Bonsoir à tous, voici le dernier chapitre ! :)

Elaelle : Merci de ta review, tu as raison, John est différent et va le prouver ;)

Guest (que je soupçonne être LaFanGirlRandom) sur le chapitre 3 : Contente de voir que ça te plaît toujours autant. En ce qui me concerne, tu peux continuer à menacer autant de personnes que tu veux pour les forcer à me lire ! ^^


Lorsque Greg se présenta et sonna à la porte, John lui ouvrit aussitôt, ayant de toute évidence guetté son arrivée.

- Oh merci Greg ! Je… je ne savais pas quoi faire, qui appeler !

L'étudiant policier serra brièvement son ami dans ses bras pour le rassurer. Le jeune homme était paniqué et tremblait.

- Montre-moi, exigea Greg.

John le précéda dans l'escalier, inconscient des yeux de Greg qui se posaient partout et tentaient de mémoriser chaque détail de la maison.

- C'est ici, informa John en poussant la porte de la chambre de Sherlock.

Greg haussa un sourcil surpris.

- C'est une pièce parfaitement rangée, John. Je m'attendais à un cafouillis infâme, comme s'il y avait eu bagarre ou enlèvement…

- Non, ça c'était avant. Attends, je vais te montrer.

Dégainant son téléphone, John fit défiler ses photos jusqu'à trouver un de ses rares clichés clandestins de Sherlock. Il travaillait alors à son bureau, et John avait pris la photo du pas de la porte, relativement loin de son ami. Juste assez près, en fait, pour distinguer le profil de l'épouvantail concentré sur sa solution en train de bouillir et que John garde une trace photographique de cet incroyable personnage dont il doutait parfois qu'il soit réel et que tout ce pan de son existence ne soit pas qu'un rêve. Sur la photo, on distinguait nettement l'état du bureau et du reste de la pièce, grâce au plan large.

- Ça, c'est sa chambre habituellement, affirma John.

- Ah… d'accord, c'est bizarre en fait, concéda Greg. Tu as essayé de l'appeler, je suppose ?

John acquiesça. Greg posa davantage de questions, appliquant scrupuleusement les méthodes de la police qu'il serait amené à mettre en pratique sous peu. Malheureusement, rien de probant ne ressortit de son questionnement.

- Pour la police, ce ne sera même pas une disparition inquiétante, finit-il par admettre, embêté. Cela ne fait pas assez longtemps.

- Mais je le sais Greg. Je le sens. Je suis sûr qu'il se passe quelque chose.

Il avait l'air tellement miséreux que Greg ne put retenir son geste paternaliste et ébouriffa tendrement les cheveux de son ami. Il n'avait pas l'âge d'être son père, loin de là, mais John avait en réalité exactement besoin de cela, que son père ne lui offrait plus depuis longtemps.

- Tu l'aimes vraiment, ton David personnel, hein ? demanda doucement Greg.

John piqua un fard monumental et marmonna une réponse incompréhensible.

- Il faudrait joindre son frère ou quelqu'un de sa famille… Ils pourront nous dire si Sherlock a l'habitude de fuguer. Et aller à la police déclarer sa disparition le cas échéant…

- Tu crois que je n'y ai pas pensé ? Je n'ai pas leur numéro…

- Un carnet d'adresse ? Un téléphone fixe dans la maison ?

John secoua la tête négativement.

- Sherlock connaît tous ses numéros par cœur, il n'y a même aucun nom dans son répertoire téléphonique. Je n'ai jamais vu de fixe ici.

- Et son frère ? proposa Greg. Il a peut-être un répertoire papier, lui…

- Tu te vois entrer dans son bureau ? demanda John, incrédule.

Lui était terrifié par cet homme sans visage qui semblait avoir la main mise sur beaucoup trop de choses au niveau national et dans la vie de Sherlock.

- Pas toi ? S'il en allait de la vie de ton Sherlock ?

John ouvrit la bouche, la referma, la rouvrit. Imita le poisson rouge avec brio pendant une bonne minute avant de déglutir bruyamment.

- D'accord, acquiesça-t-il. Allons-y.

Greg lui emboîta le pas dans l'escalier.

- Je vais finir en prison… effraction de domicile, d'un bureau d'un membre du gouvernement, je vais passer le restant de mes jours en tôle… marmonnait le jeune homme en descendant les marches.

- Je serais là pour te tenir compagnie, plaisanta Greg avec un demi-sourire.

Il avait ses propres raisons d'être angoissé à l'idée de pénétrer dans le bureau de Mycroft Holmes.

