Note de l'auteur: Reculer pour mieux avancer. Adaptation très libre du livre qui a inspiré le film éponyme. J'essaierai de publier toutes les deux semaines, n'hésitez pas à me mettre la pression par MP, ça me fera du bien n_n


Prologue

Introibo ad altare Dei


Lundi18 Novembre

Figurez-vous : le soleil sort de sa somnolence, et illumine l'air hivernal, frais de la ville en y dardant ses froids rayons. Les habitants se réveillent au rythme de la montée de l'astre dans le ciel, chacun à son rythme, chacun s'armant à sa manière pour attaquer la journée. Où sommes-nous? A New-York, voyez: la baie, les gratte-ciel. Ses rues implacablement quadrillées et ses taxis jaunes. Des animaux, des machines, des hommes…mais aussi des femmes.

Surtout des femmes, en fait. Des femmes différentes, qui revêtent chacun une armure adaptée à l'environnement masculin qui parfois se fait hostile.

Élégante : habillée avec goût.

Oui, Ginevra Weasley était sans conteste une femme très élégante. Ce matin là, équipée d'un tailleur bleu ciel et blanc, grifféd'une grande marque, elle s'affairait à la préparation du petit-déjeuner de son Potter de petit-ami. Ce dernier ne travaillait pas pour aujourd'hui et était encore endormi, confortablement enseveli sous un monticule de couverture ignorant superbement la vague de froid qui sévissait dehors. Ginny s'arma d'un sac en cuir bleu dur puis enfila ses escarpins aux couleurs accordées. Un dernier regard, mi-amusé mi-attendri, quelques secondes pour embrasser son homme sur le front, et la voilà prête à guerroyer vers son lieu de travail.

Sophistiqué : très recherché, étudié, qui laisse peu de place au naturel.

Il est rare de trouver des personnes qui, dans leur style au moins quotidien, se trouve être en harmonie avec cette définition. Pourtant, Luna Lovegood (surnommée parfois avec condescendance Loufoca), est de celles-ci. En ce dix-huitième jour du onzième mois, elle faisait une fois de plus étalage de son excellent goût en matière de mode, mais également de son excentricité légendaire.

Ignorant la température en dessous du zéro et sous le regard à la fois impressionné et abasourdi des passants, elle se rendait au studio de photographie qui l'employait uniquement vêtue d'une tunique mauve à col V, en tissu fin (d'aucun diront même : presque transparent), brodé d'arabesques élaborées aux teintes violine, parme et blanc. Sur cette tunique, (descendant seulement à mi-cuisses), elle avait enroulé autour de sa taille un foulard en tissu fluide, aux reflets mauves également agrémentés de motifs baroques d'albâtre et compliqués. Un panier en osier violet faisant figure de sac, et une paire de spartiate en velours améthyste complétaient le tout. Elle était tout simplement détonante, comme sortie d'une page de magazine annonçant l'été.

« Ravissante, soulevant les esprits : elle suscite l'admiration. Elle balaye les cœurs sur son passage, plus violente et éblouissante qu'un orage en été. C'est à mon sens, la vision que doit offrir à la société toute femme qui se respecte. C'est à mon sens, la vision de la femme Roseway ».

Rédacteur en chef, critique de mode et homme d'affaires, Draco Malfoy.

Négligée : état d'une personne habillée sans recherche.

Hermione Granger est certainement le plus bel exemple de négligence (entendu dans ce sens) que l'on puisse trouver dans les environs de la Grosse Pomme. D'origine Anglaise et (paradoxalement) fervente adhérente du cartésianisme, elle préférait le pratique au superflu, avait pour habitude de préférer le simple au trop complexe. Pragmatique réaliste, elle se fiait au fond, et se méfiait de la forme.

