Et quoi ?
Chap 1
Loki serra de toutes ses forces Gungir entre ses doigts.
La colère déforma ses traits pales une seconde.
Ainsi, Heimdall l'avait trahit. Fandral, Volstagg, Hogun et Sif également.
Ce n'était pas inattendu.
Douloureuse, certes, surtout de la part d'Hogun, mais pas inattendu.
Ça aurait pu l'aider aussi de la part d'Heimdall mais le vieux Gardien avait depuis longtemps fait comprendre au prince que leur petite aventure n'avait été qu'une erreur de sa part.
Au moins Hogun était-il resté discrètement de son côté jusqu'à ce qu'on lui arrache Jormugandr.
Heimdall n'avait pas pardonné Fenrir au jeune prince.
Mais Loki prenait acte.
Ainsi, ils étaient tous contre lui.
Ils ne lui laissaient même pas le bénéfice du doute alors que tout ce qu'il avait voulu était protégé à la fois Asgard et Thor. Comme il l'avait toujours fait. Comme on le lui avait toujours inculqué à grands coups d'épée dans la figure.
Mais il allait leur montrer !
La fureur lui déforma les traits alors qu'ils descendaient à grandes enjambées vers le coffre d'Odin.
Dans l'aile nord du palais, Frigga veillait son père. Non, pas son père. Frigga veillait Odin.
Le roi n'avait jamais été son père.
Le roi l'avait trouvé sur Jotunheim, abandonné au froid, à mour…
…
…..
….
….
…
Odin avait trouvé un bébé jotun dans un temple, abandonné au froid, à mourir ?
Ho…Attendez…
Un bébé JOTUN, dans un TEMPLE, le même TEMPLE où était gardé la CASSETTE de l'Hiver soit le plus saint et le plus puissant des artefacts de la planète et sans lequel ce monde de glace était en train de lentement mourir, un bébé donc abandonné là au FROID ?
Un JOTUN dans LE temple dans le FROID
Odin. Jotun. Temple. Cassette. Froid.
Pourquoi cette simple phrase était-elle soudain aussi incohérente, aussi farfelue.
Peut-être parce que Loki doutait fortement que le froid puisse incommoder un jotun ?
Ou parce qu'il y avait peut-être un meilleur endroit pour se débarrasser d'un bébé que le temple principal d'un monde, juste à côté de sa source de vie ?
Il en savait quelque chose après tout, on lui avait systématiquement arraché tous ses enfants pour s'en débarrasser. Aucun d'eux n'avait été gentiment déposé dans le temple principal d'Asgard mais tous avaient été jeté là où on pourrait les oublier au plus vite et où leurs cadavres ne seraient ni trouvés, ni vus.
Loki s'était immobilisé devant le Destructeur. L'automate vibrait doucement, attendant les ordres du prince.
Il le renvoya au sommeil d'un geste impatient de la main.
Il avait besoin de réfléchir avant de décider de son prochain mouvement.
Il était toujours furieux, blessé au-delà des mots, mais la haine absolue avait été remplacée par autre chose. L'incrédulité et la stupeur l'anesthésiaient assez pour le moment pour qu'il puisse repousser pour quelques heures ses nouveaux projets pendant qu'il analysait le biglesnipe géant rose en tutu et qui faisait des claquettes qui venait de lui sauter au visage.
Ses projet donc :
Allez chercher Laufey et lui proposer de tuer Odin
Tuer Laufey sous les yeux d'Odin.
Tuer Thor pour l'empêcher de revenir se mêler de ce qui ne le regardait pas.
Tuer leurs amis pour leur trahison.
Tuer Heimdall pour la sienne
Détruire Jotunheim.
Détruire tous ceux qui s'opposaient à lui et à son projet de prouver à Odin qu'il était le meilleur de ses deux fils
Détruire tous ceux qui ne croyaient pas qu'il était un bon roi.
Un long frisson remonta dans le dos de Loki.
Ce qui lui semblait logique, cohérent et justifié encore un quart d'heure plus tôt lui semblait à présent un peu….excessif.
Il ne devait jamais céder à sa colère, il le savait pourtant. Il reprochait bien assez souvent à Thor de céder à ses émotions alors que les siennes étaient aussi violente et à fleur de peu que celles de son frère. Si ce n'était plus.
Loki était une boule de passions inassouvies qui désespérait d'avoir un jour une once de toute l'adoration que Thor recevait.
S'il était honnête avec lui-même, ce qu'il n'était jamais, trop douloureux, Loki devait accepter qu'il veuille juste l'affection de son frère. Mais pas l'affection désinvolte qui était celle de son ainé normalement. Il ne voulait plus que son frère ne le voit que comme une extension de sa personne, comme un satellite acquis dont la place et l'obéissance ne serait jamais remise en question.
Loki se laissa tomber sur le trône.