Devant la porte close, l'un et l'autre eurent l'envie contradictoire qu'elle soit fermée, tout en priant pour qu'elle soit ouverte. Puis John abaissa la poignée et la pièce se révéla sans difficulté à leurs yeux.

De toute évidence, Mycroft Holmes était aussi soigné et rigoureux que son frère était bordélique. La pièce était aussi rangée que pouvait l'être la chambre de Sherlock actuellement, mais l'absence de poussière et l'odeur de propre et de perfection renseignait efficacement sur le fait que c'était l'état habituel du bureau.

Malheureusement, le secrétaire était aussi immaculé que le reste de la pièce, et les deux compères ne savaient pas trop par où commencer à chercher. Ils n'osaient pas encore ouvrir les tiroirs.

John eut soudain le regard attiré par une petite carte blanche délicatement posé contre un pot à stylo (chacun de ses plumes devait coûter le salaire annuel de la mère de John. Mycroft Holmes ne travaillait pas au bic).

- Regarde, Greg, montra John.

« Mycroft Holmes, MI5-MI6 » proclamait sobrement la carte. Suivant un numéro de téléphone.

- MI6 ? blêmit Greg. Depuis quand le MI6 a des putains de cartes de visite ?

- Je m'en fous éperdument, répliqua John en saisissant le rectangle cartonné. Je me fous que cela soit réservé uniquement à des hauts dignitaires ou des chefs d'entreprises multimilliardaires ou même la NASA, ce truc est là et je compte bien appeler.

Joignant le geste à la parole, il avait composé le numéro et porté le téléphone à son oreille, activant le haut-parleur pour que Greg puisse suivre la conversation.

Il y eut deux sonneries, puis un clic annonça qu'on avait décroché.

- Bureau de Mycroft Holmes, Anthea j'écoute.

- Euh… bonjour, je voudrais parler à Mycroft Holmes s'il vous plaît, tenta misérablement John, impressionné par le ton froidement professionnel de son interlocutrice.

- Monsieur Holmes est occupé.

A son ton, John sentit qu'elle allait raccrocher.

- Non, attendez s'il vous plaît, je dois vraiment essayer de le joindre, c'est à propos de son frère Sherlock, j'ai besoin d'aide ! S'il vous plaît.

A l'autre bout du fil, il y eut un flottement.

- Sherlock ? Qui est à l'appareil ?

- Je, euh… je m'appelle John Watson. Je suis un ami de Sherlock et… il a disparu. Enfin peut-être pas vraiment disparu, mais je ne sais pas où il est et je n'arrive pas à le contacter et…

- Où êtes-vous, monsieur Watson ? le coupa-t-elle. Comment avez-vous eu ce numéro ? Sherlock ne le connaît pas.

John entendait des bruits, comme si elle pianotait sur un autre téléphone simultanément et donnait des ordres à quelqu'un.

- Euh… Je suis chez Sherlock. Enfin chez Mycroft. Monsieur Holmes. Je cherchais Sherlock. Le numéro était sur une carte de visite.

- Vous êtes seul ?

Greg lui fit signe de dire la vérité. Le ton d'« Anthea » était rapide et pressé, mais pas antipathique. Elle ne semblait rien reprocher à John, mais plutôt désirait toutes les informations pour avoir toutes les cartes en main et réagir au mieux.

- Non, reconnut John. Je suis accompagné d'un de mes amis, étudiant policier.

- Monsieur Gregory Lestrade, je présume.

Ce n'était même pas une question. John en resta comme deux ronds de flanc. Comment la secrétaire personnelle de Mycroft Holmes pouvait connaître ses fréquentations ? Soudainement, les détours de Sherlock pour semer les caméras de surveillance ne lui parurent plus aussi vains et futiles.

- Monsieur Holmes est en route pour son domicile. Il arrivera sous peu. Ne bougez pas, il désire vous rencontrer. Faites-lui savoir que toutes les bandes des quatre derniers jours lui seront transmises dans les quinze prochaines minutes, et que d'après notre surveillance, Sherlock n'a pas quitté le domicile depuis samedi, en votre compagnie, monsieur Watson.

C'était effectivement de samedi soir que datait leur dernière sortie.

- Je vous assure qu'il n'est pas ici, affirma John, essayant de ne pas penser aux conséquences de ce que disait Anthea.

Mycroft Holmes savait parfaitement quand allait et venait John dans sa maison, à quelle fréquence et pour quelle durée. Le reste n'était pas dur à deviner. Soudainement, John était encore plus effrayé à l'idée de rencontrer Mycroft Holmes.

- Je m'en doute. Monsieur Holmes voulait faire couper l'arbre devant la chambre de Sherlock… Il obstrue nos caméras.

