Emylou est de retour, si, si. Un petit peu d'attente... Mais moins que les fois précédentes ! Ca se rapproche, on y arrive.

Bonne lecture à toutes et à tous !


Eren avait encore beaucoup de questions, principalement concernant son père. Grisha était-il au courant que Carla était une Rebelle ? Lui qui était policier, n'avait-il pas pour but de mettre derrière les barreaux quiconque faisait partie de l'organisation ? Puis d'ailleurs, était-il son père biologique ? Le brun fit part de ses interrogations à Erwin, mais celui-ci n'avait pas grand-chose à répondre.

« Carla gardait sa vie privée pour elle, elle lui était extrêmement précieuse, expliqua-t-il. Je pense que ton père lui était donc très cher. Si j'avais souhaité en apprendre plus j'aurais pu, mais je respectais sa décision. Nous avons tous le droit d'avoir nos secrets.

Le blond voyait bien qu'Eren aurait aimé en savoir davantage.

- Il arrive que des questions restent sans réponse, ajouta-t-il, mais tant que ça n'influe pas sur le cours des événements il faut parfois se contenter de ce que l'on a.

Bien sûr que le brun aurait aimé satisfaire sa curiosité, mais il se rendait bien compte qu'au fond les réponses n'avaient pas une réelle nécessité et qu'elles ne changeraient rien : Grisha Jaeger était son père qu'il y aie un lien du sang ou non, et peu importait ce qu'il savait au sujet de Carla, car s'il y avait bien une chose qu'Eren reconnaissait et dont il était certain c'était qu'il avait aimé sa femme plus que tout. Sinon il n'aurait pas consacré ses journées et ses nuits à rechercher son meurtrier. En parlant de ça...

- Est-ce que, du coup, demanda-t-il difficilement, vous savez qui a tué ma mère ? Et qui était Nécro ?

Nécro avait été identifié par la Police Spéciale comme le meurtrier de Carla. Dans le temps il était recherché pour avoir massacré sa famille puis un certain nombre de policiers venus en renfort. Après s'être enfui il avait donné la mort à d'autres hommes de la justice. Avant le meurtre de Carla, il avait été repéré quelques fois et depuis plusieurs mois dans les villes voisines ainsi qu'à Stohess. L'alerte rouge était donnée, l'Unité Spéciale le traquait sans relâche et plus particulièrement le Capitaine Grisha. Nécro était un lunaire, mais jamais son pouvoir n'avait été dévoilé au grand public - à moins qu'il soit méconnu. Il se joignait à des gangs puis se retirait sans laisser de trace, il était très difficile de retracer son passage et la Police Spéciale s'en voyait énormément. Il était un danger pour tous, l'ennemi public numéro un. Et puis, un beau jour, il disparut. Plus de nouvelles. Son dernier coup d'éclat fut le meurtre de la douce Carla Jaeger. Immédiatement le lien avait été déduit : il s'agissait d'une vengeance envers le Capitaine de l'Unité Spéciale.

- Je savais que tu me poserais cette question, soupira Erwin, et je sais qui est Nécro. Mais crois-moi il y a bien plus qui se cache sous la roche que ce qui t'a été montré dans les journaux.

Eren s'en doutait, dans ce genre d'affaire il y avait bien des informations qui restaient sous clé, ne serait-ce que pour protéger l'innocence du peuple. Cependant un mot du grand blond le tracassait :

- « Est » ? Il est en vie ?

- Ce n'est pas lui qui a tué Carla, intervint Hanji. Il était bien sur les lieux mais il ne l'a pas tuée. Il a tenté de la protéger, cependant... C'était déjà trop tard.

Cela signifiait donc que –

- Nécro est un Rebelle, dit alors Erwin, confirmant l'hypothèse du brun. Et tu le connais même plutôt bien.

- Levi ?! ne put-il s'empêcher de s'exclamer.

