Tout au long de cette histoire, les dialogues en gras sont en chinois, ceux en italique en russe et les simples en anglais. Les autres langues seront signalées. Sur ce, je te souhaite un bon voyage.
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Xi'an, Chine, un 29 janvier
Tony prit une inspiration, et expira par le nez. Il allait mourir de froid s'il continuait.
« Tony Stark, espion renommé, mort de froid en Chine. »
Quelle belle épitaphe.
Enfin, il entendit du bruit. Il n'en pouvait plus de cette mission. Il fit quelques génuflexions pour se dérouiller (trois heures qu'il attendait dans le froid. Trois heures) et quitta l'ombre du wagon.
Un rendez-vous en pleine gare marchande, avec juste un croissant de lune pour éclairer les visages et les mensonges. C'en était presque lyrique.
Son contact s'avançait vers lui. Son flingue lui chatouillait les côtes et sa main fourmillait. Le décor était trop bien choisi pour que cet échange ne se déroule bien. Ça sentait mauvais, très mauvais, et ce n'était pas la coriandre de ce midi qui lui remontait dans la gorge.
Il détestait la Chine.
-Tony, murmura Rhodes dans son oreillette, je tiens à te dire que je n'aime pas ça.
Il ne répondit pas.
-Qui va là ? lui lança son contact en mandarin.
-Ta petite pomme, répliqua Tony dans la même langue.
Il en avait marre de la Cpop, marre de la bouffe épicée, marre des chinois et de leurs crachats bruyants. Il voulait juste rentrer à la maison en un seul morceau.
-J'ai ce que tu cherches. Et toi ?
L'autre s'était approché et Tony pouvait voir son air hostile et inquiet. Soit c'était un très bon acteur, soit il avait vraiment ses informations. Bien, très bien, ça sentait moins mauvais. Rhodes soupira de soulagement dans son oreillette.
Tony dégagea sa mallette de derrière son dos.
-J'ai ton argent, répondit-il calmement.
Le sous-fifre du haut placé au gouvernement avec lequel il commerçait tendit une boîte au plomb, et Tony lui tendit sa mallette en retour. Ils ouvrirent les mécanismes en même temps, et Tony vérifia la clef usb qu'on lui tendait tandis que l'autre vérifiait les 500 millions de yuans.
Il la scanna avec un petit appareil que lui avait filé Yinsen, et put voir qu'elle n'était pas piégée, avec apparemment assez de données pour correspondre avec les secrets d'état qu'elle était censée contenir. Sans quitter des yeux son contact qui comptait son argent, il l'inséra dans un smartphone prévu pour, et de ce qu'il aperçut, tout était là. De quoi faire pression pour libérer leurs agents.
Il allait s'autoriser le premier sentiment positif de la journée quand il entendit un « clic » qu'il avait bien trop entendu durant sa vie. Sans perdre le temps de tourner la tête, il se précipita vers l'ombre tandis qu'une mitraillette fauchait son partenaire en affaire.
-Merde merde merde, jura Rhodes dans l'oreillette. Ils ont brouillé nos détecteurs de chaleur.
-La sortie Rhodes.
-Oh putain, marmonna Rhodes d'une voix blanche.
Ça, ça sentait son épitaphe à plein nez.
-Tony, il y avait un cheval de Troie dans la clef.
-Rien qu'on n'avait pas prévu Rhodey, grogna Tony en courant pour sa vie, son Beretta à la main. Je veux un moyen de sortie !
Dès l'introduction par Tony dans la smartphone connecté à leur réseau, Yinsen, aux USA, était censé être prêt, et laisser entrer les infos sans rien les laisser prendre au passage.
-Le virus a eu le temps de craquer la dernière injective de la CIA. Tony, tu étais dans le contrat, ils t'ont vendu.
Son sang se glaça.
Il n'était pas vraiment étranger à la trahison. Ils se connaissaient bien, tous les deux. Il avait souvent dû assassiner froidement les personnes pour qui son cœur avait un instant battu.
Alors cette course dans le froid était vraiment comme une vieille amie qui lui présentait au cours d'une soirée sa meilleure pote nommée la Mort
Une rafale de mitraillette cribla le sol juste devant lui, la partie maintenant éclairée par un projecteur. Apparemment, ils avaient déterminé sa position, et personne ne viendrait l'aider.
-Je suis désolé Tony, murmura Rhodes, ils contrôlent tout le secteur, deux mitraillettes dans des miradors- oh toi va te faire foutre, laisse-moi parler, protesta-t-il à un agent derrière lui, et j'aperçois une escouade à terre- non je ne raccroche pas, petit connard bureaucrate, toi, tu dégages !
-T'inquiète mon pote, c'est pas grave, dit Tony en comprenant qu'on lui ordonnait de le laisser tomber. T'as été un as.
-Reste en vie. »
C'était un ordre.
Ses adieux faits, Tony coupa aussitôt son communicateur et l'écrasa du talon. S'il voulait survivre un peu plus longtemps, il devait se débarrasser de tout ce qui le reliait à la CIA, car maintenant les services secrets chinois et internationaux avaient accès à tout : ses identités secrètes, ses codes, ses diverses cartes bancaires, et même sa position gps. Sans doute le traçait-il avec en ce moment, ragea-t-il en jetant par dessus son épaule ses trois téléphones, sa montre et deux trois gadgets du genre.
Dans la nuit et les balles, il y eut un long sifflement de train.
Tony profita de la surprise des tireurs pour traverser l'espace éclairé et zigzaguer entre les wagons. Ce train était sa seule chance.
Sans plus aucune aide de cartographie ni de Rhodes, il se laissa guider par le son.
