Disclaimer : Rien ne m'appartient, les personnages et l'histoire reviennent à Sir Arthur Conan Doyle, le contexte et les personnalités à Moffat et Gatiss. Je ne fais que spéculer et faire souffrir de biens innocents personnages de fiction.

Au départ : La série "Sherlock", créée et développé par Moffat et Gatiss, pour BBC. Adaptation libre de l'oeuvre littéraire de Doyle, la série transpose l'univers et les personnages au XXIe siècle : "Sherlock Holmes est détective consultant et il accueil comme colocataire le docteur Watson, un ancien médecin de l'armée britannique blessé en Afghanistan. Il aide Scotland Yard à résoudre des enquêtes ardues en utilisant ses dons d'observation et de déduction associées aux technologies actuelles [...]" (cf. Wikipédia). Série géniale. Acteurs monstrueux de génie. Personnages merveilleux. Yaoi powah.

Le speech : Il y eu une certaine curiosité, au départ, juste quelque chose d'intriguant, de différent, et de spécial, chez cet adolescent un peu étrange, un peu comme lui. Puis, il y eu l'obsession, la folie guidée, abreuvée, celle émergeant dans les profondeurs de sa cellule anglaise, celle que Mycroft Holmes était venu chaque jour alimenter. Sherlock Holmes est là, là, quelque part, et il a envie de jouer. James Moriarty souhaite simplement lui trouver un jeu à la hauteur de son génie. Il ne pensait pas que son plan, bien huilé, parfaitement conçu, pourrait prendre une telle tournure. Il ignorait que l'obsession était devenue à ce point hors de tout contrôle.

Ce qu'il faut savoir : C'est un James/Sherlock, ou Sheriarty, pour les puristes. Un pur et dur, vraiment. Pas de Johnlock, seulement du John/Molly, plus, en bonus, un soupçon de MorMor. Ce n'est pas un slow build, dans le sens où James et Sherlock partagent déjà quelque chose dès le premier chapitre (vous jugerez par vous-mêmes en conséquence). L'histoire débute au troisième et dernier épisode de la saison 2, et spoile la saison 3. J'alterne les PDV, entre James et Sherlock. Et, sinon, ce n'est pas très drôle, malheureusement : mentions d'usages de drogue, d'alcool, de dépression, de manipulation mentale, de séquestration, de viol, de tentative de suicide. Heem. Désolée. + pas mal de scènes bien explicites, je me permettrais de le rappeler dans les commentaires des chapitres concernés.

A écouter : Don't mess with me - Temposhark.

Je vous souhaite une agréable lecture.

Votre serviteur,

AMAZINGmadness.


PROLOGUE

« Madness. »

« I can't get this memories out of my mind, and some kind of madness, it started to evolve. I tried so hard to let you go, but some kind of madness is swallowing me whole. »


Moriarty ne peut s'empêcher de penser. Penser penser penser, c'est insupportable, incroyable, son esprit ne peut pas juste s'arrêter, non, la machine ne peut jamais s'enrayer, non, et tout tourne toujours sans relâche derrière ses paupières closes, derrière ses yeux aux mouvements fous.

Penser, réfléchir, à tout et à rien, à l'infime détail comme à la macroscopie d'un monde si vicieux que le leur, penser et penser à ne plus même savoir qui l'on est. Penser et penser pour ne plus avoir à s'ennuyer.

L'ennui.

Ouch, la douloureuse absence, l'affreux doute qui imprègne chaque cellule, chaque pensée, dès lors que l'activité se tarie, dès lors que les êtres redeviennent de simples bouts de viande animés de sons et de gestes. James abhorre l'ennui, il l'exècre au-delà de tout, de tout, vraiment. L'ennui le laisse hagard, catatonique, amorphe. Il le laisse seul avec ses plus noires pensées, ses impressions les plus malsaines, et, oh !, comme James déteste ces moments-là, lorsque son esprit et ses gestes ne sont plus guidés que par une conscience qu'il se surprend encore à avoir, lorsque l'envie de bouger et de faire quelque chose devient plus forte que tout le reste …

