Cette fic est la suite directe des Apparences et je vous arrête tout de suite : si vous n'avez pas lu la première partie, vous n'allez strictement rien comprendre -déjà que moi-même j'ai du mal-. Mais rassurez-vous pour remédier à cette terrible lacune, il vous suffit de retourner dans mon profil et de cliquer sur "Les Apparences" ;)
Pour tous les autres (j'espère quand même en retrouver ici !), quelques petites explications avant le début.
Nos p'tits loups ont quitté Poudlard pour vaquer à leurs études et autres occupations plus ou moins intéressantes, j'ai donc dû faire des choix et mettre certains de mes OC de côté. Pour tout vous dire, cette deuxième partie est essentiellement centrée sur Gemma, Dominique, James, Isaac et Nella (Rassurez-vous, les autres apparaissent régulièrement en guest et vous n'ignorerez rien de leur vie palpitante ... ou presque !).
Bien entendu, comme il n'y avait pas assez d'OCs dans la première partie, j'me suis dis que j'allais en rajouter. Dites bonjour à Julia, Georgie, Dennis, Greegan, Sergeï, Nils et les autres ! Vous allez voir, ils sont tout aussi sympathiques -pour certains- et parfois aussi stupides -pour tous- que les autres, et j'espère que les p'tits nouveaux trouveront grâce à vos yeux.
Il ne me reste plus qu'à remercier Mlle Point de Cote pour sa correction, ses réflexions.
Et à vous, une bonne lecture !
La vie n'est pas statique. Seuls ne changent jamais ceux qui sont enfermés, impuissants, dans les asiles, et ceux qui reposent dans les cimetières. — Everett Dirksen
Août 2022
Londres, le 18 août
- Nous y voilà, murmura Dominique Weasley en sortant de la cheminée, déposant le dernier carton sur le carrelage gris de l'entrée.
Son regard bleu croisa brièvement celui de Gemma Lysenko qui, baguette en main, hocha gravement la tête. Elle avait sans doute oublié qu'elle était en train de faire léviter des assiettes en porcelaine hors d'âge, cadeau de la tante Muriel lors du mariage de Fleur et Bill Weasley car ces dernières retombèrent bruyamment sur le sol, en miettes. Soupirant doucement, l'ancienne Préfète-en-Chef ne mit que quelques secondes à les reconstituer grâce à un sortilège et préféra ensuite les ranger à la manière moldue qui était bien moins dangereuse.
Il s'en était passé des choses, deux mois après leur sortie de Poudlard. Cela ne faisait pas soixante jours qu'elles s'étaient serrées dans les bras, acceptant enfin leur amitié bizarre mais, au final, indéfectible, que les deux anciennes ennemies habitaient ensemble, dans cet appartement petit mais confortable, en plein centre du Londres moldu. Cela ne s'était pas fait sur un coup de tête, bien au contraire. Cet emménagement était la suite logique des deux mois qui venaient de passer. Les deux jeunes filles n'avaient, au final, été séparées que quelques jours avant que Dominique ne se rende chez Gemma après un coup de cheminette alarmant de cette dernière. Elle était restée avec la jeune fille et son père durant deux semaines avant que Fleur Delacour n'intervienne et invite l'ancienne Préfète-en-Chef à passer, à son tour, quelques jours à la Chaumière aux Coquillages, préférant garder un œil sur sa fille. Les jours s'étaient transformés en semaines, interrompues par des visites régulières d'Oswald Lysenko, le père de Gemma et d'une grande partie de la famille de Dominique et de ses amies.
Ainsi, après les résultats des ASPICS, particulièrement éprouvants et, surtout, surprenants, les deux jeunes filles avaient décidé de poursuivre cette colocation qui, somme toute, ne se passait pas aussi mal qu'elles l'avaient redoutée. Cela n'avait posé aucun problème pour leurs parents respectifs qui, au contraire, étaient secrètement soulagés qu'aucune des deux filles ne reste seule, pour différentes raisons.
Mais il y en avait d'autres à qui ça n'avait pas plu, James Potter en tête. Dominique se souvenait encore de leur dernière altercation à ce sujet, qui avait eu lieu la semaine dernière.
- Explique-moi encore pourquoi est-ce que tu fais ça ?, s'enquit James Potter, en regardant d'un air circonspect les quelques cartons et le bordel monumental qui traînait dans la chambre de Dominique Weasley.
Cette dernière, qui tenait un ensemble jaune et noir dans ses mains et était en train de se demander si cela valait vraiment le coup d'emballer sa tenue de Quidditch dont elle ne se servirait sûrement plus maintenant qu'elle avait quitté Poudlard, poussa un profond soupir de lassitude et releva le nez de ses vêtements.
- Parce que j'en ai envie, répéta-t-elle pour la dixième fois cet après-midi là.
C'était l'une des rares journées qu'elle passait sans Gemma Lysenko et elle songea que cette dernière avait bien fait de retourner chez son père, prétextant avoir du rangement à faire alors que ses affaires à elle étaient prêtes depuis belle lurette, lorsqu'elle avait appris que les cousins Potter -et donc James- passeraient l'après-midi à la Chaumière aux Coquillages. Si la jeune fille n'avait plus peur d'affronter ce grand dadais aux cheveux de plus en plus longs et ébouriffés, il ne lui aspirait que haine et dégoût. Gemma ne voyait pas pourquoi elle devait s'infliger la vision de James si elle pouvait fuir et grand bien lui en avait pris. Comme dans ses nombreuses missives, le cousin de Dominique s'efforçait de la faire changer d'avis.
- Tu es sûre ?, reprit James en fronçant les sourcils.
- Je n'ai aucune envie de rester seule.
- Tu n'as qu'à habiter avec Camille.
La jeune fille ne répondit pas et détourna la tête. La logique de James était imparable et même elle y avait pensé. Mais, aussi malheureux que ça soit, elle ne tenait pas à habiter avec la jeune fille. Leur amitié avait vraiment été mise à mal cette année-là et il y avait des choses que la Poufsouffle ne pouvait pas comprendre. Elle n'avait pas été là, le vingt-huit mai. Elle n'avait pas vu Kalls renversé par un éclair vert, juste après que ce dernier eut frôlé Lysenko. Elle n'avait pas vu l'horreur. Et elle ne pouvait pas prendre le risque que Camille découvre qu'elle était malade après avoir pris tant de soin à le lui cacher pendant sept ans.
- Je préfète habiter avec Gemma, reprit-elle en roulant en boule sa tenue de Quidditch avant de la jeter dans l'armoire de sa chambre d'enfant.
- C'est une très mauvaise idée.
- Non.
Excédée et bien décidée à en finir avec cette histoire, la jeune fille se retourna vers James, les poings sur les hanches, comme une mère s'apprêtant à faire la leçon à son fils. Son cousin afficha un sourire goguenard, la défiant de s'expliquer.
- Lysenko est quelqu'un d'intelligent. C'est une fille polie, bien élevée, serviable et ma mère l'adore. N'importe quel parent adorerait qu'un de ses enfants vive avec une fille comme elle. Elle va me tenir à l'œil et s'occuper de moi. Je vais vivre avec Gemma parce que c'est la meilleure solution pour moi.
Ce qui n'était pas vraiment l'entière vérité. Elle ne comptait pas vivre avec Gemma pour ses qualités de bru parfaite, en apparence, ni parce qu'elle prendrait soin d'elle, quelle grosse blague ! Dominique Weasley était une grande fille, contrairement à ce que croyait sa mère, et elle pouvait très bien s'occuper d'elle-même. Elle allait vivre avec Gemma parce que cette dernière avait besoin d'elle pour ne pas sombrer, chose que personne, à part elle, ne semblait avoir remarqué.
- Attention avec ces assiettes là, murmura Gemma Lysenko en remarquant la pile qui, dans les bras de Dominique, tanguait dangereusement. C'est un cadeau de mon grand-père.
