Heyyya !

Donc, comme promis, voici cet OS ridiculement embarrassant que j'ai écrit en genre, moins d'une semaine, et qui est encore une fois (merci à ce très cher site qui me refuse de poster des chapitres plus lourds que 65 Ko ou un truc du genre) sera posté en deux parties paaaaarce que pas le choix. À la base, j'ai tout écrit d'un coup.

Je poste la première partie un peu avant parce que j'ai finis pas relecture/correction, mais la seconde est déjà entièrement rédigée.

D'AILLEURS. Si vous n'aviez pas vu le rating, l'histoire est classée MATURE (mature, pas explicite, huh) ; elle contient une part importante de mmmmh…. Contenu mature, du coup :D ? Bref, warning, si vous êtes trop jeunes, ne lisez pas, blablabla… (même si honnêtement, ce n'est pas la première partie qui en est la raison).

Note : cette fic prend place dans un univers alternatif où Marinette et Adrien ne sont pas des super-héros, et où Adrien n'a jamais mis les pieds dans une école publique. Même sans miraculous, c'est Ladrien, Ladrien et Ladrien, parce que le fandom manque cruellement de fic sur ce couple — même si j'avoue qu'ici, notre petit Adrien se révélera un peu Chat Noir sur les bords ;)

(Le titre est absolument inspiré de la chanson de The Kooks, Bad Habit).

Bonne lecture !

— — —

— — —

Marinette savait que c'était une mauvaise idée, et c'en était déjà une sans le masque. Avec le masque, c'était ridicule au point qu'elle ne savait pas si elle était même capable de s'imaginer la soirée.

— Alya, si je ne t'aimais pas autant… marmonna-t-elle d'un ton qui se voulait probablement menaçant.

— Hey, mais ce n'est pas ma faute si tu es raide dingue de moi, Marinette. Et puis, penses-y, c'est toujours une bonne expérience !

Elle posa ses yeux sur la pièce de tissu qu'elle tenait dans les mains : un masque fin, souple et doux, d'une couleur rouge vif. Frôlant la matière de ses doigts, elle frémit.

— C'est ridicule. Je me ferais virer avant de-

— Tu ne te feras pas virer. Enfin, si tu te fais virer, je suppose que tu n'auras qu'à essayer ailleurs jusqu'à ce que le bar le plus craignos de Paris t'accepte.

Marinette grimaça, et soupira en massant sa nuque. Parier avec Alya n'était jamais sûr, et elle se promit de ne jamais le refaire — promesse qu'elle savait inutile, puisqu'elle ne pourrait pas s'empêcher de recommencer.

— Écoute, Mari, lança son amie, tu as vingt ans, tu es célibataire, et personne en vue. Il faut bien que les choses bougent, et même si ça ne change rien, ce sera au moins un souvenir drôle.

— Alya ! Personne en vue… Si, il y a Nathanael.

— Nathanael la tomate ?

— Ok, j'ai rien dit, soupira-t-elle.

Nathanael était un garçon de son cursus, qui avait montré un certain intérêt en elle depuis déjà deux ans. Ni Alya ni Marinette ne pensaient du mal de lui, mais elle était d'accord pour avouer qu'ils n'avaient pas exactement le même genre de centres d'intérêt. Et Marinette ne pensait pas qu'elle pourrait avoir avec lui une relation différente de celle qu'ils avaient maintenant.

La plupart des élèves de sa promotion étaient des filles — mais hey, en école de mode, ce n'est pas si surprenant que ça —, et les quelques garçons avec lesquels elle s'était essayée à un ou deux rendez-vous n'étaient… Pas exactement son genre. Un de ses rencards s'était terminé en grosse dispute (déjà, elle avait une bonne excuse, elle supportait difficilement les remarques racistes. Elle ne pensait pas que c'était un défaut). Une autre fois, elle avait fini par aller plus loin avec le type, avant de se rendre compte qu'il s'était déjà tapé un nombre assez impressionnant de filles de sa classe, et l'avait plaqué (là encore, elle ne pensait pas avoir fait une grosse erreur).

Et puis, il y avait les autres fois ; celles qui semblaient mieux au départ, pour toujours se terminer par une rupture.

Mais le problème ne venait pas d'elle, n'est-ce pas ?

D'accord, elle était maladroite, parfois carrément gênante, elle parlait sans trop réfléchir et rougissait pour un rien, était trop expressive, stressait dès qu'elle ratait quelque chose. Au moins, elle estimait être quelqu'un de gentil, et elle n'avait aucune mauvaise intention.

Et cette histoire de masque ne collait absolument pas à l'image qu'elle avait d'elle-même.

— Alya, tu as conscience que c'est complètement ridicule, au moins ? Tenta-t-elle une nouvelle fois.

— Je trouve ça plutôt glamour, moi. Si une fille me drague avec ça, ça me va.

Marinette croisa les bras sur sa poitrine.

— C'est facile pour toi ! Tu es à l'aise avec tout le monde, et tu n'as même pas à te limiter au genre masculin !

Alya éclata de rire, mimant un baiser volant en direction de Marinette.

— Mais Marinette, dit-elle, je suis sûre que tu réussiras à trouver la personne qui te convient ! Tiens, tu es une fille bizarre, non ? Avec un masque, peut-être que quelqu'un aussi bizarre que toi sera intéressé !

Elle tira la langue, pas exactement convaincue.

— Je préfère éviter les individus louches, merci bien.

Alya lui offrit un sourire rassurant.

— Allez, arrête de stresser ! Je parie que tout va bien se passer.

Marinette grinça en entendant le mot. Elle ne répondit pas. Pas question de tenter un nouveau pari.

— — —

— — —

Tu n'y vas pas parce que tu as désespérément envie de passer du temps avec quelqu'un, tu n'y vas pas parce que tu as désespérément envie de passer du temps avec quelqu'un, tu n'y vas pas parce que tu as désespérément envie de passer du temps avec quelqu'un.

