Comme je n'arrive vraiment pas à avancer sur mes propres fanfictions (et j'en suis d'ailleurs vraiment désolée) j'ai décidé de quand même poster une nouvelle traduction d'une fanfiction magnifique que j'ai lu il y a un bon moment, j'ai laissé le titre original, l'auteur est sammehsayum et la fanfiction d'origine peut être trouvée sur LiveJournal j'espère que vous l'aimerez autant que moi, je posterais rapidement le second chapitre (promis!),


Chapitre 1 :

En 1863, deux années en plein dans une guerre qui était tout sauf civile, la ville dans laquelle Dean Winchester a grandi est devenue célèbre avec Le Massacre de Lawrence ou Le Bombardement de Quantrill, tout dépendait de la personne à qui vous le demandiez et où ils étaient géographiquement situés aux États-Unis d'Amérique.

Avant même que la guerre n'ait commencé, pendant le mandat de Pierce comme président, lorsque le Kansas saignait pour être validé comme étant soit un état abolitionniste, soit un état esclavagiste, Lawrence s'était affirmée comme la Mecque pour l'idéation antiesclavagiste.

Avec la guerre comme excuse, William Clarke Quantrill et un groupe de guérilleros, des renégats de Johnny Reb ont bombardé la ville, quatre cents hommes descendant sur la ville avec une colère puissante. Avant la fin de la journée, Lawrence était l'ombre fumante de ce qu'elle avait été. Cent soixante-quatre habitants de la ville avaient été massacrés.

Le sang de cent soixante-quatre personnes qui avaient une famille, de l'amour, et des rêves souilla les rues de la ville où Dean Winchester a grandi, en 1863.

Le temps a défini une distance entre Dean et ces personnes, mais ça ne les efface pas des livres d'histoire ou des présentations données par des professeurs de lycée surexcités sur ce qu'ils considèrent comme étant une nette connexion entre leurs étudiants et une guerre qui a plus de cent ans d'écart avec eux.

Cette pensée laisse toujours un drôle de goût dans la bouche de Dean. Lawrence ne semble pas être un endroit où de nombreuses personnes ont été abattues. Lawrence ne donne pas l'impression d'être un endroit où les cris et le feu ont un jour tinté l'air.

Ce n'est pas parce qu'il ne peut plus le voir que ça n'est pas arrivé. Dean le sait. Il n'est pas naïf. Des mauvaises choses arrivent. Des choses terribles arrivent. Le monde tâtonne, récupère, et passe à autre chose. Le chemin de la vie réajuste les cicatrices que ces choses terribles laissent. Boiteux, peut-être; paralysés par la tragédie, mais ils continuent.

Peut-être que c'est pour cette raison que Dean est ici. Peut-être qu'il est paralysé par une tragédie et qu'il a besoin d'un peu d'aide pour apprendre à boiter.

Peu importe la raison, l'horloge tournant sur le mur est sur le point de rendre Dean complètement fou, ce qui est, il pense, assez ironique considérant le fait qu'il est assis sur le canapé en cuir, en face du Dr. Zora Okoro, Thérapeute.

Tic-Tac, tic-tac, tic-tac, tic-tac, tic-tac.

"M. Winchester," l'interrompt Dr. Okoro, un accent nigérian accroché à sa langue dense et riche comme du miel, ce qui en fait un 'Mis-iou Ween-ches-tah'. Ses longues jambes se croisent aux chevilles et glissent sous sa chaise, une jupe crayon noire serrant ses genoux et ses cuisses jusqu'à ce qu'une chemise au blanc immaculé n'interfère avec la vue de Dean. La chemise tranche avec la peau couleur café de Zora, amenant l'éclat du sourire sur son visage en une perspective éblouissante. Une paire de lunettes aux montures épaisses et de larges créoles encadrent ses hautes pommettes et sa peau lisse, et si Dean avait trente-deux ans et non vingt-deux, il aurait été au moins partiellement tenté de tomber au moins à moitié amoureux d'elle rien qu'en la voyant.

Dans l'état actuel des choses, cependant, il est surtout irrité et agité.

"Doc," il répond en s'affaissant sur le canapé et caresse l'idée de jeter ses bottes boueuses sur le cuir crème.

Dr. Okoro lui sourit gentillement et les bracelets sur son poignet cliquettent légèrement alors qu'elle repositionne le bloc-notes sur ses genoux, tripote son stylo. "Alors," commence-t-elle d'une manière encourageante. "De quoi est ce que tu aimerais qu'on parle aujourd'hui ?"

"Écoutez, madame," Dean lève ses mains, les paumes levées dans le geste universel 'ne me demandez pas'. "Vous êtes la personne qui m'a demandé de venir ici."

Elle lève un sourcil bien dessiné vers lui. "Et tu ne sais pas pourquoi?"

Dean s'enfonce dans le cuir du canapé et lui jette un sourire de mange-merde. "Je veux dire– à tout hasard– ça a probablement un rapport avec le fait que ça fait quatre ans que vous êtes la psy de Sammy ou un truc comme ça." Un muscle saute dans sa mâchoire lorsqu'il serre les dents.

"Oui," elle sourit et pose son menton sur ses paumes. "Ça a peut-être quelque chose à voir avec ça."

Tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac tic-tac.

"Alors, qu'est ce qu'il y a?" Dean lève bien ses pieds cette fois-ci, cale ses Timberland sur l'autre accoudoir du canapé pour que des amas de terre et d'huile s'émiettent, et il défie la gentille docteur de lui dire quelque chose afin de lui donner une excuse pour partir. "S'il y a un problème avec Sam vous devriez probablement en parler avec nos parents plutôt qu'à moi."

"Il n'y a aucun problème avec Sam," lui garantie doucement Dr. Okoro, "et il m'a dit plusieurs fois qu'il préférerait que ce soit toi, et non tes parents qui réponde aux questions que je pourrais avoir." Dean a deux secondes pour essayer et parler de ce qu'il ressent par rapport à tout ça avant qu'elle ne continue sur cette voie avec, "Comment tu vas, Dean?"

Avec son accent, son prénom ressemble à 'Den', avec ce qui semble être une petite montagne-russe au milieu qui aurait pu être un 'a' à un moment donné avant qu'il ne soit pris et étouffé au fond de sa gorge.

"Toujours à peu près la même chose." Dean hausse les épaules évasivement. "Je n'ai pas à me plaindre."

Dr. Okoro s'enfonce continuellement dans son siège, les yeux braqués sur l'expression de Dean. Il combat l'envie de s'agiter et de dire quelque chose de méchant pour qu'elle arrête. Le soleil matinal passant par la fenêtre dans son dos se prend dans ses cheveux courts lorsqu'elle examine sérieusement le jeune homme assis sur son canapé. "Sam parle souvent de toi, tu sais."