C'est sur cette dernière que notre histoire braquera ses projecteurs, et il n'est pas anodin que nous commencions par cette matinée froide particulièrement : aujourd'hui était un jour important pour elle, puisque qu'aujourd'hui elle avait rendez-vous pour passer un entretien très important avec à la clef, un poste qui lui permettrait d'ouvrir les portes susceptibles de propulser sa future carrière.

Et quel pédigrée, cette Hermione là : un double Bachelor en lettres comparée et en histoire de l'art, complété d'un double Master Degree en Journalisme et Sciences sociales : le tout parachevé d'un doctorat (ayant raflé tous les prix universitaires) sur les formes de liberté d'expression et de la transmission des informations à travers l'histoire parmi les peuples opprimés.

Tout un programme.

Presque dix ans d'études donc. Quel besoin après cela y a-t-il de chercher du travail : les employeurs devaient se bousculer à sa porte.

Eh bien justement…non. Pour des raisons que l'on exposera plus tard dans l'histoire, Hermione se retrouve bien embarrassée : exilée en Amérique et peinant malgré son brillant cursus à se trouver un emploi.

Pour y remédier, elle avait écumé les agences d'emploi et fini par décrocher le Saint Graal : un rendez-vous pour un entretien d'embauche, avec à la clef…hein ?

Un poste de …deuxième assistante ?

Au sein de l'entreprise Roseway !?

Mystère : pourquoi jouer les secrétaires améliorées au cœur de la rédaction en chef d'un magazine de mode ?

Enfin, pas n'importe quel magazine : c'est le média qui dans sa spécialité est le plus influent, et sa popularité n'a cessé de croître, particulièrement ces deux dernières années.

Mais à l'image de notre héroïne, restons calmes, ne nous affolons pas. Laissons le scénario se réveiller tranquillement lui aussi, et suivons Hermione dans ses calmes préparatifs matinaux : une douche brûlante, un petit-déjeuner réconfortant. Au moment de quitter son pyjama, encore transie de sommeil elle attrape à tâtons dans sa penderie un jean noir, une chemise blanc cassé et un blazer : professionnelle, sans en faire trop. Et par-dessus tout : chaud et confortable, histoire de ne pas subir le vent trop durement.

Il est huit heures, et elle n'est pas attendue avant dix heures aux bureaux mais bien qu'installée depuis deux petits mois, elle connaît déjà parfaitement les méandres des transports en commun New-Yorkais et préfère prévenir que guérir : en route donc, avec pour seule escale le kiosque à journaux pour passer en revue la presse internationale.

« Voilà, ça c'est tout Hermione. Discrète et silencieuse, quand elle se perd dans la foule- mais ne vous y trompez pas : elle brille de mille feux une fois qu'elle commence à parler.»

Psychanalyste, Ron Weasley.

Inconsciente et insouciante du peu de recherche apparent de sa tenue, la britannique ne semblait nullement dérangée par le fait qu'elle allait passer un entretien dans une revue de mode aussi simplement vêtue. Son côté Anglais était plus fort que tout, et il martelait : ce sont les capacités qui comptent. Oui mais seulement voilà : la mode est un milieu impitoyable, surtout en Amérique. Ce marché est souvent comparé à une jungle ou règne la loi du plus fort, ou plutôt, la loi du plus beau.

Bien en avance, elle patienta au café, collée au radiateur, le temps que les aiguilles achèvent leur tour de cadran. Neuf heures trente. Temps de se diriger vers les imposants bureaux de Roseway, temps d'en franchir le seuil et…de prendre la mesure du contraste entre dehors, et ce qui se passait dedans.

Entre la rue et le pallier s'opposent deux mondes différents. Le premier est peuplé de gens comme vous et moi, emmitouflés dans des capes, bonnet jusqu'aux yeux et priant pour ne pas arriver en retard là où nous sommes attendus. Le deuxième, c'est l'Olympe : dans un atrium brillant, doré, se déplaçaient légères et distinguées femmes, des femmes à perte de vue : grandes, sveltes, habillées selon la dernière mode (lancée par le magasine). Les sourires pour la plupart sont faux et commerciaux : un primeur qui sait au moment où vous passez à sa caisse que la pastèque qu'il vous a choisi ne sera pas sucrée et délicieuse qu'il vous le promet.