John déglutit en imaginant Sherlock tentant de fuir par la fenêtre, tombant de trois étages le long de l'arbre. Mais il n'avait rien vu de suspect dans le jardin, et il savait Sherlock souple comme un chat.

- Monsieur Holmes sera là dans moins de cinq minutes, informa Anthea. Bonne journée, monsieur Watson, monsieur Lestrade.

La tonalité les informa qu'elle avait raccroché sans rien attendre en retour.

- C'était quoi, ça ? demanda John à Greg, complètement abasourdi par la conversation surréaliste qu'il venait de vivre.

- Le MI6, je pense. Les plus hautes sphères du pouvoir. Bienvenue dans un monde de dingue, gamin, répondit Greg, aussi hébété que lui.

Avant qu'ils puissent réagir davantage, John tendit l'oreille et perçut un bruit de moteur qui s'arrêtait devant la maison. Un instant plus tard, la porte d'entrée s'ouvrait. Déjà gêné de se trouver dans une maison qui n'était pas la sienne et dont le propriétaire venait de rentrer, John ne s'imaginait pas rester dans le bureau, et tira donc Greg vers la porte pour aller accueillir Mycroft Holmes.


Il ne fut pas déçu du personnage. L'homme n'avait physiquement que très peu à voir avec Sherlock, qui était fin et sec, mais pourtant John n'aurait jamais douté qu'il s'agissait du frère de son ami.

Son costume trois pièces crème était aussi ajusté sur son corps comme ceux de Sherlock, il avait le même regard brûlant d'intelligence, le port aussi fier et arrogant. Et contre toute attente, il portait un parapluie, alors qu'il faisait un temps radieux.

- Monsieur Holmes, je suis ravi de vous rencontrer, enfin, et je suis désolé, d'être dans votre maison je veux dire, mais je cherchais Sherlock, et, enfin je suis désolé, vraiment, mais…

- Mycroft. Tu peux m'appeler Mycroft si tu le désires, John.

Cela coupa complètement le sifflet à John. Il ne s'était pas attendu à être si bien reçu.

- Monsieur Holmes, bonjour, le salua Gregory en tendant sa main, que Mycroft saisit et secoua fermement.

- Monsieur Lestrade, enchanté de vous revoir, vraiment.

Le ton était tellement sincère que Greg laissa sa main un peu trop longtemps dans celle de Mycroft, oubliant de la retirer.

- Passons au salon, voulez-vous, messieurs ? Toby, du thé, merci.

John et Greg sursautèrent en découvrant subitement le garde du corps et manifestement larbin personnel de Mycroft glisser derrière eux en direction de la cuisine. Le temps qu'ils s'installent confortablement dans les canapés, il leur avait déjà amené des tasses assorties, et des scones. Le temps que Mycroft pose son parapluie et lisse les plus inexistants plis de son pantalon, l'eau frémissait à la parfaite température et diffusait des senteurs exquises. Encore un instant de silence et c'était désormais leurs tasses qui fumaient.

Poliment, John prit la sienne et but une gorgée brûlante. Il ne voulait pas commencer la conversation, se sentait mal à l'aise et la tasse lui occupait les mains.

- Je suis enchanté de te rencontrer en vrai, John. Les images des caméras ne sont jamais flatteuses.

John piqua un fard.

- Si cela peut te rassurer, il n'y en a pas dans la maison. Du moins, pas dans toutes les pièces. Pas la chambre de Sherlock, en tout cas.

John devint encore plus écarlate. Même s'il l'avait voulu, il aurait été incapable de parler.

- Hey ! le défendit soudainement Greg. Faites pas peur à ce môme ! On n'a pas plus important à régler ?

Mycroft reporta son attention sur le futur policier, le regardant droit dans les yeux. Greg soutint le regard, piqué dans sa fierté. Ce fut seulement quand la bouche de Mycroft s'ourla d'un léger sourire qu'il détourna les yeux, rougissant un peu.

- Gregory a raison, John. J'ai besoin de savoir ce qui s'est passé avec Sherlock. Tout. Dans les détails. Je connais mieux mon frère qu'il ne le voudrait la plupart du temps, et j'ai plusieurs idées d'où il pourrait être, mais je ne compte pas me jeter à sa recherche à l'aveuglette. Je l'ai déjà bien trop fait, et je dois retourner au bureau réviser les comptes rendus des négociations franco-allemandes. Raconte-moi. Dans les détails.

- J'ai passé le week-end ici, commença John mal à l'aise.

- Les détails, John. Les détails. Depuis quand cela dure ? A quel stade en êtes-vous arrivés ? Qui l'a initié ?