Marinette soupira, passant son index sur ses lèvres rouges. Elle ne souhaitait à la base pas trop attirer l'attention, mais de toute façon, c'était peine perdue avec ce foutu masque (bon sang, Alya), alors autant bien faire les choses jusqu'au bout. Si elle pouvait au moins faire en sorte de se maquiller et de s'habiller en accord avec ça, peut-être, peut-être que ce ne serait pas si catastrophique. Elle souhaitait travailler dans la mode, pas vrai ? Ce genre de chose devrait être un jeu d'enfant. Bien porté et avec les accompagnements nécessaires, même un masque style super-héros pouvait se laisser mettre. (Enfin, elle n'en était pas tout à fait sûre. Elle avait réfléchit à plusieurs designs possibles, mais la plupart lui semblaient affreusement ridicules).

Glamour, avait dit Alya. HUH. Glamour, hein ?

Si, il y avait bien un cas où elle pouvait considérer la chose comme répondant à la définition ; mais cette solution impliquait le fait de se promener dans Paris en lingerie sexy, et elle ne pensait pas que ce soit vraiment le cas de figure idéal. Enfin, disons que dans la mesure du possible, elle souhaitait éviter ce genre de situation — ce qui ne l'empêcha pas de choisir ses sous-vêtements avec soin, on ne savait jamais.

Elle finit par choisir quelque chose de simple : débardeur rouge en coton léger — simple mais bien coupé — légèrement blousé dans son short en jean sombre taille haute. Une veste noire type blaser, une paire de NO NAME de la même couleur, découvrant ses fines chevilles, quelques bijoux bien placés, et elle était prête. Le rouge à lèvres que lui avait prêté Alya était presque trop vif, mais elle supposait que ça pourrait faire l'affaire.

Revêtant le masque rouge, elle se regarda un instant dans le miroir. Elle n'avait pas l'impression d'être la même fille maladroite, et elle se trouva même un air espiègle. Mais plus elle s'admira, plus l'impression que quelque chose manquait. Une idée s'encra dans son esprit, et elle décida d'ajouter un petit quelque chose au masque : des ronds noirs découpés et cousus dessus, lui donnant un motif de coccinelle. Pour garder le style le plus cohérent possible, elle attacha ses cheveux en deux couettes basses, qui ressemblaient presque à de petites ailes d'insecte.

Elle envoya rapidement une photo à Alya, lui demandant si elle pouvait se promener comme ça dehors, et la réponse qu'elle reçut fut, mot pour mot, « Je crois surtout que tu risques d'attirer tous les mecs qui s'approchent à moins de dix mètres de toi, Ladybug ;) » (elle ne savait pas si elle devait en rire ou en pleurer).

Marinette se répéta les règles dans sa tête. Elle se souvenait très bien des explications d'Alya, et même du ton enjoué qu'elle avait pris en lui annonçant son gage.

Écoute, c'est pas compliqué, avait-elle dit. Le Speed Dating, c'est tout con, tu te retrouves dans un endroit sympa avec une quinzaine de personnes, et vous vous parlez pour voir si quelqu'un vous correspond. Souvent, les filles restent assises et ce sont les mecs qui bougent : tu as dix minutes avec chacun d'entre eux, alors choisis bien tes mots. À la fin, tu as juste à donner aux organisateurs le ou les noms qui t'ont plu, et si la ou les personnes en question sont aussi intéressées, vous pouvez vous échanger vos numéros. Pour le reste, c'est à toi de voir.

Dix minutes, hein ? Marinette pensait qu'il ne faudrait même pas cinq secondes à son interlocuteur pour se rendre compte qu'elle n'était pas le bon choix (et ce masque ne lui facilitait pas la tâche). De quoi allait-elle parler, pendant dix minutes ? De la catastrophe ambulante qu'elle était ?

Bien sûr, elle avait retenu les règles de bienséance (celles d'Alya, mais elle semblait s'y connaître).

Règle une : respecter la vie privée des autres. Elle n'était pas supposée connaître le nom ou bien certaines autres informations personnelles sur la personne qu'elle avait en face. Et elle ne devait pas directement lui demander non plus. De toute façon, Marinette était plutôt contente que cette règle existe, et ne comptait absolument pas la transgresser.

Règle deux : ne pas parler de sujets trop sérieux (pas de politique, pas de religion, pas de la mort de son arrière-grand-mère ou de son chat, l'année dernière). Là aussi, elle pensait pouvoir gérer.

Règle trois : parler avec passion mais pas dans l'excès. (Alya avait ajouté en la regardant « je sais que c'est difficile à comprendre, mais tout le monde n'a pas la même passion que toi pour les fringues, surtout un garçon »).

Règle quatre : ne pas se plaindre, et adopter une attitude positive. Si possible, essayer de s'adapter au comportement de l'interlocuteur.

Et puis, il y avait la règle d'or : ne jamais demander si la personne compte te revoir ou pas. Parce que « C'est horriblement gênant ».

Ça n'avait pas l'air si compliqué, Marinette voulait bien l'avouer. Peut-être même que ça aurait pu être amusant, dans une situation normale, mais comme le disait Alya, de toute façon, même si tu te ridiculises, ce n'est pas comme si les gens sauront qui tu es. Sur ce point, elle n'avait pas tord.

Lorsque Marinette se décida enfin à sortir de chez elle, elle se surpris à peaufiner son personnage. Aujourd'hui, décida-t-elle, elle serait une super-héroïne.

— — —

— — —

Adrien n'avait aucune idée de ce qu'il foutait là.

Enfin, il avait bien une petite idée, mais il n'était pas sûr de vraiment vouloir être là.

Enfin, d'accord, il était celui qui avait pensé que ça pourrait être une bonne idée. Et il commençait à remettre son existence même en cause, parce que son instinct lui criait de partir le plus rapidement possible, et il ne comprenait pas à quel moment il avait pu avoir une aussi mauvaise idée.

(Il blâmait Nino et son influence, et peut-être aussi un peu les effets de l'alcool, le soir où il avait pris cette stupide décision).