La scientifique confirma d'un hochement du menton. Eren se sentait bizarre, cette révélation impactait sur plusieurs choses. C'était maintenant sûr, Nécro n'avait pas tué sa mère. Nécro était Levi. Levi avait connu Carla. Il était même celui qui avait trouvé son corps, le premier à la voir morte. Eren n'avait jamais pu être complètement certain que c'était Nécro qui l'avait assassinée, mais il n'avait pu s'empêcher d'assumer tout de même les faits qu'on avait rapporté de la Police ; tout ce temps il avait emmagasiné une haine sauvage envers ce tueur, surtout quand il était adolescent et que son père l'abandonnait presque chaque jour afin de trouver des pistes inexistantes sur le meurtre de sa femme. C'était étrange de se dire qu'il avait en fait haïs Levi pendant aussi longtemps, du moins le monstre qu'il représentait. Alors maintenant, qui portait donc la responsabilité de la mort de Carla Jaeger ? Le brun avait déjà sa réponse.

- C'est Zackley qui l'a tuée, pas vrai ? demanda-t-il doucement. Ou un autre dirigeant...

- C'est bien lui, répondit la scientifique en baissant la tête. Bien que pas directement.

- S'il a réussi à monter un groupe aussi important pour un projet aussi incensé c'est pour une bonne raison, avoua Erwin. Zackley est un lunaire, c'est ce qui a fait de lui le Chef de la Police Spéciale. Son habilité est très reconnue parmi les policiers, il parvient à lire dans les pensées en touchant la tête de la personne visée de ses deux mains, un don très pratique dans les enquêtes quand on cherche des infos. Il ne devrait pas être autorisé de lire dans les pensées d'une personne non consentente, mais comme partout il y a des choses qu'on se permet de passer sous silence pour la bonne cause, soupira-t-il en mettant ces deux derniers mots entre guillemets.

- De notre côté, continua alors Hanji en faisant le tour de la paillasse d'une lenteur exagérée, nous nous sommes rendus compte que beaucoup trop de choses tombaient en faveur de ce loustique. Soit quelqu'un d'autre oeuvrait dans l'ombre, soit il ne disait pas tout. C'est ta maman qui nous a donné la solution – enfin pas à moi puisque je n'étais pas encore avec l'organisation. Juste avant ce soir fatidique, Zackley a fait une erreur. Carla a découvert qu'il ne faisait pas que lire les pensées mais qu'il les manipulait également. Elle a contacté les Rebelles sur le champs pour leur communiquer cette information cruciale.

Evidemment, qui pouvait parrticiper à l'affreux projet de ce militaire scientifique fou en ayant toute sa tête ? Zackley cachait tellement bien son jeu. Finalement, tout ramenait à cet homme.

- Je suppose donc que c'est également lui qui a affligé ça à mon père ? Qui l'a mis dans cet état ? articula-t-il difficilement. Je sais que vous ne vouliez pas fouiller sur la vie privée de ma mère, mais peut-être que vous saurez...

- Oui, répondit le blond sans attendre une seconde.

Erwin avait baissé légèrement la tête et fixait un point invisible sur le sol, le regard indéchiffrable.

- J'ai rompu ma promesse envers Carla après qu'elle aie été tuée. J'ai cherché où elle habitait et me suis rendu devant chez elle. J'y suis resté suffisamment longtemps pour voir une figure familière sortir de la porte d'entrée, un visage qui ne m'était pas inconnu car il était plusieurs fois passé au journal télévisé : celui du Capitaine de l'Unité Spéciale, Grisha Jaeger. Bien qu'il travaille pour Zackley, je savais qu'il ne faisait pas parti de son équipe malfaisante. Mais même s'il n'était pas un mauvais bougre j'ai été choqué de le voir là, tu peux me croire, rit-il à moitié. Enfin, Carla avait toujours su être étonnante, et puis je supposais qu'elle avait eu ses raisons de se lier à ce policier. J'ai su ce qui était arrivé à ton père, j'en suis navré. C'était encore un coup orchestré par Zackley, pour ne pas changer.

