Bonjour !

La suite et fin... Bonne lecture !


Sanji avait dormi longtemps, il était presque midi. L'appartement était désert. Il avait tenté d'appeler Zoro, sans résultat, il tombait directement sur sa messagerie. Il avait encore attendu, au cas où. Puis, le soir arrivant et toujours sans nouvelles, perclus de courbatures et de douleurs diffuses, il était reparti chez Gyn. Il n'avait pas d'autre choix.

Sur place, jour de fermeture, tout était clos. Les premiers frimas de l'hiver, il soufflait un vent glacial. La nuit tombait tôt, les gens étaient calfeutrés chez eux. Il entra par la porte arrière, la boule au ventre. Dans l'entrée, il entendit du bruit qui venait du restaurant. Il inspira un grand coup pour se donner du courage et passa la porte, alla en cuisine. Là, il se figea.

La première chose qu'il vit fut un énorme bouquet de roses rouges, oublié sur le plan de travail, il commençait à se faner. Et encore du rouge, là, à quelques pas. Gyn était attaché sur une chaise, en sang. Littéralement. Sa peau, ses vêtements, tout était teinté de carmin. Et Zoro était debout près de lui, son sabre à la main, son bandana noir sur la tête qui le faisait paraître dangereux. Hors d'atteinte. Dans son monde teinté d'écarlate. Il l'avait torturé, sans doute depuis des heures. Depuis quand ?

Sanji était horrifié, mais en même temps, c'était une drôle de sensation que cette joie malsaine de voir les rôles inversés pour Gyn. Qui n'en menait pas large. Ça le réjouissait quelque part. Et quelque part aussi, il souhaitait laisser finir Zoro, aller jusqu'au bout, le libérer enfin, car en cet instant, il n'avait aucun doute, il allait le tuer. Pourtant...

- Zoro, arrête.

Le bretteur ne s'était même pas retourné, il avait senti sa présence dès qu'il était entré. Étrangement, il savait toujours quand il était dans les parages. Il leva la lame, la pointe effleura la joue de Gyn, créant une légère estafilade brûlante. Sanji le regarda faire, prit le temps d'allumer une cigarette, d'en tirer une bouffée.

- Zoro !

Cette fois, ce dernier se retourna vers son ami. Les marques sur le visage du blond étaient plus apparentes qu'hier. Il déglutit. Et sa haine enfla. Cette rage qu'il gardait au fond de lui, qu'il ne parvenait à évacuer que dans des moments comme celui-ci. Dans sa bulle, tout était noir, gris, rouge, les autres couleurs n'existaient plus. Sauf une tache de bleu. Accroché au regard marine, il ne sombra pas. Même l'odeur du tabac le raccrochait à la réalité. Le cuistot était son phare, il s'en était rendu compte dès qu'il était rentré du Japon. Il secoua la tête, comme s'il tentait de se réveiller.

- Salut, Cook.

Sanji s'avança prudemment vers lui, ne le lâchant pas du regard. Mais il n'avait pas peur de lui, jamais il ne le craindrait, il le savait.

- Ne le tue pas.

- Pourquoi ?

- Parce que je ne veux pas que tu finisses en prison. Je ne veux pas que tu partes à nouveau. Et j'ai une meilleure idée.

Sanji sourit. Gyn, pratiquement inconscient, les écoutait, ne comprenant que des bribes. Il ne tenta rien quand Zoro le détacha, n'essaya pas de se défendre quand il fut entraîné à l'étage, énuméra la combinaison du coffre quand on la lui demanda.

À l'intérieur, du fric et de la paperasse. La reconnaissance de dette pour le Baratie. Sanji s'en saisit, la relut une dernière fois, le cœur serré. Puis il sortit son briquet, y mit le feu, ne lâcha le bout de papier que quand ses doigts sentirent la brûlure. Alors, il posa ses yeux sur cet amant qui lui avait tant pris. L'avait humilié. Lui avait ôté tout ce qui faisait de lui un homme.