- Hey ! recommença Greg. Vous ne voulez pas non plus savoir qui est le dominant de leurs relations sexuelles ?

L'un des avantages de Greg, c'est qu'il ne mâchait jamais ses mots. Mycroft battit en retraite, soudainement conscient d'être peut-être allé trop loin.

- Je te prie de bien vouloir m'excuser John. C'est juste que… tu auras remarqué que Sherlock ne donne pas trop dans les relations. J'ai besoin de mieux comprendre ce qui a pu se produire. Il t'a déjà dit qu'il était autiste ?

- J'avais deviné. Asperger ?

Le sourire de Mycroft était éclatant de fierté, et ressemblait en tous points à celui de son frère.

- Exactement. Il a des problèmes pour se lier, mais est ensuite très exclusif, possessif, et peut se montrer agressif et dépressif s'il n'obtient pas ce qu'il veut. Alors ?

Avec un pauvre sourire, John raconta les grandes lignes. Le premier baiser, leur erreur mutuelle d'avoir cru que chacun rejetait l'autre, le projet de chimie (dont John soupçonnait que Sherlock avait manipulé leur professeur pour devoir le faire en binôme et chez soi), le rapprochement de par leur travail, puis rapprochement tout court. Et leur week-end ensemble. Sans trop en dévoiler de leur intimité, John essaya de raconter du mieux qu'il put.

A la fin de son récit, Mycroft attaquait sa deuxième tasse et son troisième scone. Greg aussi. John avait l'estomac trop noué pour manger.

- John… pardonne ma question, mais… tu n'as jamais senti que Sherlock te cédait par dépit ? Se rendait ? Sans le vouloir, mais pour ne pas te déplaire ?

- Quoi ? demanda John abasourdi. Vous… vous me demandez si… si j'ai pu le violer ? Le forcer ? Qu'il ne voulait pas de moi ?

L'idée lui donnait la nausée.

- Non, John, répliqua fermement Mycroft. Je connais suffisamment bien Sherlock pour savoir qu'il te voulait. Je crains simplement que Sherlock ait pu décider de « faire comme tout le monde » pour ne pas te déplaire et ainsi te garder auprès de lui.

- Non ! Non ! s'écria John. Il était instigateur autant que moi ! Il ne faisait pas semblant ! Il pouvait rester là à m'écouter et me sourire pendant des heures ! Juste avant que je ne parte, d'ailleurs, je lui racontais la première fois que je l'avais vu, avec ses cheveux fous d'épouvantail et ses yeux rouges qui lui donnaient l'air d'un junkie ! Et sur le pas de la porte, je lui ai même… Oh !

Perdu dans ses souvenirs, John n'avait pas vu le frémissement de Mycroft, et ses narines subitement pincées. Cela n'avait cependant pas échappé à Greg, qui ne faisait qu'observer l'homme d'état.

- Quoi, oh ? demanda Mycroft.

- Je lui ai dit que je l'aimais… murmura John. Je n'ai même pas remarqué. C'était tellement évident. Mais… je… je n'aurais sans doute pas dû le faire ainsi.

Mycroft secoua lentement la tête.

- La dernière fois que Sherlock a entendu ces mots, c'était de notre mère, murmura-t-il en détachant chaque syllabe. Il avait six ans, peut être sept. Et il a informé notre mère en retour de la parfaite inanité de l'informer d'une chose aussi inutile et déraisonnée, qui ne se fondait sur aucun fait objectif mais uniquement sur des liens génétiques. C'était ses propres mots. Personne ne lui a jamais redit… Il ne souhaitait pas l'entendre. Et avant de te rencontrer, John, je ne suis pas sûr qu'il n'ait jamais envisagé de les ressentir un jour.

John frémissait de tristesse. C'était sa faute. Entièrement sa faute. Comment pouvait-il se revendiquer futur médecin alors qu'il n'était même pas capable de s'occuper d'un autiste qui lui avait tout donné ?

- De plus, John… Concernant le terme de junkie…

- Il l'est c'est ça ? les coupa Greg. Drogué. N'est-ce pas ? Cocaïne ?

- QUOI ?

John ouvrit des grands yeux éberlués.

- NON ! Non, ce n'est pas possible ! Je l'aurais vu… Ses bras… non !

Puis soudain John se souvint d'un geste étrange de Sherlock, qui jetait quelque chose derrière lui, comme une cigarette.

Mycroft se pinça le nez et ferma les yeux.