- Mais pourquoi aurai-il fait ça, j'ai cru comprendre que mon père n'était au courant de rien ? Est-ce qu'il commençait à trouver des pistes ?

- Ton père était quelqu'un de très intelligent, commenta le blond.

- Est, le reprit l'infirmier.

- Est. Il avait visiblement compris le côté louche de l'affaire, son grand but a été d'entrer en contact avec nous. Il ne voulait pas se venger et tuer tout le monde -

- Pas comme moi, fit Hanji dans un rire cachant un côté triste.

Le blond posa une main réconfortante sur son épaule avant de reprendre :

- Il ne souhaitait pas se venger, juste comprendre. Tout ce qu'il voulait était une réponse, une raison quant au décès de sa femme. Nous allions forcément entrer en contact avec lui à un moment ou à un autre, nous ne savions simplement pas encore si c'était judicieux, mais le jour approchait c'était certain. Que Grisha Jaeger soit dans notre camp était un risque que Zackley ne pouvait pas se permettre de prendre. La population aimait ton père et lui vouait respect, elle se souvient encore de lui aujourd'hui j'en suis sûr.

Plus personne ne parla pendant quelques secondes. Eren assimilait tout ce qu'il venait une nouvelle fois d'apprendre, Erwin retraçait sûrement dans sa mémoire les événements passés et Hanji était perdu dans la contemplation du plafond.

- Alors Zackley peut soumettre n'importe qui à sa volonté, murmura le brun comme pour s'aider à réaliser l'ampleur du don du Chef de la Police Spéciale.

- Je ne sais pas exactement comment son pouvoir fonctionne, grommela la scientifique, faisant tiquer Erwin. Mais en gros oui, c'est ça l'idée.

- Donc toutes ces personnes à ses côtés, ils ne le sont pas vraiment par choix ?

- Dur à dire, soupira-t-elle. Est-ce par soumission au pouvoir de Zackley ? Sous la menace ? Par une quelconque manipulation ? Ou bien ces personnes-là sont-elles tout aussi barjes ? Reçoivent-elles des informations erronnées ? Sont-elles enrôlées depuis un jeune âge à servir cette cause ? Il y a bien trop de possibilités, et elles sont sans doute toutes justes. Après à qui faut-il attribuer chacune... Ca c'est une autre paire de manche.

Il opina lentement. Tout ça était déjà bien trop prise de tête. Carla était la commandante Rebelle, Levi était Nécro, Zackley avait un pouvoir puissant utilisé à des fins extrêmement malveillantes, et Grisha... Le pauvre capitaine Grisha Jaeger avait subi tellement tout en étant maintenu dans l'ignorance.

- Cela fait depuis des années maintenant que mon père a perdu ses deux jambes et qu'il ne répond plus, comme s'il n'était plus là. Il a juste le regard... dans le vide, termina-t-il avec peine. Personne ne sait vraiment pourquoi. Il n'a rien au niveau cérébral, toutes les connexions sont là, ça pourrait donc être dû au choc ou je ne sais quoi, et pourtant... Et pourtant avec ce que vous venez de me dire sur Zackley je ne peux pas m'empêcher de me demander s'il n'aurait pas utilisé son pouvoir sur mon père ? Peut-être qu'il avait découvert quelque chose et que Zackley a fait en sorte qu'il ne puisse pas parler.

Eren ne pouvait empêcher cette lueur d'espoir qui était apparue : peut-être que le mauvais sort jeté sur Grisha – s'il y en avait eu un – était réversible. Peut-être qu'enfin son père pourrait vraiment le regarder dans les yeux, qu'il lui parlerait après toutes ces années. Que maintenant qu'il n'était plus un adolescent effronté, ils pourraient enfin discuter ensemble de Carla.

- Nous y avons pensé, fit le plus âgé. Et cette hypothèse est tout à fait valable, sa véracité n'en serait même pas étonnante. Le fait est que le pouvoir de Zackley est indétectable, du moins pas dans ces conditions ni avec les moyens de l'organisation. Tu aimerais sûrement savoir si un retour en arrière est possible.

