Et voilà, le duo de l'enfer Nalou&Flo'w a encore frappé...

Cette fois-ci pour célébrer l'anniversaire d'une serial-revieweuse, adoratrice des UA (et je ne peux que la soutenir dans ce sens !), et écrivaine talentueuse, Adalas !

Voilà donc le premier chapitre d'une petite fic que nous vous préparons telles les deux démones siamoises que nous sommes...

Très bonne lecture à toutes ! En espérant que ça vous plaise !


Le mât craqua sinistrement. Tout en haut, le matelot resté bloqué dans la vigie par le vent violent, recroquevillé derrière le garde-fou pour ne pas se faire envoyer par-dessus bord, poussa un hurlement lorsqu'il vacilla avec un grincement sonore. En bas, sur le pont, les hommes s'activaient, contenant leur panique, recevant des trombes d'eau que leurs vêtements déjà trempés refusaient d'absorber. Malgré les ris, la grand-voile était à moitié arrachée, se gonflant et claquant dans le vent déchaîné.

Un nouvel éclair illumina le ciel assombri par les épais nuages, et le tonnerre l'accompagna, assourdissant. La tempête était juste sur eux, s'abattant sans pitié, et le capitaine braillait des ordres à tout-va en bataillant pour maintenir la barre récalcitrante. D'une voix tonitruante presque couverte par le tintamarre de l'orage, il avait envoyé tous les hommes inutiles – marchands et mousses trop légers – se réfugier à fond de cale afin de ne pas entraver le travail des marins frénétiques. Là-dessous, même abrités de la pluie, les négociants mal habitués se terraient, affolés par les secousses et les craquements de la coque malmenée par les vagues.

Le mât se fit entendre à nouveau lorsque le capitaine frappa de plein fouet une lame, incapable de l'éviter dans la tourmente. Le bruit de bois brisé sonna comme au ralenti, et le mât s'effondra, escorté du long cri d'horreur de la vigie.

« Saute ! SAUTE ! » lui hurla un des marins en évitant un espar arraché.

Le matelot obéit, se jetant du mât pour s'écraser sur le pont en une roulade douloureuse. Il se releva avec difficulté, les roulis le projetant au sol malgré ses efforts.

Le mât tombé, la course folle du navire se trouva ralentie, mais n'en était pas moins chaotique. Charrié par la houle qui s'éternisait, le bâtiment ne tiendrait plus longtemps… Inlassablement, le capitaine dirigea son navire d'une main de fer contre les eaux en furie et le désespoir qui guettait ses hommes. Il sortirait de ce pétrin vivant ou mourrait en essayant…

oOo

Le pont était encore recouvert des flots qui s'étaient écrasés dessus, débordant des bastingages.

Un à un, les matelots sortirent de la cale dans laquelle ils s'étaient réfugiés les uns après les autres, lorsque la tempête s'était transformée en ouragan et que l'espoir de sauver quelque chose mis à part leur vie avait été anéanti.

Doucement, ils se répandirent sur le pont, faisant le tour de ce qui avait été endommagé.

Le mât de proue avait été arraché par le vent et les vagues, et tandis que sa base reposait encore droite, des milliers d'échardes pointées vers le haut, la partie supérieure gisait maintenant au sol, emportant avec elle une partie de la toile de la voile principale et divers espars qui s'étaient trouvés sur son chemin. Les caisses qui n'avaient pas pu être assurées à temps avaient maintenant disparu, emportant avec elles de nombreux trésors et équipements.

Alors que les nuages qui leur avaient apporté tant de malheur s'en allaient enfin, la nuit tombait, ne leur laissant pas un seul rayon de soleil pour souffler. Déjà, les matelots se mettaient au travail, ramassant ce qui pouvait être ramassé, rafistolant ce qui pouvait être rafistolé… sous les hurlements du capitaine trempé, resté dehors le dernier pour tenter de les sauver tous.

Totalement absorbés par leurs tâches fastidieuses, ils mirent quelques instants à réaliser que la vigie, qui était retourné s'installer en hauteur, criait.

« Navire à tribord ! Distance un mille, vitesse approximative quinze nœuds ! Il se dirige droit sur nous ! »

Chacun eut une seconde d'espoir – auraient-ils la chance inouïe de se faire aider par ce bâtiment, certainement envoyé par Dame Providence ? – jusqu'à ce que le matelot perché recommence à hurler.