Les épaules de Dean se raidissent pour s'empêcher de s'égayer, ses muscles deviennent si rapidement rigides, que pendant un terrible instant, Dean est certain de s'être froissé quelque chose dont il va avoir besoin lorsqu'il retournera au travail. La curiosité qui l'avait conduit à répondre à l'appel du Dr. Okoro dans un premier temps, qui l'avait conduit dans le bureau où il était seulement rentré une fois auparavant pour y déposer Sam à son premier rendez-vous, se tord comme des vers sous sa peau, comme une anguille sans repos.

Il veut savoir ce que Sam dit derrière les portes closes. C'est à la limite de l'obsession, à vrai dire. Pendant quatre ans, il s'est mordu les joues et a ravalé ses questions, parce que tout ce qu'il veut autant ne peut être bon pour Sam.

C'est elle. La pièce manquante du puzzle. Dr. Zora Okoro sait des choses pour lesquelles Dean envisagerait fortement de tuer pour en être informé. Il a du mal à comprendre pourquoi il a besoin de le savoir à ce point, mais Dean est comme un chien qui mâche ses points de suture lorsqu'il est question de Sam. Ça n'a aucune d'importance si la façon dont sont les choses fonctionnent, il faut qu'il ronge, jusqu'à ce que les choses soient à nouveau normales–naturelles.

C'est comme un club secret dans lequel Dean avait une adhésion exclusive, avant que son admission ne soit révoquée, et maintenant, il est juste impatient d'y rentrer à nouveau. Voilà quatre ans qu'il mordille ses points de suture et Dean est assis dans le bureau de la thérapeute de Sam, affamé.

"Ah ouais?" il demande d'une voix rauque.

"Oui." Dr. Okoro acquiesce aisément. "En faite, on pourrait continuer pendant des jours, et il ne parlerait que de toi. Il t'admire beaucoup."

"Vraiment?" dit-il, trop rapidement, mais pas de la manière 'oh-c'est-vraiment-super-bizarre' qu'il avait eu l'intention d'avoir, de l'admiration se glissant dans sa voix sans y être invitée. L'envie de se prélasser dans cette information pendant quelques instants est écrasante, mais Dean a été à l'école de la vie, et il sait pas mal de choses sur les autres chaussures qui risquent de tomber. "Mais ce n'est pas pour ça que vous m'avez demandé de venir."

"Je crains bien que non." Elle se racle la gorge de manière significative, tripote de nouveau son stylo. "Je dois admettre que d'après ce que Sam m'a dit de toi, je suis très curieuse à ton sujet, Dean. J'aimerais savoir quelles parties de toi sont réelles, et quelles parties de toi sont celles que Sam aimerait voir être se réaliser. Il pense que tu es une sorte de héros, Dean. Je comprends que c'est beaucoup de pression."

"Pas du tout." Ses mains forment des points de chaque côté de son corps.

Dr. Okoro éloigne simplement ses protestations d'un signe de la main, continuant. "J'espère simplement me faire une idée de Sam à travers toi, si tu le veux bien. Tu le connais mieux que quiconque, pas vrai?"

"Oui."

"Si tu me le permets, dans ce cas-là," elle fait un sourire radieux, "d'avoir ta vision de l'histoire."

Dean rit et lève les yeux au ciel nonchalamment. "L'histoire?" Est ce que c'est comme ça que les jeunes l'appellent de nos jours ?

"Tout ce qui te semble important," elle clarifie rapidement, se redressant dans sa chaise, afin que sa colonne vertébrale ne touche plus le cuir du dossier. "Ça n'a même pas besoin d'avoir un rapport direct avec Sam. Peu importe ce que tu fais, qui tu es, ça affecte Sam. Si c'est important pour toi, ça l'est pour lui. Tout ce que tu peux me dire m'aidera, promis." L'implore-t-elle avant de se rattraper. Visiblement, elle prend une grande respiration et se force à se pencher en arrière, à ne pas bousculer Dean dans son anticipation. "Toutefois, la décision sur le fait de me parler ou non reste entièrement la tienne. Tu n'as aucune obligation envers moi.."

Il prend ses mots en considération pendant un moment– les événements de sa vie qu'il pourrait partager, les moments avec Sam dont il pourrait lui parler pour l'aider à mieux comprendre. Il pense à la façon dont il peut être à un doigt de ce qui le sépare d'aider Sam. A un putain de doigt. Pratiquement un héros. Il pense à quel point ce serait plus facile de donner son sang ou un rein, mais non – toujours la manière forte avec Sam.

"Pourquoi maintenant?" Demande-t-il après un moment tendu. "Après quatre ans, pourquoi venir vers moi maintenant?"

Elle baisse les yeux vers ses genoux, ses joues foncées se rougissant vers un ton plus sombre encore, alors qu'elle prend la pince de son stylo entre des ongles propres.

"Honnêtement?" La syllabe 'êt' est engluée sur le fond de sa langue."Il va bientôt à l'université. Pendant quatre ans j'ai essayé de soigner Sam comme s'il était…" Elle s'arrête pendant un moment, un air perdu assombrit ses yeux alors qu'elle cherche dans sa langue secondaire le vocabulaire approprié. "Je l'ai soigné comme une âme individuelle," dit-elle doucement, écoutant intensément les mots résonner dans l'air pendant quelques instants avant d'acquiescer. Dean se redresse inconfortablement dans son siège "J'ai sous-estimé votre relation. Vous êtes tous les deux si fusionnels; je n'avais jamais rien vu de tel avant. Je ne peux pas te connaître sans connaître Sam, de la même manière que je ne peux pas connaître Sam sans te connaître. Dans quelques mois il n'est plus là pour moi. C'est ma dernière opportunité. Peut-être légèrement inhabituelle, mais j'espère voir des résultats positifs. Tu comprends ? "

Que Dieu lui vienne en aide, il comprend.

"Je peux dire tout ce que je veux?" Il demande, hésitant, s'installant un peu plus dans le cuir rigide du canapé.

"Tu peux dire tout ce que tu veux." Elle sourit aimablement.

Dean expire fortement et frotte une paume calleuse sur son visage. Sa main sent le cuir, l'huile de moteur, et Sam. "Où est ce que je commence?"

« Par le commencement, ce serait bien." Elle débouche son stylo et survole le bloc-notes sur ses genoux.

Dean prend une respiration tremblante, lissant ses mains sur ses cuisses. "Ok. Le commencement."