Erwin n'était pas commandant pour rien, il était particulièrement vif d'esprit.

- Nous n'en savons rien pour être honnête, continua-t-il. Je doute qu'il collabore même sous la menace, mais même dans ce cas rien n'est sûr. Sa mort réglerait peut-être l'histoire, mais c'est la même chose, ce n'est malheureusement qu'une supposition.

Eren aurait aimé discuter davantage de la chose, que ça mène quelque part ou non, mais leur entrevue fut interrompue par le grésillement du talkie-walkie du commandant.

- Ici Pat'. L'équipe de cette aprèm est rentrée, la patrouille de nuit vient de décoller.

- Message reçu, répondit brièvement Erwin avant de s'adresser à ses deux vis-à-vis. Je dois y aller.

- J'arrive, fit la brune en s'étirant.

Eren joignit ses mains sur ses cuisses, se tripotant les doigts nerveusement. Le fonctionnement de l'organisation ne lui était pas encore familier, mais surtout il ne savait pas quelle était sa place, donc quelle attitude adopter. Il aurait aimé échanger avec des Rebelles, se faire une idée plus précise de l'organisation. Après tout c'était sa mère qui l'avait fondée. Erwin le sortit de son embarras.

- Nous allons nous rendre à la réunion du soir, afin d'avoir un compte rendu de la journée. Je t'invite à te joindre à nous Eren.

- Bien sûr, répondit l'infirmier en se levant prestement.

- Et si tu l'acceptes, j'aimerai présenter le fils de Carla au reste des membres. Levi n'est pas là, sentit-il nécessaire de préciser.

Ils se fixèrent avec tout le sérieux du monde. Eren connaissait déjà sa réponse, sans doute Erwin également et même avant lui. Le brun sut apprécier toutes ces révélations d'un coup : sur sa mère, sur Zackley, sur Levi... Alors il était dans l'ordre des choses que lui aussi se dévoile complètement.

- Je vous suis. »

En descendant les marches des escaliers du laboratoire à la suite des deux Rebelles, Eren se demanda si Levi avait réellement massacré sa famille et tous ces policiers. Le passé du noiraud lui sembla alors encore plus trouble que le sien. Mais finalement ce n'était pas que lui ; si l'Exécuteur baignait dans les eaux nauséabondes d'un marécage boueux, le moindre Rebelle n'était pas loin derrière lui. L'excitation monta en Eren, il ne put empêcher l'esquisse d'un sourire de prendre place sur son visage ; il avait peur qu'on peine à l'accepter, mais il ferait tout pour prendre place au sein de l'organisation. Il prendrait la suite de Carla, de sa mère, il suivrait ce chemin qu'elle avait tracé, qu'elle pensait juste et dont elle avait été si fière. Qu'il soit rejeté ou non, peu importe le Rebelle – ça lui fit mal à l'idée que ça puisse être Levi – il ne se laisserait pas démonter : la seule chose qui comptait était le résultat, la liberté de Stohess.

La double porte menant à la grande salle s'ouvrit devant lui et il frémit à la pensée qu'il posait son premier pas sans son masque ou une cagoule en présence de tant de Rebelles. Sur quelques mètres à sa gauche directement contre le mur, reposait une estrade pas très large mais suffisamment haute pour qu'une personne s'y tenant puisse être vue de tous en cas d'un attroupement. Elle était actuellement vide, les Rebelles vaquaient à leurs occupations plus près des murs, principalement dans les hauteurs sur ces immenses échafaudages métalliques qui encadraient la grande salle en forme de croix. Si tout le monde était présent, est-ce que chacun se reconnaîtrait ? Ce n'était pas si sûr, il y avait bien de la place pour plusieurs centaines. Eren reporta son attention devant lui et rejoignit l'ombre du long manteau sable du commandant qu'il aperçut sous un des échafaudages à sa droite. D'autres Rebelles étaient attroupés là-bas, pas plus de dix en comptant les deux qu'il connaissait déjà. En s'arrêtant juste devant, le brun reconnut un visage familier : celui d'Auruo, un ami de Levi mais aussi celui qui, en compagnie d'Erd, l'avait couvert lors du combat contre Keith. Ses cheveux châtains étaient plus ondulés que d'habitude, sans doute à cause du temps humide, et il affichait cet éternel air renfrogné.

