Titre : Contrecoup
Auteur : Saturne
Coach : Jackallh
Disclaimer : Bien évidemment tout appartient à ONE et Murata, je ne fais que faire mumuse avec mon écriture.
Résumé : Après la destruction de la ville A, vient le temps de la reconstruction et le retour à la normale. Mais Genos remarque chez Saitama un changement subtil. Quelque chose ne va pas. Et il compte bien y remédier.
Notes de l'auteur : L'histoire prend place à la fin de la saison 1 de l'anime. Attention aux spoilers de l'anime ainsi que des OAV que j'évoque un peu. Léger Genos/Saitama pre-slash. En fait c'est surtout du domestic fluff.
C'était censé être un one-shot, mais comme ça devenait un peu long, j'ai décidé de diviser en dix très courts chapitres.
Pour ceux qui me connaissent via mes autres fics, ne riez pas. OUI, je suis capable d'écrire du fluff sans basculer dans l'angst le plus morbide ni tuer les personnages dans d'atroces souffrances. Et je vais vous le prouver avec cette courte histoire. JE PEUX LE FAIRE.
Bonne lecture !
oOo
Contrecoup
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« … les témoignages des survivants tirés des décombres de la ville A continuent d'affluer alors que notre envoyé spécial filme ces terribles images en direct… »
« Oh mon dieu, c'est terrible ! Regardez, la ville a été entièrement rayée de la carte ! On dirait un paysage apocalyptique ! »
« Seul le QG de l'Association des héros est encore en un seul bloc, ainsi que le vaisseau des envahisseurs. Nous pouvons nous féliciter d'être le seul pays au monde à avoir institutionnalisé l'activité des héros. Imaginez quel désastre ça aurait été pour notre planète si nous n'avions pas l'Association financée par nos impôts ! »
« Pensez-vous que d'autres attaques de ce genre soient à craindre pour l'avenir ? Et si oui, l'Association saura-t-elle y faire face ? »
« C'est ce que va nous dire notre invité de marque, Amai Mask ! On l'applaudit bien fort ! »
« Kyaaaah ! Il est sur le plateau ? Je suis sa plus grande fan ! »
De paresseux nuages vaporeux dérivaient dans l'azur du ciel. Un moineau se percha en un battement d'ailes sur le portoir à vêtements qui séchaient sur le balcon, jeta un coup d'œil curieux par la porte-fenêtre entrouverte, puis repartit aussitôt en un froissement de plumes. Une brise tiède fit onduler le fin rideau alors qu'un tonnerre d'applaudissements s'élevait depuis le poste de télévision.
« Encore désolé, hein, s'excusa platement Saitama.
- Vous n'avez pas à vous excuser, sensei. Vous essayiez seulement de m'aider. J'ai à ma disposition toutes les pièces de rechange en prévision de ce type de situation, et il ne s'agit que d'une simple réparation.
- Ouais, mais quand même…
Assis en tailleur à même le sol, Saitama n'avait toujours pas lâché le bras déboîté du cyborg depuis qu'ils avaient quitté la ville A en ruines pour rentrer chez eux à pied. Et il en utilisait désormais les doigts inertes pour se gratter le crâne d'un air embêté, avec un cliquetis métallique.
- Pouvez-vous me donner le tournevis, Saitama-sensei ? demanda Genos en louchant sur son épaule qu'il essayait tant bien que mal de réparer de son unique main fonctionnelle.
Saitama s'accouda à la table basse pour fouiller dans l'amas de pièces détachées, écrous et câbles, jusqu'à en tirer le tournevis. Genos le remercia d'un bref hochement de tête, puis s'appliqua à essayer de redresser un morceau de ferraille déformée. Dans ses yeux dorés s'affichait un écran de fonction lui indiquant comment réparer le problème – programme ajouté par Kuseno pour qu'il puisse s'occuper des petites réparations par lui-même. Mais avec cet angle et un seul bras valide, il lui était difficile de travailler efficacement. Sous le regard curieux de Saitama, il fronça fortement les sourcils alors que le tournevis dérapait et qu'il ne parvenait pas à obtenir le résultat escompté.
Un contact froid et dur sur sa joue artificielle lui fit relever les yeux.
- Besoin d'aide, Genos ?
Saitama se tenait accoudé à la table basse, le menton calé au creux de sa main, et il le touchait du bout du bras mécanique – il avait replié manuellement les doigts pour que l'index pointe.
Genos abaissa pensivement son tournevis en considérant les options.