Dean a quatre ans lorsque son père et sa mère ramènent à la maison une couverture bleue dans laquelle se trouve une forme ridée, rose et humanoïde. Ce n'est pas comme s'il ne s'y était pas attendu. Pendant les neuf derniers mois de sa vie, il a regardé le ventre de sa mère se gonfler jusqu'à ce qu'il ressemble à la pleine lune. Il a passé de nombreuses nuits, assis sur le sol avec ses parents, son oreille ou sa main pressée contre le ventre arrondi, sursautant de joie si quelque chose le heurtait ou se déplaçait.

Il était assis à la table, balançant ses pieds en chantant une chanson sans mélodie à haute voix, attentant que son goûté soit prêt lorsque sa mère avait laissé tomber le bol de fraises tranchées dans la cuisine, serrant son ventre lunaire et criant "John!"

Le bol s'était brisé, envoyant les fraises rouler sur les carreaux.

Mais, c'était il y a plusieurs jours, maintenant. C'est tout juste si Dean avait vu sa mère depuis que son père l'avait amené à la maison des Grossman juste à côté et leur avait demandé s'ils pourraient 's'occuper de lui pendant quelques heures, s'il vous plaît'.

Son père le guide jusqu'au canapé dans la salle familiale, lui demande s'il est prêt à rencontrer le bébé pendant qu'ils tournent et voient sa mère assise là, berçant amoureusement un paquet dans ses bras. Elle brille pratiquement alors qu'elle se penche en avant afin que Dean puisse voir.

Vraiment, Dean s'attendait juste à... plus que ça. C'est rose, gros, immobile, imberbe, ça respire lourdement à travers des lèvres mouillées et entrouvertes qui semblent trop grandes et trop rouges pour son visage. De temps en temps, de petits tremblements nerveux envoient de gros petits bras et de grosses petites jambes danser et Dean recule.

Dean pense que c'est nettement laid, et en informe sa mère.

"Non," le reprend Mary. "Il est magnifique et c'est ton petit frère, Dean."

Dean plisse le nez et regarde le bébé dormir.

"Qu'est ce qu'il y a, Dean?" John sourit et pousse Dean légèrement à l'aide de son épaule. "Tu n'es pas excité de rencontrer Sammy?"

"Sammy?" Répète Dean. Le bébé remue dans son sommeil et fait un petit bruit inconscient.

"Regarde," murmure Mary alors que le bébé fait plus de petits bruits dépourvus de sens, se tortille de manière plus perceptible. "Il est si excité de te rencontrer."

Dean saute presque jusqu'au plafond lorsque la fente des yeux du bébé s'ouvrent vers une mare sombre et floue.

"Est ce que tu aimerais le tenir?" Sa mère lui sourit sereinement et pour une raison incompréhensible, Dean hoche la tête et accepte de prendre l'étrange chose rose dans ses bras.

John se met à genoux au niveau de Dean pour l'aider à positionner ses bras pour recevoir le bébé, lui donnant des instructions strictes sur le fait de toujours soutenir la tête de Sammy parce qu'il n'est pas encore assez fort pour le faire sans l'aide de Dean.

"Tu dois t'assurer qu'il est hors de danger, Dean." Le ton de John est de cuivre et d'acier. "Tu es un grand frère maintenant, d'accord? C'est une grande responsabilité et je te fais confiance. Sam a besoin de toi maintenant. Et il aura besoin de toi demain. Et le jour suivant. Et lorsqu'il commencera à marcher et à parler. Et il aura besoin de toi lorsqu'il commencera l'école comme tu l'as fait, tu t'en souviendras?"

Dean acquiesce.

"Et il aura besoin que tu lui apprennes à jouer. Il aura besoin que tu partages tes jouets– même les camions. Il aura besoin que tu l'aides à devenir aussi grand et fort que toi. Tu peux faire ça pour moi, mon grand? "

Dean fronce les sourcils. Même ses camions?

"Dean?" lui dit John, et Dean acquiesce rapidement, le lui promettant. John le regarde sérieusement pendant encore quelque instants, causant un tortillement inconfortable chez Dean, de peur qu'il ait fait quelque chose de mal et que son père allait peut-être reprendre la responsabilité après tout, avant que les traits de John ne s'adoucissent et il fait un geste à Mary de calmer l'enfant reniflant dans les bras de son aîné.

Dean baisse les yeux vers le bébé, et le bébé lève les yeux vers Dean. Aucun d'entre eux n'est particulièrement impressionné.

"Dis bonjour, Dean," le pousse Mary. "Dis bonjour à ton petit frère."

"Salut, Sammy," murmure Dean au petit paquet dans ses bras.

Le bébé plisse les yeux vers lui, sa bouche frissonnant vers le bas alors que ses sourcils se froncent au milieu. Il observe la figure imminente au-dessus de lui avec un regard jugeur et Dean est un peu abasourdi que le bébé et son père aient déjà tant en commun. Ses mains se convulsent, des petits doigts se fléchissant en un poing.

"Il ne m'aime pas." Il regarde sa mère, se mordillant la lèvre. "Pourquoi est ce qu'il ne m'aime pas?"

"Il n'a que quelques jours, Dean," lui rappelle doucement John.

"Rapproche-toi un peu," lui suggère Mary. "Il ne peut pas te voir de si loin."

Hésitant, Dean se rapproche jusqu'à ce que son nez heurte celui du bébé, et Dean n'avait jamais touché quelque chose d'aussi doux– pas même ces animaux en peluche dans les livres que Mme. Withefold amène à la garderie. Dean soupire et le bébé sursaute à ce son.

"Hey, hey, attends, chhh," murmure rapidement Dean lorsque le bébé commence à s'agiter, et il se met à le bercer comme il a vu les mamans le faire à la télévision et dans le voisinage. Progressivement, le bébé se calme et revient à son jugement intense sur Dean, et Dean attend, se demande ce qui se passera si l'enfant en vient à la conclusion que Dean est un individu extrêmement douteux et commence à crier.

Un poing minuscule frappe la pommette de Dean, cognant doucement contre sa joue avant de se fixer sur le côté de son nez. Ses doigts s'ouvrent et se ferment et pour la première fois, Dean se rend compte que–wow– il porte une petite personne. Un jour, la main sur le nez de Dean deviendra aussi grande que les mains de Dean. Un jour, la main sur le nez de Dean deviendra aussi grande que les mains de John. Les spirales sombres de cheveux sur sa tête vont s'épaissir. Le rose de sa peau va se ternir et bronzer. Ses dents vont pousser, il va parler et crier et hurler et pleurer, ses membres vont s'étirer. Ses mains vont se salir, ses tibias vont s'égratigner, ses os vont peut-être même se briser.