« Voiles noires ! »

oOo

Les réparations furent abandonnées à leur sort, et tandis que les mousses tentaient vainement de tendre les voiles restantes pour qu'elles prennent le vent, les matelots allèrent récupérer leurs sabres et leurs mousquets auprès des marchands, dans la cale, les effrayant un peu plus au passage.

Les canons furent mis en place, les boulets chargés, et l'attente devint à ce moment-là insupportable, palpable, les secondes s'étirant en heures. La fuite, avec un bateau dans cet état, n'était pas une option. L'espoir s'amincissait à chaque instant, à mesure que le brick s'approchait encore et encore. Son pavillon noir flottait fièrement, ses intentions indubitablement meurtrières…

Alors qu'il s'approchait presque à portée de tir, un des artilleurs poussa un cri d'horreur en entrant dans la Sainte-Barbe. Même dans les conteneurs protégés, la coque brutalisée par la tempête avait laissé passer l'eau et les réservoirs à poudre étaient imbibés. Le cannonier vint constater les dégâts, mais ne put rien faire. La poudre mouillée ne s'enflammerait jamais.

« Les pirates essaient généralement d'éviter les combats rapprochés, marmonna-t-il, mais nous n'avons pas le choix. Essayons de nous protéger de leurs tirs jusqu'à l'abordage, et nous ne pouvons plus compter que sur nos sabres… »

Il fut interrompu par des cris venant d'au-dessus et un bruit sourd mais impossible à confondre : un canon. Le brick avait lancé l'assaut. Les artilleurs s'empressèrent de refermer tous les mantelets de sabords et remontèrent sur le pont, sabre au clair et peur au ventre.

oOo

Le temps s'arrêta l'espace d'un instant sur le bateau marchand. Ils virent le corps de leur camarade plonger lentement en avant, basculer par-dessus le bastingage, pour finir sa course dans les flots, entre les deux bateaux.

Les secondes reprirent leur course, implacable et imperturbable, lorsque les premiers grappins adverses s'abattirent sur le bois.

La plainte des planches sous les assauts de métal relança les marins, qui brandirent alors leurs armes contre les attaquants. Seulement, sans canon pour ralentir leur avancée, ils furent rapidement submergés par une marée de pirates déferlant sur le pont.

Le combat au corps-à-corps s'engagea alors, parfois ponctué de coups de feu.

Les sabres s'entrechoquaient dans des duels sans merci, avant que l'un d'eux ne rencontre finalement les fibres d'un vêtement ou la chair nue, mêlant à la cacophonie les râles désespérés des mourants.

Le capitaine pirate s'occupa lui-même du sort du capitaine de la frégate marchante, près de la barre, virevoltant avec aisance autour des assauts du vieux militaire, se jouant de lui, avant de lui porter le coup de grâce.

Il restait alors moins d'une poignée de matelots, épuisés et désespérés, qui se retrouvèrent rapidement désarmés et à genoux face au surnombre de hors-la-loi.

Ils ne pouvaient que contempler la mort se rapprocher sous les bottes du capitaine pirate, essoufflés, tentant de se débattre contre les poignes de fer qui les maintenaient soumis.

Celui-ci s'arrêta devant les hommes à terre, passant en revue leurs visages. La plupart baissa les yeux, sachant déjà le sort qui les attendait. Ils avaient reconnu le navire qui les avait attaqués, et sa réputation n'était plus à faire… Mais un matelot, jeune et impétueux mais à l'apparence aussi calme qu'une mer d'huile, garda le regard levé.

Les deux hommes, capitaine et marin vaincu, se fixèrent un instant. Les yeux bleus défièrent les iris gris-vert, jusqu'à ce qu'un sourire insolent étirent les lèvres du flibustier, qui prit la parole.

« Toi, debout, ordonna-t-il au jeune impertinent. Emmenez-le. Pas de quartier pour les autres. »

Deux pirates lièrent les mains du marin, dont le regard plein de haine restait fixé sur le donneur d'ordres, et le relevèrent sur ses pieds sans une once de douceur. Il cracha en direction de l'autre homme, mais ne réussit qu'à le faire atterrir devant ses pieds, sous son regard désabusé. Ils le trainèrent ensuite jusqu'à la passerelle sommaire que des camarades avaient apposés entre les deux navires. Ils le jetèrent finalement sans ménagement dans la cabine du capitaine, qu'ils verrouillèrent de l'extérieur.

De son côté, celui-ci entama les fouilles avec les membres de son équipage aussitôt que les corps sanglants furent jetés par-dessus bord.