Le problème, c'était son nom. Adrien avait posé pour quelques photographes, et était apparu en couverture de quelques magazines, mais cela remontait à l'époque où il était au collège : et il espérait avoir suffisamment grandi pour que les gens aient arrêté de reconnaitre son visage partout. En revanche, le nom « Agreste » ne pouvait pas s'effacer aussi facilement de la mémoire des Parisiens, il avait appris à s'en rendre compte. Où qu'il aille, s'il dévoilait son nom (ce qu'il faisait souvent, parce que hey, les gens aiment bien savoir à qui ils s'adressent, en général), il finissait par recevoir des regards à la fois envieux et méfiants, parfois même venimeux ou effrayés.

Il avait peur de s'engager dans une relation sérieuse, parce qu'il avait peur qu'on se serve de lui, et honnêtement, il ne pouvait juste pas supporter les sales regards qu'on lui lançait. Ex-mannequin ou pas, fils de Gabriel Agreste ou pas, il ne voulait qu'une chose : qu'on arrête de le prendre pour une personne qu'il n'était pas. Il pouvait passer des heures à regarder How I Met Your Mother affalé dans son canapé, il adorait les jeux de mots idiots, et il se mettait à danser de manière totalement ridicule dès qu'un morceau de Jagged Stones passait. Il ne ressemblait pas à son père, il ne correspondait pas non plus à l'image que les gens se faisaient des mannequins. Il était juste quelqu'un de normal.

Et quand Nino lui avait parlé de cette histoire de Speed Dating, il avait dit ok, parce qu'il avait pensé que ce serait une bonne manière de parler de lui, vraiment lui, et de garder son identité secrète. Enfin, garder son nom secret était déjà un bon commencement.

Sauf qu'il se retrouvait là, à vingt-et-une heures devant Le Papillon (un bar qu'il n'avait jamais fréquenté auparavant), entouré de cinq ou six autres personnes qui le regardaient étrangement. Il essaya de sourire, mais une fille lui lança un regard appuyé (qui lui donna l'impression qu'il était sur le point de devenir sa proie), ce qui le rendit incroyablement mal à l'aise ; tandis un homme le regardait avec hargne.

C'était donc le moment où il pensait à partir. S'il ne se sentait pas prêt à le faire, pourquoi se forcer ? Plus il attendrait, plus le groupe se complèterait, et plus il aurait l'air idiot s'il partait devant eux. Il voulait éviter cette honte, si possible. Malheureusement, il n'arriva pas à quitter l'endroit alors que tout le monde le regardait déjà, et plus le groupe s'agrandissait, plus il paniquait. Il commença à se résigner, mais se permit quand même d'envoyer quelques messages à Nino, qu'il connaissait assez bien pour être totalement à l'aise avec lui.

A — « Mec, je crois que je suis coincé ici. Qu'est-ce que j'ai fais ? »

N — « t'aurais pas pu dire ça plus tard ? Je dois 30 euros à Alya, mtn ! »

A — « Vous PARIEZ sur MOI ? C'est vraiment pas cool ;( ! Attend, Alya ? »

N — « une pote. Elle te connais apparement mieux que moi lol »

N — « elle est trop cool, je suis sûr qu'elle va te plaire. Mais pas touche, hein, j'espère réussir à entamer quelque chose avec elle ;) »

A — « En tout cas merci de ton soutient, ça fait plaisir -_- »

N — « tjrs là pour toi, mec ;D »

Il rangea son portable dans sa poche avec un grognement. Une personne sortit du bar avec un sourire, leur faisant signe d'entrer.

— — —

— — —

Marinette arriva avec un peu de retard, en partie parce qu'elle avait dû s'arrêter dans des toilettes publiques pour mettre son masque. Elle n'avait pas fait trois mètres dehors qu'on lui lançait déjà des regards dérangés, mais lorsqu'elle arriva enfin au Papillon, elle trouvait cela plutôt amusant.

Elle était déjà plus ou moins familière avec l'endroit. La gérante, Tikki, était une femme généreuse, et elle portait toujours une attention particulière à sa clientèle. Il était déjà arrivé à Marinette de s'embrouiller avec quelques personnes (généralement bourrées), et Tikki était intervenu à plusieurs reprises. Elle connaissait moins bien son époux, qui se faisait appeler Plagg, mais elle ne le trouvait pas désagréable. Elle avait depuis peu appris de Le Papillon avait longtemps eu une horrible réputation, mais c'était à présent un établissement confortable et de bonne fréquentation. Marinette avait beaucoup dansé ici, et elle gardait de très bons souvenirs de cet endroit.

Il y avait tout de même deux choses qu'elle redoutait : qu'on la vire pour cette stupide histoire de masque, ou bien que quelqu'un la reconnaisse (surtout Plagg), parce que ce serait la fin de sa fierté.

Heureusement pour elle, elle réussit à rentrer sans problème, et aucun employé ne lui fit la moindre remarque concernant son étrange déguisement. (Elle apprit plus tard que Tikki l'avait immédiatement reconnue et avait elle-même demandé aux autres de la laisser).

Pour cette occasion, le Papillon avait ouvert sa seconde salle, une pièce plus petite, sur laquelle huit tables avaient été alignées. Marinette jeta un coup d'oeil circulaire à l'endroit, trouvant l'ambiance agréable, intime mais pas trop, avec les lumières oscillantes et les coussins disposés sur les larges fauteuils prêts à les accueillir. Des numéros furent distribués (pairs pour les filles, impairs pour les garçons), elle tomba sur le huit, et esquissa un sourire. En Chine, le huit était considéré comme un chiffre porte-bonheur, et elle ne put s'empêcher de le prendre comme un bon signe. Elle se dirigea calmement vers la table correspondante, essayant de ne pas faire attention aux regards moqueurs de autres « candidats », qui la regardaient comme si elle était une sorte extra-terrestre.