« J'aimerai vous présenter une seconde fois L'Exécuteur, fit alors Erwin. Certains d'entre –

Auruo ne lui laissa pas le temps de finir qu'il s'approcha d'Eren en de grandes enjambées et l'empoigna par le col, le plaquant du même coup contre la large barre de fer dans son dos qui faisait office de pilier pour le gigantesque édifice métallique. Trop abasourdi pour riposter, et surtout ne souhaitant pas créer inutilement de vagues supplémentaires, le brun ne pipa mot, dévisageant simplement le châtain dont l'expression s'était durçie. Sa poigne n'était pas si ferme, Eren pouvait s'en défaire, mais en constatant que la main du Rebelle tremblait il décida qu'il valait mieux ne pas bouger et le laisser déverser ses émotions.

- Stop ! intervint Hanji. Ce n'est pas sa faute, il n'y est pour rien !

- C'est bien vrai ? demanda Auruo d'une voix rauque, resserrant sa main afin d'attirer de nouveau l'attention de l'infirmier sur lui. Gunther a vraiment juste chercher à ... te tuer ?

Gunther... Le brun avait commencé à oublier son nom, mais les souvenirs firent rapidement surface. L'homme avait voulu le descendre de son arme à feu sans prononcer le moindre mot, puis il était mort tout aussi silencieusement.

- Je me suis défendu, parvint-il finalement à articuler. Je n'ai rien pu faire, je suis désolé.

Il s'excusait beaucoup ces temps-ci. Les yeux du châtains se voulaient emplis de rage, mais ils étaient seulement embués de tristesse. Il relâcha Eren mollement, marmonnant un semblant d'excuse. Le brun ne souhaitait pas remuer le couteau dans la plaie, mais il pensait tout de même mériter une explication quant à sa propre tentative de meurtre.

- Gunther était un Rebelle pas vrai ? s'adressa-t-il au commandant. Si vous cherchiez à me recruter, pourquoi a-t-il essayé de me tuer ?

Erwin échangea un long regard avec Auruo, ce fut ce dernier qui répondit :

- Il ne venait plus à l'organisation depuis quelques semaines et n'avait vu aucun d'entre nous durant cette période ; puis il refit surface un beau jour comme si de rien n'était, disant avoir eu besoin d'une « pause ». Il semblait plus renfermé, nous l'avions tous remarqués, mais nous avons préféré lui laisser le temps de s'exprimer sur son ressenti sans rien dire... Je n'ai même pas cherché à savoir de quoi il retournait, ajouta-t-il, sa voix craquant sur la fin.

Il respira profondément, serra les mâchoires, poursuivit :

- Puis voilà que plusieurs jours après une de nos équipes tombe sur son corps, tranché par l'Exécuteur que j'apprends plus tard. Tout a plutôt rapidement été compris, il s'était fait manipuler l'esprit et menacer par cette crapule de Zackley.

- Comment a-t-il pu –

- Nous ne savons pas encore. Mais crois-moi, dit-il la mâchoire serrée, ça ne va pas tarder.

Le châtain recula de quelques pas pour se positionner au côté opposé de la longue table, il sembla se calmer puisqu'il se massa doucement les tempes les yeux fermés, et quand il les rouvrit son regard paraissait plus détendu. Il dévisagea finalement le brun, comme réalisant finalement de qui il s'agissait, et alors ses sourcils se froncèrent une nouvelle fois - mais de manière plus indulgente.