Il y a une personne dans les bras de Dean, et cette pure admiration inspirée par cette idée écarquille ses yeux.

Il y a une personne dans les bras de Dean. Une personne avec un futur. Une personne avec une personnalité. Une personne qui va vivre et pleurer et rire et aimer et-et- un jour, dans un million, dans beaucoup beaucoup d'années- peut-être faire ce que le papa de maman a fait et aller au ciel.

Et Dean va voir tout cela arriver.

"Salut toi," Dean murmure à nouveau, sa bouche se frottant contre la peau parfaitement douce de l'avant-bras de Sam. L'idée le frappe que peut-être est-il la première personne à avoir touché cette peau. "Salut, Sammy."

Sam couine et tire fermement sur le nez de Dean.

"Tu vois. Il t'aime bien," Mary rit doucement dans l'oreille de Dean.

"Ah oui?" Les petits doigts continuent de se plier dans la peau du nez de Dean, de minuscules ongles pâlissants lorsqu'ils tirent brusquement, à la limite entre l'irritation et la douleur. Dean se rend compte que ça ne le dérange pas plus que ça.

"Regarde-toi," Mary chantonne à Sam, tortille un doigt vers lui pour essayer de capter son attention, mais Sam se rend compte qu'il a une autre main avec laquelle il peut tenter de soulever le nez de Dean et donne un autre couinement enchanté, ignorant sa mère.

Dean rit et, encouragé par le sourire de Sam, se retourne et s'en va.

John s'interpose rapidement, riant alors qu'il prend Sam des bras de Dean, prenant à peine le temps de démêler les mains de Sam des narines de Dean. "Peut-être un jour, mon grand. Mais pour l'instant, tu ne peux pas porter Sammy sans ta maman ou moi dans les parages ou tu pourrais lui faire mal par accident, c'est compris? "

Il tient un tout autre discours, six mois plus tard lorsqu'il presse Sam dans les bras de Dean et crie "Tu vas emporter ton frère dehors aussi vite que tu le peux! Ne te retourne pas ! Allez, vas-y, Dean, cours !"

Dans son dos, un incendie fait rage, réduisant la chambre d'enfant de Sam en poussière centimètre par centimètre.

Alors Dean court. Il cramponne Sam à sa poitrine descend les escaliers pendant que l'odeur de la fumée s'accroche à sa peau et bloque tous ses sens, les réduisant aux cris de son petit frère. Il tâtonne pendant un moment terrifiant au bas de l'escalier, ses pieds nus trébuchant l'un sur l'autre et il renverse presque Sam avant de reprendre son équilibre, serrant Sam encore plus fort et chuchotant des excuses alors qu'il se rue à l'extérieur de la porte d'entrée.

Il court et il court et il ne regarde pas en arrière.

Les bras de Sammy se balancent alors qu'il se tortille sans relâche dans l'étreinte étroite de Dean, ses cris aigus la seule chose que Dean perçoit au-dessus du grondement de l'incendie et le bruit de ses propres pieds claquant contre le béton d'un froid automnal du perron, sprintant jusqu'à s'arrêter en trébuchant au milieu de la pelouse.

C'est là où ces instructions prennent fin.

L'ordre était d'emporter son frère à l'extérieur aussi vite qu'il le pouvait, et c'est ce qu'il a fait. Un Sam hurlant et pleurant reste bercé dans ses bras, une suie écœurante couvre sa gorge, et il ne sait pas quoi faire de sa personne désormais, à part regarder sa maison partir en flammes, son père et sa mère, quelque part à l'intérieur.

Il tremble et recroqueville ses petits orteils dans l'herbe humide.

"Ça va aller, Sammy," il chuchote dans les cheveux de son frère, peut-être pour se rassurer, lui aussi. Les poings potelés de Sam s'abattent contre sa poitrine alors qu'il se tortille et Dean le calme, le balance, se souvient de soutenir sa tête, le retourne afin qu'il n'ait pas à voir partir avec Dean tout ce qu'ils connaissent dans le feu de l'enfer. " Ça va aller." Il se penche pour presser ses lèvres sur le front de Sam et les sent bouger contre sa peau lorsqu'il murmure, "Je suis là, tout va bien se passer."

Et pendant quelques instants, alors que Dean se tient sur sa pelouse, il pense que c'est fini. Pendant quelques minutes, ils sont tous les deux orphelins dans sa tête. Dean ne pleure pas. Il sait qu'il pleurera plus tard, cependant. Il pense que lorsqu'un adulte arrivera, la mission de Dean sera finie. Il serre juste Sam plus près de lui et il attend.

Il se sent si petit. Si, si petit dans ce monde si vaste à côté de ce feu immense. Il est perdu et confus et il aimerait crier, se jeter par terre et frapper ses points dans la terre jusqu'à ce qu'elle se mette à trembler.

Mais s'il est si petit, quand est-il de Sam alors ?

"Je suis là," la voix de Dean tremble lorsqu'il se penche, car sa mère lui a dit que Sam ne pouvait toujours pas très bien voir, et Dean veut qu'il voie. "Je serais grand pour toi, Sam. Promis. D'accord?"

Quand le père de Dean jaillit de la porte d'entrée, son peignoir fuse derrière lui comme la cape de Batman dans les dessins animés préférés de Dean, et le feu siffle et bouillonne derrière lui lorsqu'il atteint le perron, Mary serrée contre sa poitrine, toussant et crachant dans ses bras.

Dean serre Sam encore plus près de lui lorsque son père plein de sueur et de suie titube à travers la pelouse pour se tenir près de son fils chancelant, les bras tremblant avec l'effort de soutenir sa femme.

Dean sursaute légèrement lorsque John tombe à genoux à côté de lui, serrant Sam protectivement contre sa poitrine alors que son père se met à son niveau.

"Vous allez bien?" demande-t-il d'une voix rauque.

"Ça va, oui."

Les Winchester sont assis sur leur pelouse, John avec Mary dans les bras et Dean avec Sam dans les siens, et ils regardent leur maison brûler jusqu'à ce que les pompes à incendie arrivent au coin de la rue et les emmènent sur le côté afin qu'ils puissent éteindre les flammes.

Les voisins se tiennent passivement dans la rue en groupes de quatre ou cinq au moment où l'ambulance arrive bruyamment, à côté de la maison des Winchester, jasant et chuchotant sur la dernière tragédie qui a touché leur communauté, sans doute en train d'organiser qui allait faire cuire quel ragoût quel jour pour nourrir la famille Winchester pour les prochaines semaines pendant que les quatre d'entre eux sont dirigés vers la cabine du camion par les ambulanciers.