Elle envoya discrètement une photo à Alya (parce qu'elle avait ordre de le faire durant toute la soirée), rajoutant une phrase pour essayer de culpabiliser son amie ; « Actuellement en train de se faire juger par tout le monde ». Mais à sa plus grande déception, elle ne reçut qu'un smiley coeur, lui montrant qu'Alya n'avait aucune pitié pour elle.

Sorcière, pensa-t-elle avec hargne.

Elle essaya de ne pas trop faire attention aux autres personnes présentes. Elle verrait bien les garçons lorsqu'ils auraient leurs 'entretiens', quant aux filles, elle préférait éviter leurs regards moqueurs. Pour le moment, elle ne sentait pas encore trop mal, et ne ressentait pas le besoin de partir en courant, c'était une bonne chose. Elle ne pensait pas pouvoir faire autant la maligne après quelques remarques moqueuses, alors pourquoi ne pas tout simplement les éviter ?

La première personne à se présenter devant elle était le candidat numéro sept. Elle ne le trouvait pas particulièrement attirant, ou sympathique, son visage était même plutôt refermé (effet du masque ? Ou pas ? Elle ne savait pas). La conversation ne commença même pas très naturellement, et elle sentit que son interlocuteur décrochait dès qu'elle parlait un peu d'elle. Marinette faisait des efforts pour paraître intéressée, mais honnêtement, elle se fichait complètement de ses études brillantes et de la bourse qu'on lui avait accordé (elle n'avait rien contre les études, c'était le côté arrogant qui la dérangeait). Alors qu'elle évoqua rapidement son cursus dans la mode, elle se fit interrompre par le type, qui lui demanda si cela lui arrivait souvent, de se promener avec un masque. Elle grinça des dents à son ton hautain.

Ooohhhh, il voulait jouer à ça ?

Elle poussa un soupir bruyant, et saisit le petit carnet qu'on lui avait remis. Sans même se cacher, elle barra sèchement le chiffre 'sept', et offrit un grand sourire au type.

— Je crois que cette discussion a assez duré ! Pourquoi ne pas retourner à votre prestigieux parcours pendant que la super-héroïne que je suis va sauver le monde, hm ?

Elle s'était peut-être un peu emportée. En même temps, il avait été idiot de la regarder avec cet air supérieur, parce qu'elle ne supportait pas ça. Marinette ne roulait pas sur l'or, elle suivait une voie qu'elle savait très compliquée (ce n'était pas son seul talent qui allait lui assurer un bon métier plus tard ; la mode était une sorte de jungle qui pouvait perdre même les plus grands aventuriers), et être prise de haut était certainement la pire chose que quelqu'un pouvait lui faire. Elle n'avait rien à prouver à ce gars, et elle n'avait pas envie de pousser la discussion plus loin. Elle le vit également barrer son numéro de son carnet, et ne fit aucun commentaire.

Heureusement pour elle, ce silence gênant ne dura pas longtemps, car bientôt, les dix minutes furent écoulées, et les hommes se levèrent tous pour changer de partenaire.

— — —

— — —

Il était déjà fatigué. Il se rendait compte que la conversation ne prenait jamais de tournure intéressante, et surtout, qu'il n'avait jamais l'occasion de parler de ce qui l'intéressait.

— Alors, tu es étudiant, c'est ça ?

— Oui, soupira-t-il.

— Et quel genre de matière est-ce que tu étudies ?

— Je passe un diplôme universitaire en mécanique, marmonna-t-il machinalement.

Il s'était aussi rendu compte qu'il n'avait même pas besoin de faire le moindre effort pour paraître sympathique : il se verrait poser un tas de questions, et recevrait des regards intéressés…. Sans rien faire. Nino lui avait dit que c'était ce qui risquait d'arriver, parce qu' « avec un physique comme le sien, il pouvait avoir toutes les filles qu'il voulait ». On avait l'air de dire qu'il était chanceux, mais Adrien n'était pas d'accord. Si le fait d'avoir un visage potable menait à ce genre de situation, alors il aurait préféré soigner moins son apparence aujourd'hui. Il ne voulait pas qu'on soit avec lui uniquement pour son physique.

La jeune fille face à lui était charmante, d'accord. Elle posait beaucoup de questions, elle semblait s'intéresser à lui — enfin, la plupart de ses questions se rapprochaient plus de sa situation que de sa personnalité. Mais quelque chose chez elle était très superficiel, et il n'arrivait pas à passer outre.

Lorsqu'il dut tourner encore, il espéra qu'il tomberait sur quelqu'un de plus abordable. Peut-être que s'il n'avait pas de chance, c'était à cause de son numéro ; treize, porte-malheur.

Il se dirigea vers la table numéro huit, priant pour trouver quelqu'un d'un peu plus intéressant. Il jeta un rapide coup d'oeil à la jeune fille qui était assise plus loin, voulant se donner une idée avant d'entamer la conversation. Il faillit trébucher lorsqu'il vit son visage : une forme ronde et très fine, des lèvres rouges qui affichaient un sourire ennuyé, des yeux lagon pâle, brillants et qui tranchaient avec sa peau crème et ses cheveux noir jais. Et un masque, aussi. Un masque rouge à poids noirs, qui cachait ses arcades sourcilières et la partie haute de ses joues ; lui donnant une espèce d'aura mystérieuse.

Adrien était perplexe. Il hésita un instant, pensant que c'était une blague, mais sa tenue soignée témoignait du contraire, et il se surprit à sourire. Cette fille était peut-être un peu étrange, mais elle avait au moins le mérite de se démarquer des autres.

— Bonsoir, Miss Coccinelle, dit-il poliment lorsqu'il se présenta face à elle.

Ses coudes étaient tranquillement disposés sur la table, et elle releva la tête avec un sourire à demi-amusé par l'appellation. Il observa un moment sa petite main replacer une mèche sombre derrière ses fines oreilles, avant de s'assoir.

— Ce sera Ladybug, dit-elle. Salut,.

Adrien leva un sourcil surpris, ne pouvant s'empêcher de remarquer que les joues de la fille — Ladybug ? Devait-il vraiment l'appeler Ladybug ? — s'étaient légèrement empourprés lorsqu'elle avait prononcé le surnom.

