmi des gens inquiets. Ceux qui comprirent l'anglais durent admettre qu'il y avait du vrai, et qu'il valait mieux rester dans cette fourmilière.
Pour l'instant, il fallait manger, apaiser les tensions, et décider ensemble de comment ils allaient fuir. Steve alla faire des pâtes dans la cuisine, incapable de rester allongé. Il bouillait de discuter avec Bucky, mais son ami d'enfance était occupé à dormir ou, quand il se réveillait en criant, s'occuper du bébé.
Après que Bruce l'ait envoyé de force se reposer près de Fury, Loki était resté étendu dans le noir, écoutant le blessé respirer doucement. Si seulement Sygin avait tenu quelques minutes de plus, si seulement la balle mortelle s'était décalée de quelques centimètres, il aurait pu la sauver comme il l'avait fait pour leur meneur. C'était tellement cruel, ils venaient tout juste de se retrouver, et tout était de sa faute.
Incapable de dormir, le magicien était retourné dans sa roulotte veiller le couple étendu. Au coucher du soleil, il s'était levé de sa chaise, et avait quitté le chevet de ses amis décédés.
Steve releva la tête avec espoir en entendant la porte de la roulotte coulisser, et ne put cacher sa déception et son inquiétude en voyant le magicien. Il avait les yeux hantés, et ourlés de cernes trop profondes, de ceux qui n'avaient pas dormi depuis trente-six heures.
-Hey, Loki, accueillit le déserteur.
Il eut un temps d'hésitation, puis, en adoptant ce ton qu'on a avec les enfants violents, lança doucement :
-Viens manger une assiette de pâtes, puis tu vas aller dormir.
-Steve, je tenais à m'excuser, murmura Loki pour toute réponse.
Steve en avait vu d'autres, dans sa vie. En Irak, notamment. Ces douze mois derniers, aussi. Mais les yeux verts et rouges du magicien, rivés dans les siens, le firent quitter ses pâtes, doucement lever les bras et les refermer autour des épaules minces.
-Fais pas cette tête-là, Loki, marmonna-t-il contre son épaule. S'il te plaît.
-Je tenais à m'excuser pour toutes les remarques que j'ai faites sur ta lettre, continua le magicien sans se dégager de l'étreinte.
-Quoi ? balbutia-t-il.
-La lettre de Bucky, sous ton oreiller. Que tu te branlais dessus. Tout ça.
-Oh, marmonna le déserteur, ses sourcils froncés d'incompréhension. C'est pas grave.
-Je ne comprenais pas, tu vois, je ne comprenais pas, répéta-t-il. Et maintenant, je donnerais tout pour avoir quelque part où aller la chercher.
-Je sais, souffla Steve en comprenant soudain. Excuses acceptées. Allez, arrête de pleurer maintenant.
Ce fut Yue qui les trouva. Elle eut un sourire d'excuses quand, ayant coulissé la porte, elle les vit se séparer, les pommettes acérées de Loki totalement trempées. Elle demanda en anglais, avec un horrible accent chinois, si elle pouvait filer un coup de main pour le repas. Elle était allée faire un tour dans la gare, et avait négocié ses derniers roubles contre une douzaine d'œufs, auprès d'un fermier russe, vivant tout près de la base qui avait été attaquée, et quittant son pays. Steve, ne comprenant rien à son anglais, fut ravi de réaliser qu'elle pouvait parler russe, puis rudement impressionné par son niveau. Elle les avait rejoints trop tard, en somme.
Alors qu'elle préparait une immense omelette et que Steve étudiait les cartes ferroviaires, le déserteur leva le nez pour observer Loki. Après quelques instants pour rassembler son courage et se promettre de ne pas s'énerver, il demanda au magicien s'il avait parlé à Tony.
-Pourquoi veux-tu que je lui parle, marmonna le magicien, clope à la main et yeux par la fenêtre. Il n'y a rien à dire.
-Parce que tu n'es ni sa mère, ni son petit copain, c'est ça ? railla l'américain.
-Exactement, Steve, s'agaça Loki en tournant la tête vers lui.
-Vous êtes incroyables tous les deux, marmonna-t-il en retournant à ses cartes. Et à qui as-tu piqué ces clopes.