Un homme de grande taille avec un doux, visage rond tente de sortir le bébé des bras de Dean, affirmant à John et à Mary qu'il doit vérifier la respiration de l'enfant.

Dean le mord assez fort pour laisser une trace en demi-lune lorsqu'ils arrivent à le retirer et il faut les efforts combinés de John et de Mary et une longue explication des procédures nécessaires pour être certain que Sam aille vraiment bien pour le calmer suffisamment pour que ses propres poumons soient inspectés.

Plus tard dans la semaine, après que le noir ait été gratté des murs et que les fenêtres brisées aient été barricadées, Dean surprend ses parents parler du court-circuit dans la veilleuse en demi-lune de la chambre de Sammy qui a enflammé les rideaux. Dean se trouve toujours dans son lit, faisant semblant de dormir et essayant de prétendre que tout l'étage supérieur ne sent pas la suie et le brûlé.

Quand il arrive enfin à s'endormir cette nuit-là, les cauchemars de Sam en train de crier et d'être pris dans les flammes jusqu'à ce qu'il n'en reste que des cendres et des traînées noires, le sortent brusquement de son lit pour marcher à pas feutrés dans le couloir et se faufiler dans la chambre des parents. Il lui faut quinze minutes pour comprendre comment tourner le verrou dans l'obscurité la première nuit.

Sam s'agite légèrement lorsque Dean glisse sur le tapis épais de la chambre à côté de lui. L'odeur de la poudre de bébé et de Sam tout autour de lui apaise le point sensible au centre de sa poitrine qui est à l'origine des cauchemars.

"Chhh," Dean chantonne doucement en se blottissant contre Sam, posant légèrement ses mains sur le petit torse de Sam pour sentir son rythme cardiaque régulier. "Je suis là, Sam."

Sam enroule sa main autour du pouce de Dean et, après quelques souffles légers, se rendort chaudement pressé contre la poitrine de Dean.


Lorsque le téléphone se trouvant sur le large bureau en bois foncé niché dans le coin de la pièce se met à sonner, il sonne haut et fort; strident et destructeur à la cadence régulière de la voix de Dean dans l'air.

Zora est hors de sa chaise avant que Dean n'ait le temps de sortir de ses pensées, laissant tomber son bloc-notes sur la table alors qu'elle se rue afin d'essayer de contrôler l'environnement. "Je suis affreusement désolée, laisse-moi éteindre ça," s'excuse-t-elle rapidement pendant qu'elle se démène à l'autre bout de la pièce. "Nolan," elle siffle le nom de sa secrétaire dans le combiné. "Je suis avec un patient."

Dean rechigne à être appelé un patient. Il est ici parce qu'elle lui a demandé de venir. Il est ici pour Sam. Pas parce qu'il ne va pas bien, pas parce qu'il a besoin d'aide– mais parce que Sam en a besoin.

Les taches noires d'encre attirent l'attention de Dean, sombres contre le jaune du bloc-notes. Il hésite à peine avant de le lire de haut en bas.

'Qualifie 'le commencement' comme étant introduit à Sam. Revoir les notes sur les souvenirs lointains de Sam étant très proche de son frère'

'Agression physique sur une figure d'autorité à l'âge de quatre ans— revoir notes sur Gambol, potentiel parallèle'

'Ont commencé à partager un lit à un très bas âge. Plus tôt que ce que Sam a indiqué. Revoir notes.'

Il saisit le bloc-notes, le retourne et le lit à nouveau.

"Replanifie tout ça," commande sévèrement le docteur Okoro dans le téléphone, se balançant en avant et en arrière sur ses pieds alors qu'elle aimerait s'excuser à nouveau pour l'interruption et revenir à l'essentiel. "On en a déjà parlé, Nolan. Je suis occupée aujourd'hui." Elle s'arrête, considère la réponse. "Oui, même les rendez-vous de l'après-midi. Ça aurait dû être fait il y a une semaine. "

Le téléphone claque bruyamment lorsqu'elle le remet dans le socle et se retourne vers le jeune homme sur son canapé, qui est assis silencieusement et tranquillement, à l'exception du rebond nerveux de son genou. Le bloc-notes est posé sur la table, de travers.

"Je m'excuse," Zora se racle la gorge et prend place. Dean lui jette un mauvais regard pendant qu'elle reprend son stylo et s'installe. "Tu parlais de l'enfance de Sam, c'est ça?"

"Ouais." Dean met un moment à se détendre à nouveau dans le canapé. "C'était un bébé bruyant. Je suppose que j'ai passé beaucoup de temps avec lui après l'incendie. Les enfants à l'école n'arrêtaient pas de me dire que si je continuais à traîner avec un bébé plutôt qu'avec eux, ils ne seraient plus mes amis." Un bref sourire touche le coin de ses lèvres, se propageant doucement sur ses traits.

"Et alors?" le pousse Dr. Okoro.

"Et alors quoi?" Dean renifle, lève à nouveau les yeux au ciel. "C'étaient juste des enfants que je connaissais. Sam est mon frère. "

Elle griffonne quelque chose avec subtilité et Dean à une forte envie de lui arracher le bloc-notes des mains et de le lire.

"Est ce qu'il y a quelque chose d'autre dont tu pourrais me parler?" Demande-t-elle avant qu'il ne cède à la tentation.

"Comme quoi?" Grogne-t-il.

"N'importe quoi." Elle sourit à nouveau, un grand sourire réconfortant. Comme la façon dont sa mère souriait."Tout ce à quoi tu peux penser qui se démarque du reste."

Dean mâche l'intérieur de sa lèvre. Il peut penser à trois choses au fond de sa tête.


"Sam! Arrête!" Dean a quatorze ans et une de sa main est nouée dans les cheveux de Sam pendant qu'il esquive les coudes déchaînés de son petit frère, il lui donne un coup de coude dans le dos de ses cuisses en guise de représailles. " Laisse-moi juste– " Il entasse ses doigts dans la bouche de Sam, avant que des dents se referment sur ses phalanges avec une force meurtrie. "Ow! Putain, Sam!"

"Laisse-moi!" Sam hurle, se débattant sous Dean sur le sol de la salle de bain. "Dean, arrête! Je vais le dire à Papa, je te jure que je vais lui dire!" Il donne à nouveau des coups de pied avec la jambe qu'il n'utilise pas pour essayer de faire levier et manque Dean d'un kilomètre, touche le coin de la baignoire à la place, et envoie voler les bouteilles de shampooing et les gels douche, claquant bruyamment dans l'espace clos avant de se mélanger sur le sol avec les fragment du porte savon en porcelaine qu'il a déjà fait tomber de l'évier. Le tapis de douche bleu pâle est plié à cause de sa lutte, retroussé jusqu'à ses côtes tout comme sa chemise, pour exposer les bleus que Dean a déjà pincé sur sa peau depuis le début de tout ce désastre.