- Mets-toi à genoux, connard !

Comme il n'obéissait pas assez vite à l'ordre du cuistot, Zoro lui donna un coup dans les jambes et il s'écroula. Il commença à pleurer, comme un enfant. À geindre, à sangloter, un son immonde qui rappelait au blond ceux qu'il tentait d'étouffer à chaque fois qu'il s'en prenait à lui. La dernière fois, il avait failli le tuer. L'étrangler, ici, dans cette chambre. Mais au lieu de ça, il avait sorti sa queue et s'était soulagé dans sa bouche. Brutalement. La nausée lui tordit le tripes.

Il respira profondément puis s'accroupit à son niveau.

- Zoro ne te tuera pas. Moi non plus. Mais c'est pas pour ta sale gueule. C'est pour lui. Et t'avise pas d'aller aux flics, car j'aurai tellement de trucs à leur raconter que tu finiras en tôle. J'ai pris des photos de chaque séance, j'ai de quoi les occuper. Et je continuerai de rembourser la dette à la banque, j'y tiens. Mais un conseil, barre-toi et ne reviens jamais, car s'il veut finir le boulot, cette fois, je ne l'en empêcherai pas.

Le blond se remit debout, alluma une autre clope. Un peu fier de ne pas trembler.

- Marimo, on se barre. Et au fait, trou duc, on prend ta bagnole, considère que c'est le prix pour ta vie. Sauf que la caisse vaut bien plus que toi.

Zoro suivit Sanji sans un autre mot. Tout était dit. Mais le dernier regard qu'il jeta à Gyn lui fit bien comprendre qu'il viendrait vérifier son départ.

OoO

Le trajet de retour se faisait en silence. Zoro conduisait, totalement maître de lui. Seul point bizarre, il réussissait à retrouver son chemin du premier coup. C'est vrai qu'ils n'étaient pas loin, mais tout de même...

Sanji regardait la ville défiler, sans vraiment la voir. Le trajet était court, ils seraient bientôt rendus. Il ne se tourna pas vers son ami quand il prit la parole, la voix basse et rauque.

- Une fois, j'ai contacté une association. J'avais besoin de parler à quelqu'un, je n'avais personne, je n'en pouvais plus. Je n'ai trouvé que des sites pour femmes, j'ai peut-être mal cherché. C'était l'internet, j'étais parfaitement anonyme. J'ai juste posé la question, si des hommes appelaient parfois. Tu sais ce qu'on m'a répondu ? Que c'était très rare. Sûrement... parce que les gays sont plus doux. J'ai coupé la conversation. J'en avais assez entendu. (1)

Zoro ne répondit pas. Mais il tendit la main et effleura celle du cuistot. Puis il reprit sa conduite, comme si de rien n'était. Ça n'avait duré qu'une seconde. Déjà, ils arrivaient au bas de l'immeuble. La neige commençait à tomber. Les premiers flocons.

Zoro était couvert du sang de Gyn, et ils respirèrent un bon coup une fois dans l'appartement du barman sans avoir croisé personne.

- Je vais prendre une douche, dit Zoro en s'éloignant.

Sanji resta dans l'entrée, les bras ballants, ne sachant que faire. L'horreur de la situation lui revenait, tous ces mois à désespérer. L'enfer. Il se sentait sale, jusqu'à la moelle des os. Il se sentait seul. Il avait envie de pleurer, de vomir. Mais il n'en fit rien, se contenta de suivre les pas du barman. Plus qu'à demi-mots, il devait reconnaître que pendant ces onze mois, il lui avait manqué. Que s'il avait été là, jamais il ne serait sorti avec Gyn. Non, car sans oser se l'avouer, c'était bien cette tronche de pelouse qu'il espérait, sûrement depuis des années. Et c'était sans doute à cause de ça que Gyn avait dérapé, il n'avait pas réussi à l'aimer. Ça ne l'excusait pas, mais il n'y avait pas eu que du mauvais avec lui, loin de là. Les choses s'étaient précipitées quand Zoro était revenu, car, par simple orgueil, le cuisinier ne voulait pas que cette tronche pelouse cesse de le respecter. Alors, il s'était rebiffé, de plus en plus souvent. Pas encore assez.

