Hello tout le monde !

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Je sais que ce n'est pas le meilleur jour pour publier quoi que ce soit... Mais j'avais besoin de penser à autre chose. Et si j'arrive à mon tour à vous faire penser à autre chose, ce serait vraiment bien *cœur*
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J'ai parlé de cette fiction dans ma dernière news (datant du 8/11) sur mon profil, il s'agit de mon Projet n°2. Une fiction qui est en cours d'écriture et vers laquelle je me dirige quand j'ai envie d'écrire quelque chose d'un peu plus léger que mes autres écrits en cours :) (qui eux sont assez sombres et angst)

Pour ne pas changer une équipe qui gagne, c'est une Dramione. Je me dis parfois que je devrais écrire autre chose, et puis non !
Le Rating ne change pas de mes habituels rating, c'est M. Pour la simple et bonne raison que vous y trouverez des sujets comme: la violence, la mort, le sexe peut-être plus tard. Même si je m'efforce de faire une histoire "légère", une romance de surcroît, nos deux personnages ne vivent pas non plus au pays des bisounours (malheureusement). Je préfère donc prévenir.

Le contexte est après-guerre, mais vraiment de peu: quelques mois seulement. Et la première chanson que je présente est LA chanson qui correspond parfaitement à cette histoire alors si vous pouvez l'écouter...
En espérant respecter au mieux les personnages en leur créant une évolution probable, j'apprécierais énormément si vous aimez, vous aussi, cette nouvelle fiction ! (j'ai toujours l'angoisse avant de poster ^^)

Les personnages et l'univers d'Harry Potter appartiennent évidemment à J.K. Rowling.


LAZARUS.

Prologue:

« My past has tasted bitter for years now, so I wield an iron fist. Grace is just weakness, or so I've been told.
I've been cold, I've been merciless. But the blood on my hands scares me to death.
Maybe I'm waking up today.
I'll be good, and I'll love the world like I should. I'll be good for all of the light that I shut out, for all of the innocent things that I've doubt, for all of the bruises that I've caused and the tears, for all of the things that I've done all these years... Yeah, for all of the sparks that I've stomped out, for all of the perfect things that I doubt.
I'll be good, for all of the times I never could. »
Music: I'll be good - Jaymes Young.


Nuit du 04 août au 05 août, quelque part en Bretagne. France.

Le jeune homme se réveilla en un sursaut brusque. Une fine particule de sueur lui recouvrait le corps. L'humidité était presque aussi désagréable que son cauchemar, et la chaleur de la pièce n'arrangeait pas son sort. La sensation lui était insoutenable, le moindre contact avec sa peau lui rappelait d'autres tourments, plus violents, plus récents. Les images dans sa tête et qui avaient envahies son sommeil sans crier gare n'en étaient que le pâle reflet.

Un frisson. Et puis un autre. Il repoussa ses cheveux, s'essuya le visage et lâcha un soupir. C'était physique. La douleur des souvenirs se ressentait de l'extrémité de ses doigts jusqu'aux membres opposés sans pouvoir la maîtriser. Sa mémoire était autant visuelle que sensorielle. Les cris résonnaient toujours aussi puissamment à ses oreilles, sans parler de l'odeur du sang et celui de la terreur.

Mais le toucher, la main invisible de l'angoisse, la chair de poule causée par la peur, les signes familiers de la souffrance, restait le sens le plus fort et le plus handicapant.

Il n'existait rien de pire que perdre le contrôle de son propre corps. Chercher sa respiration en étouffant, sourire l'esprit embrumé par des tourments sanglants, feindre l'assurance en tremblotant, mouvoir comme avant mais les muscles toujours endoloris par les blessures...

Il inspira profondément, puis s'étrangla avec un sanglot naissant. Ce dernier l'arrêta net dans son élan. L'adolescent se tourna vers le second lit de la chambre, nerveux.

Son ami dormait toujours. La faible respiration qui emplissait les quatre murs et qu'il avait occulté jusque là le rassura. Un instant, il tenta même d'y calquer la sienne, en vain. Le jeune homme venait à envier le sommeil paisible de son camarade, quand bien même la réalité n'avait pas été plus indulgente pour ce dernier. Néanmoins il avait beau être rationnel, la nuit qui l'entourait, ainsi que le silence, le plongeait dans une solitude amère. Son cerveau ne lui laissait plus aucun répit.

Il repoussa d'un bras la couverture et se leva en direction de la sortie. Ses mains tâtèrent les murs de la chambre auxquels il ne s'était toujours pas habitué, et lutta pour ouvrir la porte. Quand celle-ci s'ouvrit dans un bruit sourd, l'autre garçon marmonna.

- Salazar, qu'est-ce qui se passe… ?

- Rien, Théodore. Rendors-toi.

- Ouais, ben, fais quelque chose pour cette porte. Tu n'es pas tout seul...

Le Serpentard ne répondit pas, sachant pertinemment que son ami se rendormirait aussi vite, et referma derrière lui. Dans le couloir, il se laissa aller à un soupir plus franc.

Se repérer dans la demeure était plus aisé que dans la sombre chambre. Ce n'était pas une énorme bâtisse et les volets étaient ouverts. Entre ces murs, il lui était impossible de se perdre. Lui et Théodore y logeait depuis l'été, depuis que leurs effets en Angleterre avaient été saisis et que leurs familles avaient été mis sous les verrous. Comme la plupart des enfants mineurs de Mangemorts, ils avaient été graciés et avaient bénéficié, du moins s'ils le souhaitaient, d'un toit à titre gratuit au sein d'un orphelinat de jeunes sorciers. Mais, ni son ami ni lui-même, n'y avaient consentis.

Heureusement, le pouvoir et les sentences du Ministère de la magie ne s'exerçaient au-delà des frontières. Ce qui leur appartenait autrefois à l'étranger, leur appartenait toujours. La vieille maison que le jeune homme arpentait de nuit et qui n'avait rien d'un palace, n'était qu'une résidence désuète et secondaire de la famille Nott.

Le jeune homme traversa la cuisine vide, puis le salon dont la porte donnant sur l'extérieur était ouverte, laissant pénétrer un brin d'air frais. L'adolescent s'engouffra sans hésitation dans le jardin baigné par la faible luminosité de la lune.

Il était ravi de quitter ce bâtiment étouffant. La maison n'était pas très sûre, les murs étaient fragiles, usés par le temps et l'abandon, et la solitude y était trop tenace pour y être serein... En revanche, en y songeant, tout était mieux que partager une chambre avec le reste d'entre eux restés en Angleterre. La pensée de ses anciens congénères était difficile à supporter, la guerre, la pression, la cruauté, avaient changé leurs rapports. Seul Théodore n'avait été entièrement corrompu et restait un ami. Lui aussi gardait des séquelles. Cependant, contrairement à d'autres, il n'avait pas troqué son âme pour une gloire déchue.

Les herbes sauvages s'écartèrent sur son passage, l'effleurant sans la moindre douceur. Ce genre de douleur futile ne l'atteignait plus. Fixant un point dans le noir, le jeune homme s'avança en gardant confinés les sanglots qui menaçaient de percer maintenant qu'il était seul. Il faisait chaud et il avait cette sensation désagréable de ne pas avoir quitté ses draps tant la particule de sueur continuait de le démanger. Il marchait sans lumières, seulement guidé par ses habitudes, pas même inquiet de s'égarer.

A aucun moment, l'adolescent ne regretta sa baguette laissée sur sa table de chevet. Il la délaissait d'ailleurs de plus en plus, comme si la magie lui avait fait défaut et qu'il n'osait plus l'apprivoiser. Elle n'était plus aussi docile entre ses mains qu'auparavant.

Un comble. Certains se moqueraient avidement.