Penser fait fuir l'ennui. Réfléchir lui permet de trouver de nouveaux moyens d'échapper à la lassitude. La nouveauté marche, au moins pour un temps. Elle est un phare dans l'obscurité, une lumière dans la nuit, et James adore se coller à tout ce qui brille un peu trop. Mais, elle a tendance à perdre de son charme, passé un temps, alors que ses pas se font peu à peu plus proche d'elle. L'ennui devient plus intelligent, plus intolérable, et recommence à avaler son temps. La nouveauté se fane, perd de son éclat pour dévoiler son côté terne, fade, et, alors, l'ennui revient. Il est la personnification de la malveillance, du « je te l'avais bien dit », du « reste bien sage, mon ange, si tu ne veux pas que le monstre t'attrape ». L'ennui est l'interrupteur qui allume la folie. L'ennui, la destruction ultime de soi.

Les idées les plus déguelasses de James ont toujours trouvées leur source devant la télévision, alors qu'il s'ennuyait ferme, vautré dans son canapé. Ou, dans les rues peuplées du centre-ville, alors qu'il marchait au milieu des gens communs. Ou, dans une cellule profondément enfouie d'une prison britannique ultra-secrète.

Oh, cette cellule. Il s'en lèche parfois encore les lèvres avec plaisir. Les murs sales, les coups, les petits bonhommes du gouvernement, et ce cher Mycroft Holmes, jamais avare d'une belle et franche parole sur son petit-frère tant aimé.

Jim a adoré ces moments, toutes ces semaines passées avachi, entravé à sa chaise, écoutant d'une oreille avide l'extraordinaire destinée de Sherlock, imprimant chaque fait, se délectant de chaque détail. C'était très drôle. C'était un peu comme un conte, et Sherlock était comme ces héros à l'âme un peu sombre, mais servant tout de même le Bien, qui aurait, au final, droit à une vraie et belle fin heureuse, avec mariage et toute la panoplie offerte dans le coffret, et ce grâce à son courage et à l'héroïsme qu'il avait su montrer lors de rudes moments. C'était beau, et très touchant. Si touchant que James ne put s'empêcher de se demander pourquoi, à cette époque, lui, ne pouvait pas faire partie d'un tel conte.

Il pouvait jouer bien des rôles. Sherlock pouvait être son sauveur, ou son ami, voire son ennemi. Il pouvait être à lui, il pouvait le détruire. Le beau chevalier affronterait-il un dragon ? Sauverait-il une princesse des griffes de bandits ? Se contenterait-il de rester ce connard égoïste et arrogant que Mycroft dépeignait si bien ?

James voulait savoir. James voulait participer. Les pensées, toutes les pensées, étaient à présent tournées vers cela : comment allons-nous faire, comment allons-nous nous y prendre, mon beau, pour juste simplement te faire nôtre ?

Mycroft n'eut pas besoin de lui montrer de photographie, James se l'imagina parfait. Assez pour le vouloir. Assez pour juste l'avoir.

L'obsession. C'est ainsi que les psys appellent ce genre de choses, le genre de moment où un être reste comme bloqué, comme fixé, sur une chose, sur quelqu'un, sur un moment. James adore cela. James adorait passer du temps dans sa cellule et tourner en rond, à graver sur les murs des lettres, qui finirent par former des mots, des prénoms, le prénom.

S. H. E. R. L. O. C. K.

La première fois que Mycroft était entré dans sa cellule, du moins la première fois après qu'il ait mis à profit son nouveau goût pour la gravure, James avait bien observé son visage. L'agent n'avait plus semblé si fier, si imperturbable : il avait pincé les lèvres, et quelque chose avait assombri son regard. Mais, il n'avait rien dit. D'ailleurs, par la suite, il n'avait plus rien dit. Il n'était plus venu, n'était plus apparu, et Sherlock avait juste continué à vivre et à prospérer dans son esprit malade, loin des belles histoires, loin des jolis petits contes du frère aîné.

James en avait été furieux.

Pas grave, pas grave. Ils avaient finis par le relâcher. James avait de l'influence, de bons « amis » (de gros pots-de-vins versés aux grosses pontes, de belles menaces servies aux bonnes personnes), et beaucoup de culot. Ils lui avaient foutu une surveillance rapprochée aux fesses, des interdictions en tout genre, l'avaient mis dans le premier avion direction l'exil, et bye, Moriarty, l'Angleterre te remercie.