-…Ce sont celles de Sygin, murmura-t-il après avoir détourné les yeux.
Steve soupesa longtemps les mots coincés dans sa gorge. Parce que ce n'était pas les prononcer une fois qui allait changer grand-chose, mais il fallait bien que quelqu'un lui dise.
-Tu le sais… Qu'elle n'est pas morte par ta faute ?
-Fous-moi donc un peu la paix, Rogers. Je ne suis pas venu ici pour te voir, ou papoter avec toi, c'est simplement que j'ai deux cadavres dans ma roulotte.
Steve leva les yeux au ciel.
-Va dormir, s'il te plaît, ordonna-t-il.
-Je t'ai dit de me foutre la paix, Rogers.
-Bah dis donc, y'a de l'ambiance ici, fit une voix féminine en ouvrant la porte.
Darcy fit un clin d'œil à Yue qui lui répondit un haussement de sourcil moqueur. L'italienne se planta devant Loki, et le magicien finit par lever les yeux vers elle.
-Je suis désolée pour Sygin, souffla-t-elle. Merci d'avoir sauvé Nick. Et tu m'as manqué.
Le sourire du magicien était le plus faible au monde, mais c'en était un tout de même. Cela lui suffit pour l'instant. De toute façon, il n'y avait que Tony qui pourrait avoir un résultat concluant.
-Alors, qu'est-ce qu'on mange ? lança l'italienne.
-Des pâtes et des œufs, lui répondit Yue.
-Encore ?! s'étrangla-t-elle.
-Il n'y a plus que ça, fit Steve dans un soupir. On attend une ville plus calme, et d'avoir de la monnaie locale, pour refaire les réserves.
-Aaah, dire que j'ai traversé la Russie deux fois et que je n'ai même pas mangé de poutine, s'exclama Darcy d'un ton désespéré, plongeant les quatre renégats présents dans la perplexité.
-C'est canadien, la poutine, chérie, rectifia finalement la chinoise.
-Comment ça, c'est pas russe, la poutine ?
-Non, leur président s'appelle comme ça, mais les deux n'ont rien à voir.
-Tu n'es jamais allée à l'école, Darcy ? soupira Steve.
-Mon éducation se faisait à la maison, justifia-t-elle en s'asseyant sur le comptoir. J'avais cours d'armes blanches, lista-t-elle sur ses doigts, cours d'armes à feux, cours de négociation, cours de drogue, etc.
Aveugle à la consternation effrayée du déserteur, tout en cherchant un paquet de cigarettes, Darcy continua son babillage :
-Celui-là, j'étais très douée ! À douze ans, je savais mettre dans l'ordre dix échantillons de coke, de la pire à la meilleure qualité.
-Les mafioso font les pires parents du monde, marmonna Steve.
-Et on voudrait que je meure vieille, ponctua-t-elle en s'allumant une clope.
Yue la lui vola et la jeta par la fenêtre sous les protestations de l'italienne. Steve sourit, en se disant qu'il allait bien s'entendre avec la chinoise.
La porte coulissa, et Wanda entra dans le wagon. Elle eut un sourire triste envers Loki et Steve, salua d'un hochement de tête, puis fit un nouveau câlin à son fantôme de grande sœur.
-Tu n'as plus peur, p'tite sorcière ? s'enquit Darcy.
-Ҫa va, je sais que tu es vivante, fit-elle en haussant les épaules. Pietro dort encore, précisa-t-elle. il a très mal dormi aujourd'hui, marmonna-t-elle en se grattant la tête.
Loki regardait par la fenêtre les lumières des maisons s'allumer, et Steve était toujours inquiet pour lui.
Les autres membres de la troupe affluaient dans la cuisine au fil de la nuit qui tombait. Bientôt, à l'exception de Pietro, Tony dormant également, Fury récupérant de ses blessures, et les deux otages, ils étaient tous au complet. Peggy n'était pas en état, et pour Bucky, il avait bien voulu emmener Mia dans la cuisine, mais dû la ramener aussitôt, car la roulotte était devenue un fumoir âcre et irrespirable. Même Amora grillait la sienne, encore en manque de sommeil, et rendue mal à l'aise par la tension ambiante.