- Pour remettre mon bras en place, je dois reconnecter les fils et l'emboîter dans ces encoches. Le docteur Kuseno les a fabriquées dans un métal exceptionnellement solide et résistant aux conditions extrêmes, afin d'augmenter la force de mes attaques et la résistance. Il est quasiment impossible de plier ni détruire cet alliage renforcé.
- Oh. Cool.
- Mais elles ont été déformées par la force incroyable de sensei et je n'arrive pas à les redresser.
- Ah ok, ce n'est que ça alors.
Sans hésiter un instant, Saitama tendit sa main et utilisa le bout de son auriculaire pour redresser les morceaux de métal, avec tant de nonchalance et de facilité qu'ils auraient aussi bien pu être constitués de warabimochi.
Il ne devrait plus s'étonner de la force de Saitama depuis le temps qu'il l'étudiait et vivait avec lui, mais Genos ne put s'empêcher de prendre une inspiration de surprise, l'admiration éclairant son regard.
- Vous êtes vraiment incroyable, Saitama-sensei… souffla-t-il avec un sourire vibrant de fierté à l'idée d'être le disciple attitré d'un homme aussi puissant.
Toujours aussi humble, Saitama balaya le compliment en haussant vaguement des épaules et lui tendit le bras métallique pour qu'il le remette en place. Genos fit jaillir une flamme de sa paume de main pour ressouder les fils, et emboîta le membre à sa juste place avec un clic sonore. Il remua les doigts en les observant attentivement, les sensations physiques revenant d'un coup affluer dans son cerveau.
Il subsistait un soupçon de la chaleur de Saitama au niveau du coude et des phalanges métalliques, et Genos analysa malgré lui la différence de température, fasciné.
- Wow… commenta Saitama d'un ton désabusé. Il se prend au sérieux, ce mec.
Genos releva la tête pour reporter son attention sur son maître. Celui-ci ne le regardait plus, et scrutait l'écran de télévision avec un sourcil haussé et le visage illisible. Tout comme Genos qui n'avait pas pris le temps de changer de vêtements depuis leur retour, Saitama portait encore son costume de héros dont la cape était arrachée, le tissu jaune déchiré au niveau du torse, et son crâne avait perdu son éclat de miroir tant il était couvert de saleté et de poussière.
Le cyborg plissa les yeux et étudia plus attentivement l'émission que regardait Saitama. À l'écran apparaissait Amai Mask qui repoussait ses cheveux de son visage symétrique d'un air pincé et hautain.
« … de l'incompétence des héros de classe S. Leur travail est justement de prévenir ce type d'attaques et d'éviter toute perte civile. La ville A compte encore ses morts et le nombre de victimes ne cesse de croître, alors que les médias encensent ceux qui n'ont su éviter cela à cause de leur faiblesse et négligence. Je trouve cela affligeant, cette glorification de la médiocrité. »
Alors que le public en fond ne cessait de soupirer d'un air rêveur à chacune de ses paroles, le présentateur avait l'air bien embêté, une goutte de sueur glissant sur son front dégarni.
« Certes, Amai Mask, vous avez raison bien sûr, mais… n'êtes-vous pas d'accord que sans leur intervention, il y aurait eu beaucoup plus de victimes, et que la planète aurait peut-être même été détruite ? »
« Je vous rappelle que les héros de classe S sont payés grassement pour sauver les civils qui payent leur salaire. Sans eux, ils seraient au chômage comme des parasites. Devrais-je vous dévoiler à quel point ils sont payés de manière scandaleuse, alors que certains d'entre eux ne font rien pour le mériter et cumulent absentéisme et manque de professionnalisme ? Nous n'avons pas vu Blast intervenir ni protéger les civils depuis près d'un an ! Les classes S ne sont pas soumis aux quotas et obligations de faire leurs preuves comme le sont les classes A, B et C. Si vous voulez mon avis, ces tire-au-flanc payés à ne rien faire ne méritent pas l'admiration du public. Si cela ne tenait qu'à moi, je les soumettrais à des contrôles et quotas, et j'augmenterais la difficulté de l'examen d'entrée. L'Association perd son standing et devient une parodie d'elle-même, j'en ai presque honte. »
- Pour qui il se prend, ce type ? grommela Saitama en fronçant les sourcils.
La présentatrice – qui était devenue toute rouge – battit des paupières d'un air énamouré.
« Est-ce la raison pour laquelle vous restez le n°1 de la classe A alors que vous avez largement le niveau de passer en S ? Vous êtes si fort et si beau ! »
Amai Mask lui accorda un demi sourire charmeur qui manqua de la faire tomber en syncope.