- Qu'est-ce que tu fais là ?

L'infirmier avala difficilement sa salive, redoutant un nouvel assaut.

- Comme l'a dit Erwin, je suis l'Exé –

- J'ai entendu ce qu'a dit Erwin, le coupa-t-il. Mais je ne comprends pas... N'es-tu pas un ami de Levi ? C'est quoi ton nom déjà ?

Le brun tiqua au mot « ami » mais n'en montra rien. Il ne savait pas lui-même comment définir cette relation qu'il avait entretenue avec le noiraud, en tout cas elle s'était terminée aussi rapidement qu'elle avait commencé.

- Eren, répondit-il tout de même.

Auruo le jaugea du regard un sourcil arqué, semblant ne pas encore savoir comment appréhender la nouvelle et par ce biais, ne pas savoir quel comportement adopter.

- Qui aurait cru qu'un gamin se cachait derrière ce péteux d'Exécuteur, finit-il par dire avec un ton dédaigneux, mais il se mordit la langue sur la fin ce qui remit en cause toute sa crédibilité.

Les quelques Rebelles présents autour de la table se mirent à rire doucement et l'atmosphère se détendit d'un coup. Auruo avait eu une manière de s'exprimer se rapprochant de celle de Levi, pensa le brun. Quoique plus précisément du Chien ; quand le noiraud voyait Eren, tous deux en civils, la douceur perçait dans sa voix. Il avait beau tenter de le dissimuler à sa manière, le jeune infirmier n'était pas dupe ; mais il appréciait qu'on le prenne du côté délicat, comme s'il était une personne qui méritait qu'on lui porte de l'attention. Le fait qu'il s'agissait du gérant de Titania était un plus.

- Eren n'est pas uniquement une connaissance, fit le grand blond sur un ton annonçant une révélation imminente. Il est le fils de la première commandante de l'organisation, Carla Jaeger. Tout ceci n'est que pure coïncidence, ajouta-t-il sans attendre avant toute question, puis il se tourna vers le brun. Mais le sang de notre ancienne commandante coule en lui, elle lui a transmis ce besoin de rendre justice, le même qui traverse chacun d'entre nous. Eren était déjà un Rebelle sans le savoir, et si ce n'est pas le fruit du hasard qu'il soit venu jusqu'à nous alors je suis certain qu'il s'agit du destin.

- Comment pouvons-nous être sûrs qu'il n'est pas manipulé par Zackley ?

Eren pivota sur la gauche, face à un homme robuste d'une cinquantaine d'années. Ses bras croisés mettaient en évidence les muscles roulant sous sa peau tânée, il avait une épaisse barbe grise longue d'une dizaine de centimètres et de petits yeux noirs sages et intelligents. Ce fut Hanji qui donna réponse à sa question :

- La Police Spéciale a toujours laissé l'Exécuteur faire un peu à sa sauce ; certes il lui arrivait de mettre des bâtons dans les roues des plans de Zackley, mais il représentait également une menace pour les Rebelles et surtout il s'occupait des gangs dont certains dont le chef voulait se débarrasser. Je pense que l'Exécuteur avait son utilité pour Zackley et qu'il représentait un allié potentiel – en tout cas un allié sans même en avoir conscience. Mais regardez, dès le moment où il a été vu en notre compagnie ça a changé la donne : il est recherché plus activement par la Police et il ne reçoit plus aucune éloge de la part des médias. L'Exécuteur n'est plus l'anti-héros mais le petit démon de Stohess. Zackley doit vouloir à tout pris se débarrasser de lui, il sait comme nous combien notre ami est puissant et qu'il a le pouvoir de changer la donne.

- Le mauvais temps arrive, dit Erwin avec une mine sombre. Zackley se met en mouvement, il veut en finir avec nous. Le début de la guerre s'annonce mes amis.