- John… Sherlock a fait sa première overdose il y a trois mois. Il prenait de la cocaïne depuis l'âge de quinze ans. Vingt mois de consommation régulière, à disparaître du lycée, de la maison, à se retrouver au poste… J'ai réussi à le faire sevrer… de force. Après son overdose, je l'ai obligé à entrer en cure de désintox. Il a tenu un mois, avant de tout envoyer balader. Les médecins étaient contre, mais Sherlock a affirmé qu'il n'y toucherait plus si on le laissait sortir de la prison. Je lui ai offert une dernière chance, et l'ai inscrit de force dans ton lycée, il y a deux mois. Il s'en sortait bien… Enfin, je le pensais.

- C'est ma faute, réalisa John. Je l'ai traité de junkie. Je l'ai renvoyé à cette période de sa vie.

Sa voix était blanche.

- Tu ne pouvais pas savoir, John, le rassura Greg en serrant son épaule. Tu n'es pas responsable.

- Mais tu le deviendras si tu ne vas pas le chercher, répliqua Mycroft. Sherlock ne m'écoutera pas. Il ne me suivra pas. Toi, oui.

- Mais je ne sais pas où il est…

- Pas difficile de deviner, maintenant, dit Greg en haussant les épaules. Un gosse aussi perturbé ex-junkie, il a dû filer droit dans un squat pour avoir une dose…

John blêmit encore un peu plus.

- Reste à savoir quel squat. Si on doit faire tous ceux de Londres, on n'est pas prêt d'avoir fini.

- Il s'avère que j'ai davantage de ressources que ça, répliqua Mycroft. Les squats habituels de Sherlock sont sur surveillance, et Anthea m'a confirmé qu'il n'apparaissait pas sur les bandes. Il est donc ailleurs. M'obligeant à jouer un va-tout que je ne souhaitais pas dévoiler si tôt… Mais soit.

- Quel va-tout ?

Mycroft dégaina son téléphone.

- C'est moi qui ai donné son mobile à Sherlock. Il contient un tracker. Je l'ai fait activer à distance sur le chemin pour venir ici. Il doit désormais émettre des informations suffisantes pour nous dire où est Sherlock.

- C'est une atteinte à la liberté individuelle ! s'indigna John.

- Et vous aviez cet atout depuis le début ! s'insurgea Greg.

Mycroft leur adressa à tous les deux un regard blasé. Il n'avait pas l'habitude de traiter avec des gens aussi doux et idéalistes. John paraissait réellement révolté, comme si Mycroft ne faisait pas ce genre de choses tous les jours.

- Cela va nous permettre de retrouver Sherlock. Mettez un peu votre morale de côté.

John ne moufta pas. Comprenant où étaient les intérêts dans cette histoire, Greg fit de même. Un instant plus tard, les trois compères montaient dans la voiture de Mycroft. Ce dernier avait donné son téléphone à Toby, qui s'était installé au volant, et suivait désormais le GPS du mobile, qui les menait vers Sherlock.


John, bien que dévoré d'inquiétude pour Sherlock, ne put s'empêcher de remarquer que le chauffeur était en livrée et avait des gants blancs. Que ce n'était pas une simple voiture mais une berline. Que les vitres étaient teintées. Et qu'ils dépassaient clairement les limites de vitesse autorisées. Bref, il avait l'impression d'être dans un film. Rongé de stress, il était incapable cependant de s'apercevoir que Greg et Mycroft, assis face à face, se jaugeaient et se dévoraient du regard mutuellement.

- C'est ici, monsieur, annonça soudainement Toby. Dois-je laisser tourner le moteur, monsieur ?

- Oui, ordonna Mycroft. Quel est l'hôpital le plus proche ?

- Saint Bart, monsieur.

- Prévoyez de les appeler en urgence pour prévenir les médecins et libérer une salle d'opération et de vous y rendre dans les plus brefs délais le cas échéant.

- Bien monsieur.

- Vous avez fini ? s'impatienta John.

Il appuyait frénétiquement sur la poignée de la porte, qui refusait de se déverrouiller, commandée par la fermeture centralisée.

- Sherlock attend ! Il a besoin de nous !

Du regard, le chauffeur consulta son patron. Mycroft lui répondit de la même manière. Il y eut un « clic », John essaya une nouvelle fois d'ouvrir la portière, qui cessa de lui résister. Sans même réfléchir à ce qu'il faisait, il se jeta dehors et se précipita sur le seul bâtiment à proximité. Il était à moitié démoli, complètement tagué, et la végétation commençait à reprendre ses droits. Arrivé à proximité, John sentit une odeur nauséabonde l'envahir, mélange de vieille urine, cigarettes et pétards, et probablement un paquet d'autres choses qu'il ne voulait pas savoir. Cela ne l'arrêta pas une seule seconde.