« Je n'ai pas besoin d'un salaire exorbitant ni d'avantages scandaleux pour faire mon travail. Je n'ai aucune envie de perdre mon éclat au contact de ces bons à rien. Je veux rester proche de mes fans, leur faire plaisir, les garder en sécurité de toutes mes forces et combattre le mal sous toutes ses formes. C'est là mon désir le plus cher. »
Des applaudissements éclatèrent, couplés de cris hystériques féminins. Amai Mask arborait un air détaché et inspectait dignement sa manucure en ignorant les fans qui brandissaient des pancartes avec des cœurs dans le public et lui jetaient leurs sous-vêtements. Mais Genos était concentré sur l'air dépité de Saitama qui semblait ne pas en revenir.
- Lui il a des fans alors qu'il a rien foutu, et moi pas ? C'est injuste !
- Ne faites pas attention à lui ! articula Genos avec fougue. Il n'est rien à côté de vous, Saitama-sensei. Vous avez sauvé cette planète, et même si personne n'est au courant, moi je le sais et je ne l'oublierai jamais ! Sans vous, nous étions tous condamnés !
Saitama tourna un regard placide vers lui, le visage neutre. Avec une vague moue blasée, il se gratta la tempe.
- Bof, c'était pas grand-chose, tu sais. Et c'est de ma faute, au fond, si ça m'a pris tant de temps pour détruire le vaisseau et abattre leur boss. Je me suis paumé dans les couloirs, déjà, et puis quand j'ai trouvé leur boss… pour une fois qu'il y avait un peu de challenge dans un combat, j'ai fait un peu traîner pour faire durer et que ça ne se finisse pas tout de suite. Et même comme ça, tout s'est terminé trop vite à mon goût.
En position seiza et le dos bien droit, Genos plissa les yeux tout en rangeant soigneusement les pièces détachées qui encombraient la table.
- Vous avez dit qu'il était fort, et même le plus balèze de tous, selon vos propres mots…
- Ouais. Il l'était. J'avais jamais eu un adversaire aussi balèze de toute ma vie. Il aurait même pu anéantir la planète entière en une seconde, paf, comme ça. Ça faisait longtemps que j'avais pas eu un combat où je ne m'ennuie pas trop.
À l'écran, le présentateur spéculait à présent sur l'avenir de la ville A et les répercussions immobilières et boursières en comparant avec le sort de la ville Z détruite depuis 5 ans et jamais reconstruite. Saitama détourna la tête, regardant le ciel voilé par le rideau blanc qui ondulait au gré d'une brise tiède.
- Mais j'sais pas… souffla Saitama d'une voix étrangement distante. J'suis un peu déçu, en fait.
Les mains de Genos s'immobilisèrent, et il fixa intensément l'arrière lisse du crâne de son maître.
- … Déçu ? Que voulez-vous dire, sensei ?
Il y eut un long silence durant lequel Genos retint son souffle, une étrange appréhension montant en lui. Même s'il n'en voyait que le dos, il y avait quelque chose de lourd et sombre dans la posture de Saitama, comme si une tension irradiait de sa nuque. Mais le cyborg ne pouvait tout à fait saisir ce dont il s'agissait.
Et puis les épaules de Saitama s'affaissèrent et il se retourna avec une moue embêtée – son expression était redevenue normale, comme si rien ne s'était passé. Peut-être que Genos n'avait fait qu'imaginer ce malaise.
- Ce con d'alien m'a bousillé mon costume, râla le héros en pinçant entre l'index et le pouce le bout déchiré de ce qui fut sa cape. Et tu sais à quel point j'y tenais, je t'avais raconté ce qu'il représentait pour moi.
- Je peux essayer de le recoudre si vous voulez, sensei.
- Le tissu était spécial, à l'épreuve des flammes et des déchirures, ça sera pas pareil si tu en utilises un autre pour remplacer la cape.
- Que comptez-vous faire, alors ?
Genos dut serrer les poings pour se retenir de lui suggérer pour la énième fois -en vain – de changer de style de costume. Avec un soupir, Saitama ouvrit la fermeture éclair au niveau de ses clavicules.
- Je sais pas, lâcha-t-il en se contorsionnant pour s'extirper du haut du costume sans en déchirer davantage les trous. Déjà, je vais prendre un bon bain. J'ai du gravier et de la poussière partout.
En une fraction de milliseconde, Genos avait déjà bondi sur ses pieds.
- Je vais faire couler l'eau, Saitama-sensei !