« La publicité est un curieux mélange de religion et d'impiété. Elle créée des fantasmes chimériques qui sont vouées à devenir les dogmes de notre société. Elle véhicule nos nouveaux canons, le publicitaire est le nouveau grand ordonnateur, le décideur de nos sociétés. Est-ce un bon culte ? Eh bien, tout dépend de la valeur que vous accordez à votre personne… ».

Professeur d'université, sociologue, Arthur Weasley.

Déconcertée, mais refusant d'être déstabilisée par ce qu'elle voyait Hermione se dirigea calmement vers les portes de l'ascenseur, suivant les panneaux qui lui indiquaient le dernier étage. Le joli tintement de la sonnerie annonçant la fin du trajet se fit entendre. Réajustant la sangle de son sac à main, elle entreprit de traverser le couloir qui s'étendait devant elle dans le but de trouver un interlocuteur pouvant l'annoncer auprès du patron.

Seulement voilà, sa prière fut trop rapidement exaucée : deux pas et déjà une prise à parti. Qui est-elle ? Une belle (et donc jeune) demoiselle aux cheveux noirs à la coupe courte raide mais élégant, comme son maintient. Ses yeux verts poisons était réhaussés par le raffinement la tenue qu'elle portait, et encore mieux mis en valeur par l'effet d'un léger foulard de soie orange savamment noué autour de son cou. Son minois était plutôt joli, mais gâché par l'aura indéfinissable qu'elle répandait alentours. Hermione eut un imperceptible geste de recul, et se força à sourire poliment quand l'inconnue commença à parler.

-Hermione Granger. Drôle de sens de l'humour, ces ressources humaines, vous ne trouvez pas ? Grimaça-t-elle sans chercher à masquer une exaspération claire, ostensible, palpable.

Sympathique entrée en matière.

-Elle-même, garantit pourtant calmement la jeune anglaise.

A qui on ne la faisait pas.

-Eh bien, suivez moi, soupira théâtralement son interlocutrice, libérant le passage d'un mouvement impatient de la main. Je me présente : Pansy Parkinson, l'équipe a tendance à m'appeler Pansy, mais essayons de ne pas être trop vite en first name terms, si tu vois ce que je veux dire. Je suis la première assistante du patron ici- depuis peu dirons certains certes, mais je suis dans la boutique depuis presque huit ans alors crois-moi je sais comment ça tourne. Lorsque l'ancienne première assistante –donc pas moi, celle qui était là avant et qui justifie qu'une place se soit libérée, tu me suis ?–a eu une promotion il y a quelques mois, j'ai pu obtenir le poste : donc je l'ai mérité, pas de déni d'autorité qui est ici parfaitement légitimement établie, bien clair ça ?

Hermione eut grand peine à ne pas lever son regard désabusé au ciel, affligée par tant de pompe et de vanité. Résolue à rester discrète, elle décida d'adopter une stratégie qui lui permettrait à la fois de mettre en sécurité et de jouer les innocentes. A appliquer tout de suite pour désamorcer toute attaque frontale : autant avoir l'air d'une complète débutante.

Commencer par le commencement :

-Le patron ? demanda-t-elle, de façon aussi fausse que candide. Dans un magazine de mode, n'est-il pas plus logique d'avoir une femme en tête plutôt ?

-Oh mon dieu !

L'expression de profond atterrement sur le visage de Pansy lui permit de déduire qu'elle avait au moins réussi à l'amadouer.

-Je vais… oublier que j'ai entendu cette question. Le patron, donc disais-je, rédacteur en chef de Roseway grâce à qui le monde tourne encore correctement autour du soleil : Draco Malfoy.