"Si tu arrêtais de faire ton bébé et arrêterais de tant bouger, ça ne serait pas un problème!" Dean lui lance en retour, tombant de tout son poids sur son jeune frère pour l'empêcher de ramper jusqu'à la porte, écrasant efficacement le genou de Sam en-dessous de leur poids combiné. Il évite le coup de poing à l'aveugle de Sam. "Ouvre la bouche!"

Le souffle de Sam siffle hors de ses poumons en de courtes, et rudes respirations alors que ses mains palpent le carrelage. "Non!", dit-il entre des dents serrées.

"Je n'aimerais pas te faire mal," le prévient Dean, son ton à la limite entre menaçant et sympathique.

"Laisse-moi partir!" Sam rue à nouveau à la façon d'une mule et quelque chose d'autre claque sur le sol.

"Je t'avais prévenu." Dean soupire une fois, dramatiquement avant de mettre son visage dans le dos de Sam, mordant avec force dans la chair de son épaule.

"Ah!" Sam hurle, tordant son cou en arrière, et Dean en profite pour tendre son bras et arracher la dent qui bouge dont Sam se plaint depuis plus d'une semaine.

Dean rit lorsqu'il retire sa mâchoire de l'épaule de Sam, et continue de rire même après que Sam heurte son nez avec son coude et le pousse dans la baignoire.

"Ça fait mal, gros con!" Sam renifle en se redressant. Son visage est rouge tomate à cause de ses cris et de ses pleurs, ses grands yeux lamentablement gros et humides et ses lèvres rosées et tâchées de sang sont plissées en une moue.

"Ouais," Dean reconnaît, se réajustant afin que ses jambes pendent sur le bord de le baignoire. "Mais est ce que ça fait toujours mal maintenant?"

Sam passe sa langue dans le trou de son sourire, ses dents colorées en orange et sa langue rouge comme un bonbon. "Je ne crois pas."

"Tu vois." Dean s'adosse contre le mur à carreaux. "Qu'est ce que je t'avais dit?"

"Et si elle ne repousse pas?" S'inquiète Sam.

"Elle va repousser," Dean lui assure rapidement. "C'est juste une dent de lait, Sammy. J'ai perdu les miennes quand j'avais ton âge aussi, tu te souviens? Tes vraies dents vont bientôt repousser, je te le promets."

Sam renifle à nouveau et serre ses mains dans l'ourlet de son tee-shirt. "Ouais?"

"Ouais." Dean tend la main et s'accroche à l'épaule de Sam pour le tirer dans la baignoire avec lui, le tirant vers lui sous son bras avant de lever la dent pour que Sam l'inspecte. "C'est cool, hein? C'était dans ton visage il y a quelques minutes."

"C'est dégoûtant." Sam plisse son nez de dégoût mais prend toujours la dent que lui tend Dean. Il la retourne dans sa main, la pèse.

"Tu penses que la petite souris va t'amener beaucoup d'argent?" Dean tire gentillement sur le lobe d'oreille de Sam.

"Arrête." Sam tape sur sa main et rit dans son épaule. "La petite souris n'existe pas, Dean."

"Quoi?" Dean suffoque avec une fausse offense. "La petite souris n'existe pas?" Sam rit plus fort alors que les doigts de Dean dansent sur ses côtes, se pressant contre les points sensibles qui font que Sam se tortille et rit à nouveau. "Pourquoi est ce que personne ne me l'a dit? Qui laisse de l'argent sous mon oreiller alors, hein, Sammy?"

"C'est papa, idiot." se moque Sam et enfonce ses doigts osseux dans les côtes de Dean.

Dean fait une grimace. "Est ce que tu es en train de me dire que Papa est la petite souris?"

Sam s'écrase sur Dean et rit jusqu'à ce qu'il en tremble et Dean rit aussi parce qu'il est certain que le rire de Sam est le meilleur son dans le monde entier.

Le rire de Sam s'estompe éventuellement mais il reste recroquevillé sous le lourd poids du bras de Dean, le visage à demi enfoncé dans l'endroit où l'articulation de son épaule descend dans sa poitrine, ne faisant que respirer alors qu'il roule la dent entre ses doigts. La main de Dean est posée juste en-dessous de ses côtes, afin qu'il puisse sentir l'ascension et la chute constante de sa respiration pendant que son tee-shirt tiède se lève pour remplir sa paume, puis se baisse dans un rythme régulier. Sam exhale un souffle chaud contre sa clavicule et ils s'assoient ensemble dans la baignoire pendant quelques instants silencieux, ne faisant que respirer ensemble avec le bord de la baignoire s'enfonçant douloureusement dans la colonne vertébrale de Dean et sa main qui s'engourdit car la tête de Sam lui coupe la circulation.

Il pense au fait que ça devrait être bizarre. Il pense à Matt qui habite en bas de la rue et son petit frère, Colin. Matt et Dean ont le même âge, sont dans le même niveau scolaire, et étaient dans la même classe à un moment. Colin a un an de moins que Sam, mais Sam fait tout son possible pour être gentil avec lui, il fait tout son possible pour être gentil avec tout le monde. Il pense au fait que Matt n'a probablement jamais arraché la dent de Colin. Il pense au fait qu'on ne verra jamais Colin niché en toute sécurité dans ses bras. Mais bon, Matt n'a probablement jamais sorti Colin d'un incendie. Il n'a jamais dormi blotti contre lui de peur que son petit frère arrête de respirer au milieu de la nuit s'il n'était pas là pour lui montrer. Jamais personne ne lui a dit "Prends soin de ton petit frère," et il n'a jamais pris cette notion à cœur.

Dean ne sait pas vraiment qui est le plus dérangé: Matt ou lui.

"Qu'est ce que vous faites tous les deux?" Sam et Dean sursautent tous les deux lorsque la porte s'ouvre de l'intérieur, heurtant le pied nu de Sam par la même occasion, et leur mère passe sa tête à l'intérieur.

"Maman!" Sam n'est plus sous le bras de Dean et se tient debout avant que Mary n'ait vraiment eu le temps de comprendre ce qui est arrivé à sa salle de bain. "Maman, regarde! Dean a arraché ma dent pour moi! C'est pas trop cool?"

Mary sourit et fait mine d'être ébahie alors qu'elle essaie de ne pas trop grimacer en voyant le sourire ensanglanté de Sam.

Dean étouffe un rire dans le creux de son coude et Sam lui lance un grand sourire au-dessus de son épaule.