Ses pas le conduisirent rapidement à la crique au fin fond du jardin. Cette nuit là, la mer y était calme, presque inaudible. Le parfum salé pénétra ses narines au même instant que le sable l'accueillit sur le sol. Seul, il se sentait infiniment seul. Incompris, blessé, marqué à vie. Sa douleur n'était pas celle dont s'occupait le Ministère, ni tout autre être humain, elle était reniée. Ses cicatrices, visibles comme invisibles, n'existaient pas aux yeux des sorciers. Il était devenu un paria.

Il n'était pas dupe, l'étiquette du Mangemort ne cesserait de lui coller à la peau.

La Marque sur son bras ne disparaissait pas. Le Seigneur des Ténèbres était mort depuis trois mois et le tatouage resplendissait toujours. Il avait espéré que son décès et sa perte l'efface, que ce crâne et ce serpent meurent avec Lui… Force était de constater que rien ne venait au bout de ce marquage. Son identité, celle qu'il refusait depuis son enrôlement, ne le quitterait plus. Il n'avait aucune chance, pas même en dehors du Royaume-Uni.

Le sentiment était violent. Rejeté de tous, sans repères, la carapace s'effritait. L'arrogant Serpentard n'était plus qu'une ombre. Dans la nuit, il n'était plus que douleur et vide.

Et dans cette solitude intolérable, qui le martelait de l'intérieur, Draco Malfoy libéra ses sanglots de ses chaînes. Les ongles ancrés dans la peau de son front, les genoux remontés serrés contre son torse, il pleura. Il pleura tant. Il pleura ce qu'il avait perdu, et ce qu'il n'avait probablement jamais eu. Il pleura l'avenir qui l'attendait. Il pleura ce qu'il était et n'était plus.


05 août, quelque part en Bretagne. France.

- Hey.

Théodore secoua son ami, échoué sur la plage. Ce n'était pas la première fois cette semaine, ni ce mois-ci, qu'il se réveillait dans une chambre vide. Parfois, il ne trouvait pas son ami avant que celui-ci ne revienne complètement désorienté ou imbibé d'alcool. Parfois, comme ce matin, il le retrouvait endormi ailleurs. A l'extérieur, souvent.

Le jeune homme n'était pas son confident, mais il n'ignorait certainement pas ce qu'il se passait dans sa tête. Il vivait la même chose. Les réveils brutaux, la peur toujours fraîche, la sensation d'être traqué qui le prenait par les tripes en permanence, l'envie d'oublier le passé, le présent, et l'avenir fichu. Draco était plus discret que lui. Il enterrait ses instincts, ses émotions, tout ce qui était susceptible de lui faire mal. Ce n'était pas pour autant que Théodore ne distinguait rien.

- Debout !

Le blondinet remua en grommelant, avant de tousser le sable ingurgité par mégarde.

- Oh, Merlin, la prochaine fois, prend au moins une couverture ! sourit tristement Théodore.

- La ferme.

Draco se redressa et essuya sa bouche d'un geste rageur. Ses yeux parcoururent le paysage qui l'entourait, et il lui fallut un moment avant de réaliser qu'il avait une fois de plus déserté son lit. A la lumière du jour, sa déception de lui-même fut moins perçante… Néanmoins, il regretta sa faiblesse. Rares étaient les matins où il se réveillait de bon pied.

Au moins n'était-il pas trempé. Ce fut une nuit chaude et éclairée, pas une seule goutte de pluie n'avait dérangé le sommeil récupérateur qu'il avait fini par trouver.

- Cauchemars ? demanda son ami.

- Il fait seulement trop chaud, dans cette chambre..., se justifia Draco.

- Je suis certain que tu peux trouver une solution pour la chaleur, tu sais, à l'aide de ta baguette par exemple… Bref ! Heureusement que tu ne t'es pas endormi par marée basse, j'aurais perdu la meilleure compagnie qui soit.

Draco le fusilla du regard en s'étirant. Théodore lui envoyait toujours quelques pics, surtout le matin. Il n'avait pas tort, le blondinet n'était plus l'ami d'autrefois. Déjà secret, il s'était totalement refermé sur lui-même. Râleur, il était devenu encore plus sombre et bougon. Il ne pouvait pas en vouloir à son camarade de le lui faire remarquer.

Théodore n'était pas plus bavard, mais il comblait le vide. Sa présence était sage et rassurante, et ses tentatives amicales pour lui tirer les vers du nez étaient autant agaçantes qu'attendues. Il était un peu comme un frère. Draco se sentait incapable de lui confier ce qu'il ressentait, ce qu'il vivait, ce qui le hantait, par pur soucis d'orgueil, mais Théodore le comprenait tout de même. Il n'y avait ni mots ni jugements. Ils étaient tout deux de la même graine.

Qu'importe, d'ailleurs, la nature de cette graine, cela comptait peu aux yeux de la population sorcière ou aux yeux de leurs anciens camarades.

Ils étaient seuls ici, dans cette maison délabrée dont l'entretien leur était inconnu. Mais, malgré cette contrainte, ils se sentaient bien moins meurtris et moins seuls en ces lieux qu'au milieu de leurs congénères.

- Réveillé, maintenant ? lança Théodore en s'installant à ses côtés.

- Ouais, y'a mieux.

- Tiens, alors. Ça peut te remonter le moral.

- Tu n'en veux pas ?

- J'ai déjà déjeuné.

Draco haussa les épaules et prit volontiers la tasse de café que lui tendit Théodore. Il y trempa ses lèvres, le regard plongé vers l'horizon. La marée était basse, et de loin, la mer semblait plus agitée que durant la nuit. Les nuages qui la surplombaient laissaient présager un temps orageux, pour changer. Il pleut tous les trois jours, de toute manière, pensa-t-il en recrachant subitement le café.

- Dois-je deviner que je ne me suis pas amélioré ? pouffa Théodore.

- Tu n'as jamais fait pire ! C'est une tentative d'empoisonnement ?

- Il me semblait bien qu'il avait un goût bizarre ce matin…

- Bizarre ? C'est infect !

- Eh ! Sois indulgent ! Contrairement à toi, j'ose utiliser cette machine moldue…

- Machine de l'enfer, oui.

Ils échangèrent un regard. L'humeur se fit moins maussade.

- Tu n'es pas gentil avec cette vieillerie. Son bruit est tout simplement chantant, rit Théodore.

- M'ouais, je chante mieux que ça. Tu ne pourrais pas plutôt utiliser, je ne sais pas, moi, ta baguette ?

Draco sourit malicieusement. Les deux garçons ressentaient la même gêne à l'idée d'utiliser la magie. L'envie était irrésistible, bouillonnante, elle chatouillait l'intérieur comme des milliers de fourmis. Mais la pensée irrationnelle de ne plus contrôler leurs limites, leur force, après ce qu'ils avaient endurés et causés par le passé restait omniprésente.

Il leur avait fallu un temps avant de réapprendre de nouveau cette ligne fine entre le bien et le mal et encore aujourd'hui, ce n'était pas aussi simple. Les sortilèges de tortures et de douleur n'étaient pas tous proscrit ou issus de la magie noire, la magie blanche avait elle-aussi ses particularités. Les sortilèges de défense, eux, n'étaient pas majoritairement si inoffensifs.

Et, Draco comme Théodore angoissait à l'idée de s'égarer une nouvelle fois. Leurs baguettes étaient de plus sujettes à une surveillance stricte et forcée et, la moindre erreur de leur part, le moindre doute du Ministère, pouvait leur coûter cher.

Théodore soupira :

- Ce n'est que du café, j'y arriverai bien un jour. Pour ma baguette, on verra à Poudlard. Je n'ai pas envie de me retrouver avec Shacklebolt aux trousses à cause d'une tasse explosée par inattention.

- Tu n'es pas aussi maladroit.

- Là, mon cher Draco, tu as la mémoire courte. C'est bien à cause de mes deux mains gauches que je n'étais pas tellement apprécié dans les rangs de… Voldemort.