Et la brune, de retenir un rictus amusé.

-Voilà qui me semble être un destin fabuleux, convint Hermione.

Pansy eut un moment d'arrêt, ponctué d'un tic assez disgracieux et difficile à interpréter.

-Euh…oui, passons, poursuivit-elle néanmoins. C'est moi qui m'occupe des entretiens d'embauche, alors ce que nous allons faire c'est que…

Tout en discutant, elles étaient arrivées dans une pièce donnant directement sur le bureau du grand patron, une pièce immense, aux murs entièrement fait de verre épais et dont la vue donnait sur tout New-York. Le panorama était exceptionnel…et bien évidemment, inaccessible à l'employé lambda.

« On dirait que le patron fait un GROS complexe de supériorité vis-à-vis du reste de l'humanité » pensa Hermione avec un petit sourire.

-Très bien, fit Pansy, interrompant Hermione dans ses pensées. Commençons par les basiques. Tu sais répondre au téléphone ?

-Mmh…oui.

-Es-tu capable de considérer le décrochage du combiné comme un DEVOIR impérieux auquel tu sauras te soustraire quelles que soient les conditions ?

-Que…

-Quelles que soient les conditions ?

-Je…oui-

-Et si je ne suis pas là, que personne n'est disponible, peut-on compter sur toi pour être alerte et gérer les différents standards avec efficacité ?

-A moins que je ne meure à la tâche, oui, répliqua Hermione, un peu agacée de ce que cet « entretient » avait d'improvisé et de légèrement hystérique.

-Oh non. Non, non, non, non, et non. Non. Même si tu meures, reste à ton poste. C'est tout ce qu'on te demande. Ici, c'est la première ligne, un front toujours ouvert, toujours attaqué : du matin au soir, le téléphone sonne, les dossiers s'accumulent et les entretiens s'enchaînent : créateurs, stylistes, fournisseurs, journalistes, personnels : c'est une machine incroyable. La charge de travail est énorme et j'ai besoin de quelqu'un de fiable sur qui compter. Particulièrement…

Son début d'explication fut interrompu par un petit « biiiiiiiiiiip », émanant de sa poche. Elle sortit son téléphone et décrocha, prenant son plus bel air hautain.

-Première assistante Pansy Parkinson j'écoute ?

Hermione était tellement occupée à débattre en son fort intérieur sur la question de savoir si un appel valait la peine qu'elle mette sa vie en jeu qu'elle ne fit pas attention au téléphone de Pansy ni à l'évolution de l'expression de cette dernière. Pourtant, elle perdait de sa superbe. Son expression arrogante disparut, se mua en un masque autrement terrifié et paniqué.

-Oh non, couina-t-elle en refermant sèchement son portable. Oh non, non, non…

Interloquée, elle reporta son attention sur Parkinson, et ouvrit la bouche pour l'interroger… Mais fut interrompue dans sa tentative par l'entrée dans le bureau d'un jeune homme chargé de dossiers entassés en une pile particulièrement imposante. Il était grand, le nez en trompette, les cheveux blond cendré soigneusement coiffés avec cette longue mèche plaquée vers la gauche, une paire de lunettes à monture noire étrangement dépourvus de verres. Le plus remarquable chez lui était sans nul doute son air détendu et sa démarche aérienne, il avait plus l'air d'un touriste égaré dans un bâtiment que d'un employé au sein d'une grande entreprise. Cette présence parut stimulante pour Pansy qui reprit ses esprits.

-Zac ! Zac, écoute-moi, il faut que tu préviennes tout le monde… il est en chemin !

-Tiens ? S'étonna sereinement « Zac », il ne devait pourtant pas arriver avant neuf-heures ?

-C'est pour ça que son chauffeur vient de m'appeler pour me dire que son barbier s'est fait mal à la colonne vertébrale, et a finit a Sainte Mangouste. Oh ces gens la…gémit-elle, aussi excédée que paniquée.