- Eh ? Merci Genos, mais tu sais je peux le faire moi-m…
Genos n'entendit pas la fin de la phrase, il avait déjà détalé en un nuage de fumée vers la salle de bain. Son entraînement et les améliorations ajoutées par le docteur Kuseno portaient leurs fruits, à en juger par la vitesse à laquelle il enclencha l'eau chaude et s'agenouilla pour se pencher sur la baignoire. La vapeur s'élevait en volutes épaisses sous le regard concentré du cyborg qui contrôlait la température du bout des doigts. De sa main libre, il plaça soigneusement le canard en plastique sur la surface de l'eau dont le niveau commençait à monter – d'après ses observations minutieuses avant qu'il ne vienne vivre ici officiellement, il avait noté que Saitama ne prenait jamais de bain sans lui flottant sur l'eau. Le canard jaune dodelina et tourna paresseusement sur lui-même jusqu'à se cogner le bec contre les phalanges de métal. Genos posa les yeux sur lui, puis le repoussa pour qu'il aille tanguer plus loin, tout en réfléchissant au problème du costume de son sensei.
Lui-même n'avait pas ce problème puisqu'il n'avait pas plus de costume que la plupart des autres héros de classe S, mais cet ensemble basique de justaucorps et de cape tenait très à cœur au sensei – il avait même refusé catégoriquement toutes les propositions de nouveaux costumes que Genos lui avait faites. Il lui avait pourtant montré plus de trente croquis sélectionnés parmi les centaines qu'il avait dessinés dans le but de mettre en valeur son corps et sa force, mais il avait essuyé assez de refus pour comprendre que la question exaspérait profondément son maître.
Il était vrai que Saitama-sensei arborait fièrement son costume de fortune et son crâne chauve sans jamais chercher à les cacher ni mieux se présenter. C'était sans doute le signe d'une sagesse que Genos n'avait pas encore atteinte. Il avait encore tant à apprendre de sensei.
Lorsque la température fut optimale et que le niveau de l'eau eut atteint ce qui selon ses calculs permettrait au volume du corps de Saitama d'entrer entièrement sans que cela ne déborde, Genos coupa l'eau et s'en retourna dans la pièce principale.
Il marqua un temps d'arrêt en voyant son maître nu comme un ver lui tourner le dos en tenant à bout de bras son costume, l'examinant sous toutes ses coutures. En fond, à la télévision, Amai Mask faisait se pâmer ses fans en chantant une chanson d'amour sirupeuse sous les projecteurs, et en bas de l'écran défilaient les paroles pour qui voudrait les chanter en même temps. Mais Genos gardait les yeux rivés sur le dos nu de Saitama qui passait un doigt dans une déchirure et dont les épaules s'affaissèrent de dépit.
- Ah… il est vraiment foutu… soupira-t-il pour lui-même en suspendant le costume au crochet fixé au mur.
- Sensei.
- Mh ?
- Le bain est prêt.
- Ah, merci, Genos.
Saitama se retourna sans la moindre trace de gêne et le dépassa, leurs épaules se frôlant alors qu'il s'engageait dans la cuisine exiguë pour se diriger vers la salle de bain. Sensei n'était guère pudique et n'avait aucun problème avec sa propre nudité, avait déjà noté le cyborg dans ses carnets n°1, 22, 187, 301, 745, 883, 1032 (pages 5 à 26), 1444, 1789, 2108, 2891 et 3420. Une idée traversa l'esprit de Genos alors que Saitama ouvrait la porte de la salle de bain.
- Ce tailleur dont vous m'avez parlé, commença-t-il en se frottant le menton pensivement. Celui qui vous a confectionné ce costume…
- Ouais, quoi ?
La main sur la poignée, Saitama avait tourné la tête vers lui de son air neutre habituel.
- Vous pensez qu'il pourrait vous en refaire un neuf, en réutilisant le même type de tissu ?
- Oh. Hum… Je sais pas. La dernière fois que je l'ai vu il y a plus de deux ans, il parlait de fermer sa boutique et prendre sa retraite. Je sais même pas s'il habite encore là-bas.
- Pourquoi ne pas aller vérifier ? Je ne pense pas que l'Association fera appel à nous dans les jours qui viennent. Je payerai le prix qu'il faudra pour le convaincre de vous refaire un costume.
- Je croyais que tu l'aimais pas, ce costume, sourit Saitama d'un air vaguement incrédule. Mais ouais, c'est une bonne idée. J'ai rien d'autre à faire de toute façon et ça me ferait plaisir de revoir le vieux. »
Saitama disparut dans la salle de bain, et Genos dégaina son carnet n°3784 pour prendre enfin le temps de noter les exploits héroïques de son sensei aujourd'hui dans cet affrontement contre les aliens envahisseurs.