Un silence embarrassé suivit ses paroles, Théodore regretta aussitôt sa bourde. Voldemort, ce nom n'était plus interdit ni source de terreur. Il se disait librement, partout, dans la presse et dans les conversations, néanmoins, le frisson était toujours de mise.

Tout deux avaient encore du mal, quand bien même le prononçaient-ils de plus en plus souvent comme pour se libérer d'un fardeau trop lourd.

Théodore se laissa tomber sur le dos. Des deux amis, il était celui qui en avait le moins peur. Sa famille n'avait pas été une famille dans le collimateur du Seigneur des Ténèbres et lui-même n'avait jamais écopé d'une mission le mettant en connexion directe avec le mage noir. Cependant, contrairement à lui, Draco avait été proche, il avait été surveillé, contraint, utilisé. Il avait été battu pour l'exemple, il avait été humilié, lui et son père, et sa mère, et sa tante, et son parrain. Et pour le jeune homme, parler de Voldemort revenait surtout à regretter de heurter par inadvertance les émotions de son ami.

Il soupira en regardant le ciel.

- Je nous ai trouvé quelque chose à faire, aujourd'hui ! changea-t-il de sujet, feignant l'enthousiasme.

- Ah, oui ? Qu'est-ce que c'est encore ? Je t'en prie, pas encore une de ces fêtes moldus… Je n'en peux plus.

- Bien sûr... tu es bien content de rentrer ivre à chaque fois, dit-il. Et je ne t'ai jamais vu mal accompagné non plus.

Draco grimaça.

- Tu sais très bien ce que j'en pense pourtant, répondit le blondinet. Je déteste ces soirées.

- A vrai dire, non, je ne sais pas, tu ne dis pas grand-chose. Mais maintenant que nous y sommes, tu veux en parler ?

- Mais arrête ça, veux-tu ! Je n'ai pas besoin de parler de quoi que ce soit… Dis-moi plutôt ce que tu nous as dégoté.

- Déjà, capitula Théodore, ce n'est pas une fête.

Le blondinet sourit d'un air soulagé. Il avait en horreur ces soirées où Théodore le traînait, de gré ou de force. L'alcool y coulait à flot, les bretons étaient friands de cette ambiance et, s'il adorait ce genre d'atmosphère autrefois, désormais le jeune homme buvait surtout pour s'écrouler ensuite. Les nuits étaient sans rêve, sans cauchemar, sans interruption jusqu'au matin où le réveil était terrible...

Mais valait mieux la douleur d'un mal de tête, quelques grammes de boisson encore dans le sang, plutôt que la douleur que sa mémoire lui imposait régulièrement.

- Et il n'y a pas d'alcool. Du moins, logiquement... Après, je ne sais pas.

- Hum ?

- Il y a quelques semaines dans sa lettre, Pansy m'a parlé d'une faiseuse de sorts dans la région.

- Une sorcière, tu veux dire.

- Pour les sorciers, c'est une faiseuse de sorts, répéta Théodore. Chez les moldus, elle se fait appeler magicienne.

Draco leva un sourcil, à peine intéressé, cherchant à savoir où voulait en venir son interlocuteur.

- Elle y connaît un rayon en potions, en divination, et en malédiction. Ses dons de voyance seraient extraordinaires.

- Depuis quand es-tu intéressé par de tels conneries, Théo ?

Théodore hésita. Si le blondinet n'avait pas l'air aussi nerveux qu'à l'accoutumé, il restait sur la défensive. Il sentit son regard sur lui quand il se redressa mais ne le releva pas.

- Depuis que tu te lèves chaque nuit, ou presque, répondit-il en haussant les épaules. Il faudrait peut-être que tu fasses quelque chose, non ?

Draco ouvrit la bouche mais Théodore fut plus rapide, il enchaîna :

- J'en aurais bien besoin aussi. Je n'y crois pas beaucoup, mais ça ne coûte rien d'essayer. Et puis, on a du temps à tuer. Plus qu'un mois avant de retourner à Poudlard !

- Comme si j'avais envie d'y aller… Chez cette magicienne, comme cette maudite école.

- Si seulement tu étais un poil plus pessimiste ! se moqua Théodore.

- Parfois tu es chiant, Théo, que veux-tu que je te dise ? Tu te plains que je tais ce que je ressens, mais ça, c'est ce que je ressens, merde.

Le Serpentard conclut en se levant et tournant le dos à son ami sans attendre sa réponse. Il prit la direction de la maison sans l'attendre, la tasse pendue par l'anse, valsant au rythme de ses pas.

Théodore ne le retint pas, ne forçant jamais plus que nécessaire. Son regard se détacha de la cadence de la tasse pour se poser sur les épaules voûtées de son camarade. Il s'éloignait. Et pas seulement physiquement.

Il soupira, espérant que la rencontre avec la faiseuse de sorts apporte au moins un peu de distraction dans leur quotidien morbide. Leurs journées étaient pauvres et lentes. Leurs nuits étaient troublées par des cauchemars et des sueurs froides. Il fallait bien commencer quelque part pour se débarrasser de leurs démons. L'idée de Pansy lui avait parut farfelue, mais elle avait fait son chemin. Ce serait un départ, une déception sûrement… Malgré tout, c'était mieux que rien.


05 août, quelque part en Bretagne. France.

- Ça fait des heures que l'on marche…

- Si tu pouvais cesser de te plaindre !

- Ce n'est pas moi qui aie voulu venir ici, je ne fais que te suivre.

- Eh bien je ne t'ai pas obligé, Draco.

Théodore s'arrêta, essoufflé. Ils marchaient effectivement depuis des heures. La forêt qui s'étendait tout autour d'eux semblait interminable. Elle l'était sûrement, d'ailleurs. La cime des arbres formait avec les nuages un ciel lugubre, et aucun trait de lumière ne venait réchauffer les environs. Ces derniers n'étaient pas avenants, ils dégageaient un sentiment de vide inquiétant, une sorte de magie méconnue. Derrière chacun de leur pas, le chemin donnait la sensation de se refermer, sans retour en arrière possible.

Le garçon s'avança encore un peu, puis finit par tourner sur lui-même. Des rangées de troncs et des fougères légèrement jaunies par la saison, les mêmes partout, le jeune homme ne voyait aucune différence. Et l'humeur amère de son compagnon ne l'aidait guère à se repérer.

- Tout ça pour voir une vieille qui nous entubera comme des cons, ajouta le blondinet.

- Laisse-moi me concentrer, je suis sûr que nous sommes déjà passés par ici.

Draco soupira, il partageait la même pensée : le coin lui paraissait familier.

Et il ne l'avouerait pas à voix haute mais cette rencontre l'angoissait. Quelles que soient ses paroles, il gardait un minime espoir que cette dame puisse faire quelque chose pour ses terreurs nocturnes. Quelque chose, n'importe quoi. Il attendait un déclic de sa part. C'était sûrement dans les cordes d'une faiseuse de sorts, non ? Était-elle une sorcière ? Plus, moins, puissante ? Si ces dons étaient si extraordinaires, elle devait bien pouvoir l'aider !

Il jeta un coup d'œil à Théodore. En tout cas, il ne pouvait pas dire que lui, aidait beaucoup son ami aujourd'hui... Ni ces derniers temps, même. Sa mauvaise humeur allait croissant.

Son cauchemar de la nuit hantait toujours son esprit. D'ordinaire, il s'efforçait de passer à autre chose une fois le jour levé. Mais cette journée semblait différente, les images ne le quittaient plus. Il n'avait rien oublié de son rêve, il n'arrivait pas à le ranger dans un coin de sa tête. Ce n'était pas tant un souvenir, mais un morceau de la guerre qu'on lui avait raconté après coup et que son cerveau avait aménagé à sa convenance. La mort de Severus, son cher parrain. Et il avait beau être réveillé, une main invisible lui enserrait toujours violemment le cœur.