C'est drôle. Cela l'est, n'est-ce pas ?

L'ennui a été colmaté par une pâte voluptueuse, par de beaux récits sur l'inaptitude sociale de Sherlock Holmes et sur ses frasques les plus intimes, servis personnellement par son grand frère, bien heureux de les lui révéler en échange d'informations lui permettant, assurément, une juteuse et fière promotion. Le chantage comme activateur. La dénégation de toute forme de vie privée comme ascenseur social.

Allez, avouez : c'est drôle.

Sherlock avait autrefois juste été une curiosité, un gamin collant de près à sa première mise en scène, un nom mentionné dans un article sur la mort de Carl Powers, un point lumineux dans le brouillard d'un monde pollué et déguelasse. Il était étrange, et James trouvait l'étrange fascinant. Il ne s'était pourtant pas attendu à ce que le nom revienne, à ce que la silhouette réapparaisse, à ce que l'étrangeté vire à la fascination, puis à l'obsession. Cela n'avait jamais fait partie du plan. S'attacher à quoi que ce soit n'avait jamais été programmé. Il ne pensait pas arriver entre les mains de Mycroft Holmes, une fois capturé. Il ne pensait pas se voir ouvert à tant de confessions. Tout cela était complètement parti en vrille.

Ainsi, une fois dehors, il avait repris ses activités, doucement, s'était racheté un beau portefeuille d'actions en tous genres dans les milieux les plus influents. Les services de Sa Majesté avaient soigneusement vidés tous ses comptes en banque mais, bien heureusement, il restait assez d'argent pour pouvoir se mettre quelques yakuzas en poche. Il parvint à soudoyer les hommes de mains de l'homme qu'il avait vendu pour payer sa libération, entre autres choses, et la branche mafieuse en question finit par juste se choisir un nouveau chef et cesser de le harceler. Des services rendus à droite et à gauche finirent d'étoffer et de remplir son coffre. Il fit tuer les agents assignés à sa surveillance et s'évertua à disparaître. Il y parvint. Un temps.

Le job de criminel consultant n'est pas de tout repos. C'est très amusant, mais assez exténuant. La planification d'assassinats, d'attentats, prend du temps, de même que la gestion de tous ces stupides et minables individus qui composent son plein portefeuille de clientèle, incapables de s'auto-gérer, trop bêtes pour juste tuer sans se faire attraper.

Ils sont des fourmis, de belles et grassouillettes fourmis sur lesquelles il adore sauter à pieds joints. Parfois, les corps craquent. Parfois, ils crient un peu trop fort. Parfois, cela se passe si vite que s'en est vraiment décevant. Et, comme à peu près tout, cela finit par devenir carrément ennuyant.

James parvient à savoir lorsque ces moments-là arrivent : lorsque l'excitation du jeu laisse place à la lassitude. Il sent poindre la migraine, sent l'adrénaline chuter, ses mains se remettre à trembler. L'ennui revient, plus puissant, plus grand, plus imposant, et James sait bien ce qui l'attend, au final, au bout de la ligne, si du moins il ne parvient pas à trouver de quoi tromper l'ennui : il finira par en crever, par poser le canon de son arme sur sa tempe et juste appuyer.

La vie mena donc son cours, routinière, agaçante. James tire les ficelles et les pantins se débattent. C'est juste tellement chiant.

Jusqu'à l'article. Quelques mots dans la presse, qui apparurent devant ses yeux rougis et fatigués – l'ennui, l'alcool, un peu de cachets, aussi, et les insomnies, surtout -, alors qu'il googlait, une énième fois, la prière du soir : « Sherlock Holmes ».

Sherlock putain de baisable Holmes. Les photos de la rubrique « Images » de Google parlaient d'elles-mêmes.

Bref, un bel article d'un journaliste lambda, rapportant que la police avait été aidée par un détective consultant dans la résolution de telle affaire, blablabla, et combien ses talents étaient impressionnants, assez pour que sa collaboration avec les forces de l'ordre soit renouvelée, à l'avenir, bien certainement. L'article était ponctuée d'une jolie photographie, sur laquelle James reconnu sans mal Sherlock et l'inspecteur Lestrade, de Scotland Yard. Il l'imprima et la colla sur un des murs de son salon. Il en sortit un plan plus rapproché, et vint également l'épingler sur la tapisserie.