Il suffisait de regarder l'ancienne Serdaigle pour se rendre compte que quelque chose ne tournait pas rond. Ses rondeurs d'enfants avaient presque disparu, ses courbes étaient moins appréciables et ses joues s'étaient creusées. Son visage était pâle, cerné. Elle ne dormait pas. Elle ne dormait plus et faisait cauchemar sur cauchemar. Mais personne ne l'avait remarqué, hormis la jeune Weasley car elle non plus ne dormait pas. Elles partageaient le même lit à la Chaumière aux Coquillages et, de ce fait, Dominique partageait les nuits agitées de Lysenko.
Dominique, comme recommandé, fit très attention avec les assiettes, ne voulant pas déclencher une réaction négative chez Gemma qui pouvait passer du rire aux larmes en quelques secondes ces temps-ci. Son amie réagissait disproportionnellement au moindre évènement, riant bruyamment lorsqu'elle était heureuse et pleurant de longues heures lorsque quelque chose la contrariait. Plus patiente que jamais, Dominique se contentait de lui tapoter l'épaule en signe de réconfort lorsque ce genre de chose arrivait.
Elle rangea la pile dans le placard au dessus de l'évier prévu à cet effet et, d'un regard, évalua le reste du travail à faire. Il restait encore de nombreux cartons à déballer, mais l'ensemble était plutôt satisfaisant. L'appartement était composé d'un petit couloir qui menait directement au salon et à la cuisine et d'un renfoncement qui comportait quatre portes. L'une menait aux cabinets, l'autre à la salle de bain confortable et les deux dernières aux deux chambres. Dominique s'était attribué la plus grande, sous prétexte qu'elle donnait sur le Chaudron Baveur et que le flux d'énergie était plus favorable à cet endroit-là. Gemma n'avait pas protesté et, au prix d'un dur labeur, avait agrandi magiquement la sienne qui était maintenant la plus belle et grande de l'appartement.
Exténuée d'avoir passé toute une journée à faire des allers-retours à la Chaumière aux Coquillage, la jeune Weasley se laissa tomber sur leur tout nouveau canapé, récupéré dans la cave d'Angelina et George qui l'avaient abandonné là une vingtaine d'années plus tôt.
- J'en ai marre de tous ces déménagements, grogna la jeune fille en guise d'explication lorsque Gemma haussa un sourcil sceptique. Je suis fatiguée.
Car ce n'était pas le premier de l'été. Camille avait emménagé au 51, Broad Street, appartement numéro 6, près de l'endroit où était dissimulé le Ministère de la Magie et non loin de l'Université Magique de Londres où elle alternerait entre sa formation et ses études. Il avait aussi fallu transporter les effets de James Potter dans le Sud de l'Angleterre, dans un trou perdu nommé Sennen Cove où il commencerait ses études de soigneur à la fin de l'été. Dominique avait détesté les petits appartements où logeaient les élèves de l'Institut Avancé de Soins aux Créatures Magiques, trop exigus et éloignés de la civilisation mais avait bien été obligée de reconnaître que dormir à moins d'un kilomètre d'un élevage de dragons était plutôt cool. Ensuite, elle et Camille avaient aidé Joana Mayer à s'installer à Londres, sur le Chemin de Traverse, non loin du siège de Sorcière Hebdo et de chez elles, où elle serait stagiaire pendant toute une année. Puis Molly avait emménagé au 51, Broad Street, appartement numéro 5 et cela avait été le drame.
Camille Teyssier, en sortant innocemment ses poubelles, était tombée nez à nez avec la jeune fille, Dominique et Anatole Bensberg et ce dernier avait juste eu le temps de se baisser pour ne pas se prendre un tas de déchets sur la tête. Elle avait ensuite hurlé que Molly avait fait exprès de s'installer dans l'appartement en face de chez elle pour surveiller Arthur et qu'elle n'était qu'une vieille folle. De mauvaise foi, Molly avait prétexté une fâcheuse coïncidence et couiné que "jamais de la vie, elle ne se serait installée volontairement à côté d'une voleuse de petit-copain, dénuée de sentiments et d'empathie, égoïste et nombriliste … et laide comme un Veracrasse en chaleur !".
Cette fois-ci, Anatole n'avait pas pu éviter la deuxième poubelle.
- On continuera demain, si tu veux, lança Gemma en se radoucissant un peu.
Dominique lui adressa un sourire en guise de remerciement, tout en se sentant un peu coupable. Elle n'était pas si fatiguée que ça et savait que Gemma ne la laissait tranquille qu'à cause de sa maladie. Chose dont elle avait toujours refusé de profiter avant. Repentante, la jeune fille se releva d'un bond et se dirigea vers un carton, un peu en retrait en dessous de la table de cuisine ronde et dont elle connaissait le contenu pour l'avoir emballé quelques heures plus tôt.
En fouillant à l'intérieur, elle sortit quelques paquets de bonbons, dont le nouveau Marshm'enbulles au goût cerise dont elle raffolait et une bouteille de Whisky-Pur-Feu.
- On n'a qu'à fêter ça ! Oh, ne fais pas cette tête Gemma, un peu d'alcool ne fera pas de mal au Nimbus coincé dans ton postérieur. C'est un grand jour aujourd'hui. Repense un peu au début de notre septième année. Il y a un peu moins d'un an, on n'aurait pas hésité à se jeter l'une sur l'autre pour s'étrangler et maintenant, on habite ensemble. Un petit pas pour le sorcier, un grand pas pour …
- Tais-toi et sors les verres.
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Sennen Cove, le 18 août
James Potter accrocha avec douceur le deuxième pan de l'écharpe de son ancienne maison, Gryffondor, juste au dessus de son bureau et redescendit de sa chaise pour voir si l'ensemble était bien aligné. En voulant reculer, ses mollets butèrent contre son lit et il termina le derrière sur le matelas, un peu sonné.
Maudit appartement ! Le désavantage lorsque la chambre, la cuisine, le bureau et le salon se trouvaient dans une même pièce qui ne faisait que dix mètres carrés, c'est qu'on ne pouvait pas marcher bien longtemps sans se prendre les pieds dans quelque chose. L'avantage ? Eh bien, il n'avait pas encore trouvé. Le pire était la salle de bain où il pouvait s'affairer sur le trône, se laver les mains dans le lavabo et les pieds dans la douche et tout ceci en même temps.
En plus, dans la petite université de Sennen Cove, tout le monde était logé à la même enseigne. On ne pouvait pas bénéficier d'appartement plus confortable et encore moins pratiquer la magie pour les agrandir. Selon la maxime de l'école, l'important ne résidait pas dans le bien matériel. James était d'accord sur le principe, néanmoins, il aurait bien aimé ne pas entendre les éternuements de ses voisins les plus proches.
Avec ses parents et l'aide de Wil Jordan et Dominique, il avait ramené ses affaires au mois de juillet. L'écharpe datait du dernier voyage, le jour-même, alors qu'il avait décidé de prendre possession des lieux, et ce bien avant la rentrée. A Sennen Cove, les étudiants étaient libres d'arriver à la date qui leur convenait, sachant que chacun devrait être présent le deuxième jour de septembre, lors de la reprise des cours. C'était une petite université, il n'y avait pas plus d'une centaine d'élèves et moitié moins d'appartements et l'on misait sur la proximité de l'enseignement pour progresser. Avant la rentrée, chacun était libre de déambuler où il voulait, que ce soit dans les baraquements, le Manoir des cours ou le vaste domaine de plusieurs dizaines d'hectares où se situaient les différents enclos des animaux ainsi que le stade de Quidditch.
James avait été y faire un tour en juillet et il ne valait pas celui de Poudlard. Néanmoins, il avait l'assurance de pouvoir entrer dans l'équipe, cette dernière étant classée dernière au tournoi universitaire Anglais, et il savait qu'il arriverait à ravir la place d'Attrapeur à l'actuel tenant du titre qui pesait aussi lourd qu'un Hippogriffe et passait plus de temps à regarder les nuages qu'à chercher le vif d'or.
Cette université était un bon compromis qui lui permettrait de ne pas abandonner le Quidditch. Après tout, il avait beau avoir décidé de changer de voie au dernier moment, ne plus toucher un balai durant ses études lui paraissait insupportable.