Sanji poussa la porte, presque timidement. Qu'est-ce qu'il foutait encore ? Dans la salle de bain, le sabre était posé sur le carrelage blanc. Encore vêtements tachés jetés au sol. L'eau coulait. Sanji frissonna et se déshabilla, entra dans la douche étroite. L'eau rosée s'écoulait par la bonde. Il vit les épaules de Zoro frémir, il se colla à lui, sous le jet brûlant, entoura sa taille de ses bras. Peau contre peau. Attendant de se faire virer de là. Mais Zoro étira son bras en arrière, caressa les cheveux blonds déjà trempés.

- T'es pas un lâche, Cook.

Sanji en oublia de respirer. Et suffoqua quand il vit Zoro mettre ses deux mains contre le mur et sentit les fesses fermes caresser son sexe qui se réveillait sous l'attention.

- Zoro...

- Vas-y.

Zoro. Toujours droit au but. Sanji sourit au milieu des larmes qui menaçaient. Il le prépara à peine, plongea en lui, comme on se jette à l'eau. Le branla en s'enfouissant en lui, les douleurs de son corps meurtri se réveillant à chaque passage. Et pleura à chaque coup de rein, sanglota dans la jouissance. Cacha l'ondée sous la cascade, sa haine sous ses halètements, ses cris de honte sous ses gémissements. Zoro venait de lui offrir ça, extérioriser ce mal qui le bouffait. Sans se parler. Il se doutait que le vert ne devait pas être souvent passif, quoi que, il n'en savait rien. Il supposait, c'est tout.

Après l'orgasme, il s'écroula sur le dos puissant, il savait qu'il pouvait les soutenir tous les deux. Eux qui tremblaient, dont les cœur battaient la chamade. Il ne se retira que quand son sexe redevint placide, expulsé comme on jetterait un sans-papier qui demande asile. Vide. Paumé, tout ça à la fois. Zoro coupa l'eau, lui colla une serviette sur la tête et le poussa vers la chambre. La peau encore humide, ils se retrouvèrent sous les couvertures. Face à face. Seuls leurs genoux étaient en contact.

Dans la pénombre, tout était flou. Sanji tendit la main, effleura une longue cicatrice, celle qu'il venait de découvrir dans la salle de bain. Son palpitant en avait raté un battement. Le torse de Zoro était coupé en deux, de l'épaule à la hanche opposée. Une balafre qui aurait sans doute pu lui coûter la vie.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ?

Zoro avait frémi en sentant ce contact si doux sur ses stigmates qui ne faisaient que lui rappeler ce qu'il était. Il fallait qu'il le lui dise, surtout après ce que le cuistot avait vu ce matin.

La veille, quand Sanji s'était endormi, il s'était levé, avait pris son sabre, son arme de prédilection, et était allé au restaurant. Il n'y avait personne. Il s'était assis dans le hall, en bas des marches. Il avait attendu. Et il avait été la première chose que Gyn avait vu, au petit matin, avec son putain de bouquet de roses à la main. Il l'avait maîtrisé en deux trois mouvements. Ligoté. Puis s'était amusé, dans la cuisine. Des couteaux, des flammes, de l'acier brûlant. Parfait. Il lui avait fait mal, à chaque fois. Quand il s'évanouissait de douleur, il le réveillait à coup d'eau glacée. Et il recommençait, prenant son temps, savourant chaque instant. Comme là-bas...

- J'ai retrouvé ma famille. Du moins, ce qu'il en restait. Des oncles, des tantes, des cousins, ma grand-mère.

- Et tes parents ?