-Il faut enterrer nos amis, eut finalement le courage de dire Steve. Il nous manque des lits, avec eux dans ce train. Tony et Loki n'ont nulle part où dormir.
-Je propose qu'on les enterre au bord d'un lac, au nord du pays, lança Darcy.
-La terre est gelée, ce sera long, nota Bruce.
-On n'aura qu'à commencer à l'aube, fit Natasha.
Ses cheveux courts lui tombaient sur le front. L'espionne, comme eux tous ici, avait l'air épuisée.
-Loki, murmura Thor au milieu de la discussion.
Le magicien ne bougea pas d'un pouce.
-Loki, écoute-moi, fit le prince en se rapprochant de son frère. Est-ce que tu consens à ce que Sygin soit enterrée ici, plutôt qu'en Norvège.
-Pourquoi me demandes-tu, Thor, marmonna son frère sans le regarder. Parce que je l'ai tuée ?
-Loki, pour la dernière fois, elle n'est pas morte par ta faute.
-Qu'est-ce que tu en sais, cracha le magicien en le regardant enfin, tu n'étais pas là !
-Loki ! l'interpella Natasha. Elle a été tuée par un mercenaire, comme Phil et Clint, tu n'as rien à voir avec ça.
-C'est injuste qu'elle soit morte ! explosa soudain Loki, se levant de sa chaise. Elle n'avait rien à voir là-dedans, aucune dette envers Nick !
-Elle menait son combat contre Hydra, protesta la russe. Elle était même plus impliquée que toi ou moi.
-Loki, rassieds-toi, tenta Thor.
-Elle n'avait pas à mourir, elle n'était pas une tueuse !
-Loki, tout va bien, assura Amora.
-Arrête tes conneries, fit Natasha en levant les yeux au ciel, ne me fais pas croire qu'une espionne talentueuse comme elle ne s'est jamais sali les mains !
-Nat, calme-toi bon sang ! haussa la voix Darcy.
-Pas comme ça ! réfuta Loki.
-Pas comme Clint, pauvre con ? se mit-elle à crier à son tour.
-ҪA SUFFIT ! tonna Bruce.
Ceux qui étaient déjà à bord du train lors de leur escale à Canton sentirent leurs cheveux se dresser sur leur nuque. Cela faisait bien longtemps que leur médecin n'avait pas fait de crise de violence, et, malgré leur colère et leur chagrin, ni Loki ni Natasha ne voulaient revoir ça. Aussi, ils arrêtèrent dans la seconde de se crier dessus. Le magicien détourna la tête, mit sa veste sur son dos, et ouvrit la porte d'un coup d'épaule. Avant de partir, il lança à la russe :
-Vous n'avez plus besoin de moi, depuis que les cinq traîtres sont morts. J'aurais dû prendre la tangente à Samara. Elle serait encore en vie.
-Ouais, t'aurais dû, cracha-t-elle alors que Loki claquait la porte.
Thor se leva à son tour, enfila sa veste, et rouvrit la porte pour sortir à la suite de son frère. La porte claqua une seconde fois. Quand le calme fut revenu, Steve se passa les mains sur le visage de frustration, grognant :
-Natashaaaa, bon saaang !
-Moi aussi j'ai perdu mon meilleur ami hier, et je ne sors pas les crocs sur tout le monde ! protesta l'espionne.
-Tu le sais, qu'il se sent responsable de sa mort ! Tu aurais au moins pu le caresser dans le sens du poil !
-Comme tu le fais depuis tout à l'heure ? Ҫa marche du tonnerre, bravo ! S'il a besoin de quelqu'un, c'est de Tony, et il se planque !
-On n'est déjà plus très nombreux, tempéra Bruce, il faut qu'on veille les uns sur les autres.
La russe inspira profondément par le nez. Clint lui manquait terriblement. Clint aurait su comment ouvrir les yeux à Tony, et aurait secoué Loki comme un pruneau, jusqu'à ce qu'il ait compris que Sygin n'était pas morte par sa faute.
La porte coulissa à nouveau, et tout le monde tourna la tête vers le son.
-Il est parti je ne sais où, marmonna Thor en essuyant ses pieds couverts de neige fondue.