Si James avait décidé de partir plus tôt que prévu c'était par ennui profond. Wil Jordan avait été embauché dès la fin juillet par son oncle George qui ne voyait pas l'intérêt de le garder comme simple stagiaire alors qu'il faisait du bon boulot, Nella Flint s'était envolée pour Orel à des centaines de kilomètres de l'île anglaise quelques jours plus tôt, Dominique emménageait aujourd'hui avec cette idiote de Lysenko et Dewi Carlson ne lui parlait toujours pas malgré ses excuses répétées et hypocrites au plus haut point. Ne restait qu'Albus qui passait la moitié de ses journées enfermé dans sa chambre et l'autre moitié chez les Malefoy et Lily qui avait préféré finir les vacances chez l'une de ses amies de Gryffondor. Alors quoi ? Tourner en rond à Londres avec pour seule compagnie sa mère et son père ? Très peu pour James. Il avait préféré prendre un aller simple par cheminée à Sennen Cove.
Choix qu'il commençait à regretter. Mis à part quelques enseignants et différents soigneurs, l'endroit était désert, ou presque. Il y avait bien Chang. Chang -il n'avait pas compris son nom de famille- était l'occupant de "l'appartement" numéro 38, tandis que James logeait dans le 37. Par conséquent, James savait quand le garçon d'origine Japonaise se levait, prenait sa douche et s'entraînait aux arts martiaux. Il avait découvert la passion du jeune homme pour ce sport deux heures auparavant, quand le pied de ce dernier avait atterrit sur le lit de James. Le trou dans le mur avait été colmaté en quelques tours de magie mais James s'était promis de ne jamais trop énerver l'étudiant. S'il arrivait à passer au travers d'un mur, qui sait ce qu'il pourrait faire avec sa tête.
Bref, Chang était plus qu'étrange et il espérait que les autres élèves seraient relativement normaux.
N'ayant pas grand-chose à faire, James décida de partir découvrir les environs et de trouver ce fameux enclos à licornes qu'on mentionnait dans le descriptif.
Néanmoins, il s'arrêta net lorsqu'il prit les clés sur son bureau, son regard happé par un paquet de lettres qu'il n'avait pas pris le temps de ranger. Elles venaient toutes de Nella Flint avec qui il entretenait une correspondance régulière depuis la fin des cours. Un sourire nostalgique s'installa sur son visage.
Leeds, le 01 juillet
James,
Les préparatifs du départ en Russie s'annoncent bien. Papa m'a enfin dégoté une habitation décente, que je partagerai avec une certaine Holly McDouglas, dont le père travaille au Ministère. Il possède une maison à Orel, où sa fille habitait jusqu'à cette année avec deux autres garçons qui ont terminé leurs études. Nous serons certainement trois anglais, Mr McDouglas recherche activement une troisième personne, alors peut-être que je me sentirais moins dépaysée.
Je suis aussi excitée que terrifiée par ce déménagement. Et si cela ne se passait pas bien ? Et si je ne m'entendais pas avec cette Holly ? Et si je ne comprenais rien aux cours ? Et si Londres me manquait trop ?
Tu me disais dans ta dernière lettre qu'avec ton frère vous aviez fait une blague à votre cousine Rose. Bien que je désapprouve totalement et trouve cela grotesque, je suis sûr que vous n'avez pas été impunis lorsqu'elle a retrouvé des cafards dans son lit ! Enfin, James, quel âge as-tu ? (Du coup, est-ce qu'elle est rentrée chez elle, comme escompté ?)
Amitiés,
Nella Flint.
Leeds, le 10 juillet
James,
Je ne sais pas si je dois croire à tes encouragements. Après tout, quel atout ai-je que les autres n'ont pas ? Flitwick et papa m'ont prévenu, il faut de la hargne et de la poigne pour réussir dans ces métiers là. Surtout que je ne sais pas véritablement ce que je veux faire de ma vie …
Et non, tu n'enverras pas un Sortilège Impardonnable à cette Holly McDouglas si elle ne me plaît pas ! C'est hors de question. De toute façon, je le saurai bien assez tôt. Le déménagement est prévu pour la mi-août.
Rose n'a pas dû gonfler beaucoup ta tête pour que tu n'arrives plus à passer les portes, tu es déjà si imbu de toi que je me demandais comment tu faisais à Poudlard. Ne m'en veux pas, tu as bien d'autres qualités mais la modestie n'en fait pas partie.
Mardi prochain, c'est mon anniversaire. Papa a bien voulu que je vous convie à la maison, toi, Dewi et Wil. Je sais bien que les relations sont tendues entre elle et toi mais … par Merlin, ne faites pas exploser la maison. Papa n'a aucune confiance en vous, surtout en Wil en fait, et je ne voudrais pas lui donner raison.
Excuse-toi. Rampe par terre s'il le faut mais fais en sorte que Dewi te pardonne. Il est exclu que tu ne viennes pas alors essaie de te montrer convaincant.
A bientôt,
Nella Flint.
Leeds, le 23 juillet
James,
Ta prestation avait beau être teintée d'hypocrisie flagrante, j'ai pensé que tu y mettais du tiens jusqu'à ce que tu traites Moorehead de "vieille mégère sociopathe et misanthrope". Est-ce que tu croyais vraiment que Dewi allait te pardonner en lui disant ça ? Tu as mérité cette deuxième claque de sa part pour ton ironie mais aussi pour avoir gâché mon anniversaire.
Heureusement, Papa a adoré. Je crois qu'il ne s'est pas encore remis de ta tête ni de la marque rouge sur tes joues. Depuis, il accepte toujours quand je veux inviter Dewi à la maison. Par contre, tu n'y es plus le bienvenu. Je crois que Papa a dit quelque chose du genre "il devait avoir mérité cette baffe et tout homme qui est assez minable pour mériter une claque d'une fille ne mettra plus un orteil dans ma maison" mais je crois juste que ça l'arrange.
Tu es content ?
Sache quand même que, bizarrement, je suis incapable de t'en vouloir. Ne le dis pas à Dewi (en même temps, je doute qu'elle te pardonne de sitôt) mais je considère aussi Moorehead comme une "vieille mégère sociopathe et misanthrope".
Le départ approche ! Je suis de plus en plus terrifiée et de moins en moins excitée.
Amitiés,
Nella Flint.
Leeds le 03 août,
James,
Mes paroles vont être un peu plus sérieuses aujourd'hui.
J'ai suivi comme tout le monde le procès du professeur Wiertz dans la Gazette des Sorciers et le jugement me rend un peu amère. Que sont dix ans à Azkaban pour un meurtre ? Assassiner un garçon de douze ans ne vaut-il pas un peu plus que dix années ? Est-ce que dix ans suffiront pour que nous oubliions cette tragédie ?
Cette mare de sang autour de Mervin Kalls peuple toujours mes cauchemar. Je n'ai jamais supporté le sang mais je crois que c'est pire à présent. L'autre jour, notre elfe de maison, Lety, s'est coupé et je me suis évanouie. Pourtant, il n'y avait qu'une petite tâche mais rien à faire, je tremblais toujours quelques heures plus tard. Papa a dû me préparer une potion de sommeil sans rêve pour que j'accepte d'aller me coucher.
Pour en revenir au procès, je ne suis pas déçue que du verdict. Wiertz ayant plaidé coupable et refusé de parler, toutes mes interrogations perdurent. Pourquoi agresser des gamins ? Que venait-il faire à Poudlard ? Qui sont ses deux hommes qui l'accompagnaient ? Depuis que l'information a filtré dans la presse, nous pouvons à présent les appeler Alioth Lerzov et Alberic Koch et nous savons que l'un est d'origine Russe tandis que l'autre est Allemand, comme Wiertz. Mais quel est le lien entre eux et notre professeur de Duels, ancien Auror en Bavière ? Crois-tu que nous aurons les réponses un jour ? Que c'est cela la clé de la délivrance, celle qui nous permettra d'oublier ?