- Nous ferions mieux d'avancer, dit-il brusquement. Nous n'avons qu'à suivre le chemin...

Marcher le tenait au moins occupé; il entrait dans un certain automatisme.

- Je n'aurais jamais dû avoir cette idée, marmonna Théodore derrière lui.

- Ce n'est pas la plus mauvaise que tu aies eu, s'adoucit le jeune homme. Ne t'en fais pas.

- M'ouais. En attendant, c'est la première fois que je suis une rumeur les yeux fermés. J'aurais peut-être dû faire quelques recherches, avant.

Bien qu'il soit d'accord, Draco retourna à son mutisme.

De son côté, Théodore se morfondait. Son ami n'était guère enchanté par cette promenade dans les bois, et plus les minutes s'écoulaient, plus il regrettait de l'avoir entraîné dans ses lubies. C'était une chimère ! Porté bêtement par l'espoir que tout aille mieux pour eux, il avait peut-être empiré la situation.

La forêt ne voulait pas de leur présence, elle les crachait. Il le sentait physiquement, et Draco devait le sentir aussi. Cette faiseuse de sorts était certainement une sorcière, mais elle ne souhaitait pas les recevoir c'était certain. Il soupira, rattrapant la silhouette devant lui. Combien de temps avant que la nuit tombe ?, songea-t-il. Le ciel se faisait de plus en plus sombre. Et la température déclinait.

Ils marchèrent encore, longtemps, ce qu'il leur semblait être des heures. Une éternité. Puis une goutte, deux, trois, une averse traversa les hauts feuillages pour s'écraser sur eux. Les effluves agréables de mousse et d'humidité ne parvinrent pas à rendre leur périple meilleur. Les bois furent trempés en quelques secondes, ainsi que leurs vêtements, leurs capes. Leurs cheveux dégoulinaient. L'orage éclatait et aucun d'eux ne se décidait à sortir leur baguette pour se protéger.

Grommelant, ils continuèrent simplement d'avancer. La pluie était si brumeuse et tonitruante qu'ils ne pouvaient s'entendre et distinguer le sentier.

Quand la pluie ralentit enfin, Draco releva la tête pour observer les alentours. Son cœur tambourinait violemment dans sa poitrine, la forêt était moins dense, leur aventure commençait peut-être à porter ses fruits. Un énorme chêne dont les branches majestueuses s'emmêlaient les unes aux autres se trouvait dans sa ligne de mire. Une vielle balançoire y pendait, et les vestiges d'une cabane d'enfant s'y trouvait en hauteur.

- Nous ne sommes encore jamais passés par ici ! dit-il.

- C'est vrai... Cet arbre est immense, je m'en souviendrais.

Théodore s'avança jusqu'au chêne pour s'abriter dans son ombre. Il reprit son souffle.

- Mais on marche depuis ce midi. Je suis épuisé.

- Tout ça pour une vieille.

- On n'en sait rien, si elle est vieille...

- A mon avis pour vivre dans une forêt pareille, soit tu es moche, soit tu es vieux. Ou les deux.

- Draco, réprimanda Théodore.

- Sans parler de ce... de ce métier ? Faiseuse de sorts, magicienne, sorcière, qu'importe, tous les éléments sont réunis. C'est sûrement une vieille avec trente-six chats.

- Et même si c'était le cas, ce n'est pas le plus important, non ?

Théodore était nerveux. Ces bois le mettaient mal à l'aise. Il se sentait épié, entendu, suivi. Il se demandait si Draco le réalisait aussi, ou s'il n'y prêtait pas attention pour débiter de telles insanités.

Draco fit quelques pas vers l'arbre, les yeux rivés sur la cabane défraichie. Les enfants qui l'avaient aménagée ne venaient plus depuis longtemps. Le tout menaçait de s'écrouler des branches, et les champignons avaient d'ors et déjà recouvert le toit. Il donna un coup de pieds dans la balançoire. A sa connaissance, ils se trouvaient à des kilomètres du village le plus proche. Qui aurait pu s'aventurer aussi loin ?

- Tu entends ? demanda Théodore.

- Je n'entends rien de particulier, à part la pluie. Pourquoi ?

- Justement, tu ne réalises pas qu'on n'entend rien ? Nous sommes en été, dans une forêt, il devrait y avoir des animaux.

- Ils doivent s'abriter quelque part.

Théodore secoua la tête, peu convaincu, tandis que Draco tendit l'oreille. En effet, mis à part le vent troublé par les gouttes d'eau et l'orage qui s'éloignait, il ne percevait que leurs propres respirations. Rien d'autre ne lui parvenait. Pas même le cri d'un oiseau.

- Je suis certain que nous ne sommes pas très loin, reprit Théodore. C'est sûrement son aura qui les éloigne, un sortilège, ou je ne sais quoi.

- Quoi qu'il en soit, j'espère bien qu'elle aura du café en arrivant. Et un meilleur que le tien.

Le jeune homme lui répondit d'un soupir étouffé par un rire. Un sourire s'étendit sur le visage du blondinet.

- Allez, finissons-en, ce chemin doit bien mener quelque part.

- Je n'aurais pas dû te traîner là-dedans.

- Arrête, ce n'est pas comme si j'avais prévu quelque chose de plus passionnant…

Ils se sourirent et Théodore se redressa. Maintenant que son ami le lui avait fait remarquer, Draco pouvait sentir le silence qui les entourait. L'atmosphère était pesante. Leurs voix résonnaient presque, formant un écho très lointain et faible. Un frisson lui parcourut la colonne vertébrale et d'un réflexe, il se retourna.

- Ça ne va pas ? demanda Théodore.

- C'est... non, rien. Continuons, tu veux ?

Le frisson. Il avait fini sa course dans sa nuque, tel un vilain fourmillement. La sensation fut désagréable, peu naturelle. Menaçante. Comme un regard scrutateur, mauvais. Nerveux, il rejoignit sans un mot Théodore qui l'attendait au bord du piteux sentier.

Ils se remirent en marche. La motivation n'était pas au beau fixe, et il faisait de plus en plus froid. Néanmoins, les deux garçons ne semblaient pas vouloir abandonner. Chaque pas les rapprochait de la faiseuse de sorts, c'était tout ce qui comptait. Chaque pas les menait peut-être à la paix, au soulagement de l'âme.

Mais, quelques mètres plus loin, ce fut la pluie qui les accueillit, vigoureuse. Elle reprit de plus belle. Des trombes d'eau se déversèrent. L'averse était lourde, suffocante, chaque goutte martelait leur corps, puissante, jusqu'à les clouer sur place. Leur vision se ternit de nouveau et ils perdirent de leur vitesse.

Les yeux rivés sur le sol, à suivre les empreintes fraîche de Théodore dans la boue, Draco étouffait. Il suivait son ami à la trace mais il avait l'impression de se noyer dans sa capuche. Il avait chaud et froid à la fois, et son corps entier s'engourdissait à mesure qu'il marchait. Il cria de s'arrêter, sans que sa voix porte, obstruée par la pluie. Il continua donc de marcher. Un pas, après l'autre, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus respirer.

Il releva la tête, se dégagea de sa cape et prit une profonde goulée d'air. Ce fut après la seconde inspiration qu'il remarqua l'absence de la pluie diluvienne, et la brise douce qui s'engouffrait dans ses cheveux.

Il cligna des yeux, abasourdi, avant de regarder droit devant lui. La forêt avait disparu, et Théodore avec. Il n'y avait plus que lui, face à une immensité d'eau aux vaguelettes inoffensives, entouré de collines verdoyantes. Interdit, il regarda le décor puis maugréa. C'était un lac, et pas n'importe quel lac même. Le lac. Celui de Poudlard. Mais c'était impossible, n'est-ce pas ?