-Tout ça est manifestement trop frais pour nous tous, intervint alors Amora. A table tout le monde, puis au lit. Pour l'instant, continuons vers l'ouest, et on en reparlera quand tout le monde ira mieux.
Les terroristes recherchés et endeuillés s'exécutèrent sans un mot.
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Loki avait fait une balade dans les rues de Vainikkala. À part de lignes ferroviaires et de douanes, c'était un petit village manquant d'à peu près tout. Il n'avait trouvé ce qu'il se cherchait dans aucun des deux magasins encore ouverts. Aussi, il retourna à la gare pour remonter dans sa roulotte.
Impassibles, Phil et Sygin l'attendaient toujours. Soupirant profondément, Loki prit sa décision.
Thor avait raison. Cela ne rendait pas service à sa meilleure amie, que Loki se torture avec des « si » plein la tête. S'il était parti à Samara, si Fury avait écouté Phil, s'il avait laissé Thor seul en salle des machines, et si, et si, et si.
Le seul moyen de se racheter était de la ramener à la maison. Elle avait droit aux honneurs royaux, et à reposer dans son pays natal, plutôt qu'au bord d'un lac finlandais au nom imprononçable.
De toute façon, il ne pouvait plus rester dans ce train. La prochaine perte, le prochain épluchage de patates par Tony, serait la fois de trop, et il allait tous les tuer en perdant les pédales, comme à Samara.
Il devait se mettre au travail, puis trouver le courage de partir.
Il récupéra une scie dans un de ses coffres de magie, découpa un pied du lit et le remplaça par un tabouret raboté. C'était du noyer de bonne qualité, compact et sans nœuds. Il découpa un couvercle avec la scie, puis, avec un vieux ciseau à bois, le norvégien creusa l'intérieur et, aussi minutieusement qu'il put, sculpta l'extérieur. En n'étant pas trop difficile, on y voyait des forêts enneigés, des loups hurlant à la lune, et des étoiles lointaines. Son travail terminé, il posa la petite boîte devant lui, et fit léviter le corps de Sygin. Ses cheveux noirs emmêlés et poisseux se balançaient sous elle. Il grava son visage dans sa mémoire, puis claqua des doigts.
Le corps s'embrasa en un instant. Les flammes, bien que contrôlées, rugirent furieusement, brûlant de lécher le plafond et d'embraser tout le train. Sous la puissance surnaturelle du feu naissant des paumes de Loki, l'incinération ne dura que quelques secondes. Lorsqu'il ne resta que des cendres, elles se rassemblèrent, et furent précipitées dans la petite boîte sculptée. Le couvercle se souleva et scella l'urne funéraire.
On frappa soudain à la porte, et entra sans attendre la réponse.
Thor toussa et se couvrit le visage quand l'odeur de chair brûlée l'agressa. Les yeux le piquant affreusement, il regarda Loki, puis la boîte sculptée, Phil sur son matelas sans draps, et le sac de voyage. Sans réfléchir, il lâcha :
-Je ne reste pas si tu pars.
Son frère avait prononcé ces mots sans inflexion particulière. Ce n'était pas du chantage, ce n'était pas un ultimatum. Il aurait utilisé le même ton pour dire « Oslo est une belle ville » ou « le steak de gruyère se compose d'une plaque de fromage, d'œuf battu et de chapelure de pain ». C'était une vérité banale, comme il en existait mille autres sur Terre.
Loki soupira par le nez. Le truc chiant avec la vérité était, qu'on pouvait dire ou faire ce qu'on voulait, c'était comme ça, et puis c'était tout. Oslo était une belle ville, le steak de gruyère était une recette simple quoique légèrement écœurante, et Thor viendrait avec lui.
-Fais tes affaires, capitula le magicien. Je m'en vais cette nuit.
Son frère ne répondit rien. Il se contenta d'hocher la tête et de repartir vers sa roulotte. Il croisa quelques fantômes alors qu'il parcourait le train. Certains étaient sur leur lit, des vieilles photos et lettre gisant dans leurs mains. D'autres s'occupaient en parlant tout seul, caressant un chaton en l'appelant par un nom saugrenu.