Je suis bien pessimiste aujourd'hui … Il n'y a rien à faire, je ne cesse de penser à Orel et à ce simulacre de procès. Quand je serais diplômée, ce genre de chose n'arrivera plus. C'est sur cela que je dois me concentrer pour surmonter mes peurs.
Je ne t'écrirais sûrement plus avant d'être installée à Orel. Prends soin de toi, à bientôt.
Nella Flint.
James Potter esquissa un sourire sans joie en reposant la dernière lettre de son amie.
Lui aussi avait été furieux et indigné lorsque le jugement de Wiertz avait été rendu. Dix ans ! Qu'était-ce que dix ans dans une vie ? Rien, justement, à peine l'âge de Mervin Kalls. Mais, comme son père le lui avait expliqué, le Magenmagot était plus frileux depuis la dernière guerre lorsqu'il s'agissait de rendre des verdicts. Wiertz avait plaidé coupable et, en plus, ému le jury en prétextant regretter amèrement son geste et avoir été poussé par Lerzov et Koch a commettre toutes ces agressions. Il prétextait le chantage et la manipulation, bref, il reportait la responsabilité sur ses complices, sans rien dire de leurs motivations.
James n'en avait pas été moins furieux et indigné mais, comme le lui avait justement fait remarqué son père, il ne pouvait décemment pas "aller casser la figure à tous ces jurés incapables".
Alors, comme il ne pouvait rien faire là où il était et que ses amis étaient momentanément indisponibles, James avait prévu son exil à Sennen Cove pour aujourd'hui. Ses doigts agrippèrent un prospectus vert juste à côté des lettres, qui était le plan du domaine de Sennen Cove. Il avait depuis longtemps repéré l'enclos des licornes, l'endroit qui l'intéressait le plus, et qui ne devait se trouvait qu'à une vingtaine de minutes à pieds de sa chambre.
Le temps étant chaud et le ciel dégagé, il ne voyait aucun inconvénient à pousser la marche jusque là. Puis, s'il avait le temps, il marcherait au gré de ses envies avant que la nuit ne tombe.
Il sortit de son appartement, ignora les bruits étranges qui venaient de l'appartement de Chang et descendit l'unique escalier qui lui permettait d'accéder au domaine. Les bâtiments abritant les appartements avaient été construis à l'entrée de l'Université. Juste derrière se trouvait le manoir où les étudiants apprendraient la pratique et derrière, un immense parc qui abritait des animaux tous plus extraordinaires les uns que les autres ! La documentation de Sennen Cove parlait même de Pégases, ces chevaux ailés qui ne se comptaient que par dizaines de par le monde. James avait même hâte de commencer les cours, lui qui n'était qu'un élève moyen à Poudlard et dont tout le monde disait, de ses parents en passant par ses Professeurs et même Dewi Carlson, qu'il avait une mandragore dans la main.
Il passa devant un jardin fleuri où s'agitaient de nombreux chiens sauvages (pas le même genre de chiens qu'on adopte chez soi, ceux-là possédaient le pouvoir particulier de repérer un individu à des milles à la ronde, pour peu qu'on possède l'odeur de celui qu'on cherchait). Il croisa un groupe de trois jeunes qui avaient l'air d'avoir la vingtaine et qui portaient déjà l'uniforme beige de l'Université mais ne s'arrêta pas pour discuter avec eux. Ces trois-là devaient avoir bientôt terminé leur cursus scolaire et il voulait se faire des amis de son âge.
Après avoir admiré deux bels hippogriffes parmi les moins farouche de la meute de l'enclos, les autres se cachant dans la partie boisée de leur habitat, James trouva ce qu'il cherchait. Enfin, selon l'écriteau posé sur la barrière car nulle trace de licorne dans son champs de vision.
Il s'accola à la barrière de bois mais ne passa pas de l'autre côté. Il ne tenait pas à se faire renvoyer le premier jour auquel cas Lerzov et Koch lui paraîtraient moins terrifiants que sa mère. Un peu dépité néanmoins, il plissa les yeux, espérant trouver un pelage blanc au milieu des arbres, des buissons épais et des mauvaises herbes.
Il n'attendit que quelques minutes. Un naseau semblable à ceux qu'il pouvait admirer quotidiennement à Poudlard se dessina à l'orée de la forêt et, bientôt, il put admirer une licorne adulte à quelques mètres de lui. Instinctivement, il tendit la main. Et, tout comme à Poudlard, sans qu'il ne sache pourquoi, l'animal se rapprocha de lui. Plongeant ses yeux bruns dans les siens, le jeune homme ne la lâcha pas du regard. Il savait montrer le respect dû à une licorne et généralement, ces dernières sentaient qu'il n'avait pas de mauvaises intentions.
Celle-ci mit plus de temps à lui faire confiance. Mais, à force d'efforts et de flatteries, James réussit à effleurer sa croupe et un grand sourire qu'il savait idiot se dessina sur son visage. Aussitôt, des applaudissements retentirent derrière lui. La licorne se dégagea brusquement de son étreinte et partit au galop en direction de la forêt, lui arrachant un soupir déçu.
Prêt à arracher la tête à la personne qui avait osé interrompre ce moment il se retourna et s'arrêta en plein geste. Quelques mètres plus loin s'avançait une jeune fille aux longs cheveux noirs, vêtue d'une salopette en jean de moldu d'où dépassait un petit carnet violet.
Lorsqu'elle se rapprocha, il comprit qu'il ne s'était pas trompé. Devant lui, se tenait la plus belle fille au monde. Même Dewi et Nella faisaient pâle figure à côté de l'inconnue. Il ne put s'empêcher d'ouvrir bêtement la bouche et n'arriva pas à reprendre contenance. Impossible avec ce genre de créature.
La jeune fille avait de beaux cheveux noirs, attachés n'importe comment sur le haut de son crâne. De fines mèches s'en échappaient pour se faufiler devant ses yeux d'un bleu envoûtant et brillant. Ses joues roses, rebondies, étaient souriantes et dévoilaient une rangée de dents blanches. Elle avait le nez droit et fin et quelques tâches de rousseurs qui ajoutaient à son charme. De plus, sa salopette informe ne parvenait pas à cacher les formes de son corps et même à travers son tee-shirt jaune, James devina qu'elle cachait une poitrine généreuse. Elle avait le même genre de corps pulpeux que Dewi, elle qui l'avait envoûté pendant une bonne année avant de lui préférer cette tarée de Moorehead.
- Salut, lança l'apparition, avec un sourire étincelant. Je ne voulais pas interrompre ça mais ça fait une bonne dizaine de minutes que je suis derrière toi et je commençais à m'ennuyer. Même si c'était vraiment impressionnant ! D'habitude, les licornes n'aiment vraiment pas les garçons et toi, tu l'as apprivoisée en quelques minutes. Félicitations !
Sa voix était rauque, la faisant paraître plus âgée que ce qu'elle devait être. James sentit qu'il ne pourrait bientôt plus s'en passer.
- T'es muet ?, reprit la jeune fille sans se démonter, escaladant prestement la barrière et s'asseyant dessus avec une grâce naturelle.
Peut-être bien qu'il l'était devenu… James referma soudainement la bouche, cligna plusieurs fois des yeux et tourna la tête vers la fille. Hors de question qu'il se comporte comme Wil Jordan qui avait été en extase devant Nella pendant des mois avant d'oser lui parler.
- J'ai toujours eu de la chance avec les licornes, avoua-t-il en haussant les épaules. A Poudlard, elles m'adoraient.
- Je ne suis jamais arrivée à en approcher une. A Beauxbâtons, elles me fuyaient comme la peste. Mais je m'en fiche, je préfère les dragons. Je veux être dresseuse de dragons alors les licornes… Au fait, je m'appelle Georgina Peterson. Généralement on m'appelle Georgie, je préfère.
- Enchanté Georgie, déclara solennellement l'ancien Gryffondor en lui tendant la main. Moi c'est James Potter.
- Vraiment ?, lança-t-elle en haussant un sourcil septique. Le fils d'Harry Potter ?