Son corps pivota brusquement, son cœur s'accéléra. Impossible, impossible, imp..., se répéta-t-il, en vain, quand il fit face à la falaise et le château qui le surplombait. Il recula d'un pas, avant de se rappeler qu'il se trouvait à l'extrémité du quai, et que rien ne se trouvait derrière lui si ce n'était une barque et les eaux profondes du lac. Ses yeux s'arrêtèrent sur la barque, flottant paisiblement.

Son courage le désertait. Il n'osait plus regarder vers le château. Ce n'était pas tant l'invraisemblable de cette vision qui le tétanisait, mais revoir cette école, ces hautes tourelles, immobiles face au vent, et deviner la vaste cour de l'autre côté, bordée par la forêt interdite. Ces noms, ces lieux, qu'il avait saccagé et qui servait de cadre à ses cauchemars. Il n'avait pas prévu d'y retourner si tôt.

Mais il avait beau se concentrer, et pincer la peau de son bras, l'hallucination était toujours là. Toujours aussi réelle.

- Foutue sorcière, maugréa-t-il finalement.

Ce ne pouvait qu'être de la magie. Et il soupçonnait la faiseuse de sorts à l'origine de cette malédiction. Qui d'autre aurait pu créer une illusion aussi parfaite ? Ni lui ni Théodore n'avait autant de talent, et Théodore ne lui ferait jamais une plaisanterie pareille. Draco pouvait sentir le parfum d'algue émanant du lac, entendre la barque tanguer régulièrement contre le ponton, et même respirer cet air qui différait de la forêt où il avait mis les pieds en début d'après-midi.

Il était à Poudlard. Et bien que la pluie se soit arrêtée, ce Poudlard n'était pas plus avenant pour autant. Un bruit, comme un objet lourd qui dégringolait, le fit sursauter.

Son regard s'arrêta sur le hangar à bateaux, sur la rive. C'était de là que cela provenait. Il prit une profonde inspiration.

- A nous deux, magicienne de malheur...

Son humeur maussade venait d'empirer. Lui, qui avait fini par se faire à cette rencontre, et même à l'idéaliser, était de retour au point de départ. S'il se retrouvait face à cette vieille, il lui lâcherait ses quatre vérités.

Il s'avança rapidement, portée par sa colère. Vraiment, il lui referait son portrait.

Mais, quand le hangar se dessina plus précisément et qu'il ne se tenait plus qu'à quelques centimètres, le jeune homme s'immobilisa, raide. Colère, haine, rage, violence... Les émotions animées se ratatinèrent brusquement de manière à ne former qu'une petite boule en lui, une boule d'angoisse.

Deux silhouettes. Une voix. Il voulut reculer, c'était son rêve, c'était exactement son rêve, son cauchemar, sa vision sanglante. Vite ! s'affola-t-il.

Ses pieds restèrent pourtant figés dans le sol. En dépit de son agitation, son corps ne put amorcer le moindre geste. Il était piégé ici, dans cette apparition de l'horreur, ce dont il avait rêvé et qu'il avait fuit au réveil en rejoignant la douceur de la plage.

Les silhouettes s'éclaircirent, et il reconnut leur identité avant de voir clairement leur visage. Il vit les doigts crochus, fourchus, terrifiants de Voldemort se planter dans le visage blême de Severus, au comble de sa peur. Un pieu était planté dans l'abdomen de son parrain, du sang s'étalait autour de lui, en une flaque visqueuse. Draco eut la nausée. Il était pourtant toujours vivant. Il balbutiait, inaudible, tandis que le mage noir grandissait, s'étendait, jusqu'au plafond.

Draco reconnaissait les détails exacts de son cauchemar, et qui détonnait face à la réalité. Ce n'est pas vrai ! tenta-t-il. Mais sa peur était intacte. Il voyait l'un de ses rares proches à l'aube de la mort, sans la moindre lueur d'espoir dans son regard. Il voyait le Seigneur des Ténèbres, plus effrayant et puissant que jamais.

- Allez-vous faire foutre ! finit-il par rugir. Allez-vous faire putain de foutre !

La colère parlait, déforma un instant l'hallucination. En vain, l'image redevint nette et Voldemort pivota vers lui. Draco se retrouva à faire un pas en arrière, doutant soudainement de l'authenticité de la vision. Il s'approchait, dans sa direction. Il le voyait. Les frissons l'immobilisaient.

- Je refuse, lâcha-t-il. Vous n'êtes qu'une maudite sorcière, et je vous tuerais ! Je refuse de rester là, je refuse !

La sueur perla à son front. Il n'était plus très loin, et ses prunelles rouges vibraient d'un mépris qui le tétanisait d'avance. Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai..., se rassura Draco, avant de dégainer pourtant sa baguette. Protego !

Sous la violence de son sortilège défensif, il tomba sur le sol, les mains dans la mousse et la terre humide. Sa baguette était là, entre ses doigts, et un bouclier magique l'entourait. Il haletait, encore sous le choc. Son corps tremblait, et son cœur, son cœur semblait vouloir le lâcher. Il l'avait vu, si proche, si réel. Et Severus, si pâle, si mourant... Il releva la tête, manquant de vomir. L'adolescent était de retour au milieu de la forêt, au pied du chêne et de la petite cabane moisie.

Mais cette fois, sur la balançoire se tenait une femme de la vingtaine, peut-être plus vieille. Un visage sévère et sans émotion le jaugeait. Il émanait d'elle autant de mépris que de calme, et elle se balançait doucement, comme si Draco n'avait jamais vécu son cauchemar en grandeur nature.

Le garçon se leva d'un bond, annulant son sortilège. Il croisa son regard et il la haït d'emblée.

- Qui êtes-vous ? Où est Théodore ?! hurla-t-il, déversant sa rage.

- Théodore... répondit-elle, songeuse. Théodôros... Don de Dieu, il sait le porter.

- Qu'est-ce que vous racontez ? Où est-il !

- Draco, Drago, Précieux, argua-t-elle, d'une voix brusquement dure en le toisant. Précieux que de nom.

Sans savoir ce qu'elle racontait exactement, Draco se sentit piqué au vif. Il ouvrit la bouche pour riposter, mais elle le devança.

- Mais je vais te mener jusqu'à Mère, tel est de toute manière mon ordre. Et jusqu'à ton Don de Dieu. Suis-moi.

La femme n'attendit pas de vérifier s'il s'exécutait et Draco fut tenté de rester sur place... Tant de froideur, et de jugements, il n'avait aucune envie de la côtoyer. Il le fit tout de même. Théodore n'était pas dans les parages, et Draco s'en faisait pour lui. Et s'il avait vécu une hallucination similaire ? Comment se sentait-il, présentement ?

Son guide s'engouffra dans les fougères, quittant le sentier initial. Méfiant, Draco s'élança tout de même à sa suite. Et les bois se refermèrent sur eux.

Ils marchèrent dans le silence seulement quelques minutes. Très vite, les arbres laissèrent place à une clairière invisible vue du chemin forestier. Une chaumière y tenait en son centre, bordée d'un ancien mur de pierres et de plantes furieusement emmêlées les unes aux autres. La porte était ouverte, et un renard roux se tenait sur le perron, seul garde de la bâtisse.

L'accompagnatrice de Draco ne s'arrêta pas, elle entra, donnant une caresse à l'animal au passage. Le jeune homme hésita sur le seuil. Le canidé était indifférent, mais l'atmosphère de la maison était saisissante. Un parfum d'herbes régnait, tenace, des marques étranges et inconnues étaient dessinées dans l'encadrement de la porte et lui rappelait vaguement des mythes anciens.

- Où est-il ? entendit-il Théodore, de l'intérieur.

- Il traîne, il traîne.

Il reconnut son guide et son arrogance naturelle. A cette simple provocation, il envisagea de faire marche arrière. Théodore ne lui semblait d'ailleurs pas secoué au vu de son ton... Peut-être pouvait-il lui fausser compagnie.

- Toujours à l'extérieur, mon enfant, ajouta une troisième voix, un peu chevrotante. Il hésite à faire acte de présence parmi nous.