L'excitation reprend le dessus. L'adrénaline revient, le rush est palpable.

Comme une confrontation longtemps retardée, comme deux ennemis de longue date, James regarde et attend et confectionne et tisse lentement sa toile autour de Sherlock. Il aide des criminels, non plus en Europe, aux Etats-Unis, en Asie, mais reconcentre ses activités sur l'Angleterre, sur l'unique ville de Londres, même, là où Sherlock a le plus de chance d'être mandé. Il paye, aide, soutient, finance, tue, et voit les cas se résoudre, les affaires se démêler. Il joue doucement, appuie sur les bons boutons, tente de jauger des véritables capacités du détective consultant (il a lu attentivement ses nombreux blogs, également), démêlant le vrai des faits emprunts d'affect servis par Mycroft « l'homme de glace » Holmes.

Mais, ce n'est pas assez. Parce que Sherlock a des amis. Parce que Sherlock a un travail. Parce qu'il a un bel appartement, parce qu'il paye ses impôts, parce qu'il est juste comme tous les autres, non ? Putain, il est vraiment le héros, alors ? Il joue du bon côté. Il joue forcément du bon côté.

Il faut corser le jeu. Il faut qu'il voie mieux, plus, plus en profondeur … Alors, il embrasse son amie, Molly, il l'appâte en lui donnant les baskets volées de Powers, en lui donnant quelques-uns de ses clients les moins influents (une réputation à tenir dans les hautes instances du crime, tout de même), fait exploser une vieille dame et la moitié de l'immeuble qui va avec et décide de le rencontrer en personne, cette fois. De juste poser, enfin, ses yeux sur lui. Bonne idée.

Mauvaise idée.

La provocation est allée loin, si loin qu'il a pensé, un moment, que Sherlock allait effectivement tirer sur la bombe et tous les tuer. Si loin qu'il a pensé qu'il pouvait très bien lui tirer dessus. Si loin que l'obsession est devenue plus atroce encore, par la suite.

Sherlock n'est pas un ange. Il n'est pas un si bel et petit partisan du Bien, un chevalier enveloppé dans une belle armure. Il est un tentateur. Il est le chaos. Avec un peu d'effort, avec un peu d'aide, il pourrait même être un très méchant garçon, qui sait, un très vilain garçon …

James va lui briser le cœur, littéralement. Il va le tuer, juste pour voir ce que ça fait. Parce qu'il ne devrait pas lui faire ressentir cela, parce que tout cela n'est véritablement pas humain.

Sur le toit, tout était parfaitement pensé, de la place des snipers aux simples mots qu'il devait prononcer. La seule et unique balle dans son revolver était également méthodiquement en place. Tout, tout devait se dérouler selon le plan : Sherlock imaginerait un code tordu, tenterait de se sauver, mais James lui ferait perdre tout espoir. Et, dès lors qu'il aura sauté, dans la claire volonté de sauver ses amis, James se collerait une balle dans la bouche. La belle fin. La seule et unique possible, la dernière pour le sauver de l'ennui, horrible et monstrueux, qui viendrait après Sherlock (car, l'ennui revenait toujours, n'est-ce pas ?).

Alors, pourquoi ? Pourquoi en être venu à cela ? Pourquoi juste laisser tomber la fin digne d'un conte des frères Grimm pour passer à quelque chose de bien plus insidieux, de tant irréfléchi ? James n'est pourtant pas impulsif. Changeant, certes, mais pas au point de ne pas peser chaque décision avant de la prendre. Alors, pourquoi, bordel, pourquoi avoir tiré sur Sherlock et l'avoir kidnappé au lieu de juste le laisser se suicider ?

James ne peut s'empêcher de penser, de réfléchir, de calculer.

Pourtant, il semble n'y avoir aucune réponse à cette question.


Merci pour votre lecture ! Je vous invite à laisser une review pour me faire part de votre avis. Je ne peux pas vous donner de rythme de publication clair, j'ai néanmoins déjà écrit les dix premiers chapitres, cela dépendra donc de la vitesse à laquelle j'avance sur la suite. N'oubliez pas, les reviews sont le seul salaire de l'auteur ! Bonne journée à tous !