- Il parait.
Georgina … Georgie se remit à sourire et hocha la tête tout en acceptant sa poignée de main. Inconsciente de l'effet qu'elle produisait sur James, elle passa une main dans ses cheveux pour tenter de maîtriser ses mèches rebelles et darda ses yeux bleus sur lui.
- Et qu'est-ce que le fils du grand Harry Potter vient faire ici ?
- Je suis plus grand que mon père, plaisanta-t-il bêtement. Et bien, j'avais le choix entre vivre des rentes de mes parents, mais ces derniers n'étaient pas vraiment d'accord, et faire des études. Me voici. Mais note bien que je suis le meilleur attrapeur de la région. Voire même du pays.
- Personne ne peut dépasser Elladora Felds, rétorqua-t-elle en faisait référence à l'attrapeur des Harpies.
Et en plus, elle s'y connaissait en Quidditch ? Durant l'heure qui suivit et qu'il passa avec Georgie, il apprit qu'elle avait été Gardienne dans l'une des équipes de son école, qu'elle avait suivi sa scolarité à Beauxbâtons car ses parents vivaient en France depuis la première guerre mais étaient anglais. C'est pour cela qu'elle n'avait aucun accent. Il découvrit que Georgie s'intéressait à beaucoup de choses, surtout les plus dangereuses, d'où sa passion pour les dragons, qu'elle avait une ambition et un égo démesurés mais aussi qu'elle était très drôle.
Il comprit aussi qu'il venait irrémédiablement et irrévocablement de tomber amoureux d'elle et, ce, depuis la seconde où il avait croisé son regard bleu.
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- Je veux un chien, déclara Gemma Lysenko en terminant son verre d'une traite.
- D'acc … Hein, quoi ?
Dominique Weasley referma la bouche aussi vite qu'elle l'avait ouverte, regardant son amie étrangement. Cette dernière avait vidé plus de la moitié de la bouteille à elle toute seule, n'avait pas touché à une seule confiserie et était visiblement ivre morte, elle qui n'avait pas l'habitude de boire.
Quant à Dominique, qui prenait de nombreux médicaments et qui n'aimait pas vraiment la sensation de l'ivresse, elle avait été beaucoup plus sage et était en pleine possession de ses moyens. Ce qui n'était pas le cas de Gemma. Un chien ? Dans un appartement ? La jeune Weasley n'était pas contre sur le principe. Néanmoins, elle doutait que cette grande sportive de Lysenko soit aussi enthousiasme lorsqu'il s'agirait de le promener. Sous la pluie. Sous la neige. Par moins quinze degré. Et qui devrait prendre la relève ? Elle.
Il en était hors de question.
- Je veux un chien parce que Mervin est mort, reprit Gemma avec un grand sourire.
Nous y voilà, songea Dominique. Jusqu'ici, l'ancienne Serdaigle n'avait jamais reparlé de Mervin ni-même du soir du vingt-huit mai. Pas consciemment en tout cas. En fait, elle en parlait bien, mais la nuit, dans ses cauchemars. Et comme Dominique dormait avec elle, elle entendait tout. Les cris, les larmes, les regrets dans sa voix. Elle seule connaissait l'ampleur du désastre et à quel point Gemma souffrait de la disparition du petit Serdaigle et des révélations sur la mort de sa mère. Si elle ne lui en avait pas parlé, c'était par pudeur et aussi parce qu'elle avait toujours horreur des conversations sérieuses. Elle se sentait trop stupide et savait qu'elle ne pourrait pas conseiller ou consoler Gemma. Elle n'y arriverait pas. Ainsi, elle avait gardé les cauchemars de la jeune fille pour elle et espéré que la situation s'arrange d'elle-même.
- Mervin était un peu comme un chien. Collant et affectueux. Doux et caractériel à la fois. Je veux un chien et on l'appellera Marvin. D'accord ?
Non, pensa Dominique.
- Oui, dit-elle. On ira le chercher dans la semaine si tu veux.
On passait tout à Gemma. Elle passait tout à Gemma plutôt. La jeune fille espérait vraiment que les efforts qu'elle faisait allaient l'aider à passer à autre chose. Elle avait oublié que les choses n'étaient pas si simple avec l'ancienne Serdaigle et qu'elle était de celle qu'il ne fallait pas caresser dans le sens du poil pour qu'elle comprenne. Qu'il fallait hurler, tempêter, l'insulter pour que quelque chose rentre dans sa cervelle de piaf.
Elle avait pitié de Gemma, tout ce que cette dernière ne voulait pas.
- Et puis, je veux pas travailler au Chaudron Baveur. J'aime pas Hannah.
- Hannah est super gentille, rétorqua Dominique. Et puis, tu ne devrais pas faire la difficile.
- Je vaux mieux que ça.
- Pas sur papier.
Sur papier, Dominique valait beaucoup mieux que Gemma Lysenko qui, pourtant, avait longtemps été la meilleure élève de sa promotion et sur qui les professeurs fondaient de nombreux espoirs. La jeune Weasley se souvint de ce jour honni où elles avaient reçu les résultats de leurs ASPICS à la Chaumière aux Coquillages. La réaction de Gemma avait été pire que tout. Pire que les cris, pire que les larmes, pire que l'indignation. Pire, parce qu'elle n'avait eu aucune réaction.
Comme si elle s'attendait à n'avoir qu'un seul ASPIC sur les douze possibles.
Même Dominique avait été effarée. Alors qu'elle lisait le parchemin par-dessus l'épaule de son amie, assise sur l'évier de la cuisine, elle s'était cassé la figure et avait hurlé. Son cri avait rameuté sa mère et Louis, qui veillaient sur elle comme une poule sur ses œufs depuis son admission à Ste Mangouste à la fin de l'année, et ils avaient semblé épouvantés de la voir par terre. Elle les avait très vite rassuré et avait expliqué que le choc était mental : le Ministère s'était sûrement trompé parce que Gemma Lysenko ne pouvait pas avoir loupé tous ses ASPICS sauf celui d'Histoire de la Magie qui ne servait à rien dans le monde réel.
Fleur avait été surprise elle-aussi et demandé à Gemma quand elle voulait se rendre au Ministère pour vérifier ses copies mais cette dernière avait haussé les épaules et révélé qu'elle s'y attendait et, pire, qu'elle le méritait.
Louis avait semblé sceptique, Fleur aussi mais son attention s'était vite reportée sur sa fille qui tenait encore son propre parchemin dans sa main et n'avait pas regardé ses résultats. Dominique, qui s'attendait à recevoir la pire raclée de sa vie en ouvrant le parchemin, avait dégluti et, timidement jeté un œil sur ses résultats.
Cinq ASPICS ! Cinq ! Très vite il s'avérerait que son cousin James en avait aussi eu cinq (ce dont Ginny et Harry se contentèrent amplement) et que Molly en avait eu douze (ce dont Percy ne se contenta pas et tenta désespérément de faire changer sa fille d'avis sur sa future carrière de mannequin). Dominique avait réussi les Potions, bien sûr, l'Etude des Moldus, la Défense contre les Forces du mal, la Botanique et les Soins aux Créatures Magique. Elle avait eu P en Sortilège, ce qui était normal - elle avait en effet métamorphosé son examinatrice à l'épreuve pratique-, D en Sortilèges et en Histoire de la Magie. Ce qui lui faisait cinq matières validées sur huit et était amplement suffisant à sa mère pour fondre en larmes et arguer en tapotant la tête de sa fille, toujours par terre, qu'elle avait toujours eu confiance en elle et savait qu'elle y arriverait. C'était un pur mensonge, bien entendu, et Louis avait ricané. Dominique l'avait alors sommé de dégager, c'était son moment de gloire. Le petit génie de la famille ne pouvait pas comprendre, lui qui ramènerait sûrement douze ASPICS comme Molly.
- Un papier, c'est qu'un papier, déclara sagement Gemma. Je peux faire mieux.