- Il entrera !

- Ton ami tremble de peur, Don de Dieu.

Théodore grommela quelque chose d'inaudible en retour.

Draco, lui, finit par capituler. Il fit un pas dans la chaumière, prenant de plein fouet le relent de plantes. Il entra dans une pièce unique avec un escalier menant vers les combles de la maison. A sa gauche, il y avait un nécessaire de cuisine débordant d'ustensiles et d'aliments en tout genre. A sa droite, un petit salon bordélique dont les meubles confortables paraissaient bien trop gros pour l'espace. Il y avait un tel désordre... toutefois, tout semblait méticuleusement à sa place. C'était un joyeux bazar cultivé avec soin.

Théodore, son guide, et deux autres femmes se tenait près de la cheminée qui occupait tout un pan de mur du séjour.

Les épaules de Théodore s'affaissèrent de soulagement en le voyant. En revanche, celles de Draco se tendirent. Son guide avait un double identique, une jumelle, et son regard était tout aussi vibrant de mépris à son égard. La dernière personne était sûrement leur mère, la faiseuse de sorts qu'ils recherchaient. Elle collait particulièrement à l'image qu'il s'était fait d'elle; Un visage ridé encadré de cheveux blancs attachés en chignon, une taille courbée laissant deviner son âge avancé, et un vieux châle sur ses épaules. Excepté ses yeux. La vielle dame possédait des yeux limpides, de couleur d'or, imprégnés d'une magie tellement brut qu'il pouvait sentir la sienne lui répondre à l'intérieur de ses veines.

- Je vous l'avais dit, fit Théodore. Il est entré.

- Mais il tremble toujours de peur, répondit la magicienne.

- C'est faux ! Je tremble de colère ! Vous..., s'écria Draco... Vous. Vous n'avez aucune idée de ce que vous avez fait avec cette vision !

Ses mains se fermèrent en poings. Il avait conscience des regards tournés vers lui, et de Théodore qui tentait de l'arrêter, hébété par son entrée en la matière. Mais c'était vrai, sa rage était revenue, un peu plus démente. Il refusait de croire qu'on ait pu lui imposer une pareille hallucination ! Tout cela pour... ça.

La faiseuse de sorts s'avança vers lui à pas lents, sans se départir de son indifférence.

- Tu as déjà rencontré Maggie, dit-elle simplement, ce qui le réduisit au silence.

- Margaret, répondit la jeune femme. Margaret, ou Perle du Printemps.

- Et voici, Mathilde.

- Force des Eléments, intervint la concernée.

- Quant à moi, je suis celle que tu cherches. Mage Anaëlle ou Grâce de l'Ange. La nature de nos prénoms est importante et définit qui nous sommes, appelles-moi comme tu le souhaites mais je te préviens qu'ici, Draco, tu seras Précieux.

Draco se sentit mal à l'aise. Sa rage ne s'était pas tarie, mais ce discours... le prenait par surprise. Où était-il tombé ? Il ne sut que répondre. Il chercha Théodore du regard.

- Je ne vous appellerai rien du tout. Théo, on s'en va.

- Attends, tu devrais peut-être...

- Je ne resterai pas une minute de plus chez ces fous ! Vous m'entendez ? Vous êtes cinglés, voila tout. Je me retrouve dans une hallucination morbide, et vous m'accueillez tel quel, comme si de rien était ? Je vous l'ai dit, je refuse. Je refuse d'avoir affaire à vous.

Il se tourna vers la porte et prit la direction de la sortie. Ses mains tremblaient. Mais il ne savait effectivement plus si c'était de la colère ou de la peur. Les trois femmes, dans cette pièce, lui filaient la chair de poule. Elles étaient en marge, différentes.

Sur le perron, le renard lui jeta un coup d'œil furtif et intrigué, avant de se reprendre et de s'asseoir nonchalamment. Le jeune homme se sentit brusquement seul. Et pour cause, quand il se retourna, Théodore n'avait pas bougé d'un pouce. Son ami secoua la tête :

- Navré, Draco, mais je suis certaine qu'Anaëlle peut nous aider.

- Une mage n'est rien d'autre qu'une sorcière. Reste si tu veux, mais je n'ai pas d'aide à recevoir d'une folle qui m'aurait bien laissé périr dans ma vision. Je m'en vais.

Un ricanement se glissa entre eux. Margaret, Mathilde, l'une des deux pouffait.

- Ta vision... Il ne tenait qu'à toi d'en sortir ! Ton compagnon n'est pas resté plus de quelques secondes dans la sienne. La triste vérité est que tu es faible !

L'insulte le paralysa, le renvoya à celles qu'ils avaient subit auprès du Seigneur des Ténèbres, les Mangemorts, sa propre famille également. Faible, lâche, stupide. Il encaissa difficilement et s'avança d'un pas, menaçant.

- Je l'avais bien dit... continua l'autre. Précieux, il ne sait même pas porter son prénom. Ce garçon est tout, sauf précieux.

- Maggie, Mathilde, suffit !

- Mère. Ce gamin n'a aucune conscience de ces capacités, je ne fais qu'énoncer ce qui est vrai.

- Suffit, répéta la mage. Dehors. Toutes les deux.

Elles soupirèrent à l'unisson, mais ne retinrent pas leurs rires en passant auprès du jeune homme. Sous l'influence de leur espièglerie, elles donnaient l'air d'être beaucoup plus jeunes qu'elles ne l'étaient en réalité. Draco retint de justesse les mots qu'il contenait au bout de sa langue.

- Bien, reprit la vieille dame quand la porte se referma. Précieux, je ne suis pas une sorcière et j'y tiens. Maintenant, assieds-toi. Toi aussi, Don de Dieu.

- Mage, sorcière, je ne vois aucune différence... marmonna le blondinet en se faisant une place sur le sofa encombré.

- Me vois-tu avec une baguette, mon petit ? Les pouvoirs des mages défient celui des sorciers, mais les mages sont bien moins nombreux et plus discrets. Nous ne sommes qu'une petite poignée disséminé dans le monde entier. La plupart des vôtres ne connaît pas même notre existence.

Sa main virevolta dans l'air avec une grâce surprenante pour son âge, et en un battement de cil, un feu chaleureux naquit dans l'âtre et un nécessaire à thé apparut sur la table basse entre eux.

- Tant que j'y pense, et bien parce que tu me l'as rappelé, Précieux, je suis navrée pour l'hallucination. Mais vous comprenez, il me faut trier mes visiteurs. Cette forêt m'appartient, je vous vois, je vous entends, je vous suis dès que vous y entrez. Néanmoins, je ne peux connaître vos réelles motivations si je n'accède pas à votre âme. Certains repartent d'ici sans jamais me voir et je ne reste qu'une légende, d'autres y parviennent. Bienvenue à tous les deux.

- Merci, répondit Théodore, légèrement gêné par la tirade. Et je suis désolé à mon tour, si nous vous avons causé des ennuis.

La mage lui sourit, mais s'arrêta froidement sur Draco qui refusait de s'excuser de quoi que ce soit. Il croisa les bras sur sa poitrine, sans toucher au thé. Tendu il était, mais confiant tout de même. Son attitude n'était que le reflet de cet accueil peu ordinaire. Anaëlle revint à Théodore en l'ignorant.

- Que viennent faire par ici deux Anglais ?

- Rechercher un peu de paix. Nous... enfin, je parle en mon nom mais je suis certain que Draco aussi, nous sommes sujet à des cauchemars, un sommeil agité, et des souvenirs effroyables. Ça empire de jour en jour.

- Des souvenirs effroyables, dis-tu. Oui, oui, j'en ai vu des brides en vous sondant. Ce n'est pas joli-joli…

Elle se mit à marmonner en faisant le tour de la pièce. Draco la suivit des yeux. La mage mit de côté des cartons, des sacoches, des chaudrons, des babioles et des tapisseries, et de la poussière, un attirail inimaginable, avant de s'arrêter sur un tiroir de la cuisine et d'en sortir un minuscule collier, serti d'une perle noire.