Il sauta entre deux derniers wagons, et enfin il le vit débouler juste devant lui, ayant ralenti pour un virage. Il pouvait le faire, il était à l'ombre d'un autre train, il allait réussir !
-S'il vous plaît ! cria-t-il en courant à coté. Laissez-moi monter ! Pitié !
Une porte coulissa, et une tête apparut. Un homme de quarante ans, typé occidental. Le train prenait de la vitesse, et Tony peinait à rester à la hauteur du type.
-Qui es-tu?lui cria-t-il.
-Un homme mort ! cria-t-il, désespéré. Ils vont m'avoir ! PLEASE !
Ses côtes hurlaient, il était à bout du souffle. Désespéré, il regarda la tête s'éloigner de lui et un, deux wagons lui passer devant.
Non, non, l'escouade au sol allait rapidement le rattraper, il allait mourir ici s'il ne montait pas.
Il refusa de regarder combien de wagons il lui restait, et continua d'implorer pitié dans toutes les langues qu'il connaissait. Devant lui, il y avait le wagon de tête du train qui le protégeait du projecteur, et les snipers l'auraient alors en pleine lumière. Il ne pouvait pas continuer plus loin, il devait laisser ce train lui filer sous les doigts.
Alors qu'il allait s'écrouler d'épuisement juste avant le raie de lumière, deux mains lui agrippèrent le col et une troisième le bras. La mitraillette rugit aussitôt, et la douleur lui déchira l'épaule, mais on eut le temps de le hisser dans le train et de fermer la porte avant qu'il ne soit transformé en passoire.
Alors qu'allongé sur le plancher, il tentait de reprendre son souffle et de ne pas trop gémir, on lui braqua une lampe en plein visage. Il cligna des yeux, et finit par distinguer une jeune femme rousse et un type brun qui le fixaient.
-Qui es-tu ? lui demanda agressivement la jeune femme.
-Je ne comprends pas le russe, haleta Tony.
-Qui es-tu ? reprit-elle en anglais.
-Un homme mort, haleta-t-il.
-Précise ! aboya-t-elle.
-Natasha, il est blessé.
-Et armé, Clint, répliqua-t-elle. Qu'as-tu fait aux chinois ? Drogue ? Hackage ?
-Espionnage, souffla-t-il.
Ça ne servait à rien de mentir. Il n'avait pas d'autre issue, de toute façon.
-Et ton agence, continua-t-elle, impassible.
-Ils m'ont vendu, avoua-t-il.
Elle resta un instant impassible puis finit par hocher la tête, et le dénommé Clint le prit comme un signal pour lui faire retirer sa chemise. Il se redressa pour observer les dégâts, et en effet, il avait un trou pissant le sang dans le haut de son bras. Il pria pour qu'elle n'ait pas touché l'os et n'ait que sagement traversé les muscles.
-Serre les dents, lui commanda l'homme, trentenaire, occidental, un accent britannique, en soulevant son bras. C'est bon, la balle est sortie, constata-t-il en reposant le bras et en retirant sa propre chemise pour bander la blessure. Ça ira.
-Quelle agence ? continua la rousse, imperturbable.
Tony eut la force de lever les yeux au ciel.
-CIA, souffla-t-il.
-KGB et MI6, bienvenue au club, lui répondit l'homme dans un sourire, recevant une tape sur le crâne de l'autre.
-Bien sûr, divulgue des infos classées S à un autre espion, c'est exactement la chose à faire, répliqua la rousse.
-Ils nous ont vendus. On est plus des espions. Juste des âmes en peine dans un train, avec un chapiteau et des poneys.
Tony mit sur le compte de l'anémie qu'il y ait des poneys dans le train qui lui sauvait la vie et l'emmenait loin d'ici.
-Vous allez où ? s'enquit-il, toujours en anglais.
-De part le monde.
-Ça me va, fit-il en se rallongeant.
Car tout commençait à tourner légèrement. Les lits, le plancher, les objets bizarres. Malgré ça, il avait identifié des habits orientaux, une qipao, des couteaux, un bidon d'essence…
Apparemment, il avait échoué dans un cirque itinérant.
Eh bien, pourquoi pas.
Il entendit des bruits de pas et se tendit instinctivement, mais ce n'était que le mec qui lui avait d'abord ouvert la porte. Un visage impassible, un fantôme de sourire un peu inquiétant sur les lèvres.
-Eh bien. Il s'en est fallu de peu.
-Merci, souffla Tony. Vraiment, merci beaucoup.
-Ne dis pas merci, on compte bien se faire dédommager.
-Ouais, ajouta une jeune femme qui venait d'arriver. Parce que j'en ai marre de faire la cuisine.
Bon. Eh bien, il y avait pire, comme période transition.
-Et de faire le lavement de l'éléphant.
Attendez. Quoi ? Faire un lavement, à un éléphant ?
Combien ça pouvait déféquer, un éléphant ?
Il avait lu quelque part que quelqu'un était mort étouffé comme ça.
L'adrénaline se répandit dans ses veines et il songea à sauter du train.
Un flash l'aveugla subitement.
-Dééteends-toi ! reprit-elle en riant et en tapant frénétiquement sur son téléphone, je voulais juste voir ta tête. On a pas d'éléphant, c'est trop cher et dangereux. Ton expression faciale est impayable, tu veux voir ?
-Darcy, et si tu allais prévenir ceux qui ne dorment pas qu'on a un nouvel homme à tout faire.
-Reçu Phil.
… Bien. Il verrait tout ça quand il aurait moins mal au bras.
Il entendit la jeune femme rousse lui interdire de s'évanouir ici parce que c'était sa roulotte, puis perdit connaissance.