Autour de lui, mal à l'aise, la cours s'agitait sans qu'il ne s'en soucie. Ils n'étaient que ses parasites sans importance dont il ne s'était finalement jamais soucié autrement que pour faire son boulot de prince. Et celui de Thor aussi puisque son ainé n'en avait rien à taper de ses devoirs. Les plaisirs accordés au prince héritier, autant qu'il voulait. Mais ses devoirs ? Sa charge ? Jamais Thor n'avait mis les pieds au Conseil. Loki doutait même qu'il sache qu'il existe si ses réflexions sur le pouvoir du roi étaient symptomatiques.
NON le roi ne faisait pas ce qu'il voulait comme il voulait.
Il avait des comptes à rendre, des gens à écouter et des conseils à prendre en compte.
De la même façon, jamais Thor n'avait mis les pieds à la Chambre Basse ou le roi rendait une fois par semaine la justice pour le petit peuple. Depuis des siècles, Loki l'y remplaçait parce que son ainé s'en cognait la rondelle avec une babouche de pingouin moldave.
Loki se prit le front dans la main.
Objectivement, il était le meilleur des deux princes.
Mais, tout aussi objectivement, il n'était même pas Prince d'Asgard.
Si Odin ne mentait pas, il était Prince de Jotunheim. Donc né pour régner lui ici. Juste…Pas ici. Pas sur le trône de son p…d'Odin.
Qu'est-ce que ça changerait s'il se démenait pour prouver encore sa valeur ? Rien.
Il le faisait depuis qu'il était assez grand pour soulever une épée et jamais Odin n'avait baissé les yeux sur lui avec autre chose que de la froideur et de l'indifférence.
Jamais Odin ne l'avait vu autrement que comme un pion au mieux, un outil au pire.
Et Frigga ?
Son cœur se serra.
Si l'idée qu'Odin ne l'avait jamais aimé une seule seconde était affreusement douloureuse, l'idée qu'il en soit de même pour Frigga était débilitante.
Le brouhaha de la cours se fit de plus en plus fort jusqu'à ce que Loki relève la tête.
Les gens le regardaient avec un mélange d'inquiétude et de mépris qu'il connaissait bien.
Le jeune prince n'avait même pas la force de les insulter ou de leur aboyer dessus. Encore moins de leur rappeler le respect qui convenait.
Savaient-ils ce qu'il était ?
Et Tyr qui le regardait avec suspicion depuis toujours. Et Eir qui le haïssait.
Et Heimdall qui l'avait utilisé puis méprisé…
Une vague de panique le submergea soudain.
Il quitta le trône à grands pas pour se mettre à la recherche de sa mère.
Loki n'était plus à cet instant qu'un petit garçon terrifié qui voulait que sa mère le rassure, le prenne dans ses bras et lui murmure que tout irait bien.
C'était faux, il le savait évidement. Mais là, il en avait besoin.
Il se faufila dans la chambre d'Odin ou le roi dormait, protégé par la magie dorée qui lui permettrait de reprendre ses forces. Frigga était assise à côté de lui, un ouvrage sur les genoux.
Son trouble était apparent sur son doux visage que Loki aimait tant.
"- Mère ? Comment va-t-il ?"
"- Eir est inquiète mais ton père devrait nous revenir."
Loki serra les mâchoires. Le vieillard sur le lit n'était pas son père.
Il n'avait jamais été un père pour lui. Certes, il l'avait nourrit, logé, blanchit. Mais à part ca ?
Il ne lui avait jamais donné l'amour qu'un parent doit à son enfant.
Vé et Vili avaient été davantage des parents pour le jeune prince que Odin ne l'avait jamais été. Le roi n'avait jamais que critiques et reproches à son égard.
Loki attendit un commentaire, une question de sa mère, quelque chose. Qui ne venait pas.
Il venait d'avoir sa vie retournée en tous sens. Il venait d'apprendre que ses parents n'étaient pas les siens. Qu'il n'était même pas un ase.
Il espérait que Frigga lui demanderait comment il allait. Juste ça.
Juste une marque d'intérêt malgré son inquiétude pour son mari.
"- Comment va Thor ? J'ai entendu dire que tu avais été le voir."
Le cœur de Loki se serra.
Ainsi, Thor avait encore la préséance.
S'il avait été un peu moins déboussolé, s'il avait été totalement cohérent, Loki aurait reconnu que l'inquiétude de Frigga pour son fils exilé, mortel et sans pouvoir sur Midgar était normale alors que lui était là, en pleine forme, sous ses yeux.
Mais Loki n'était pas au mieux de ses capacités.
"- Il va bien."
"- Ho…Bien… très bien…."
"- Mère, j'ai besoin de votre aide…"
Frigga le coupa avec un sourire.
"- Loki. Tu es roi. Tu es adulte. Il est temps que tu assumes ton rôle seul."