Zacharia Smith, toujours aussi calme et indifférent, se dirigea vers la porte qui donnait sur le couloir principal. Il prit délicatement la poignée, enclencha le mécanisme avec douceur et fit tourner le panneau sur ses gonds, ramassant suffisamment de souffle pour s'exclamer :

-Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs : je demande votre attention exclusive et inconditionnelle pour un court instant. Le boss est en route et il est de mauvaise humeur : si vous lui donnez un prétexte il le saisira pour botter des culs. Je répète : le boss est en route.

Le personnel, détendu et rieur jusqu'alors, se figea. Il y eut un moment de flottement : des têtes se tournèrent, les regards s'échangèrent et se dévisagèrent, puis … ce fut la débandade.

Hermione observa, ébahie, les femmes troquer leurs chaussures confortables pour des talons autrement plus vertigineux et douloureux. Les coiffures étaient réarrangées, de la poudre consciencieusement appliquée sur les joues. Les hommes eux, en profitaient pour faire un nœud de cravate plus élaboré, se couler dans une veste aussi impeccable qu'inconfortable. Les corbeilles débordantes disparaissaient, le trop-plein des tables était enfoui dans les tiroirs des bureaux.

Pansy elle-même s'affairait dans le repaire du grand patron autour de son bureau, disposant des magazines, rangés pas ordre alphabétique, y déposa une bouteille d'eau minérale et passa un vigoureux coup de balai dans toute la pièce.

Prise au dépourvue par tout ce zèle, notre héroïne jeta un coup d'œil par la fenêtre. Elle y vit un spectacle étonnant. Dans la rue, ce qui semblait être, une tête blonde (même à 200 mètres au dessus du sol Hermione parvenait à bien distinguer cette couleur platine) coupait la foule en deux, tel Moïse fendant la mer rouge.

« Qu'est-ce qui pousse la personne mauvaise à adopter un comportement destructeur, coercitif, tyrannique voire-dans les pire des cas-, totalitaire, envers son entourage ? Dans la majorité des cas, il s'agira en réalité d'évacuer des pulsions qui trouvent leurs origines dans un profond et épineux problème de narcissisme. Bien souvent, elle sera imbuvable, car complètement imbue d'elle-même. »

Criminologue, Harry Potter.

Cette personne n'était autre que Draco Malfoy, de fort méchante humeur car il avait du s'occuper lui-même de sa barbe naissante ce matin là.

Impressionnant de constater avec quelle facilité tout pliait devant lui : les portes s'ouvraient d'elles-mêmes, les gens courbaient la tête, ployaient l'échine, admiratifs ou craintifs. Le passage se libérait et les ascenseurs se vidaient afin que le grand patron puisse être tout à son aise…autant que pour échapper à sa furie matinale.

Au fur et à mesure que se répandait la rumeur de son arrivée anticipée, la folie gagnait tout l'immeuble, le personnel était totalement paniqué et on peut compter sur lui pour leur donner raison.

Enfin, lorsqu'au terme de son ascension l'homme aux commandes franchit le seuil du dernier étage, on le vit traverser un parterre de bureaux rangés, derrières lesquels s'affairaient des employés consciencieux et bien apprêtés, un air sérieux et zélé sur le visage. Contrarié, il fit la moue, déçu de ne pouvoir extérioriser son mécontentement sur un détail quelconque, se promettant de trouver rapidement un sujet sur lequel il aurait tout loisir de se défouler. Et justement : le pas empressé qui venait vers lui informait qu'il ne commencerait peut-être pas complètement sa journée…

-Comment se fait-il, entama-t-il d'une voix mauvaise, à l'encontre d'une Pansy fébrile et essoufflée, que personne ne m'ait prévenu dans les temps de la défection de mon personnel de maison ?

-Oh, je suis tellement désolée, c'est-à-dire que j-

-Les détails de votre incompétence, coupa le jeune homme en appuyant bien chacun de ses mots, sont indignes de mon intérêt.