Ils trouvèrent les trésors enfouis en même temps que les marchants cachés, et ils les envoyèrent chacun à leur tour embrasser Neptune. Les coffres de pièces d'or et de vivres remontaient par une chaîne humaine parfaitement rôdée, et le capitaine s'approcha de son second alors qu'il se dirigeait vers la cabine de feu le capitaine du navire marchand.

« Garrett. J'ai une mission pour toi.

- Oui, capitaine ? répondit l'intéressé avec une déférence légèrement entachée par un soupir à peine retenu.

- Je veux que tu me trouve le registre du navire. Je veux connaître le nom du matelot que j'ai épargné.

- Très bien, capitaine. »

Le second s'éloigna d'un pas vif, ouvrant la porte de la cabine à la volée pour en faire un nouveau tour, maintenant que tout objet de valeur avait changé de camp. Le chaos qu'avaient laissé ses camarades n'allait pas rendre la tâche facile.

oOo

Le chef des pirates rejoignit le pont supérieur en quelques longues enjambées, retrouvant le corps inerte qu'il y avait laissé pendant la bataille.

Le sang se mélangeait à l'eau encore gorgée dans le sol, s'écoulant en une tâche de plus en plus large sur le bois lissé par les passages.

Il fit attention à ne pas souiller ses hautes bottes de cuir plus qu'elles ne l'étaient déjà, avant de se pencher, pliant gracieusement son abdomen pour atteindre du bout des doigts le veston précédemment blanc du marin. Il en défit habilement les deux boutons, avant de faufiler sa main juste sous le tissu.

D'un mouvement habile, il détacha la montre à gousset de la chaînette qui la maintenait en place à l'intérieur du vêtement, l'engouffra rapidement dans ses propres poches. Il glissa ensuite le plat ses paumes contre les flancs, puis les hanches et les cuisses du macchabée avant de trouver ce qu'il cherchait. Ses doigts se jetèrent dessus, l'enserrèrent contre sa main, avant de la lever au niveau de son regard.

Une magnifique boussole de cuivre, gravée du nom de son bateau, dont l'aiguille pointait sans ciller vers le Nord. Elle remplacerait parfaitement la sienne, qui n'était plus utile à rien, changeant de direction au gré des roulis.

Son pillage personnel terminé, il rejoignit son propre navire, laissant ses hommes terminer le nettoyage du bateau marchand.

Ses traits s'étirèrent, un sourire narquois barrant son visage, alors qu'il se rendait vers ses appartements. Il ouvrit violement la lourde porte de bois, ses yeux tombant immédiatement sur son prisonnier.

Les mains toujours liées.

Totalement recroquevillé sur le sol.

En train d'essayer de passer ses jambes entre ses bras pour ne plus les avoir dans le dos et récupérer pratiquement tous ses mouvements.

Le matelot se figea dans sa tentative au moment où le panneau de bois tourna sur ses gonds huilés.

oOo

Ils se fixèrent tous deux pendant de longues secondes, évaluant l'autre. Le marin était empêtré dans sa position, une jambe passée entre ses mains liées, la deuxième peinant à suivre, en appui contre le sol. Des mèches de fins cheveux blonds tombaient en bataille sur son front couvert de sueur, collant à la peau dorée par le soleil. Ses yeux d'un bleu océan semblaient vouloir foudroyer le pirate sur place.

Le pirate en question, lui, l'observait de toute sa hauteur. Ses folles boucles noires, à peine contenues par son tricorne, retombaient autour de son visage fin aux pommettes saillantes. Son sourire moqueur accompagnait royalement ses iris pales. Il fit un pas en avant, puis deux, se rapprochant dangereusement de l'homme à terre. Celui-ci tenta de se reculer, et échoua lamentablement, pris au piège par ses propres tentatives d'évasion.

Alors que le meurtrier se penchait vers lui, le matelot sentit sa dernière heure venir. Pourquoi l'avoir épargné avant, alors qu'ils s'étaient débarrassés de tout l'équipage, si ce n'était pas pour s'amuser en le torturant avant de lui faire subir le même sort ?

« Ne me touchez pas ! » parvint-il à cracher au moment où sa main allait le saisir.

Celle-ci stoppa son mouvement, mais la lueur de défi dans les yeux du pirate ne lui promettait rien de bon. Les longs doigts d'albâtre se saisirent de sa cheville, et il se débattit comme il put alors qu'ils faisaient repasser sa jambe dans sa position initiale, devant ses mains. Ils se refermèrent ensuite implacablement sur son biceps, et tirèrent avec une force insoupçonnée.