- Ne te fis pas à la couleur, dit-elle en le tendant à Théodore. Cette amulette aspirera le mal qui te hante. Elle ne le fera pas disparaître, ce sont tes démons et c'est à toi de t'en charger, mais elle t'aidera à trouver l'apaisement que tu recherches.

- Merci.

- Quant à toi, fit-elle en se tournant vers Draco et en perdant son ton avenant. Hum. Tu es un cas plus compliqué.

Le blondinet se raidit dans son fauteuil.

- Je sens ta peine et ton angoisse. Tout comme je lis ta détresse. J'ai vu et je vois ton besoin d'être sauvé. Mais mes filles ont raison, Précieux. Tu as le cœur noir, et il y a des choses qu'une mage ne peut pas faire. Je ne peux t'aider si tu ne t'aides toi-même.

- Vous ne pouvez rien pour moi, c'est ce que vous êtes en train de dire ? s'énerva-t-il. N'est-ce pas ?

- Ce n'est pas ce qu'elle a dit, Draco. Je suis certaine qu'elle va...

- Ferme-la ! Tu as eu ce que tu voulais, toi !

Il réalisa trop tard ce qu'il venait de dire. Bien sûr qu'il ressentait de l'envie, une certaine jalousie de voir le problème de son camarade se régler en un claquement de doigts, mais il n'avait pas eu l'intention de le dire... Le visage d'Anaëlle se durcit.

- C'est exactement ce que Maggie et Mathilde te disaient. Et c'est exactement ce que je vais te dire : Tu ne possèdes pas ton nom. Tandis que l'âme de ton ami est bienveillante et noble, la tienne est brouillée. Ton cœur est noir, tu dérives, tu cherches tant bien que mal un point d'ancrage...

- C'est faux.

- Tu étais dangereux et tu le restes, reprit-elle, d'une voix plus forte. Tu restes enveloppé dans ton désespoir et oublie ce qui t'entoure. Précieux, tu pourrais réellement être. Précieux, tu ne veux pas. Tu ne t'autorises ni bienveillance ni faiblesse, et l'humilité est absent de ton vocabulaire.

Draco déglutit. Il sentait le regard peiné de son ami à ses côtés. Des paroles d'excuses lui mordaient les lèvres, mais il était pétrifié. Jamais quelqu'un n'avait osé s'adresser à lui de la sorte. Il était celui qui était venu, pensant lâcher ses quatre vérités. C'était pourtant lui, qui les recevait. Et c'était étrangement douloureux.

- Je ne peux pas grand-chose pour toi, mon garçon, conclut Anaëlle.

- Je ne suis ni votre petit ni votre garçon... rétorqua-t-il.

- Et cela se voit bien. Dans ton état, tu ne pourrais être le petit et le garçon de personne.

- Je m'en vais.

Il se leva d'un bond, difficilement soutenu par ses jambes fragiles. Il se sentait physiquement atteint par les mots de la mage, par cette vérité qu'il connaissait, et qu'il ne pouvait après tout pas changer. Il était fait ainsi, c'était sa nature. Ce n'était pas tant qu'il ne souhaitait pas être Précieux, il ne l'était pas, un point c'est tout.

- Je n'ai pas dit que je ne pouvais rien faire, ajouta doucement la dame. Mais tout dépendra de toi. A quel point as-tu envie de sacrifier de toi-même pour connaître la paix ?

Sa raison voulut prendre le temps de réfléchir, vraiment, mais la proposition fut trop tentante pour le faire. Il revint vers elle.

- Tout. Je suis prêt à tout.

- En es-tu capable, es-tu prêt, ce n'est pas...

- Je suis prêt, coupa Draco. Je ne désire que ça.

- Je peux lancer une malédiction, conclut Anaëlle. Ce ne sera pas une mince affaire, autant pour toi que pour moi. Mais tout dépend de ta volonté.

- Faites-le.

- Draco... intervint timidement Théodore. Tu devrais peut-être y penser un peu avant. Une malédiction n'est jamais simple, il y a une contrepartie, et... et elle peut être très longue.

- Ton ami dit vrai, tu devrais...

- S'il vous plaît, trancha-t-il. Faites-le.

Ses yeux gris croisèrent les yeux couleur d'or liquide de la mage. Ces derniers étaient forts et pénétrants, mais pas un instant il ne brisa le contact. La mage finit par acquiescer lentement face à son assurance, et se détourna vers ses outils.

Draco sentit l'air envahir ses poumons. Il respirait librement, le soulagement avait remplacé la rage et l'angoisse. Le jeune homme était toujours nerveux. Néanmoins, Théodore avait trouvé une amulette, et lui, avait trouvé une solution.

Anaëlle traça brusquement une ligne sur son front. Il n'avait vu son geste arriver, perdu dans ses pensées. Et déjà elle s'éloignait, farfouillant de nouveau. Une odeur piquante, presque rance, lui parvint. Du bout des doigts, il toucha son visage. De la poudre sur son front, de la poudre rouge. Quand elle revint une seconde fois vers lui, il anticipa. Le pouce de la vieille dame trace deux nouvelles lignes, une le long de sa gorge, une le long de son abdomen. Du jaune, avec une légère odeur automnale.

Son cœur lui martelait la poitrine. Ces tracés l'inquiétaient autant qu'ils le regorgeaient d'espoir, ils signifiaient forcément quelque chose... Mais qu'allait-il se passer ? Théodore dans son coin, gardait le silence, obnubilé lui aussi par ce qu'Anaëlle prévoyait.

D'autres lignes gagnèrent les précédentes. Des bleus, humides, sur les bras et les jambes. Une orange avec un vilain parfum de souffre sur la longueur son dos. Du vert sur ses ongles, et du noir dans ses cheveux. Il devenait multicolore, il ne devait plus ressembler à un humain décent, peut-être même avait-il l'air ridicule. Chaque respiration apportait un mélange intriguant et magique à son odorat. Différentes odeurs, matières.

- Tu peux toujours reculer, mon garçon, dit Anaëlle avec un regard doux.

- Que va-t-il m'arriver ?

- Une malédiction ne marcherait pas si elle était dévoilée d'avance, navrée. Tu peux faire marche arrière, et revenir me voir un autre jour, ou jamais, si tel est ton souhait.

- Je suis prêt à tout pour être en paix, répondit-il sans flancher. Tout.

La mage hocha la tête et se recula. Elle admira son travail, se racla la gorge. Puis, ses paupières se fermèrent. Les yeux d'or disparurent, et, peu à peu, une belle musique fredonnée s'échappa de ses fines lèvres ridées. Une mélodie entêtante, qui au fil des secondes, des minutes même, fit son chemin dans l'esprit de Draco.

Il ne le réalisa que sur le tard; Ses propres lèvres remuaient, murmuraient le chant. Elles suivaient les notes, la cadence, s'ouvrirent. Il chantait vraiment, à son grand étonnement. Mais ce n'était pas sa voix, c'était la voix d'Anaëlle. La magie circulait, et ce n'était plus uniquement la sienne. Et Théodore se recula dans un coin, se fit tout petit, hypnotisé par la scène et la mélopée. Oui, c'était de la magie, de la magie à l'état pure. Puissante. Dévorante.

Comme il n'en avait jamais été témoin.

Draco ne sentit pas le changement opérer. Il réalisait seulement que la voix endormait son corps. Son esprit était présent mais en pause, déconnecté. Anaëlle, Théodore, la vieille chaumière, tout semblait se dérouler au ralenti.