La seule chose qui ne lui fit pas trop de peine, ce fut de croiser l'otage d'Hydra dans la cuisine. Elle contemplait les fenêtres allumées des maisons au dehors. Ses mains se réchauffaient autour de sa tasse de thé, et son visage avait retrouvé des couleurs. Elle tourna la tête à son passage, les épaules légèrement tendues, mais le norvégien lui sourit, et elle le lui rendit.
De retour dans sa roulotte, il prit le temps de regarder le plafond, et de formuler qu'enfin, enfin, il rentrait chez lui. Après deux ans de tour du monde, après avoir vu tant de visages burinés, fardés, bridés, tatoués, après avoir vu le sable, les lacs, les immeubles, les montagnes et les temples, il allait retrouver les peaux trop pâles et les sapins couverts de neige. Après tout ce temps, il rentrait à la maison.
Quand Amora entra sans prévenir, et le vit en train de mettre des vêtements chauds et quelques souvenirs dans un grand sac, elle lâcha :
-Je ne reste pas si tu pars.
Amora aurait utilisé le même ton pour dire « Berlin est une belle ville » ou « les choux de Bruxelles c'est dégueulasse ». C'était une vérité banale, comme il en existait mille autres sur Terre. Le truc chiant avec la vérité, était qu'on pouvait dire ou faire ce qu'on voulait, c'était comme ça, et pas autrement.
L'aurore était proche quand Loki termina de rassembler ses affaires. Il avait déjà brûlé tout ce qu'il ne comptait pas emporter. Il avait cette volonté étrange de ne laisser aucune trace de lui à bord de ce train. Dans sa roulotte, il ne restait que l'armoire, le bureau, le sommier et le matelas avec Phil allongé dessus. Tout était dans son sac, et le wagon était entièrement vide de sa présence. Pourtant, il lui manquait quelque chose.
Pris d'une soudaine impulsion, il rouvrit son bagage et en sortit son jeu de carte. Il ouvrit le paquet et étira le jeu en éventail. Il contempla les figures et les nombres d'un air impassible, puis baissa la tête dans un soupir.
Bien sûr, il manquait le valet de cœur.
Il passa par dehors pour ne réveiller personne. Arrivé devant le wagon de Tony, il passa par la porte de coté, celle qui faisait moins de bruit.
Malheureusement, l'espion ne dormait pas aux pieds de Clint comme il l'avait espéré. Il était assis sur une des deux chaises de la roulotte, et avait une carte à jouer dans sa main. Sans relever la tête, il la fit glisser sur la table vers Loki.
-C'est ça que tu veux ?
Elle était bien abîmée, la pauvre carte, toute froissée et écorné, avec l'encre du cœur s'effaçant légèrement. Elle avait été glissée dans une poche, un soir d'hiver, avec un foulard multicolore, une pièce trouée de cinq couronnes norvégiennes, et des gants de cheminots. Loki, blaguant, aimant bien le nouveau, lui avait dit de garder la carte tant qu'il n'aurait pas compris le « truc ». Elle avait été trempée puis séchée sur une corde à linge, quand, à la cascade entre Lanzhou et Urumqi, Tony avait dû remettre ses vêtements sans se sécher, car Loki avait volé sa serviette. Elle avait été trouvée sous une chemise, entre Samara et Moscou, le cœur sous elle s'étant arrêté de battre, et les mains au-dessus tentant désespérément de le ranimer.
Et elle était là.
Oh dieu, les souvenirs, ces petits enfoirés.
-C'est Amora qui m'a prévenu, lança Tony. Elle vient avec vous, au fait, si t'es pas au courant.
Loki récupéra la carte sans dire un mot.
-Tu te casses vraiment, en fait, constata l'espion. Alors quoi, tu vas partir sans dire au revoir, comme ça, parce que tu es terrifié ?
-Tu as compris le truc, non ? Donc tu peux me la rendre.
Tony se leva et voulut lui mettre un pain, mais faible comme il était, son poing fut facilement arrêté par la paume de Loki.
-Je ne voulais pas savoir le « truc », tu vois, cracha-t-il.
-C'est ça la magie. Tes yeux brûlent mais tu ne veux surtout, surtout pas savoir.
-Laisse-moi te frapper. Pourquoi tu pars, bordel ?
-Le spectacle est terminé, Tony. Je rentre chez moi.