Dean a quinze ans et il est accroupi près d'une petit feu au beau milieu de nulle part, râlant dans sa barbe du fait qu'il soit de corvée pour démarrer le feu pour un autre week-end camping de son père. Normalement, Dean est tout à fait en faveur des voyages spontanés, même s'ils incluent parfois un John ouvrant brusquement la porte de sa chambre à lui et à Sam à quatre heures du matin et retournant leurs matelas afin qu'ils se retrouvent étalés sur le sol en un tas de membres et des plaintes endormies avant qu'il ne leur dise qu'il les veut, vêtus, nourris, et avec leurs affaires prêtes avant que le soleil n'ait frappé l'horizon ou il va y avoir des règlements de comptes.

Dean s'imagine que ça a quelque chose à voir avec le passage de John dans la Marine, alors il ne rechigne pas devant son père de la façon dont Sam le fait. Dean apprécie vraiment le camping.

Il aime la liberté. Il aime qu'il n'y ait pas de murs et pas de gens qui le regardent. Il aime le soleil tapant dans son dos et les feuilles dans ses cheveux. Il aime l'absence de règles. Il aime le fait qu'il ait, avec Sam une tente qui vaut la peine d'être si loin.

Ou, du moins, il aurait aimé le fait qu'il ait avec Sam une tente qui vaut la peine d'être si loin, si son père n'avait pas insisté pour que son cadet apprenne à pêcher aujourd'hui.

"Parce que, tu sais, c'est vraiment le genre de putain de compétence qui est importante à avoir," Dean rouspète avec irritation alors qu'il empile du bois, sa bouche adolescente faisant du travail supplémentaire. «Je ne vois pas pourquoi il ne pouvait pas m'emmener aussi.» Il tapote sur ses poches avant de se rappeler que John a pris son briquet avant de partir.

Levant les yeux au ciel, il se retourne pour fouiller à l'intérieur du sac derrière lui afin d'y trouver une bouteille en verre assez vide pour qu'il puisse la vider de son contenu et la casser afin d'utiliser la base comme une loupe improvisée pour canaliser la lumière du soleil. Pendant un moment, il pense au début de 2001: l'Odyssée de l'espace, seulement, à la place d'un homme des cavernes tenant un fémur et frappant un tas d'os comme une musique triomphante, il se voit brandissant une bouteille vide de Coca vers le ciel et criant victoire lorsqu'une petite touffe d'herbe et de bâtons prennent feu.

"Quand est ce que je vais avoir besoin de ses putains de techniques de survie dans ma vie?" Il continue de râler alors qu'il passe outre quelques bouteilles en plastique dont il devra se contenter en cas de nécessité absolue. "Je ne compte pas rester bloqué dans les bois dans un futur proche. Et si ça m'arrivait, j'aurais sûrement mon putain de briquet avec moi." Il donne un coup de pied dans le sac et se demande avec irritation quand est ce que Sam et son père vont enfin rentrer.

Un peu plus tard, lorsqu'il est assis sur une chaise en plastique rigide dans la salle d'urgence avec du sang partout sur ses mains, il se demandera s'il aurait entendu John crier son nom plus tôt s'il n'avait pas été en train de râler.

"Dean!" la voix de John est comme le tonnerre et la pluie, comme elle l'a toujours été, aussi loin que Dean s'en souvient. Quand il lui arrivait de penser à de telles choses, il imaginait toujours que Dieu avait la voix de son père. Profonde et imposante et exigeant le respect tout en maintenant une capacité de tendresse. C'est la voix qui a raconté à Dean de fantastiques histoires lorsqu'il n'arrivait pas à dormir, qui l'a réprimandé lorsqu'il a enfreint les règles de la maison, qui l'a calmé quand il piquait des colères, qui l'a félicité et critiqué toute sa vie. Il pensait avoir entendu tous les tons et cadence que son père avait.

Il n'avait jamais entendu son père frénétique. Honnêtement, il ne pensait pas qu'il en était capable.

"Dean!" aboie John à nouveau, anxieux et sévère alors qu'il pousse Sam vers l'avant, à moitié en train de porter et à moitié en train de faire glisser son cadet avec la main qui ne lui sert pas à appuyer sur sa propre chemise à carreaux contre la nuque de Sam.

"Qu'est ce qu'il s'est passé?" Dean se prend les pieds dans le bois qu'il avait soigneusement empilé dans sa course pour se rendre à côté de Sam.

"La pêche à la mouche, c'est nul!" Hurle Sam plus fort que nécessaire, les mains tremblantes alors qu'il agrippe le bras de son père.

"Il s'est accroché la nuque avec l'hameçon pendant le mouvement de recul," lui explique John rapidement. "Il va avoir besoin de points de suture."

"Je ne veux pas de points de suture!" Sam hurle à nouveau, mais ses paupières sont tombantes et Dean ne sait pas si Sam sait vraiment ce qu'il est en train de dire maintenant ou s'il est juste automatiquement en désaccord avec tout ce que leur père dit.

"Oui, Sammy, je sais," John le calme pendant qu'il le dirige vers la piste à peine distincte qu'ils ont suivi jusqu'au site de camping, faisant comprendre à Dean qu'il aimerait qu'il prenne le relais pour arrêter l'écoulement du sang. Les feuilles et les bâtons craquent sous ses grosses bottes alors qu'il montre la voie. "Ils vont te donner de bons antidouleurs à l'hôpital et tu ne sentiras rien, d'accord?"

"Je ne veux pas aller à l'hôpital!" Sam se frotte les yeux. Dean glisse sa main sous celle de son père et il sent les tissus jaillir, des ruisseaux de sang de son frère coulent sur son poignet alors qu'il appuie fortement. Les cheveux de Sam en sont collés sur sa nuque et son t-shirt est tâché et collant jusqu'au bas de son dos. Dean ne sait pas si ce sont les épaules de Sam qui tremblent autant ou sa main lorsqu'il serre fortement ses omoplates pour aider à guider Sam sur le chemin inégal. La respiration de Sam est sèche et inégale, alors qu'il serre ses doigts dans les paumes de John pendant qu'il l'oriente vers l'avant.

Ça leur prend quinze minutes pour emmener Sam, trébuchant et pleurant, vers l'Impala.

"On reviendra pour nos affaires" grogne John en poussant ses fils dans la banquette arrière. "Mets le sur le ventre. Fait le parler."

Le cuir de la banquette arrière est chaud et accueillant lorsque Dean s'y enfonce, chauffé par le soleil et sentant comme tout ce qu'il pense être relié à la maison. Il tire Sam contre son torse, presse son visage contre son épaule afin qu'il puisse garder une main sur la chemise rouge et collante à l'arrière de sa tête.