— Eh bien, commenta-t-il, tu ne perds pas de temps, au moins, souffla-t-il.

— Oh, mais je n'ai rien fait. Avec ton visage, tu dois penser que n'importe quelle fille te tombera dans les bras, c'est ça ? Répondit-elle, sur la défensive.

Adrien resta silencieux un moment, se maudissant intérieurement. Il avait foiré sur ce coup-là, mais au moins, « Ladybug » avait du caractère, et les dix, pardon, neuf prochaines minutes promettaient d'être intéressantes.

— Actuellement, je préfèrerais rencontrer une fille un peu moins superficielle que ça, dit-il.

Elle haussa les épaules, laissant échapper un petit rire.

— Et donc, tu t'es dit que tu pourrais aller à un speed dating, où tu restes avec dix minutes avec une fille, ce qui lui laisse juste le temps d'admirer ton joli visage sans trop se préoccuper de ta personnalité ? Brillante idée.

Il ne put s'empêcher d'éclater de rire.

— Tu as raison, c'est idiot. Je ne sais pas ce que je fous là, et tout le monde me pose des questions chiantes.

Une lueur de défi brilla dans ses jolis yeux, et elle lui offrit un sourire compréhensif.

— Bienvenue au club ! Au moins, tu n'as pas à porter cette chose (elle dirigea son index vers son masque) à cause d'un stupide pari. Tout le monde semble vouloir me fuir au premier regard.

— Vraiment ? Je trouve ça plutôt attirant.

Elle le fixa quelques instants, comme si elle essayait de lire en lui. Adrien ne put s'empêcher de rougir un peu, parce qu'il n'était pas habitué à un regard aussi direct. La plupart des personnes essayaient au moins de se cacher lorsqu'elles faisaient ça. Il supposait que « Ladybug » était en train de se demander où est-ce qu'elle avait déjà vu son visage.

— Fétichiste ? Lui demanda-t-elle.

Il rougit un peu plus.

— Quoi ? Non ! S'exclama-t-il. C'est juste que… Tu le portes bien.

Elle sembla un peu satisfaite, et il sentit qu'elle se mettait plus à l'aise. Elle s'était avancée sur la table, sa tête calée dans ses paumes ouvertes.

— Merci, beau gosse, dit-elle.

Il mordit sa lèvre inférieure pour réprimander un rire lorsqu'il vit qu'elle baissa les yeux juste après, comme surprise d'avoir laissé échapper l'appellation.

— À ton service, ma Lady, sourit-il.

Avec une moue amusée, elle avança sa main jusqu'à lui, et il décida de répondre au geste en l'attrapant et déposant un léger baiser sur son dos. Le corps de Ladybug fut secoué d'un petit rire, et lorsqu'elle ramena sa main près d'elle, il la vit tracer des cercles avec son index sur la chair embrassée. Adrien ne savait pas combien de temps il leur restaient, mais il savait qu'il n'avait pas envie de partir maintenant. Ils commençaient à s'entendre, ça aurait été dommage d'y mettre fin.

Soudainement, le regard qu'elle lui lançait se figea. Elle ouvrit la bouche quelques instants et la referma en pressant ses lèvres l'une contre l'autre.

— Tu es Adrien Agreste, déclara-t-elle. C'est pour cela que tu ne veux pas dévoiler ton nom, c'est ça ?

Il sentit son coeur rater un battement. Il n'avait pas pensé que quelqu'un le reconnaîtrait aussi rapidement.

— Et moi qui pensais avoir changé un peu de visage depuis le collège, soupira-t-il.

— Oh, tu as changé, dit-elle. Mais je suis une grande fan du travail de Gabriel Agreste, alors je suppose que rien ne m'échappe dans ce domaine…

Adrien ne parla pas de son père, il n'était pas très proche de lui, et depuis la disparition de sa mère, leur relation avait toujours été étrange. Depuis qu'il s'était trouvé un appartement, il le voyait rarement, et il supposait qu'il ne pouvait rien y faire.

— Tu t'intéresses à la mode ? Demanda-t-il à la place.

Elle hocha la tête.

— J'aimerais faire carrière dans la mode, rectifia Ladybug. Mais c'est une voie compliquée.

Il acquiesça, comprenant ce qu'elle voulait dire. Pour une étudiante sans contact, rentrer dans le domaine était très compliqué. C'était ce que son père avait fait, mais il était un cas un peu spécial. Il se dit qu'à une époque, son père avait dû être quelqu'un de passionné, c'était étrange à concevoir.

— Mais tu arrives à avoir l'air glamour même avec ce masque, dit-il avec un clin d'oeil. Tu te débrouilles bien, pour le moment.

Elle leva les yeux au ciel.

— Pincez-moi, je rêve. Le garçon affiché sur le mur de ma chambre pendant toute mon année de troisième est en train de flirter avec moi.

— Un petit bug ? Demanda-t-il, encore dans l'humeur.

— … Et en plus il fait des jeux de mots idiots, sauvez-moi ! S'exclama-t-elle.

Elle leva ses bras vers le plafond, comme pour prendre le monde entier à témoin, et Adrien ne put s'empêcher de garder les yeux rivés sur elle. Maintenant qu'il s'était un peu habitué à son apparence, il la trouvait de plus en plus jolie. Sa clavicule nue était mince et reflétait les faibles éclats rougeâtres de la pièce ; il suivit une ligne imaginaire jusqu'à son cou, son menton et ses lèvres.

Définitivement très attirante, se dit-il.

— — —

— — —

Comme approximativement quatre-vingts pourcents du temps, Marinette n'avait pas la moindre idée ce qu'elle était en train de faire. Elle se demanda si porter un masque ne la mettait pas un peu trop à l'aise, parce qu'elle était en train de filtrer sans aucun gêne avec Adrien Agreste, comme si c'était normal.