- Moi je le sais. Mais les autres regarderont le papier. Et ils verront que tu n'as que ton ASPIC d'Histoire de la Magie et te riront au nez. Tu ferais mieux d'aller travailler avec Hannah au Chaudron Baveur.
- Bon, d'accord, admit l'ancienne Serdaigle.
Bien, elle n'était pas tout à fait irrécupérable.
- Mais jusqu'à ce qu'on ait retrouvé Lerzov et Koch. Après je deviendrais Médicomage, comme prévu.
Si, elle l'était.
Gemma Lysenko avait d'abord voulu se lancer à la poursuite des deux fuyards mais Dominique l'en avait empêché, arguant que cela allait mal tourner, que leurs parents seraient au courant d'une manière ou d'une autre et qu'il était hors de question qu'elles se lancent dans une course dont elles sortiraient perdantes, pour le moment. Elle lui avait quand même concédé le droit de faire quelques recherches, ce qu'elle regrettait amèrement. L'ancienne Serdaigle avait eu une idée encore plus tordue et elle s'appelait sobrement "Detect'tout, agence de détectives privé depuis 1882". Comme elle n'avait pas les moyens d'embaucher un détective privé, la jeune fille avait décidé de s'infiltrer dans l'agence et de soudoyer l'un de ses employés. Cela n'avait pas marché non plus, on avait rit au nez de Gemma lors de son entretien d'embauche. Pas pour ses notes, non. La directrice trouvait l'ancienne Serdaigle peu sportive, pas assez curieuse, trop renfermée et, surtout, elle lui avait dit qu'elle n'avait pas une once d'imagination.
Du coup, elle était passé au plan B : Dominique avait passé l'entretien et, contre toute attente, avait brillamment réussi à amadouer Sandy McCoyle, la dernière descendante de la famille qui avait fondé l'agence. Pourtant, elle n'y avait pas mis beaucoup d'entrain mais son caractère bougon et entêté avait dû plaire à cette dernière qui lui avait offert un poste d'assistante. Assistante de quoi, de qui ? Dominique qui n'avait rien écouté à ses explications n'en savait pas plus. Mais elle avait atteint le but de Gemma qui, depuis, prenait son mal en patience et attendait fébrilement le lundi suivant, le premier jour de travail de Dominique.
Cette dernière était consciente que son plan idiot ne marcherait pas mais elle n'avait rien dit, ne voulant pas être celle qui briserait les rêves de Gemma. Et puis, de toute façon, elle n'était inscrite dans aucune Université et l'idée de faire des études avait disparu en fumée avec la fin de l'année scolaire.
Si sa mère avait trouvé ce nouvel emploi plus que bizarre et restait sceptique quant aux capacités de Dominique de s'en sortir, elle lui avait concédé que c'était mieux que de travailler au Chaudron Baveur. De ce que Gemma lui avait dit, son père n'avait trop rien dit, trop abasourdi par les résultats aux ASPICS de sa fille et surtout, ne désirant pas briser le lien familial qui s'était réinstallé entre eux. Gemma, néanmoins, n'avait pas abandonné l'idée d'avoir une brillante carrière.
- Tu ne pourras pas devenir Médicomage avec un ASPIC d'Histoire de la Magie, marmonna Dominique qui en avait marre d'être l'adulte responsable de leur colocation.
- Tu verras, j'y arriverai. Ressers-moi du jus de citrouille, lança-t-elle en désignant la bouteille de Whisky-Pur-Feu.
Dominique refusa tout net et Gemma ne discuta pas longtemps. Bientôt, elle dormait profondément dans sa chambre plus belle et plus grande que celle de l'ancienne Poufsouffle.
En retournant dans le salon, cette dernière poussa un soupir de frustration. Il faudrait bien que Gemma se reprenne, un jour. Dominique ne serait pas toujours là pour lui tenir la main et le grand nombre de médicaments qu'elle avala avant d'aller se coucher le lui rappela. Elle ne voulait pas tenir ce rôle qui lui prenait ses dernières forces. Elle voulait vivre et oublier, tout simplement.
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Londres, le 24 août
Dominique Weasley déglutit péniblement en se retrouvant devant le mur tape-à-l'œil de Detect'tout, qui se trouvait dans l'une des ruelles du chemin de Traverse. Elle s'en voulait d'avoir accepté un boulot dont elle ignorait tout, était convaincue qu'elle allait s'ennuyer ferme et n'avait qu'une seule envie : faire demi-tour. En plus, la façade prune et ses fleurs bleues ne lui plaisaient pas du tout.
Pourtant, elle n'avait pas le choix. Le contrat qu'elle avait signé lors de son entretien stipulait qu'elle devait se trouver ce lundi-là, à huit heures précises dans les locaux de Detect'tout. Courageusement, elle poussa la porte et se retrouva dans une grande salle d'attente bien éclairée, disposant de trois fauteuils oranges, d'un distributeur d'eau et de divers prospectus ventant les atouts et les multiples qualités de Detect'tout.
Elle se dirigea vers une jeune fille bien habillée à l'accueil, la même qui l'avait reçue lors de son audition. Cette fois-ci, elle fit plus attention au badge épinglé sur sa poitrine et imprima mentalement le nom d'Evaleen Lancaster dans sa tête.
- Salut, lança-t-elle, un peu désorientée. J'ai rendez-vous avec Mrs McCoyle. Je commence aujourd'hui.
- Vous êtes la nouvelle ?, s'enquit ladite Evaleen en levant les yeux d'une pile de parchemins. Oh, vous remplacez Susie. Enchantée.
Son sourire se fit plus sincère et elle farfouilla dans un tiroir pendant quelques secondes avant d'en sortir un petit badge au nom et prénom de Dominique. Elle lui indiqua une petite boîte noire près d'une porte derrière elle et lui expliqua :
- Vous devez badger à chaque fois que vous passer cette porte. Le matin, deux fois le midi et le soir. Sandy vous attends. Ah et …
Elle eut une moue qui parut étrangement compatissante à l'égard de Dominique et poursuivit :
- … Bonne chance.
La jeune Weasley ne prit pas le temps de s'offusquer de son attitude étrange et, après avoir passé le badge plastifié sur la boîte noire, elle ouvrit la porte. Cette dernière menait sur un couloir qui paraissait terne après le décor coloré de la salle d'attente. Il était long et semblait sans fin. Les quelques portes qui donnaient sur le couloir étaient toutes fermés et les rideaux de fer baissés. Elle ne croisa personne en le traversant entièrement et s'arrêta devant une porte identique aux autres, où le petit écusson doré faisait ressortir en lettres grasses le nom de Sandy McCoyle la directrice de l'agence.
Sans attendre, elle frappa et entra.
La femme qui lui avait fait passer l'entretien était assise derrière son bureau et faisait face à un homme grassouillet, qui portait un haut de forme noir à l'ancienne mode et qui avait l'air encore jeune. Ce dernier devait avoir la trentaine et les poches sous ses yeux qui retombaient mollement sur ses joues flasques indiquaient qu'il ne devait pas beaucoup dormir ces derniers temps. Tous deux arrêtèrent immédiatement leur conversation mais Dominique n'eut pas la décence de paraître gênée. Après tout, on lui avait dit huit heures dans le bureau de McCoyle et il était huit heures. Mieux valait ne pas être en retard le premier jour.
Sandy McCoyle était une femme d'une cinquantaine d'années, aux cheveux grisonnants et à l'attitude énergique. Un sourire sincère s'afficha sur son visage et elle parut soulagée de voir Dominique.
- Ah bonjour Miss, lança-t-elle en se levant précipitamment. Vous êtes à l'heure, c'est parfait. Je vous présente Gus Dewar qui est l'un de nos détectives principaux.
Dewar enleva brièvement son couvre-chef pour la saluer et elle lui sourit poliment.
D'après ce qu'elle avait retenu de cet entretien où elle avait passé plus de temps à maudire Gemma dans son esprit qu'à chercher à décrocher le poste, le cabinet employait une quinzaine de personnes. Outre Evaleen, l'hôtesse d'accueil, McCoyle qui gérait l'agence, il y avait trois autres catégories d'employés : les assistants, les détectives et les détectives principaux, les plus doués. Dewar était visiblement l'un d'eux.