Seul. Comme toujours.
Sa mère avait déjà détourné les yeux de lui pour s'inquiéter à nouveau de son mari.
Sans doute comptait-il pour Frigga. Elle avait passé tellement de temps avec lui que Loki, même dans son état, refusait de remettre la chose en question.
Mais l'aimait-elle assez pour s'occuper de lui alors que sa vie avait été totalement détruite ? Visiblement non.
Comme elle n'avait jamais trouvé nécessaire de le soutenir quand on lui arrachait ses enfants.
Comme elle n'avait jamais jugé utile de tenter d'adoucir les punitions ou les ordres qu'Odin lui donnait.
Le cœur du jotun se brisa un peu plus.
Il se retira dans ses appartements sans que Frigga ne s'en aperçoive.
Seul avec un verre de vin, Loki s'était assis devant sa fenêtre perpétuellement ouverte pour réfléchir.
Le regard dans le vague, il ne pouvait que collationner les faits.
Les faits étaient reposants.
Les faits étaient neutres.
Les faits ne mentaient pas, ni ne tentaient de le manipuler.
Mais leur analyse était…douloureuse.
Plus il analysait sa situation, plus Loki réalisait qu'il n'avait aucune porte de sortie.
Thor reviendrait, d'une façon ou d'une autre.
Odin allait se réveiller, d'une façon ou d'une autre.
Il allait rester roi en attendait qu'Odin rouvre son œil, puis il serait poussé de côté, comme toujours.
Qu'il fasse bien ou mal sur le trône, nombre d'ases viendraient se plaindre de ce qu'il avait décidé, juste parce qu'ils ne l'aimaient pas ou n'aimaient pas ses décisions.
Peu importaient que ses décisions soient bonnes ou nécessaires.
Il n'était pas Thor, c'était tout ce qui comptait pour que ses choix soient moqués et méprisés.
Quoi qu'il fasse, quoi s'il se passe, il serait de toute façon punit et conspué.
Odin n'attendait rien de lui. Probablement encore moins maintenant qu'avant.
Loki savait qui et ce qu'il était. Odin avait toujours considéré les Jotuns comme des monstres. Il l'avait toujours dit à ses fils.
S'il avait pu le dire et le redire à son propre fils tout en sachant ce qu'il était, quelles étaient les chances qu'il ne voit pas en lui une menace maintenant ?
Faible.
Très faible.
Pire. Si cela venait à se savoir, et maintenant que la vérité avait été révélée au jeune prince, ça finirait par se éclater, au moins parce que Heimdall devait être au courant, Odin devrait se dédouaner d'une façon ou d'une autre d'avoir mis un ennemi mortel aussi proche du trône et d'avoir ainsi trompé ses gens.
Sacrifier Loki une fois de plus ne serait pas cher payé après tout. Et encore moins de façon…Définitive.
Sans compter Thor.
Les larmes montèrent aux yeux de Loki. Ses sentiments pour Thor avaient toujours été affreusement ambivalents. Il l'aimait autant qu'il le haïssait.
Thor, tellement aimé et adulé que lui-même ne pouvait que répondre à son charme.
Thor qui le traitait comme un serviteur.
Thor qui…..Est ce que Thor l'aimait ou était-il juste habitué à sa présence ?
Thor n'avait pas besoin de lui pour briller. Thor était Thor.
Et Thor avait juré de détruire tous les Jotuns quand il serait en âge de le faire.
Que serait-il quand il saurait ce qu'il était ? Loki frémit lourdement. Odin se ferait un plaisir d'informer son ainé de la réalité des choses évidement.
Et quand Odin ne serait plus et que Thor serait sur le trône ? Qu'est ce qui se passerait ?
Son frère retournerait à Jotunheim pour finir son jeu de massacre.
Les jotuns étaient une race mourante.
Loki frémit encore.
Lui qui avait un instant envisagé la destruction totale de ce monde pour contenter Odin réalisait l'horreur d'un tel génocide.
Il ne pouvait pas laisser faire ça.
Il ne pouvait pas rester non plus.
Son futur n'était pas à Asgard il le réalisait.
Le coma d'Odin lui donnait quelques courtes heures pour préparer…Sa fuite…Son exil…
Mais jusque-là, il était encore roi. Et en tant que tel, il avait encore quelques privilèges.
Loki posa une main sur son miroir.
Il venait de décider de fuir, de tout abandonner derrière lui.
Pour aller ou ?
Il allait commencer par Jotunheim. Ensuite ?
Il n'en savait rien.
Quoi qu'il fasse, quoi qu'il dise, il serait un traitre. Alors autant en être un vraiment et peut-être obtenir quelques réponses dans la foulée.
La vengeance ? Il était encore trop anesthésié par la peine pour un pense.
Plus tard peut-être. Surement.