-C'est nulle part, chez toi, Loki.
-Justement, ce n'est pas ici non plus.
Leurs mains se séparèrent, et Loki rangea la carte dans le paquet. Puis il releva lentement les yeux, et Tony soupira.
-Ne reviens pas, ordonna-t-il.
-N'épluche plus jamais de pommes de terre, fit Loki dans un sourire moqueur et triste.
L'espion attrapa l'assassin par le col de son manteau. C'était de ses baisers douloureux, auxquels on ne voulait plus penser après, qui laissent un goût amer sur les lèvres. Ils restèrent proches une poignée de secondes, jusqu'à ce que la douleur soit trop forte, jusqu'à ce qu'ils aient envie de vomir, puis Tony le lâcha en lançant :
-Barre-toi, putain de magicien.
Quand Loki descendit de la roulotte en ayant arraché tout ce qui le retenait ici, Thor et Amora l'attendaient déjà, un sac à dos sur leurs épaules et les yeux légèrement rouges.
Ils quittèrent le train avec un sentiment très étrange étreignant leur poitrine. C'était comme laisser derrière soi la maison de son enfance, avec toute sa magie, ses souvenirs, et le visage de ceux qu'on avait aimés. Le grincement du parquet, l'odeur du riz au curry et les éclats de rire, ricochant sans fin dans notre boîte crânienne.
Ils y avaient passé plus d'un an de leurs vies, après tout.
Sans pouvoir s'en empêcher, Loki dut jeter un dernier regard au train, et il vit un Nick Fury boitillant se diriger vers eux. Il ne se dépêchait pas pour les rattraper. Il s'appuyait sur la cane de son costume de M. Loyal, boitillant calmement, tranquillement. Comme s'il savait parfaitement que ce serait trop dur de partir sans se retourner, qu'ils allaient le voir, et qu'ils allaient l'attendre.
-Règle numéro sept, Loki, lança le vieil homme noir une fois qu'il fut sûr qu'ils l'entendraient.
Le magicien fronça les sourcils. Ces fichues règles. Il n'avait jamais su s'en rappeler. Tout comme les chiffres en anglais quand il était en primaire, il devait toutes se les réciter depuis le début pour en trouver une en particulier. Règle numéro une, être utile, règle numéro deux, ne pas balancer le nom des autres, règle numéro trois, pas de photos, règle numéro quatre, pas d'armes, règle numéro cinq, ne pas se fier aux apparences, règle numéro six, pas de sexe, règle numéro sept…
Si tu veux quitter ce train, fais-le, mais sans rien prendre, ni blesser personne
-Tout ce que je prends est à moi, affirma Loki, et tant que tu me laisses partir, je ne blesserai ni tuerai personne, termina-t-il avec une légère menace dans sa voix.
Le meilleur ami de Phil Coulson baissa les yeux, regardant la petite boîte en noyer que le magicien tenait à la main.
-Peut-être auraient-ils voulu reposer côte à côte, souleva-t-il.
-Elle a droit aux honneurs royaux de Norvège pour ce qu'elle a accompli, refusa Loki. Et sans preuve Adn, ils ne la déclareront que comme disparue.
-Tu vas faire des blessés, en partant, affirma ensuite le meneur.
Les épaules de Loki s'affaissèrent.
-Loin de vous, je ferai moins de mal qu'en restant ici.
Fury soupira, montrant qu'il capitulait. Ses jambes ne le portaient déjà plus, il était incapable de leur courir après. Parfois, la liberté, c'est laisser partir, songea-t-il en sortant une enveloppe de sa poche.
-Si c'est ce que tu crois. Elle avait laissé ça pour toi, fit l'espion en lui tendant une lettre.
Quand Loki l'eut dans les mains, il releva la tête, un air méfiant et triste sur son visage.
-Je suis désolé, fit Nicholas d'un ton sincère. Faites une bonne route. Et, si d'aventure, l'un ou l'une d'entre vous veut revenir… nous serons le 24 décembre à Berlin, au checkpoint Charlie.
Ils comprirent le message. Amora, les mains tremblantes, avaient plein de mots se précipitant contre ses lèvres, mais n'osait ramener à la surface les moments douloureux, le soir où Maria était morte, et ce jour sanglant où Phil et Nick lui avaient donné une seconde chance.