Il fallait dire que le type était attirant. Des yeux expressifs, d'une belle couleur émeraude, des boucles d'or qui encadraient son visage hypnotisant ; elle ne pouvait plus détacher ses yeux du jeune homme. Quelque chose dans sa personnalité le rendait sincère et touchant, elle avait envie de l'entendre parler encore, et de garder le même partenaire pendant toute la soirée.

Malheureusement, ce n'était pas le principe du jeu. Il lui restait trois autres personnes à rencontrer, et elle n'était pas sûre qu'il la retiendrait. Peut-être qu'ils ne se reverraient plus jamais, pensa-t-elle. Peut-être qu'il la trouvait aussi banale qu'elle trouvait les autres à qui elle avait parlé.

L'organisateur leur fit signe de changer de table, et elle sentit le regard d'Adrien s'assombrir. Il commença à se lever, sans la quitter des yeux.

— À plus tard, beau gosse, souffla-t-elle. Si j'apparais en tête de ta liste, bien sûr.

Il sourit avec aise.

— Dans ce cas, ce sera à plus tard tout court, Lovebug, répondit-il.

Un sourire se dessina lentement sur les lèvres de la jeune fille. Bien, pensa-t-elle. Celui-ci est à moi.

Puis, ce fut de la confusion, et de la honte. Depuis quand était-elle aussi possessive ? Ça y est, elle avait trouvé un garçon correct (le mot était mal choisi, d'accord. Pour elle, Adrien semblait même s'approcher de la perfection : pas trop sûr de lui mais séducteur, timide mais drôle, beau mais pas superficiel), et elle pensait déjà pouvoir le ramener chez elle ? D'accord, elle avait été seule pendant un bout de temps, mais ce n'était pas une raison. Et puis, elle ne lui avait parlé que pendant dix minutes ! (Elle ne compta pas les fois où elle avait fait semblant de parler à son poster quand elle était en troisième. Dans ces moments, il n'avait pas été très bavard, certes. La conversation était plus intéressante quand elle allait dans les deux sens). En dix minutes, c'était facile d'affirmer être quelqu'un d'autre. Même en sachant cela, elle n'arrivait pas à le remettre en question.

Marinette, ta naïveté te perdra.

Elle saisit son portable, profitant du temps que prenait le prochain 'candidat' à arriver.

M — [Image]

A — t'es toujours aussi canon !

M — Je crois que j'ai trouvé l'homme parfait ;)

A — déjà ? C'est quoi, un autre super-héros ?

M — Presque…

A — Nonn, je connais tu crois ?

M — Tu l'as déjà vu dans ma chambre !

A — JAGGED STONES ?

M — …

A — ;P

A — bon, tu craches le morceau ou bien ?

M — Bon, d'accord…

M — C'est…

M — Adrien Agreste !

La personne assise face à elle s'éclaircit la gorge, l'obligeant à poser son portable avant de voir la réaction d'Alya.

— — —

— — —

Après trente nouvelles minutes, la séance prenait fin. Marinette s'était sentie plus en forme pendant cette dernière partie, mais c'était uniquement parce qu'elle attendait avec impatience la fin de la partie. Les trois personnes à qui elle parla auraient pu être intéressantes, elle était tellement fixée sur Adrien qu'elle n'y prêta même pas attention.

Selon les consignes, elle était censée noter le numéro de la personne (éventuellement des personnes) qui l'intéressait le plus, et ce ne fut pas compliqué. Elle traça le treize en s'appliquant, au centre du carnet qu'on lui avait remis. Lorsqu'elle le remit à l'organisatrice, elle entendit quelques filles chuchoter en la regardant, et retint un grognement. La plupart étaient assez jolies pour pouvoir rivaliser avec elle sans aucun problème, et elle sentit sa confiance en elle la quitter : Adrien Agreste s'était sans doute rendu compte qu'elle n'était qu'une espèce d'originale sans grand intérêt.

En plus, elle avait rompu plusieurs règles de base qu'Alya lui avait énoncées : elle avait évoqué la vie privée du jeune homme, et surtout, elle lui avait plus ou moins demandé s'il comptait la choisir. Elle n'était pas censée faire ça, ugh, c'était une grave erreur.

Elle déglutit lentement lorsque l'organisatrice lui tendit un bout de papier avec les numéros qui l'avaient choisie. De toute sa vie, c'était la première fois qu'elle espérait autant tomber sur le treize. Parce que c'était le seul qui lui avait paru aussi honnête, parce qu'il était incroyablement attirant, parce qu'elle avait l'impression de réaliser un fantasme d'enfance, parce qu'elle n'avait pas envie d'être venue ici pour rien. Elle déplia soigneusement le papier.

Vous avez été choisie par les numéros suivants :

Treize.

Ok, pensa-t-elle. Parfait, parfait, parfait, parfait.

Elle le chercha des yeux, et ne put s'empêcher de jeter un coup d'oeil à sa liste — qui au passage semblait bien plus longue que la sienne. Sentant qu'elle le regardait, le jeune homme lui sourit gentiment, se permetant même de lui adresser un clin d'oeil complice. Marinette retint le rire nerveux qui menaçait de franchir ses lèvres, et répondit par le même geste, tout en plaçant une main contre sa nuque (comme si c'était une pose naturelle). Sentant son portable vibrer dans sa poche, elle se remémora les messages qu'elle avait envoyés à Alya et grogna.

A — Agreste ? Il est pas un peu vieux, lui ?

A — Ohhh, Adrien ! Attend, je vais faire une recherche, je te dis s'il a l'air ok.

A — Bon, j'ai regardé, il ne m'a pas l'air trop mauvais. Je te donne l'autorisation de le baiser.

Marinette manqua d'air un instant, et faillit s'étouffer.

A — Enfin, protégez-vous, quand même. Je ne pense pas que papa Agreste apprécie un petit-fils si tôt…

Marinette toussa encore plus fort, espérant que son visage ne prenait pas la même couleur que son masque (sans les poids, mais techniquement, elle aurait trouvé bien improbable que des poids noirs apparaissent sur son visage). Quelqu'un se pencha pour tapoter gentiment son dos pour l'aider, et elle se releva avec un sourire…

… Pour tomber sur une nuance familière de vert.