Mais pour l'instant, il voulait juste partir.
Même fuir de cet enfer allait être une épreuve.
Il allait fuir seul de son seul foyer. Il allait….
Seul….
….Pourquoi seul ?
Son fils était à l'écurie. Il savait où étaient les autres.
Il était roi d'Asgard non ? Qu'est ce qui l'empêchait d'aller chercher ses enfants avec cette autorité tant qu'Odin dormait ?
Rien.
Qu'est ce qui l'empêchait d'aller se servir dans les jardins d'Idunn pour voler assez de pommes pour lui et ses enfants pour les millénaires a venir ?
Rien.
Une soudaine exaltation s'empara du jeune prince.
A l'aide de sa magie, il vida totalement ses appartements de tout ce qu'ils contenaient pour y placer ses possessions dans la poche dimensionnelle qu'il avait créé quand il était jeune.
Elle était directement proportionnée à la taille de son pouvoir.
Il n'avait jamais cherché à en saisir la taille définitive. Aussi resta-t-il stupéfait de pouvoir y ranger TOUTES ses affaires.
Bien décidé à tenter sa chance jusqu'au bout, il appela sèchement un garde pour que Sleipnir soit préparé pour son voyage à Alfheim. Il avait besoin de voir son grand-père Freyr et sa grand-mère Freyja.
Les parents de Frigga avaient toujours été gentils avec lui. Sa balade rapide n'étonnerait personne. Il n'était pas rare qu'il leur rende visite.
Pendant qu'on préparait Sleipnir, il fit une razzia à la bibliothèque du palais pour en embarquer le moindre livre de magie qu'il rangea avec le reste.
Puis il alla dans les jardins d'Idunn.
La petite déesse le reçut avec hauteur et mépris.
Loki n'en avait rien à faire.
Il lui mit Gungir sous la gorge avant de lui rappeler sèchement qu'il était le roi nom d'un biglesnipe en slip léopard à franges et que s'il voulait une pomme, elle avait juste à fermer son claque-mouille.
Un Loki agacé était un Loki qui pouvait être moins que gracieux.
La déesse lâcha un cri avant de se détourner, furieuse.
Puisque c'était comme ça, qu'il se débrouille ! Mais avec sa magie, il ne lui fallut pas longtemps pour littéralement piller les arbres de leurs fruits murs et les ranger avec le reste. Une fois une pomme à maturité, elle ne s'abimait jamais à moins de tomber sur le sol. Là, elle y pourrissait et devenait argent. Si les pommes d'or donnaient la vie, les argents donnaient la mort.
Il en ramassa quelques-unes aussi. On ne savait jamais à quoi ça pouvait servir.
Satisfait, il rejoint son fils à l'écurie.
En général, il faisait attention à rester aussi détaché de Sleipnir que possible pour ne pas laisser le flanc aux moqueries. Tout le monde savait qu'il était la mère du cheval.
Les insultes étaient déjà fréquentes, il n'avait pas besoin de ça en plus.
"- Tu es prêt pour notre petit balade mon cœur ?" Murmura le prince à son fils tout en retirant la bride de l'animal sous les exclamations d'inquiétudes des palefreniers. Que trafiquait le prince ? Sleipnir était dangereux comme la peste, même pour le roi. Alors même si Loki était sa mère, ils doutaient que le cheval fasse la distinction. Ce n'était qu'un cheval !
L'énorme cheval de près de 2m20 au garrot hocha sa tête monstrueuse. Ses yeux verts brillaient d'intelligence. Comment personne ne pouvait-il accepter que le cheval soit aussi intelligent que n'importe qui ? Et même plus que nombre d'Ases ?
Ca dépassait le prince.
Il ne prit pas garde aux ricanements derrière lui avant de bondir en selle.
Sans un regard en arrière, il lança le grand cheval en avant.
Sans la bride, il était impossible de contrôler l'animal. Mais pour Loki, c'était d'une simplicité enfantine.
"- Où va-t-on, maman ?" Souffla l'équidé arachnéen dans l'esprit de sa mère.
"- Vanaheim mon chéri. Ensuite…Nous verrons."
Le colossal animal prit immédiatement le galop. Très vite, le paysage se brouilla autours d'eux pendant qu'il franchissait les voiles entre les mondes.
Loki n'en était jamais dérangé. Odin évitait d'utiliser cette capacité de Sleipnir. Il en sortait toujours malade.
Pour Loki, ce n'était que courir sur les branches d'Yggdrasil comme il le faisait depuis des siècles.
Il n'entendit pas les cris des palefreniers ni ceux des soldats. Encore moins ceux de Tyr et Heimdall.
Pour les deux hommes, le traitre s'était révélé en prenant les pommes et le cheval. Il fallait l'arrêter avant qu'il ne fuit.
Mais c'était déjà trop tard.