Le matelot se retrouva rapidement à la verticale, et sa voix revint, rauque.

« Ne. Me. Touchez. PAS ! siffla-t-il entre ses dents serrées.

- Un peu tard pour ça, non ? répliqua la voix grave, amusée.

Le marin tenta de se dégager d'un mouvement brusque d'épaule, sans succès. Il retenta une deuxième fois, en désespoir de cause.

- Qu'est-ce que vous me voulez, hein ? reprit-il. Me torturer avant de me jeter aux requins ? N'avez-vous aucun semblant d'humanité ?

Le grand brun se plaça dans son dos, et lui susurra, tout près de l'oreille,

- Il n'est pour le moment pas question de vous torturer ou de vous tuer, non... ce serait du gaspillage...

- Comment ça ? questionna avidement le blond, la voix rendue légèrement tremblante malgré lui par le souffle chaud qui glissait à intervalle régulier contre sa carotide, comme une menace enrobée de douceur.

- Vous avez quelque chose qui m'intéresse, continua la voix chaude.

Les longs doigts glissèrent de leur position sur le biceps, frôlant l'articulation du coude, effleurant la peau tendre de l'avant-bras, avant de se poser sur le nœud de corde qui maintenait le matelot en place

La respiration hachée, celui-ci tenta de reprendre :

- Je n'ai... aucune possession. Rien de valeur. Je n'ai rien embarqué avec moi mis à part... mon outil de travail.

- Je n'en ai pas après ce que vous avez, mais plutôt après ce que vous êtes.

- Ce que je suis ?

Perdu, le matelot mis quelques instants à sentir que les liens qui maintenaient ses mains se desserraient peu à peu, alors que le pirate les tranchait de son couteau.

Son cœur battait à tout rompre. Dès que ses mains retrouvèrent leur liberté, il fit violemment volte-face, pantelant. Il s'éloigna tant qu'il put de son vis-à-vis, son dos entrant en contact avec les boiseries des meubles tandis qu'il massait la peau endolorie de ses poignets, dont la corde avait entamé la chair.

- Navré pour ça, dit simplement le brun en pointant les mains du jeune homme avec sa lame.

Devant le silence résigné du blond, le sourire en coin du pirate s'intensifia.

- Oui, ce que vous êtes. Vous avez beau essayer de le cacher, votre corps parle pour vous. Malgré la tempête que vous avez essuyée, vos mains sont propres, bien entretenues. Je ne dis pas que vous ne tenez pas votre rôle de marin, non, mais vous y prêtez une attention toute particulière. Vos ongles sont courts, leur coupe bien nette. Vos gestes sont précis, même au combat. Et surtout, la besace maintenue à votre hanche, que vous avez tenté de protéger – elle n'est que peu mouillée, et se trouve juste en dessous de votre main droite, que vous posez dessus dès que vous vous sentez menacé – est révélatrice de ce que vous êtes. Un chirurgien. Et comme vous pouvez vous en douter, il n'y en a généralement pas sur un bateau pirate. Ce sera un avantage de taille face à nos adversaires. »

Le jeune soigneur était sur le point de répondre lorsque la porte s'ouvrit largement, le faisant sursauter alors que le pirate restait de marbre. Un membre de son équipage, à la barbe et aux cheveux poivre-et-sel, et à la peau tannée par le soleil, s'approcha de son capitaine en fixant le captif d'un œil méfiant.

Ses lèvres approchèrent l'oreille du capitaine, y soupirant quelques mots inaudibles depuis sa position, et le rictus sardonique s'étira un peu plus s'il était possible, le chef pirate fixant avec des yeux brillants le blond qui tentait malgré lui de se faire le plus petit possible. Le troisième marin disparut aussi vite qu'il était venu, sur un signe de tête de son capitaine, le laissant avec un sourire maintenant triomphant.

Sa voix profonde résonna une nouvelle fois dans la cabine, et une sueur froide recouvrit la peau du matelot, le glaçant soudainement. Peut-être aurait-il mieux valu qu'il meure, lors du combat sur le pont, finalement.

« C'est fou comme une découverte intéressante me fait oublier mes bonnes manières. Je me présente, Sherlock Holmes, capitaine et seul maitre à bord du Redbeard. Il est bien dommage pour vous que nous ayons croisé votre chemin. Bienvenue à bord, John Watson. »


See ya next time y'all ! Arrr