Greg s'était extirpé à la suite de John du véhicule, mais son ami avait déjà filé à toute jambe.

- John ! s'époumona en vain le futur policier.

- Vous devriez aller le rejoindre. Qui sait ce qu'il risque de trouver, là-bas.

Mycroft était sorti de la voiture après Greg, et époussetait délicatement son costume en refermant la portière. Le moteur ronflait toujours doucement, preuve que Toby restait aux aguets.

- Je n'ai pas d'armes, répondit Greg, embêté. Je n'ai rien pour le défendre…

La main de Mycroft attrapa celle de Gregory, et lui poussa un objet froid dans la main.

- Voici de quoi satisfaire votre besoin de protection, monsieur le sergent-chef.

Abasourdi, Greg contempla l'arme de poing, le même modèle que celui avec lequel il apprenait à tirer à l'école de police et qu'il maîtrisait bien.

- Je n'ai pas le droit.

- Je ne vous dénoncerai pas, promit Mycroft avec un sourire mutin. Je suis même d'ailleurs persuadé que je vous protégerai s'il le fallait.

Ce qu'avait dit Mycroft une seconde plus tôt se fraya soudainement un passage dans l'esprit de Greg.

- Sergent-chef ? C'est ça que vous me promettez si je vais gentiment sauver la peau des fesses de votre frère et descendre deux trois camés au passage ? Je ne mange pas de ce pain-là ! Désolé ! Gardez vos propositions de corruption pour quelqu'un d'autre ! Je ne suis pas intéressé ! répliqua-t-il avec véhémence.

Mais Mycroft Holmes n'était pas homme à se laisser impressionner.

- Je ne vous corromps pas. C'est réellement le poste qui vous attend dans deux mois, à l'issue de votre formation, si vos notes et votre comportement continuent comme ça. J'ai connaissance de cette information, mais n'ai aucun moyen d'influence sur votre carrière. Je n'ai pas – encore – autant de pouvoir que cela.

La manière dont Mycroft disait « encore » était à proprement parler effrayante. La partie rationnelle du cerveau du futur policier l'informait qu'il devait aller retrouver John, et vite. L'autre part regardait les yeux brillants de Mycrot, ses lèvres pleines, son profil délicat, et sa langue tentatrice qui sortait pour humidifier ses lèvres. On n'aurait pas pu faire plus différent de David que Mycroft Holmes. Mais en cet instant très précis, Gregory Lestrade s'en foutait. Il envoya voler toutes les règles de prudence et de logique, s'approcha d'un pas de Mycroft, le coinça contre la carrosserie, l'embrassa brutalement.

Sans la moindre résistance, le politicien offrit sa bouche et son corps, acceptant les assauts comme un assoiffé et se pliant pour se coller davantage au corps de Greg.

- Vous devriez aller rejoindre John et mon frère, sergent-chef Lestrade. Mais je vous promets la suite sous peu… murmura Mycroft lascivement au pavillon de son oreille.

- Merde ! jura Greg.

Il vola un dernier baiser à un Mycroft rieur, arma le pistolet, et courut sur les pas de John. Depuis le temps, son ami était peut-être mort dix fois.


John avait enfoncé toutes les portes qu'il avait trouvées sur son chemin, et avait passé en revue tout le premier étage au pas de course, sans se préoccuper des squatteurs et des junkies qu'il avait croisés jusque-là. Aucun d'eux n'avait été Sherlock, et John aurait reconnu son ami entre mille. Pour l'heure, aucun d'eux n'avait tenté de l'arrêter, mais il courait à en perdre haleine, et les camés semblaient avoir la réactivité d'un mollusque. John, pilier de rugby de son lycée, prévoyait de foncer dans le tas si on essayait de l'empêcher d'avancer.

Et une petite part de lui espérait quand même que Greg et Mycroft viendraient à sa rescousse, voire qu'ils emmèneraient l'armoire à glace qu'était Toby avec eux.

- SHERLOCK ! appela-t-il encore une fois.

Cet endroit était immense, mais un tel état de saleté que John avait l'impression qu'il y rencontrerait la lie de l'humanité. Il grimpa un nouvel étage.

Il faillit ne pas le voir. Il n'y avait personne à cet étage, et il s'apprêtait à reprendre l'escalier pour franchir un nouveau palier quand un mouvement, dans un coin de la pièce, attira son attention. Derrière un poteau, une silhouette aux cheveux ébouriffés se dessinait. Le cœur de John n'hésita pas. Il se précipita.

- Sherlock ! s'exclama-t-il de soulagement en se posant devant lui.