— Tout va bien ? Demanda Adrien. Ce n'est pas moi qui te mets dans cet état-là, n'est-ce pas ?

Marinette lu sur son visage que ce qu'il voulait dire par là, c'était 'ce n'est pas d'être avec moi qui te rends malade parce que tu ne m'apprécie pas', mais elle le prenait plutôt comme 'ce n'est pas d'être avec moi qui te rends malade parce que je suis totalement irrésistible'. Du coup, elle ne put s'empêcher de répondre :

— Si ! Euh, non !

Ce qui était parfaitement ridicule. Le jeune homme lui lança un regard déconfit, mais ne supportant pas son expression, Marinette décida de reprendre les choses en main. Elle amena sa main jusqu'à l'épaule d'Adrien, et effleura délicatement le tissu de sa chemise claire, faisant comme si elle enlevait une poussière qui traînait (il n'y avait pas vraiment de poussière, mais elle avait déjà vu cette technique dans des films. Et elle supposa que ça ne marchait pas trop mal, parce qu'il retrouva son sourire).

— Ce que je veux dire par là, reprit-elle avec un sourire qu'elle voulait confiant, c'est que c'est toi qui me mets dans cet état… Au bon sens du terme.

Marinette, stop, tu dis n'importe quoi.

— Enfinnnnn, j'espère que tu pourras me mettre dans cet état-

Que quelqu'un l'arrête. Il devait bien y avoir un bouton d'arrêt d'urgence quelque part, non ? Elle bloqua sa respiration, laissant ses doigts traîner le long de sa chemise, jusqu'à l'ouverture qui laissait apparaître sa mince clavicule. N'osant toucher la peau claire d'Adrien, Marinette finit par laisser sa main tomber et revenir à elle, alors que ses poumons lui criaient de respirer encore.

— … Ne t'enfuis pas en courant, s'il te plaît, dit-elle. C'était horrible, hein ?

Elle s'attendait à un regard peiné. Elle s'attendait à une moquerie. Elle s'attendait à le voir partir.

Elle ne s'attendait pas au regard amusé mais jovial qu'elle rencontra. Ni à la façon dont il rapprocha son visage du sien. Ni à la voix avec laquelle il parla, suave et horriblement attirante.

— Je ne comptais pas partir. Mais puisque nous sommes les premiers choix de l'autre, pourquoi ne pas sortir dès maintenant plutôt que d'échanger nos numéros ?

En se demandant par quel miracle est-ce qu'il pouvait toujours être là, Marinette hocha la tête, ne sachant pas si parler (et risquer de sortir une nouvelle réplique improbable) était une bonne idée. Et de toute façon, elle avait envie de sortir maintenant. Elle était de bonne humeur, et elle était d'humeur pour boire et danser, ne pas dormir de la nuit. Ce genre d'humeur. (Habituellement, cette envie ne se déclenchait chez elle que lorsqu'elle avait une tonne de devoirs et d'obligations, mais cette fois-ci était la bonne. Projet terminé. Partenaire plus que conforme. Elle pensait réussir à s'amuser sans problème, si elle ne faisait pas encore une gaffe).

— Et que propose-tu, mon joli ? Demanda-t-elle.

Il sembla relever la tête et observer le décor autour d'eux, scrutant avec intérêt la terrasse en hauteur et le comptoir sculpté.

— Je trouve, répondit-il, que cet endroit est un bon départ.

— — —

— — —

Adrien ne passait pas tant de temps que ça dehors. Il faisait partie du genre de personne à aimer les soirées à la maison, à acheter de bonnes bouteilles avant et à boire après, confortablement installé dans un fauteuil ou sur une terrasse. L'ambiance cosy que dégageait Le Papillon lui rappelait presque sa maison de vacances familiale en Italie, avec ces lumières en papier coloré, et ses coussins disposés un peu partout.

Lorsqu'il demanda à Ladybug pourquoi est-ce que ce bar n'était pas plus fréquenté, elle répondit que les anciens propriétaires étaient plutôt dans le genre sinistre, et qu'il gagnait de plus en plus de popularité de toute façon. Elle rajouta aussi qu'ils seraient plus tranquilles ainsi, et le jeune homme ravala un sourire nerveux.

D'accord, il faisait le malin. Il se rapprochait d'elle, parlait avec assurance, touchait parfois le bout de son épaule, ou les mèches de ses couettes, mais il n'était pas aussi serein qu'il en avait l'air.

Cette Ladybug dégageait quelque chose d'honnête, et elle semblait à sa place avec ce masque. Il ne savait pas comment le formuler. Elle était presque aguicheuse, mais elle ne semblait pas non plus être le genre de personne à ramener des hommes à la maison tous les soirs. Elle était intemporelle ; et Adrien s'imaginait presque qu'elle allait disparaître d'un coup à un moment ou un autre, lassée de lui et de tous ceux qui les entouraient. Il ne voulait pas ça. Il voulait qu'elle reste avec lui, parce qu'il sentait que quelque chose de bien se passait entre eux. Et ce genre de chose n'arrivait pas souvent. (Ou peut-être qu'il ne sortait juste pas assez).

Il la regarda s'adosser confortablement contre les coussins, croisant ses jambes sous la table. Son regard se dirigea automatiquement vers ses yeux lumineux, et il les observa pendant un moment, sans rien dire. Elle vint toucher sa propre tempe avec ses doigts fins, et Adrien se laissa porter par ses mouvements, profitant du spectacle de ses épaules dénudées lorsqu'elle retira sa veste. Fines, mais musclées, offrant de jolies courbes qui semblaient si douces et lisses aux yeux du jeune homme. Il dévora le reste du regard, passant sans hésitation de sa clavicule exposée à son poignet fin, qu'elle faisait tourner avec grace.

— Mes yeux sont ici, lui rappela-t-elle.