- En quelque sorte. Ma mère est morte peu après ma naissance. Elle s'est suicidée.

- Je suis désolé.

Zoro ferma les yeux, fronça les sourcils. Douleur. Sa voix se fit murmure.

- Je suis issu... d'un viol. C'est pour ça qu'on m'a abandonné. C'est ma grand-mère, avec toute la haine qu'elle pouvait avoir pour moi, qui me l'a raconté.

- Tu n'es pas responsable de ce que cette ordure a...

- Ils étaient cinq, l'interrompit le barman. Quand j'ai su qu'ils étaient impunis, j'ai voulu les retrouver. Le premier m'a laissé ce souvenir, il m'a beaucoup appris. La patience. L'art de faire mal. Il m'avait coincé, il m'a fait souffrir pendant des heures. Puis il a voulu me tuer. Mais j'ai survécu. Et j'ai fait pareil. Je les ai traqués et tous tués. Tous. Et tu sais quoi ? J'y ai pris du plaisir, prolongeant leur agonie le plus longtemps possible. J'aurais tué Gyn, tu sais, sans remord ni regret. Je suis exactement le monstre que ma grand-mère disait.

- Elle n'y connaît rien.

Zoro rouvrit les paupières et ricana.

- Toi, tu ne défends pas une femme ? Il va neiger en juillet.

- Va te faire foutre !

- C'est ton tour, là.

Les réparties fusaient, comme avant. À se regarder en chiens de faïence, ils éclatèrent de rire. Un vrai. Libérateur, bruyant et qui faisait mal aux côtes. Qui les laissa essoufflés. Mais ils avaient bien assez parlé. Cette fois, Sanji fit le premier pas, se colla contre le corps chaud et posa ses lèvres sur leurs jumelles. Un fantôme de baiser, tout en douceur après les terribles révélations des dernières heures. En fait, c'était leur premier. Vraiment, ils ne feraient jamais rien comme les autres. Ils s'embrassèrent, longtemps, tantôt tendrement, tantôt voracement. Se caressèrent. Et ils firent l'amour, en prenant leur temps.

Ils savaient déjà qu'entre eux, ça durerait, sans besoin de se le dire. Car ils ne partageraient pas qu'un lit, ou une vie. Non, chacun détenait le secret de l'autre. Personne ne saurait. Ils se protégeraient l'un l'autre. Quand Sanji douterait, quand Zoro menacerait de revenir à ses vieux démons.

Ainsi sera la vie, ils le savent déjà...

Parfois, ils partageront le repas d'un vieux schnock grognon, cachant sa tendresse sous des allures bourrues. Qui ne saura jamais ce que son fils a sacrifié pour lui. Ils s'engueuleront, comme ils aiment si bien le faire. Ils riront avec leurs amis. Leur deuxième famille, celle du cœur. Il s'aimeront, jusqu'à ce que mort s'en suive. Parce que c'était écrit, le jour où Zoro est parti. Cherchant une chimère, c'est ici qu'il a trouvé où s'ancrer. Et quand il est revenu, Sanji a retrouvé la force de lutter.

FIN

(1) Fait véridique, vu pendant mes recherches sur le sujet, sur le site d'une association pour femmes battues, les mots réels de la responsable. Cette phrase (débile) m'a inspirée toute cette fic.


Et voilàààà ! C'en est fini.

Je dirai juste que si un jour, vous avez un doute sur la sécurité de quelqu'un, appelez ! N'importe qui, la police, une association, la famille... Celui qui se tait est aussi responsable que celui qui cogne. Si vous êtes victime, agissez et partez. Demandez de l'aide.

J'ai terminé sur une petite note d'hiver car-ceux-qui-savent-comprendront. Alors bien humblement, parce que je ne sais pas comment les remercier, je la dédicace à Yumi, Barjy, Mandy et Cha, c'est pour elles que j'ai écrit une UA. Puis à Hase, Soul et Lisen, mes copinettes du Zosan du premier jour.