Le jeune génie était assis, recroquevillé sur un matelas défoncé placé à même le sol. Il tremblait, et s'agitait d'avant en arrière dans un tic autiste fortement désagréable. Il détonnait terriblement dans le paysage, avec son costume sur mesure complètement sali, et la poche de son pantalon gonflée par son téléphone hors de prix. Pourtant, ses yeux rouges et exorbités ne laissaient planer aucun doute.

- Sherlock, seigneur, parle-moi, tu vas bien ? Tu as pris quelque chose ? Sherlock.

John ne réfléchissait plus aux conséquences de ses actes. Il s'accroupit auprès de son ami, pénétra son cercle d'intimité, accrocha ses bras aux siens et braqua ses yeux dans ceux écarquillés de Sherlock.

- Jo… John… non… murmura Sherlock. Tu ne devrais pas être là.

- Je suis venu te chercher, répliqua fermement John. Je suis désolé pour tout ce que j'ai pu dire ou faire, mais je t'en supplie, reviens avec moi. Laisse-moi t'aider. Je croyais que… qu'on était d'accord, que tu voulais tout ça toi aussi…

Il avait essayé d'être clair et mature, mais au milieu de son propos, sa voix avait complètement déraillé, muant en une sourde plainte aigue de panique. Ses yeux larmoyants complétaient le tableau.

Puis soudain, le regard de John tomba sur les mains de Sherlock. Dans la gauche, il y avait une seringue. Dans la droite, il y avait des feuilles de cours. John les reconnut au premier coup d'œil. C'était son écriture. Ils les avaient cherchées partout il y avait de cela sept jours, pour réviser un exercice. Sherlock avait dû les lui subtiliser en douce.

- Je… le… voulais… aussi… balbutia Sherlock.

Cet aveu lui coûtait terriblement, à tel point que cela le faisait basculer un peu plus vite d'avant en arrière.

- Mais… je ne voulais pas te détruire… Je détruis toujours tout… Je… C'était trop rapide. Je t'avais déjà absorbé… Tu allais me haïr un jour… je ne voulais pas… que ça arrive… mais je ne savais pas faire autrement.

Les yeux de Sherlock étaient aussi remplis de larmes qui dévalaient allégrement sur les joues de leur propriétaire, et John jeta un nouveau coup d'œil à la main gauche de Sherlock, confirmant ce qu'il avait cru voir la première fois : la seringue était pleine. Les yeux de Sherlock étaient rouges et défoncés parce qu'il avait passé son temps à pleurer, probablement sans dormir au vu de son état de fatigue général.

John en était persuadé. Sherlock n'avait rien pris. Pas encore. Cela devait être une torture, pour un ancien toxicomane, de tenir ainsi une dose sans rien en faire. Et n'avoir que l'écriture de John en souvenir des jours heureux pour tenir. Et pour se demander quoi faire.

- Regarde-moi, Sherlock, ordonna John.

Il pleurait lui aussi, mais il s'en fichait. Tout ce qu'il devait faire, c'était obliger les pupilles pâles de Sherlock à croiser les siennes. Docilement, le génie obéit.

- Je ne te haïrais jamais. Tu ne me détruiras jamais. Tu ne m'as pas absorbé et rendu dépendant de toi. Je le suis parce que je choisis de l'être, et que cela me rend heureux. Je te dirais tous les mots que tu as besoin d'entendre, et je tairais tous les autres qui te terrifient, jusqu'au jour où tu seras prêt à les entendre. Je vais faire médecine et réussir brillamment toutes mes années, pendant que tu vas devenir le détective consultant que tu rêves d'être, parce que tu auras besoin d'un médecin pour te rafistoler quand tu consulteras pour Scotland Yard, j'en suis sûr. Je vais suivre mon chemin, et tu vas suivre le tien. Avec ta main dans la mienne, si tu le veux. Je ne partirais jamais loin de toi volontairement. Jamais.

John n'avait pas cillé. Sherlock non plus. Mais il bégayait des mots sans sens dans une vaine tentative de trouver une réponse convenable à une telle tirade.

- Choisis-moi si c'est ce que tu désires, Sherlock, et je ferais de tes jours et des nuits une vie d'adrénaline et de bonheur, je te le promets. Tant que tu restes à mes côtés, jura John.

Il avait conscience de se comporter comme une midinette, mais ne savait pas quoi faire d'autre. Il pensait viscéralement tout ce qu'il disait. Et ne savait pas comment le faire comprendre à Sherlock autrement qu'en accrochant ses yeux sur les siens.