Tout le monde se regarda sans savoir quoi ajouter à ça. Chacun redoutait d'entendre ces mots un jour, bien qu'ils les sachent inévitables. Tous se mirent à converser doucement puis Erwin se fit appeler d'un côté afin qu'il jette un coup d'oeil à des plans fraîchement repêchés. Eren reçut une tape sur l'épaule de la part du barbu musclé, ce dernier lui offrit une large paume caleuse qu'il serra.

- Je m'appelle Bartoloméo, bienvenu jeune Rebelle. Nous sommes un peu comme une grande famille ici – immense est le mot le plus approprié – nous prenons tous soins des autres et nous nous faisons confiance. J'espère que tu arriveras à voir cela et je suis certain que tu t'intégreras sans problème. Tu es un garçon intelligent, n'est-ce pas ?

Eren lui fit un sourire timide.

- Je ne dirai pas vraiment ça non.

- Détrompe-toi, rit le plus vieux d'une voix grave et rauque. Tu n'es pas arrivé jusque-là sans raison.

Le brun opina lentement en baissant le menton, clairement embarrassé.

- Je comprends que tu te fasses discret pour le moment, tout le monde connait bien l'Exécuteur. Tu as fait de sales erreurs c'est vrai, mais pour la plupart nous sommes vraiment rassurés de t'avoir dans nos rangs, lui signala-t-il avant de lui tapoter le haut du crâne. Et puis maintenant tu es autant au courant que nous de ce qui se trame dans ce fichu pays, alors remonte un peu ton estime personnelle ; les Rebelles comptent sur toi.

- C'est bien ce qui me fait peur, osa commenter le brun.

- Â la confiance, c'est bien l'une des clés les plus dures à obtenir ! En tout cas, changea de sujet Bartoloméo en se dirigeant vers le commandant, saches que si tu cherches à comprendre un peu mieux le système de notre organisation ou que tu as tout simplement besoin d'une compagnie, je me trouverais toujours dans le coin la plupart des soirs.

Eren hocha le menton avec reconnaissance. Bien qu'il se sente intimidé par l'homme à la carrure imposante, son accueil avait été plein de chaleur et plus que bienvenu. Il avait par ailleurs pu observer un peu plus les personnes alentour, lui ayant permis de noter qu'il n'y avait pour le moment personne de sa génération ; sans doute y avait-il quelques jeunes rebelles se cachant un peu plus loin, ou bien peut-être étaient-ils plongés dans leurs études en ce moment même. Mais finalement ce n'était pas important, il n'était pas là pour se faire des amis ; trouver camaraderie serait seulement un bonus.

- Viens voir, fit alors Erwin à son attention.

Ils étaient cinq penchés sur une carte déroulée sur toute la largeur de la table. De loin, les entremêlements de lignes faisaient davantage penser à une tuyauterie qu'à la map d'une zone urbaine. Le brun s'approcha, se postant à côté de Bartoloméo et juste en face d'Auruo ; maintenant il en était certain, il s'agissait là d'une carte souterraine.

- Voici la « Fabrique », lui présenta le blond. C'est là qu'est stockée la moelle lunaire des victimes, puis façonnée sous la forme d'un injectable. Les prélèvements se font dans de petits labo mobiles en surface dans la zone sécurisée, il est toujours mieux de s'établir près du lieux des personnes enlevées puisqu'elles sont – généralement – relâchées dans la nature sans avoir idée de l'acte chirurgical mené sur leur corps un peu plus tôt. Ces laboratoires se déplacent fréquemment, le matériel est remballé à chaque fin de nuit.

- Pourquoi se déplacer aussi souvent ? s'enquit le brun.

Quand bien même il peut arriver qu'il y aie des disparitions, même rares, il s'agit là de la Police Spéciale. Au moment de ratisser un périmètre à la recherche d'un disparu, l'équipe de Zackley pourrait sans doute faire en sorte qu'on évite un laboratoire.

- A cause de nous bien sûr, répondit Auruo avec un petit sourire satisfait.