Ses membres se firent lourds. La voix d'Anaëlle qui se propageaient à travers ses lèvres se fit rauque et basse. La musique n'était plus légère et chantante, elle devenait de plus en plus gutturale. Jusqu'à ce que ses lèvres se ferment. Et que ce ne soit plus qu'un fredonnement vibrant à nouveau. A cet instant, il perdit totalement contact avec la réalité. Le noir complet.

Anaëlle rouvrit vivement les yeux et tituba, se rattrapant in extremis au meuble le plus proche.

Le cœur de Théodore battait en sourdine et résonnait dans ses tempes. Persuadé une minute plus tôt que son meilleur ami avait fait une connerie, désormais, il ne pouvait plus aligner une seule pensée cohérente. Car devant lui se tenait l'improbable.

Un magnifique loup se trouvait à la place de son ami. Une bête imposante au pelage blanc. Seules les marques de couleurs qui zébraient ses poils lui rappelaient Draco et ce que ce dernier avait fait. Il avait devant lui un animal qu'il ne savait pas appréhender. Était-ce toujours lui ? Était-ce vraiment lui ? Il était difficile de le croire. Le loup respirait paisiblement, le museau replié dans ses pattes monstrueuses comme s'il dormait, mais rien chez ce dernier ne rassurait Théodore.

Il frissonna. Ça s'annonçait mal.

- Qu'est-ce que vous avez fait ?! s'écria-t-il finalement.

- Il a accepté le contrat, Don de Dieu, ce n'est pas de ton ressort.

- Mais. Il n'est plus humain !

La mage plongea ses yeux dans les siens, et il se sentit reculer contre le mur. Elle était puissante. Avec ce qu'elle avait fait, il la redoutait.

- Je ne te ferais aucun mal, dit-elle en s'asseyant dans le canapé. Je n'utilise pas ma magie contre les gens.

- Il...

Mais il se tut. Le loup remuait.

Draco inspira par le nez. C'était étrange. De nouveaux parfums régnaient dans la chaumière, ajoutée à cette fragrance d'herbes déjà enivrante. Il inspira une seconde fois. Les odeurs étaient profondes et entêtantes. Il pouvait distinguer les plantes : de la camomille, de la verveine, plus loin du thym, de la menthe... Une troisième inspiration, plus grande, envoya d'autres signaux : de la poussière, du carton, un reste de cuisine, de la cendre, d'autres relent de végétaux, moins inoffensif : laurier rose, mandragore, algues, belladone...

Ce n'était plus étrange, c'était anormal. Jamais il n'avait pu respirer avec autant de précision tous ces parfums à son entrée. Et il y en avait d'autres ! Tant d'autres ! Il tenta un geste, mais son corps lui répondit peu naturellement. Un instant, le jeune Malfoy eut peur d'ouvrir les yeux.

Les oreilles du loup s'élevèrent, alertes.

Son cœur tambourinait dans sa cage thoracique, rapide, trop rapide. Mais en se calmant et en tendant l'oreille, il perçut d'autres battements. Des battements qui s'accéléraient, frénétiques, accompagnés d'un fumet de peur. L'odeur le frappa, elle était spécifique et peu ragoutante. Les autres battements, eux, demeuraient plus tranquille et trahissait une grande fatigue. Mais l'émotion qui se dégageait de cette personne était surtout une paix douce et enviable.

Il décida de faire acte de présence sous ce parfum agréable. Draco ouvrit les yeux, sur Théodore qui tenta de garder son calme. Ce dernier s'avança d'un pas, la main tendue vers lui, mais sa réticence alarma immédiatement Draco. Il était celui qui sentait mauvais.

Le loup campa sur sa position, le ventre sur le sol. Ses oreilles se plaquèrent en arrière et un léger grondement retentit dans la pièce.

- Calme-toi, Précieux, intervint Anaëlle. Ton ami est seulement un peu inquiet, tu as... changé. Mais n'aies crainte, tu es entre de bonnes mains.

Draco tourna la tête vers les yeux d'or posés sur lui. Qu'entendait la mage par changé ? Maintenant qu'il n'était plus préoccupé par tous ces parfums environnants et la peur piquante de Théodore, une alarme retentit dans son esprit.

Il se leva. Mais, quand bien même sa vision était parfaite, voire plus performante encore qu'auparavant, ses yeux n'arrivaient pas à la même hauteur. Un sentiment de panique l'étouffa instantanément. Son corps répondait mal, comme différent, comme plus musculeux et lourd, patraque. Son regard descendit sur le sol avec crainte, puis un couinement s'échappa de sa bouche.

Il distingua deux pattes avant fournies en griffes acérées, puissantes, et, un poitrail blanc et poilu. Sa tête pivota vers l'arrière. Il était entièrement fait de poils et de force. Deux pattes arrière tout aussi monstrueuses lui appartenaient désormais, et une queue, coincée entre ses jambes, laissait deviner sa vive anxiété. Il était devenu une bête. Un son résonna dans sa gorge, jusqu'à émettre un grognement étouffé.

- Comme tu peux le constater, tu gardes ta mémoire et ta conscience, reprit la mage. Tu gardes également ta magie mais elle ne sera plus aussi simple à utiliser.

A sa grande surprise, Draco encaissa facilement les paroles. Il revint vers Théodore qui s'était approché entre temps en mesurant toujours la situation, et s'avança instinctivement vers lui. En tant que loup, il percevait toutes les émotions qui le secouaient et cette expérience était tout aussi dérangeante qu'énergisante. Pouvoir déceler ce que les autres ressentaient était une chance !

Il réalisa aussi soudainement que Théodore était celui qui demeurait le plus affecté par la situation. Le jeune homme l'observait avec curiosité, appréhensions. Théodore se demandait clairement ce qu'il allait pouvoir faire, maintenant. Alors que Draco, lui, n'était pas aussi nerveux qu'il aurait dû l'être. Cette forme, cette puissance, toutes ces nouveautés qu'il découvrait avec ses cinq sens étaient purement merveilleuses.

- Vous pouvez lui rendre sa forme originelle, non ? demanda Théodore.

- Bien sûr que non. Maintenant, c'est à Précieux de jouer. Écoute, mon garçon, rassura la mage. Ton ami était prêt à tout, il a embrassé son sort.

- Mais...

Le loup glissa sa tête contre sa main, le faisant sursauter. Ses yeux... Ses yeux étaient les mêmes que son ami, d'un gris clair. Théodore soupira. Il ne pouvait pas se tromper : Draco était bien toujours là.

- Précieux, interpella Anaëlle et le loup lui prêta une oreille attentive. C'est à toi de trouver cette paix tu cherches, désormais. Ton état peut durer indéfiniment, si c'est ce que tu souhaites. Mais la malédiction peut aussi être levée. Tout ce qu'il faut pour cela, c'est que quelqu'un t'appelle par ton nom, celui que tu as ou celui que tu es, qu'importe.

- Je pourrais…

- Non, Don de Dieu. Aucun témoin de la malédiction n'a de pouvoir là-dessus. Ni toi ni moi, ni même l'une de mes filles qui nous observent discrètement depuis le début. Évidemment aussi, aucun d'entre nous ne pourra donner d'indice à quiconque, ce qui veut dire que si tu tentes d'en parler, tu perdras momentanément la voix. J'en suis désolée, mais ceci est le chemin de ton ami et il n'est pas identique au tien.

Anaëlle revint au loup et l'ordonna de l'approcher à l'aide de sa main.

- En espérant que cette trêve t'apporte ce que tu souhaites, Précieux. Les animaux ont le cœur le plus pur qui soit, puissent-ils t'aider à te débarrasser des ténèbres qui encombrent le tien.


Alors, ce prologue ? A vos reviews !

En tout cas, j'espère que ça vous a plu.
Pour ma part, à écrire, ce fut vraiment sympathique.

(Il y a encore des fautes, je sais... Je les vois souvent qu'une fois en ligne, et après 36 relectures sur le site ^^ J'en suis désolée !)

Je vous embrasse.
Et pensées à tout le monde en cette triste journée...

Slyth.