Sherlock ne répondit rien. Mais John sentit les muscles se bander, la main s'ouvrir. La seringue tomba au sol dans un tintement. D'un mouvement fluide, John tendit sa jambe et l'écrasa, faisant exploser plastique et verre. Alors Sherlock tendit les bras, attira John à lui dans une étreinte à couper le souffle. Et John, en réponse, écrasa ses lèvres contre les siennes pour s'infiltrer dans son âme et le marquer sien pour le reste de leurs existences.

Ils basculèrent de concert sur le matelas inconfortable, sans détacher leurs lèvres l'une de l'autre.

Ils y seraient probablement toujours si John n'avait pas entendu le bruit de bottes et la voix de Greg qui l'appelait dans leurs dos.


Sherlock était trop faible pour marcher, trop épuisé et tremblant, et Greg, une fois parvenus jusqu'aux deux garçons, dut le porter jusqu'à la voiture de Mycroft. Ce dernier, toujours adossé à sa carrosserie rutilante, eut un sourire étincelant en les voyant déboucher du squat.

- Toujours à laisser le sale boulot à d'autres, hein Mycroft ? murmura Sherlock, yeux mi-clos alors qu'on l'installait dans la voiture de son frère.

- Moi aussi, je suis heureux de te revoir, petit frère, répondit son aîné d'un ton égal.

Ils rentrèrent chez Mycroft, firent venir un médecin à domicile, qui conclut une à forte déshydratation et malnutrition sur les trois derniers jours. Il fit une injection de sels minéraux, antibiotiques et vitamines pour pallier les carences immédiates, et prescrivit du repos et une alimentation régulière. Sherlock promit de s'y tenir. Et s'endormir au chaud dans ses couvertures, épuisé. A ses côtés, John sombra dans le sommeil également. Il n'avait pas lâché la main de Sherlock depuis qu'il l'avait retrouvé.


EPILOGUE – Deux mois plus tard

John était étendu lascivement sur le lit de Sherlock. Il faisait beau, ils avaient fini le lycée, sa mère était persuadée qu'ils passaient ses journées (et une grande partie de ses nuits) chez Mary (« une fille très bien comme il faut »), ils avaient reçu les réponses des universités deux jours plus tôt, et la vie était parfaite. John entrait dans la fac de médecine de son choix. Sherlock avait opté pour une double licence chimie et criminologie « dans un premier temps, pour s'occuper l'esprit », et n'excluait pas de passer un certain temps sur les bancs de la fac de médecine, officiellement pour y apprendre l'art de la découpe des cadavres dans une optique légiste. Ils envisageaient une colocation, subventionnée par Mycroft, pour vivre pleinement leur relation et leur première année de fac.

La seule chose qu'il manquait présentement à John était la présence de Sherlock contre lui dans ce lit. Mais ce dernier était descendu chercher Dieu savait quoi à la cuisine (John avait demandé un verre d'eau, mais il lui semblait avoir compris que Sherlock était parti récupérer du formol dans le frigo, et il n'était pas sûr de savoir ce qui se passerait si Sherlock confondait ses deux mains en remontant deux bouteilles semblables) et n'était toujours pas revenu.

- John ? appela Sherlock sur le pas de la porte.

Il avait l'air embêté et John roula sur le ventre pour mieux le regarder. Ses mains étaient entièrement vides et John fronça les sourcils.

- Mets de la musique veux-tu ? Pas du classique. Un machin que tu aimes bien. Fort.

- Que se passe-t-il ?

Sherlock soupira dramatiquement.

- La voiture de ton ami Greg est garée devant la maison. Et la porte du bureau de Mycroft est fermée à clé. Ils ne se sont pas vus depuis quatre jours. Tu veux vraiment que je te réexplique à quel point Mycroft peut être vocal ?

John eut une grimace dégoûtée pour toute réponse, et se précipita sur l'ordinateur de Sherlock pour lancer une de ses playlists, bien bruyante.

- Sherlock… susurra-t-il ensuite en s'approchant de son petit ami avec un sourire tentateur. On pourrait aussi les concurrencer, non ? Pour les décourager de faire du bruit.

Sherlock eut un large sourire.

- La porte est déjà fermée à clé, répondit-il.

John sourit face au regard éblouissant d'amour de Sherlock. Son but dans la vie n'avait toujours pas changé : faire sourire et rougir Sherlock restait une des choses les plus magnifiques qu'il lui avait été donné de voir. Qu'importait que cela se produise tous les jours, John ne s'en lassait pas. Et en haut de la liste de ses priorités, il y avait la ferme intention de continuer ainsi pour le reste de leurs existences.

FIN


Et voilà ! J'espère que vous avez apprécié, et joyeux Noël à tous ! :)

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