Il retira dédaigneusement son imper gris perle qu'il laissa retomber négligemment sur un bureau quelconque, tandis que son regard perçant examinait les bureaux, traquant la moindre faille.

-BULSTRODE ! Aboya-t-il, soudainement, faisant sursauter la chargée de livraison, allez me trouver le responsable du département mannequin, je veux qu'il recommence toutes les auditions pour le numéro spécial du mois prochain.

Quelques secondes de repérage, et déjà un nouveau claquement de fouet : moins sonore, mais beaucoup plus sec.

-Cadwallader, je veux les photos de Crivey : dans trente secondes du mon bureau.

Mielleux mais de plus en plus menaçant :

-Chère Miss Myrtle, puis-je connaître le pourquoi du comment de cette nouvelle monture à l'épaisseur affligeante ?

L'un après l'autre, les secteurs furent passés en revue, les remarques acerbes distribuées. A ses côtés, Pansy notait à toute vitesse le moindre de ses mots sur son calepin : et ne fut pas en reste.

-Parkinson, filez chez Abbott : je veux un petit-déjeuner digne de moi. Et j'attends une confirmation de la dingo pour le rendez-vous de demain depuis au moins une décennie, c'est insupportable. Ah, autre chose, vos propositions de couverture pour la maquette du mois de janvier…elles sont toutes teeeelllement horriblllllesssss…J'ai bien peur qu'il ne faille recommencer depuis le début. Ça, qu'est-ce que c'est ?

Tout au long de sa tirade, Malfoy avait franchit le long couloir, en continuant de faire glisser partout son regard inquisiteur, Pansy ponctuant ses paroles de serviles hochements de tête et de petits rires nerveux. Il venait enfin de passer la porte de son bureau et avait royalement ignoré Hermione, bien qu'elle n'eut aucun doute que sa dernière remarque (et peut-être la plus désagréable de toutes), c'est à elle qu'il la destinait.

-Oh, ce n'est rien, répondit précipitamment Parkinson une nuance d'hystérie dans la voie, on nous l'envoie pour passer un entretien, j'étais justement en train d'y procéder.

-Certainement pas ! Claqua-t-il, sans aménité. Toutes celles que vous avez choisies n'étaient BONNES A RIEN. Laissez-nous. Et pitié, soupira-t-il avec une théâtralité qu'Hermione jugea exagérée, cessez ces jacassements irritants pour l'ouïe ! D'ailleurs que tout le monde se taise, je veux du calme pour travailler ! Ce sera tout. Merci.

On n'eut pu penser une façon plus sèche et moins cordiale de remercier quelqu'un. La mine totalement déconfite, Pansy sortit de la pièce, et laissa cet improbable duo en tête-à-tête.

Première faille dans sa stratégie, nota la brune avec dépit : elle avait compté sur la taille de l'entreprise, pensait pouvoir se fondre dans la masse des salariés et ainsi esquiver le grand patron.

Ce dernier se tenait désormais dos à elle et donc face à la baie vitrée : les mains dans les poches de son costume immaculé impeccablement taillé, contemplant la ville. Toisant arrogamment les gens de haut, ne put-elle s'empêcher d'analyser pour elle-même.

Il ne daigna pas se retourner immédiatement.

-Qui êtes vous ? Interrogea t-il, et elle jura qu'elle pouvait entendre son sourire goguenard, le premier qu'il avait dû esquisser ce matin là.

-Bonjour. Je m'appelle Hermione Granger et j'ai vingt-huit ans. J'achève mes études, je souhaite postuler pour un contrat d'un an en tant qu'assistante de la rédaction-en-chef.

Simple, concis, et neutre : elle n'était pas peu fière de sa maîtrise en cet instant particulier.

-Et qu'est-ce qui vous fait croire que vous avez les…capacités qui vous permettraient de travailler pour moi ? Interrogea-t-il, d'un ton doucereux qui laissait percevoir maintes pensées.