- Nous reparlons de l'affaire Burrows tout à l'heure. Je suis convaincu que ce type n'est pas clair. Sa nièce avait visiblement raison.
- Descends aux archives, tu trouveras peut-être quelque chose. On fait un point demain matin.
Après un dernier coup d'œil à Dominique, le détective principal sortit de la pièce d'un pas traînant et claqua la porte. La jeune Weasley se retourna vers Sandy McCoyle qui laissa tomber une liasse de paperasse dans ses mains, manquant de la faire tomber à la renverse.
- Tu liras tout ceci quand tu auras le temps. Il s'agit de la présentation de notre agence, des règles d'hygiène, de sécurité et des termes de ton contrat. On se tutoie tous ici, j'espère que ça ne te dérange pas ?
Dominique secoua la tête et songea que jamais elle n'oserait dire "tu" a une femme de l'âge de ses parents qu'elle ne connaissait ni de Merlin ni de Morgane.
Sandy McCoyle l'attira ensuite en dehors de son bureau et lui présenta brièvement les locaux. Le couloir continuait sur la droite et se terminait dans une petite salle cosy, avec deux tables et quelques chaises qui permettaient de prendre une pause. Elles retrouvèrent là Gus Dewar, devant un café et fixant le mur d'un air vide.
- Là, ce sont les bureaux de tous les détectives et leurs assistants, indiqua Sandy McCoyle en retournant au point de départ. Le tien est là-bas au fond. Je t'y emmènerai tout à l'heure. Ici tu as les commodités, et ici une salle de réflexion. Tu peux en disposer à ta guise mais je te conseille plutôt de rester avec ton détective attitré. C'est à lui que tu dois référer en premier, je n'interviens qu'en dernier recours. Tu n'auras par conséquent que peu de marge de manœuvre.
La directrice partit à grand pas vers la gauche et Dominique se mit à trottiner, les bras chargés par la paperasse pour ne pas la perdre. Elle s'arrêta devant une porte semblable aux autres, si ce n'est qu'elle était la seule dans le couloir.
- En bas, ce sont les archives, lui dit-elle d'un ton sec. A gauche, la partie moldue, à droite la partie sorcière. Depuis l'ouverture de l'agence nous gardons tous les renseignements que nous avons pu glaner sur chaque individu lié à l'une de nos enquêtes. Je peux dire avec fierté que cet endroit n'a sûrement pas à rougir face aux archives du Bureau des Aurors au Ministère. En parlant d'eux, nous sommes parfois amenés à collaborer avec, mais nous gardons toujours nos propres intérêts en tête. N'oublie pas ça. Nous sommes aussi en réseau avec plusieurs cabinets d'avocats … Mais Greegan t'expliquera ça mieux que moi.
Devant l'air interdit de Dominique, elle poursuivit :
- Greegan Leehter est absolument ravi de te recevoir aujourd'hui, lança-t-elle avec un grand sourire. Il est débordé. Tu travailleras avec lui à partir d'aujourd'hui et ce jusqu'à nouvel ordre. Viens, je vais te montrer ton bureau.
Elles retournèrent dans la partie principale de l'agence et Sandy la laissa devant une porte, la dernière avant de retourner au hall d'accueil. Maudissant l'énergie de la directrice et son idiotie pour l'avoir laissé seule devant un bureau où se trouvait visiblement son nouveau supérieur et dont elle ne connaissait que le nom, elle décida qu'il était inutile de rester plantée là. Et elle entra.
Devant elle, un grand bureau sombre qui comportait deux bureaux. L'un était clair, l'autre encombré de paperasse. Des dossiers dépassaient des deux armoires situées de part et d'autre de la pièce et continuaient à s'amasser sur la moquette grise. Derrière le premier bureau, une immense plante verte étincelante.
- Je peux savoir qui vous êtes ?
Dominique sursauta et faillit faire tomber les papiers qu'elle tenait dans les mains. A sa droite, dans la pénombre, se tenait un homme qu'elle n'avait pas remarqué au premier coup d'œil et qui devait être Greegan Leehter. Il devait avoir une quarantaine d'années, en paraissait dix de plus et, avec horreur, l'ancienne Poufsouffle se rendit compte qu'il avait la même odeur que Gemma Lysenko la veille : celle du Whisky-Pur-Feu. Il était assez mince, avait une carrure athlétique en dessous de son complet gris et sa barbe grisonnante soulignait ses yeux bleus avides et particulièrement désagréables tandis qu'ils la reluquaient de bas en haut.
Elle se souvint qu'il lui avait posé une question et répondit rapidement :
- Dominique Weasley, je suis votre nouvelle assistante.
- Weasley hein ?, lança-t-il d'une voix rauque. Ne crois pas que tu vas avoir droit à un traitement de faveur à cause de ton nom. Tu es sûrement une incapable, comme toutes les autres, alors contente toi de faire ce que je te dis. Je parle, tu écoutes, tu prends des notes et tu obéis. C'est compris ?
Parfaitement, elle n'était pas sourde et il parlait assez fort pour qu'elle perde deux ou trois tympans. Néanmoins, il avait oublié de prendre en compte quelque chose : le caractère impitoyable de la jeune fille. Plus il ouvrait la bouche, plus elle trouvait ce type désagréable et n'avait qu'une envie : lui hurler dessus. Il avait beau avoir le double de son âge, cela ne la rebutait pas. En plus, elle ne tenait vraiment pas à ce boulot, autant en finir tout de suite.
- Et va me chercher un café.
L'ordre coupa net le sifflet de la jeune fille. Pour qui se prenait-il ? Ses joues rougirent un peu plus devant son audace et, furieuse, elle allait sortir sa baguette pour le remettre en place lorsqu'elle se souvint que Gemma comptait réellement sur elle et ce boulot pour retrouver Lerzov et Koch. La jeune fille tourna les talons, humiliée comme jamais et Leehter lança dans son dos, avant qu'elle ne referme violemment la porte :
- Sans sucre le café.
Bouillonnante de rage, elle retourna dans la petite salle de pause où Gus Dewar n'avait pas bougé. S'il ne lui avait adressé un petit sourire contrit, elle aurait pu le croire pétrifié. Elle ignora royalement l'homme, fit couler un café et retourna dans son bureau. Leehter ne la remercia même pas.
Le reste de la matinée se déroula aussi mal que possible. Son supérieur travaillait sur une histoire indigeste et idiote d'adultère et il apparut très vite qu'il entendait qu'elle fasse tout le travail et qu'il récolte tous les lauriers. Il lui donna une pile de paperasse à remplir afin que le dossier soit complet lorsqu'il le déposerait devant le Juge, elle se trompa et ratura plusieurs fois ce qui lui valut un long sermon sur ses capacités intellectuelles semblables à celle d'un Véracrasse atrophié.
Lorsque vint l'heure de la pause déjeuner, la jeune fille ressentit un immense soulagement. Néanmoins, son supérieur ne pouvait visiblement déjà plus se passer d'elle et fit exprès de lui tendre un dossier qu'elle devait compléter avant quatorze heures, dernier délai, avant de partir en sifflotant, son pardessus gris négligemment posé sur son épaule.
Le dossier fut complété à l'heure dite et Dominique eut faim le reste de la journée. Il était presque dix-neuf heures lorsque Greegan Leehter estima ne plus avoir besoin d'elle et la libéra, avec une grimace éloquente.
Sur les nerfs, Dominique traversa presque en courant le hall d'entrée avant de faire demi-tour. Derrière elle, l'hôtesse d'accueil, Evaleen, était en train de ranger ses affaires dans un sac à main pourpre, assorti à la façade de l'agence et se préparait visiblement à quitter son travail. Elle s'était souvenu au dernier moment du comportement étrange de la jeune fille et son « bonne chance » lui apparaissait maintenant comme prémonitoire.
- Alors cette première journée ?, s'enquit-elle avec un sourire.