- Nous ne sommes pas si nombreux durant nos rondes, continua Erwin, mais ils savent que nous surveillons les alentours et ils prennent leurs précautions. Ca ne serait pas la première fois que nous mettons à jour un petit laboratoire - c'est rare, mais c'est arrivé.

- Je vois... Et où se situe donc cette Fabrique ? Comment l'avez-vous trouvée ?

Bartoloméo secoua doucement la tête. Hanji surgit alors derrière lui et ce fut elle qui répondit :

- En tant que Rebelles nous avons accès à très peu d'informations, nous devons donc tout faire pour creuser chaque piste plausible, quand bien même celle-ci mènerait à une impasse. Dans mon ancien job j'avais quelques collègues qui m'avaient toujours semblés suspicieux, que ça soit pour une raison ou pour une autre. Ce n'est que depuis cette année que j'ai décidé, vue le peu de nos trouvailles, d'explorer la possibilité qu'ils soient reliés à Zackley. Après de longues et discrètes fouilles, nous sommes tombés sur cette map. Cependant, interroger les coupables ne nous mena nulle part et nous tournions en rond : leur esprit avait été depuis longtemps manipulés et nous n'aboutissions à rien, nous n'avions d'autre choix que celui de les relâcher.

- Mais, ne continuent-ils pas d'oeuvrer pour Zackley à ce compte-là ?

- Que voulais-tu qu'on fasse, soupira la scientifique. Les enlever ? Les tuer ? Ça n'aurait rien changé. Leur cerveau est bloqué et Zackley se contrefiche de ses sbires.

C'était tellement frustrant d'avoir des éléments en main, des clés vers la solution, et de ne pas pouvoir s'en servir.

- Nous ne sommes pas des tueurs, ajouta Erwin. Nous réfléchissons à la manière de prendre la situation de la façon la plus adaptée, nous ne voulons pas renforcer cette image violente que la plupart ont déjà de nous.

Il y eut quelques secondes de blanc puis la réunion reprit son cours, avec Eren se tenant légèrement en retrait. Il appréciait les nouvelles dans son coin et se sentait actuellement plus à l'aise dans la position d'observateur. Hanji vint à un moment se poster à ses côtés, elle se pencha discrètement vers son oreille afin de lui chuchoter quelques mots.

- Levi ne va plus tarder à rentrer, souffla-t-elle en faisant bondir son coeur. Si tu souhaites t'éclipser c'est le moment. »

Il opina doucement et la scientifique le tira par la manche, lui notifiant d'un index posé contre ses lèvres de ne pas interrompre les autres. Eren avait pour intention de tout avouer au gérant de Titania, il le ferait cependant dans les conditions les plus favorables, à savoir dans un environnement qu'ils connaissaient tous les deux. C'était la meilleure façon d'apprendre quelque chose d'aussi choquant. La révélation se déroulerait à la manière dont le déciderait le brun, et pas autrement. Ca arrivait qu'on soit pris la main dans le sac, que les gros secrets soient découverts de la pire façon possible, mais c'était plus souvent dans les livres ou bien parce que l'on traînait à dire les choses. Généralement nous avons tout le luxe de se confier, car quand il n'y a pas de moment opportun ils le sont donc tous.


Voici donc la fin de ce nouveau chapitre les amis ! Un grand merci d'avoir lu et un grand merci pour les précédents reviews :) Vous êtes toujours là en dépit du temps et waw, je m'en trouve étonnée et comblée à chaque fois que cette pensée pop dans ma tête !

Ce chapitre était un peu plus court que les précédents j'ai l'impression. Il était déjà en grande majorité écris depuis août, j'aurai dû faire un effort et essayé de le poster avant.

Quelques mots sur mon quotidien actuel... Je suis partie depuis fin septembre de France, me voilà dans ma famille australienne. La semaine prochaine je m'envole pour Melbourne avec une amie pour une période d'un an, tout ça est tellement nouveau !

Bon en tout cas je vous souhaite le meilleur et une bonne journée/soirée

Beuzouilles