-J'ai certainement des capacités dans nombres de domaines : je vous renvoie à l'annexe « diplômes » du dossier que vous ai envoyé, répliqua-t-elle, contenant avec peine une certaine acidité.

-Avez-vous déjà lu Roseway ?

Aïe, question piège. Elle décida de la jouer franco.

-Non.

-Mmph. Ça ne m'étonne pas : c'est commun chez les gens sans style, ou ayant des goûts douteux voire contestable.

Elle vit rouge : il l'avait cherché.

-Je suis diplômée avec les plus hautes distinctions de l'université de Poudlard, fit-elle avec une nuance de froideur dans le ton. J'ai été aux commandes du journal de la fac et ait remporté des prix nationaux et internationaux de journalisme universitaire. J'ai de nombreuses expériences professionnelles à mon actif, et j'apprends très vite. C'est plus que ce qui est demandé à la plupart des assistantes, non ?

-Donc vous pensez être surqualifiée pour ce poste ? Minauda-t-il (et elle lui aurait bien collée sa main à la figure).

-Non, répartit-elle contenant à grand peine son exaspération. Je fais simplement valoir que je suis parfaitement apte à remplir ces fonctions : un an avec moi dans vos services, et le poste sera métamorphosée.

Là, elle venait de piquer son intérêt.

Il consentit enfin à se retourner et fit face à la jeune fille. L'un et l'autre purent se toiser à loisir et estimer intérieurement les modifications, le chemin parcouru. Grand, les traits fins, aristocratiques et des cheveux d'un blond presque blanc particulièrement soignés. On notera immédiatement des yeux qui oscillaient entre le bleu givrant et le gris orageux : électrisant. Le tableau ne saurait être complet s'il n'était complété par un détail qui a toute son importance : le sourire en coin, railleur et narquois, ornement favori de ces lèvres.

Il prit son temps pour s'installer sur son siège en cuir, sans cesser de dévisager la jeune femme qui n'hésitait pas à planter son regard dans le sien, presque avec défi. Mains jointes, il l'observa avec beaucoup d'attention.

-Poudlard disiez-vous ? Reprit-il changeant de sujet, j'y ai également fait mes études, quel curieux… hasard. Peut-être avons-nous quelques connaissances en commun ?

-Désolé, reprit sèchement Hermione, on ne m'a encore jamais parlé de vous. J'ignorais totalement votre existence jusqu'à aujourd'hui.

Ce qui ne fut pas du tout de son goût, nota-t-elle avec satisfaction à son air vexé.

-Bien, il est temps de réparer cela : je vais consentir à vous laisser une chance, pour le poste. Réglez les détails avec Parkinson, je veux que vous commenciez demain à la première heure. Allez.

Pensées se bousculant dans sa tête, elle se retourna et prit la direction de la porte, fermée elle ne saurait dire à quel moment. Son élan fut arrêté, main sur la poignée, par le son de la voix qu'elle détestait le plus au monde à présent.

-Jamais entendu parler de moi, hein ?

Le cœur battant à la chamade par la montée d'adrénaline, Hermione ne répondit pas et ne se retourna pas, devinant son sourire sarcastique détestable sans avoir besoin de le constater. Elle fit tourner la poignée, désireuse de sortir, d'échapper au regard inquisiteur et désapprobateur qu'elle sentait brûler dans son dos. Elle pensait toutefois qu'il en avait finit avec elle. Ce qui allait suivre devait la détromper.

-Qui eût cru que ce balafré d'Harry Potter ne mentionnait pas Draco Malfoy dans ses divagations grotesques ?

Hermione fut tellement surprise des paroles que son désormais désigné patron venait de prononcer qu'elle fit volte-face. Il était toujours mains jointes derrière son bureau, le sourire plus large, railleur, ironique et victorieux que jamais.