Adrien releva la tête avec un léger rougissement. Il savait que détailler l'apparence de quelqu'un ainsi n'était pas quelque chose à faire (et il était supposé être un gentleman, s'il vous plaît), il ne pouvait juste pas s'en empêcher.

— Je… Commença-t-il.

— Hmmm ?

Ok, il voudrait qu'on l'explique pourquoi est-ce que les simples vibrations de ses lèvres rouges lui donnaient envie de les sceller dans un baiser. Adrien, calme-toi, se réprimanda-t-il.

— Je vais aller nous chercher quelque chose à boire, continua-t-il avec un clin d'oeil. Un besoin particulier, ma Lady ?

Il décida que ses horribles tentatives de flirt étaient toujours mieux que de rester à l'observer en silence comme un idiot (ou un sale pervert). Ladybug sembla réfléchir quelques instants et ses lèvres s'étirèrent en un sourire satisfait qui le força à éviter son regard pendant une demi-seconde.

— Oh, j'ai bien un certain nombre de besoins, mais je vais te laisser gérer celui-ci pour l'instant.

Okay.

Adrien s'éloigna en essayant de garder sa tête vide et de ne surtout pas penser à ce qu'elle venait de dire, parce qu'il n'y avait pas moyen que ce soit totalement innocent et oh mon Dieu, tu es fichu, tu es fichu, Agreste. Il réussit (il ne savait pas comment) à arriver au bar sans que ses jambes ne tremblent trop, et s'accouda au comptoir, s'autorisant à soupirer bruyamment.

— Alors tu es celui qui accompagne la jolie demoiselle masquée ? Appela une voix amusée.

Adrien sursauta, levant les yeux vers son interlocuteur. Derrière le comptoir, il l'observait avec des yeux verts pétillants, les cheveux noirs jais complètement décoiffés, et un demi-sourire affiché sur ses lèvres fines. Pour certaines raisons, l'instinct d'Adrien lui cria de se méfier.

— Euh… Oui, répondit-il néanmoins. Je suis venu ici pour commander et-

— On dirait qu'elle se débrouille bien, ce soir, continua l'homme en tournant la tête (comme s'il s'adressait à quelqu'un derrière lui). Le masque doit l'aider à se lâcher un peu, je suppose.

Adrien fronça les sourcils, mais ne put s'empêcher de se sentir curieux et… Soulagé.

— Vous la connaissez ? Demanda-t-il immédiatement. Ce n'est pas… Son genre, de toujours traîner avec des inconnus ou- ou…

— Haha, l'interrompit-il (encore ! Adrien se demandait s'il allait le laisser terminer une phrase). Ne t'inquiète pas pour la petite, ce n'est pas son genre. Mais j'admets qu'elle peut être plutôt déterminée lorsqu'elle veut vraiment quelque chose, et… Elle n'a pas vraiment mauvais goût, ajouta-t-il en observant attentivement le visage d'Adrien.

Il entendit le bruit d'un verre qui se posait sèchement sur le comptoir.

— Plagg ! Gronda une femme derrière lui, Apprend à te tenir, bon sang !

Adrien trouva qu'elle dégageait une aura bien plus accueillante. Ses formes rondes et son sourire chaleureux lui donnaient l'apparence d'une femme dans la fleur de l'âge. Ses cheveux étaient d'un étrange rouge sombre, et ses yeux bleus semblaient bienveillants. Adrien se surprit à lui sourire.

— Désolé, jeune homme, reprit-elle, mon mari est un peu rustre. Mais ne t'inquiète pas pour… Comment a-t-elle dit qu'elle s'appelait ?

Il mit quelques secondes à comprendre.

— Ahh, elle m'a dit de l'appeler Ladybug.

'Plagg' éclata de rire, alors que la femme secoua la tête en levant les yeux au ciel.

— Ne t'inquiète pas pour Ladybug, dit-elle, c'est une fille honnête, et elle ne cherchera pas le moindre profit de- Oh, Plagg, arrête de rire !

Adrien retint un sourire. Pour une fois, il avait su juger quelqu'un correctement, et il en était plutôt fier.

— En revanche, reprit-elle, si tu cherches à profiter d'elle et que tu la blesses…

Elle ne termina pas sa phrase, mais Adrien comprit que s'il faisait ça, sa vie était foutue. Il déglutit, affrontant à peine les yeux bleus sombres menaçants.

— Je- je ne compte pas-

— Arrête, Tikki, tu vas lui faire peur, s'esclaffa Plagg.

— Je ne fais que le prévenir, dit Tikki avec un sourire. On ne sait jamais.

— Je… ! Je ne suis pas ce genre de personne, grogna Adrien. J'avoue avoir vraiment envie de passer du temps avec elle, mais jamais je ne… Enfin, bref, finit-il embarrassé.

Tikki lui fit un clin d'oeil amusé.

— Dans ce cas, tout ira bien.

Elle lui fit un petit signe de la main et retourna à ses activités. Plagg se rapprocha lentement d'Adrien.

— Tu es là pour commander, pas vrai ?

Il hocha la tête.

— Dans ce cas, je vais vous préparer deux Tequila Sunrise, soupira-t-il. Je crois qu'elle aime bien ce cocktail. Tu veux autre chose, peut-être ?

— Ça me va également, répondit Adrien. Merci.

— Tout le plaisir est pour moi, gamin, grogna-t-il. Et puis, je me fais toujours payer.

— Bien sûr, dit Adrien en sortant son portefeuille.

Le temps de régler, et de récupérer les cocktails, il échangea quelques brèves paroles avec l'homme. Il apprit que Ladybug venait ici de temps en temps (sans le masque, cependant), et que Tikki, la gérante, s'était récemment prise d'affection pour elle. Plagg ajouta que de toute façon, il était difficile de ne pas l'aimer.

— Une dernière chose, lança-t-il lorsque Adrien se retourna. Je ne pense pas qu'elle pense que nous l'ayons reconnue. Cette discussion n'a jamais eut lieu.

Il hocha la tête, adressant un sourire franc à l'homme. Il ne dirait pas un mot.