Elle ne devait pas avoir plus de vingt-cinq ans et Dominique décida qu'elle allait s'entendre avec elle. Non pas qu'Evaleen soit particulièrement adorable, jolie ou drôle au premier abord mais, de toute la journée, elle n'avait vu que Sandy McCoyle l'intenable, Gus Dewar aussi mou et lent qu'un Véracrasse et Leehter le despote. A côté, Evaleen paraissait totalement charmante et sympathique.
- Horrible, grogna-t-elle en décidant de dire la vérité. Ce type…
- Leehter n'est pas facile, certes.
Dominique haussa un sourcil sceptique.
- Bon, d'accord, c'est une raclure de première, admit la jeune femme avec un sourire contrit.
- Je ne te le fais pas dire. En une journée, j'ai eu le temps de préparer trois cafés, dont aucun n'était pour moi, d'apprendre à imiter sa signature car monsieur considère que la paperasse n'est pas faite pour un homme de son rang et incombe à son incapable d'assistante et de remplir plus de dossiers que le Premier Ministre.
Tout en enfilant une veste en jean par-dessus son tailleur noir, Evaleen hocha la tête d'un air compatissant. Elle ne paraissait pas surprise par les méthodes de Leehter et Dominique songea qu'elle ne devait pas être la seule à avoir subi des pressions de sa part. Elle se souvint d'une certaine Susie, qui occupait le poste avant elle.
- Pourquoi cette Susie est partie ?, s'enquit-elle, curieuse.
- Elle a tenu cinq mois, ce qui est déjà bien si l'on considère que Leehter a eu plus d'assistantes que tous les autres détectives de l'agence réunis. A la fin, elle a craqué. Elle s'est mise à hurler et a essayé de l'étrangler. Sandy n'a pas eu d'autre choix que de la virer. Mais, si tu veux mon avis, si Leehter n'était pas le plus doué du bureau, elle n'aurait pas été contre s'en débarrasser.
Evaleen passa son sac à main prune autour de son épaule et proposa à Dominique de faire un bout de chemin avec elle. Elle habitait dans le Londres moldu, beaucoup plus loin que la jeune fille, prenait les transports en commun pour rentrer chez elle les jours de beau temps et empruntait la cheminée du Chaudron Baveur les jours de pluie.
En cette fin août, comme souvent, le ciel était dégagé et clément.
- Pourquoi est-ce qu'il tient a avoir une assistante si c'est pour les traiter de cette manière ?, s'enquit Dominique au moment de se séparer.
- Si tu veux mon avis, je crois qu'il adore les traumatiser. Oui, c'est un de ses petits plaisirs personnels et il ne le laisserait tomber pour rien au monde, conclut Evaleen avant de s'éloigner.
Lorsque Dominique raconta l'horrible journée qu'elle avait passé à Gemma Lysenko celle-ci grimaça, compatissante mais lui rappela immédiatement le but de l'opération et l'enjoignit à rester polie avec Leehter et de ne pas se faire virer tout de suite. La salle des archives l'intéressa fortement et elle convainquit Dominique de s'y rendre au plus tôt, étant donné qu'il paraissait exclu de demander son aide au vieux détective. Les deux filles n'avaient pas oublié les quelques mots entendus à travers la porte du septième étage, quelques mois plus tôt, et encore moins celui-là : Cвет.
Après tout, on ne sait jamais, la salle des archives pourrait leur apprendre quelque chose, avec un peu de chance.
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Orel, le 24 août
James,
Je suis désolée de ne pas t'avoir écrit avant mais ces derniers jours ont été éprouvants ! Mon installation à Orel s'est bien déroulée. Je suis arrivée le 15 août, avec mes parents et une quantité impressionnante de cartons. Nous avons mis deux jours à parcourir la route et papa a décrété après coup qu'il ne remonterait plus jamais dans une voiture. Il a pourtant bien dû faire le trajet dans l'autre sens, c'était le plus simple et le moins cher. Les Portoloin sont beaucoup trop compliqués à obtenir et aucune cheminée ne peut être connectée à une autre à cette distance.
Nous sommes arrivées quelques minutes avant Holly McDouglas et ses parents, qui arrivaient de Londres aux aussi. C'était vraiment étrange parce que même si papa faisait mine d'aller bien, il était vraiment remué par mon départ -et par le trajet en voiture aussi- et maman se mettait à pleurer toutes les cinq minutes. Mais pas Mr et Mrs McDouglas. Ils ont dit au revoir à leur fille en moins de trois minutes et sont repartis. C'était vraiment gênant ! Elle, elle paraissait habituée et n'a rien dit.
Je ne savais plus où me mettre, surtout que mes parents ont passé la nuit à Orel (c'est une ville magnifique, je t'en parlerai dans un prochain courrier), dans la troisième chambre, celle du dernier colocataire. Le départ a été larmoyant mais court étant donné qu'Holly attendait seule dans le salon et que je ne voulais pas la mettre mal à l'aise. Maman a finalement réussi à me lâcher quand papa l'a menacée de partir sans elle. Il faisait toujours le bougon mais il avait les yeux brillants, lui aussi.
Je suis allée rejoindre Holly et nous avons pu faire connaissance. Au final, tu n'auras pas besoin de lui lancer d'Impardonnable. Bien que tu la détesterais, c'est une fille calme et passive, je crois que je vais bien m'entendre avec elle. Je remercie Merlin qu'elle ne soit pas de ta trempe, au moins je pourrais étudier calmement. Nous ne suivrons pas le même cursus, c'est une passionnée de Potions ! Elle est déjà en deuxième année et tout se passe bien apparemment. Elle a été scolarisé dans le Sud de Londres, dans un pensionnat privé pour jeunes filles. Quelle horreur ! Elle ne parait pourtant pas en être traumatisée mais avait l'air triste quand je lui ai parlé de Poudlard. Du coup, je n'ai pas insisté.
Les jours qui ont suivi, nous avons découvert Orel et ses environs mais surtout l'Université Magique. J'ai assisté à une réunion où on nous a expliqué plein de choses passionnantes sur le déroulement des cours, les services de l'Université, les bonnes astuces pour se débrouiller à Orel et quelques conseils pour organiser nos révisions ! Holly y est allée l'année dernière et c'est elle qui m'a convaincue de m'y rendre. Elle avait raison, j'ai appris beaucoup de choses.
Il s'est passé quelque chose d'étrange hier, non effrayant et désarmant plutôt. Le troisième et dernier colocataire de notre maison (elle s'appelle Blue Hill, parce qu'elle a de charmants volets bleus) est arrivé hier avec son père. Tiens-toi bien … Il s'agit de Nott, le Isaac Nott de Poudlard. Il est inscrit à Orel et son père connaît bien celui d'Holly. Ils ont travaillé un peu ensemble au Ministère apparemment.
Oh James, il me fait froid dans le dos. Il a un de ses regards … Il m'a très bien reconnue mais a fait semblant. Je ne sais pas si je le déplore, on ne peut jamais savoir avec Nott. Après tout, il est ami avec Moorehead qui a éborgné un homme avec sa baguette (bien que je ne plaigne pas Koch d'avoir perdu un œil) et a une façon de me regarder … on dirait qu'il va se jeter sur moi pour me pomper tout mon sang.
Mais je te vois d'ici trépigner sur place et lancer des insultes dans l'air. J'ai décidé que je survivrai à Nott et je l'ignore depuis deux jours. Il n'a pas l'air de s'en plaindre. D'ailleurs, il passe tout son temps dans sa chambre et dit à peine bonjour. Ça a eut l'air de peiner Holly d'ailleurs.
Cessons de parler de moi. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque, dans ta dernière lettre, tu m'as parlé d'une certaine Georgina, dite Georgie ! Je veux en savoir plus. As-tu réussi à ne plus baver lorsqu'elle est dans les parages ? Quel est le meilleur de vous deux en Quidditch ? Est-ce qu'elle avale les aliments comme toi au lieu de les mâcher ? Je veux tout savoir …
Courageusement,
Nella Flint.