Thor, lui, hocha simplement la tête.
Ils se séparèrent, avec entre eux une quantité infinie de non-dits, et aucune promesse.
Alors qu'ils se remettaient à marcher, le magicien coinça la petite boîte dans son manteau pour se libérer les mains. Il déplia la lettre avec précautions, puis une fois qu'il l'eut entre ses doigts, fit apparaître une flamme dans sa main gauche. Plissant les yeux dans l'obscurité du matin, et gardant un œil sur le chemin, il commença à déchiffrer les pâtes de mouche de Sygin.
Loki,
Tu sais, avant chaque mission pour Oslo et Hydra, je jetais la lettre d'adieu précédente et en écrivais une nouvelle, à te remettre si ça avait été la dernière fois que je mettais les pieds au palais.
Bon, là on est bien préparés, on devrait s'en sortir, mais je connais le karma, il suffit que j'écrive pas celle-ci pour que je ne revienne pas.
D'habitude, j'y écris que je t'aime, de pas être triste etc, mais ça, puisque je t'ai pisté autour du monde, tu dois être au courant, et ne pas être triste, ben, comment dire, ce serait un peu cruel que je parte comme ça alors qu'on s'est retrouvés, alors je vais surveiller mes arrières d'accord.
Mais au cas où, j'ai quelque chose à te dire. Nos contacts russes ont fait parvenir au palais les caméras vidéo de la gare de Samara, et sa majesté vous a reconnu dessus. Elle m'a donc fait vous traquer. De mon coté, j'ai également reconnu Fury pour l'avoir vu dans les affaires classées d'Hydra, et puisqu'un train est invisible pour nos moyens de surveillance, j'ai décidé qu'une pierre deux coups ne pouvait pas faire de mal. Comme l'ONU est totalement tenu par les coui poignets par la Pieuvre, si une escouade indépendante se pointait à Saint-Pétersbourg pour faire sauter le QG, le monde s'en porterait mieux, et si mon meilleur ami en fait partie, alors j'ai gagné l'Euro million. Comme j'ai 140 de QI, ça n'a pas loupé.
Tu me diras, ce n'est pas étonnant qu'Odin traque ses fils disparus dès qu'il en a la moindre trace. Ne juge pas Big Father trop vite : il est très malade. Votre disparition à peine un an après la mort de votre mère a sans doute favorisé une rechute. Il a accepté la chimio parce que le trône est sans héritier, et s'il va beaucoup mieux depuis qu'il se passe vos vidéos en boucle… Il faut vraiment que vous reveniez. Pas seulement pour demander à Thor de faire la transition, il veut surtout te voir toi, Loki.
Tu voudrais sans doute aller voir ta mère biologique d'abord, ou ne pas voir Odin du tout, mais prends vite ta décision, les médecins sont pessimistes.
À ça j'ajouterais quand même que, mis à part l'ex bras droit du Shield qui est mon idole depuis l'école militaire (il a une classe incroyable, tu trouves pas), te retrouver fut ma bouffée d'air pur dans ce monde insensé, et je suis vraiment, vraiment heureuse depuis que je suis parmi vous. Je compte vous accompagner à Oslo, Thor et toi, mais ça peut pas faire de mal d'être accompagnés par votre smala de tueurs, non ?
Je te laisse, Nick revient m'emmerder, il a sans doute encore oublié comment j'ai codé « salle de surveillance » sur mon plan.
Fais gaffe à tes fesses que j'aime,
Ta meilleure amie, Sygin
Alors qu'ils s'éloignaient de la gare de Vainikkala, Finlande, et du cirque itinérant arrêté là, Loki Odinson pleurait sans bruit.
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"And if you were to ask me
After all that we've been through,
I still believe in magic.
Oh yes I do.
Yes I do
Of course I do."
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Plus qu'un chapitre douloureux, et ensuite j'arrête de vous faire pleurer. Promis. Écoutez-vous Renegades pour vous remettre la pêche.
Et désolée, mais mon stage se finit vendredi, et qui dit reprise des cours, dit pause des projets en cours. Donc je ne sais pas combien de temps je vais pouvoir maintenir ce rythme hebdomadaire.