Le moteur se réveille et expire l'air des poumons de Dean.

"Dean," murmure Sam en empoignant le tee-shirt de Dean, s'accroche à n'importe quelle chose dans laquelle il peut tordre ses doigts dans sa recherche pour le confort et la sécurité.

"Je suis là, Sammy," affirme Dean doucement. "Tu y es vraiment allé fort, hein?" Il rit rudement et Sam se recroqueville un peu plus et gémit, pratiquement sur les genoux de Dean. Il enroule ses bras maladroitement autour du cou de Dean, serrant et reniflant pathétiquement dans la pente moite de son cou, le front glissant alors qu'il se presse le plus fort possible. Pendant un moment, Dean songe follement que Sam essaie de ramper à l'intérieur de lui. Sam essaie de passer à travers sa peau et de se blottir sous ses côtes là où il serait enfin libéré du sang et de la douleur.

Il tousse et maintient Sam plus près.

S'il pensait que ça pourrait marcher, il serait tenté d'essayer.

Suivant une envie qu'il ne peut pas retracer , Dean soulève un coin du tissu imbibé qui colore ses doigts et regarde les dégâts.

L'entaille est longue et dentelée, se courbant le long de la base du crâne de Sam jusqu'au l'arrière de son oreille. C'est large et sombre et humide comme un canyon à minuit et le regarder lui donne envie de vomir.

Vingt-six points de suture et une prescription de narcotiques plus tard, ils sont de nouveau dans la banquette arrière de l'Impala et la tête bandée de Sam est posée sur la cuisse de Dean. Dean a l'impression d'avoir couru un marathon alors qu'il n'a rien fait de plus que de rester assis dans la salle d'attente et regarder subtilement l'arrière de la tête de son père devant lui.

Ça cicatrise.

Sam fait pousser ses cheveux, commence à les garder longs.


Dean a dix-sept ans et il devrait être assis à l'arrière de l'Impala que son père lui a donné avec Jackie Reid à califourchon sur ses hanches pendant qu'il la tripote à travers son tee-shirt et qu'il lui demande si elle est sûre de vouloir être vue avec Dean Winchester le séducteur qui porte une veste en cuir, qui marche lourdement avec des bottes de moto. Au lieu de cela, il se tient au milieu d'un champ, dans un trou perdu avec une caisse de feux d'artifice sous l'un de ses bras et Sam sous l'autre.

Sam le regarde avec un grand sourire, pratiquement éclatant de l'adoration qui suinte de tous ses pores et Dean constate que Jackie Reid ne lui manque pas tant que ça.

"Allez, Dean!" Sam sourit et tire sur sa main. Dean trébuche après lui, riant en sortant son briquet de sa poche.

Le ciel s'illumine plus qu'un carnaval, plus brillant que ce à quoi les cieux sont censés ressembler lorsque Sam allume la fusée et met le feu au ciel.

Ils poussent des cris et rient et dansent dans les étincelles et le grondement retentissant, et Dean se demande s'ils pourraient commencer leur propre monde comme ça, chaque explosion diffusant des étoiles à travers l'univers et donnant naissance à des constellations et des mondes que personne, à part eux pourraient voir.

Dean retombe dans les hautes herbes sèches qui plissent et se cassent sous son poids, riant si fort qu'il ne peut plus respirer. Des larmes de joie brillent sur son visage dans les sursauts de lumière au-dessus de lui. Sam tombe dans l'herbe à côté de lui, riant aux éclats.

Ils s'installent au bout d'un moment, longtemps après qu'ils soient capables de faire la différence entre les étincelles et les étoiles dans le ciel nocturne. Ils restent allongés là, haletant et souriant dans l'herbe, les bras tendus de telle sorte que, si l'un d'entre eux avait envie de franchir les quelques derniers centimètres, ils pourraient joindre leurs doigts et s'y accrocher pour toujours.

C'est presque l'aube lorsqu'ils plient bagages et rentrent à la maison.


L'horloge continue de faire tic-tac, tic-tac, tic-tac dans le silence et Dean tord ses mains inconfortablement.

Dr. Okoro attend un bon moment afin de s'assurer qu'il a bien terminé avant de demander gentillement, "Pourquoi est ce que tu penses avoir choisi ses souvenirs?"

"Je ne sais pas," se moque Dean en se penchant contre le canapé, une de ses mains passant avec irritation dans ses cheveux. "Enfin, l'histoire de l'hameçon est un classique. J'avais pour habitude de la raconter aux rencards de Sammy quand il les ramenait à la maison, pour leur faire réfléchir au crétin avec qui ils sortaient."

"Tu as déjà raconté cette histoire à Charlie?" demande Dr. Okoro, heurtant involontairement le 'c' de 'cette' avec sa langue.

Dean se crispe. "Je ne veux pas parler de Charlie."

"Très bien," affirme-t-elle, en joignant les mains. "On a pas à parler de Charlie si tu ne le désires pas."

"Je ne le désire pas," lui répond Dean, le prononçant 'Jeuh new lew désiwre pah', allongeant ses voyelles pour imiter son accent.

Pendant une fraction de seconde Dean peut voir ses yeux se noircir et un court éclair d'offense convulse ses sourcils, et pendant ce moment Dean est certain qu'il a finalement réussi; il est allé trop loin en trouvant la faille dans son armure où se trouvent ses insécurités sur son second langage, elle va le jeter dehors et il aura perdu toutes les chances de retrouver tout ce qu'il a perdu et brisé. Elle reprend ses esprits, prend une grande inspiration, et inscrit quelque chose sur son bloc-notes jaune.

Dean serre les dents.

"Est ce qu'il y a quelque chose que tu aimerais me dire, Dean?" demande-t-elle sans lever la tête de ce qu'elle est en train d'écrire.

Il ouvre sa bouche et, "Je savais que ça allait arriver," en sort.

Elle sursaute presque et le regarde à travers ses lunettes, les yeux écarquillés, alors qu'elle essaie de comprendre ce qu'il veut dire. Les nuages commencent à bourgeonner. Les rayons du soleil ne se prennent plus dans ses cheveux.

"Je savais que ça allait arriver," il répète. Les mots ont un goût de lait périmé. 'Ça' est un très grand mot sur sa langue et aucun d'entre eux ne se fait d'illusions sur ce dont il est en train de parler. "Je savais qu'il allait faire quelque chose." Il se dit que si Dr. Okoro les connaît aussi bien que ce qu'elle croit, elle aurait deviné que Dean avait au moins une petite idée. "La nuit d'avant."