La lune déversait sur ma petite maison un flot de lumière aveuglant, une clarté d'une intensité peu commune, un appel comme je n'en avais plus eu depuis longtemps. Je dévalais les marches usées à pas lents, ma longue robe blanche balayant les feuilles sur mon passage. Une bourrasque de vent me fit frissonner, ainsi je rabattis sur ma tête la cape que je conservais d'un autre temps, couvrant mes cheveux et protégeant mon visage de la fraîcheur de la nuit. Je rajustais mon arbalète sur mon épaule, m'assurant que j'avais suffisamment de flèches avant d'avancer plus. Je sentais le contact rassurant de ma lame contre ma cheville et m'enfonçais dans la forêt, l'herbe humide caressant mes pieds nus.

Je suivais en silence le doux halo de la lune qui s'enfonçait dans la forêt, et bientôt je me trouvais au cœur de grands arbres dont le bruissement des feuilles troublaient la tranquillité. Seuls quelques rayons de lumière traversaient l'épais manteau de végétation tandis que je poursuivais mon chemin vers l'ouest. Derrière le son strident de quelques hiboux dérangés par mon passage, je commençais à distinguer la douce mélodie d'un cours d'eau.

La lune déversait un flot de lumière au sein d'une clairière traversée par un lac dont la beauté n'avait d'égal que son calme troublant. Je fis encore quelques pas vers ce bijoux sombre posé au milieu des arbres, les rayons lumineux s'arrêtaient au milieu de l'étendue d'eau.

Je pénétrais dans l'eau particulièrement froide, ma robe collant désormais à ma peau, me rapprochant un peu plus à chaque fois de la douceur de l'astre. Je commençais à frissonner tandis que l'eau recouvrait désormais mon ventre. Je peinais à avancer, fixant cette lumière pour me motiver à continuer. Un dernier pas, et l'eau me couvrit entièrement tandis que je me sentais baigner dans une douceur sans égale, la pureté de la lumière m'enveloppant à présent totalement.

Je fermais les yeux, ces voyages, je ne m'y ferai jamais vraiment. Lorsque je sentis à nouveau la fraîcheur de l'eau et la douceur de la Lune me quitter, je me mis instinctivement à nager vers la surface. Je me sentais entraînée avec force par de puissantes vagues et dû faire appel à toutes mes forces pour sortir de cette violence. Me frayant un chemin à travers la houle, je marchais sur des galets, l'air brûlant mes poumons avec rage dès que mon visage atteignit la surface. Bientôt, je me retrouvais à marcher sur du sable froid et grisâtre tandis qu'une pluie féroce s'abattait sur tout mon corps frissonnant.

Quatre hommes torses nus à la musculature plus que saillante regardaient hébétés dans ma direction. Un rayon de lune vint éclairer un cinquième homme étendu sur le sol, souffrant le martyr visiblement. J'armais mon arbalète avant de marcher prudemment vers le groupe, je commençais à comprendre la raison de ma présence ici. Tandis que je me trouvais à quelques mètres du groupe, des grognements bestiaux résonnaient parmi les hommes et l'un d'eux s'approcha, menaçant. Je créais une barrière afin de les maintenir à distance de ma personne et m'accroupis enfin près de l'homme gisant sur le sol.

J'entendais le groupe parler et même crier leur frustration sans chercher à comprendre ce qu'ils disaient. L'homme pour lequel la Lune m'avait fait venir me regardait effaré, je caressais son visage déformé par la souffrance d'une main, posant mon arme sur le sol, et fermais les yeux, me concentrant sur les battements vifs de son cœur.

Je vis l'homme serrant dans ses bras une femme au visage balafré par une imposante cicatrice, un aura d'amour, de tendresse et de douceur les berçant tout deux. Je détaillais un peu plus la femme, son ventre arrondi témoignait d'un heureux événement dans un avenir proche.

Je quittais les pensées du futur père pour me plonger dans ses souvenirs. Ainsi donc, j'avais devant moi un métamorphe, chef de meute plus précisément. Je vis un jeune loup sable tenter de se défendre contre deux créatures humanoïdes aux yeux rouges et à la force surnaturelle. Le loup était visiblement en mauvaise posture, tandis qu'il sauta pour mordre l'un d'eux, l'autre vint entourer son flan de ses deux bras de glace. Une louve grise se précipita pour arracher d'un coup de mâchoire la tête de celui qui étouffait son congénère tandis que ce dernier retombait lourdement sur le sol sous le regard lourd d'inquiétude de l'animal. Ce moment d'égarement permit à la deuxième créature de sauter sur le dos de la louve, dévoilant au passage de grandes crocs aiguisées prêtes à percer la chair de sa victime. En une fraction de seconde, l'énorme loup noir dont je fouillais les souvenirs arracha la monstruosité de sa monture, l'entraînant dans une chute prenant fin au pied d'une falaise, face à la mer agitée. Une lutte sans merci se déroula alors, et le loup se fit mordre à l'épaule avant de parvenir à arracher la tête de son adversaire.

Le loup se laissa tomber sur le sol, prenant forme humaine et grimaçant de douleur tandis que sa meute venait l'entourer.

La lune m'avait donc fait venir pour sauver un futur père d'une mort certaine ? Sans plus réfléchir, je détachais la petite fiole bleue de mon collier et en versait une goutte de son contenu sur l'épaule du malheureux, récitant quelques vieilles incantations que j'offrais à l'astre blanc. L'homme se mit à déchirer le silence d'un hurlement de souffrance, alertant de plus belle sa meute alentour. La rédemption n'était pas douce mais je faisais ce qui était en mon pouvoir pour le préserver de la douleur.

Au bout de quelques minutes, le métamorphe perdit connaissance, je déchirais le bas de ma robe et emballais soigneusement sa blessure avant de me lever. Je ne pris même pas la peine de brandir mon arbalète et me contentais de m'éloigner, détruisant au passage la barrière que j'avais mis en place. Tous se jetèrent sur leur chef, je partais sans me retourner titubant sous la fatigue qu'incombait un sort de guérison.

_ Hé, toi !

Je me retournais brièvement, l'un des hommes me regardant étrangement. Je me perdis dans ses yeux, levant la tête pour ne rien perdre de ce contact visuel. Les battements de mon cœur se firent irréguliers, je ne comprenais pas ce qu'il m'arrivait. Un point noir vint entacher ma vue, puis deux, puis trois, et je sentais mes jambes se dérober sous mon poids tandis que ma vision ne devint qu'un immense écran noir.