Re ! Je sais, ma bonne résolution de publier une fois par mois n'aura pas duré longtemps... mais je compte m'y remettre sérieusement, je vous assure ! J'ai d'ailleurs le souvenir d'une review qui disait que ça valait le coup d'attendre un peu plus si c'était pour un chapitre de bonne qualité ... (Espérons que ce chapitre sera digne de l'attente !)

En parlant de reviews, un grand merci accompagné d'une courbette disgracieuse à tous ceux qui prennent la peine de commenter, d'autant que ce sont toutes de très charmantes reviews qui me vont droit au coeur et me donnent envie de faire de mon mieux pour continuer cette fic !

Merci à ceux qui suivent cette fic depuis le premier chapitre, de même qu'à ceux qui la découvrent avec cette update. Bonne lecture !

Titre: Hypnotize - System of a Down (sans trop de rapport, j'avoue que je manquais d'inspirationpour le titre...)


Hypnotize

Sasori n'avait aucun cours le mercredi, il en profita donc pour faire ses courses alimentaires en ligne ainsi qu'un peu de ménage. Après quoi il erra sur internet pour s'inspirer de documentaires artistiques en quête d'un sujet pratique à donner à ses lycéens. Cela l'occupa une bonne partie de sa journée qu'il acheva en sculptant.

Le jeudi, il n'avait cours que l'après-midi : d'abord avec ses lycéens, puis un cours avec des quatrièmes. Sasori fut soulagé de voir le métro relativement vide lorsqu'il arriva sur le quai et trouva même une place assise où il n'était pas collé à quelqu'un. Son trajet fut particulièrement calme et – à sa grande surprise – presque ennuyeux. Il effleura son esprit que c'était peut-être du à l'absence d'un certain élève blond et il chassa immédiatement cette idée avec irritation.

Le professeur découvrit avec stupeur que l'ambiance générale de la classe à son arrivée était très différente de celle des cours du matin. Les élèves étaient presque tous déjà présents, avachis sur leurs chaises, certains la tête posée sur leurs bras croisés. Sasori attribua cela à la phase de digestion et fut ravi de ne pas avoir à lutter pour obtenir le calme. Il dut cependant hausser un peu le ton pour que certains se réveillent. Hidan et Deidara n'étaient pas de ceux-là : le premier discutait bruyamment avec sa voisine Kônan et le second ne quittait pas Sasori des yeux. Le professeur détourna le regard pour se concentrer sur la liste des élèves.

- Aujourd'hui, annonça-t-il après l'appel, nous allons aborder le premier devoir pratique que je vais vous demander.

Sa déclaration fut accueillie avec un peu d'enthousiasme, et Sasori fut rassuré de constater qu'il y avait quand même dans cette classe quelques personnes qui semblaient réellement apprécier l'art.

- Mon but ici n'est pas de vous évaluer au regard de vos exigences scolaires mais d'avoir un aperçu de votre style, de vos compétences. Vous ne serez pas notés mais ne rien rendre équivaudra à un zéro dans la moyenne et un excellent travail pourra éventuellement aboutir à des points bonus sur le prochain devoir théorique. Les consignes sont très simples. Sur le support de votre choix, vous m'exprimez une identité nationale, ethnique, communautaire... comme vous voulez, quelque chose qui se rattache à vous ou qui vous parle.

Plusieurs élèves commencèrent à chuchoter avec excitation et Sasori n'éprouva pas le besoin de les faire taire, amusé de les voir aussi emballés.

- Monsieur, dites, l'interpella Hidan sans s'encombrer à lever la main, est-ce qu'une fête populaire ça compte ?

- Absolument. Tout ce que je veux c'est un objet d'art qui exprime quelque chose, et pas juste un bel objet pour un bel objet. Compris ?

L'élève afficha un sourire satisfait et se tourna vers son voisin.

- Dei-Dei, tu sais à quoi je pense ?

- Oh, oui.

Une main se leva sagement et Sasori plongea à contrecoeur son regard dans celui de Deidara.

- Oui, Deidara ?

- Est-ce que vous nous ferez aussi ce travail ? Vous savez, pour qu'on apprenne à vous connaître...

Il y vit là une référence pas si subtile au message que Deidara avait laissé sur sa fiche quelques jours plus tôt. Il était sur le point de refuser lorsqu'une élève surenchérit :

- Oh oui monsieur, s'il vous plaît, montrez-nous ce que vous savez faire !

Sasori hésita : il n'avait pas soumis son travail à la critique depuis la fin de ses études – ce qu'il vendait par correspondance ne comptait pas – et il se sentait soudain très exposé. Il était sur le point de refuser mais un aperçu du sourire espiègle de Deidara suffit à l'ébranler.

- On verra, finit-il par céder, un peu moins affirmé qu'au début du cours.

Il se racla la gorge pour se recentrer.

- Je disais donc que durant cette séance, vous allez pouvoir commencer à concevoir vos travaux, faire des croquis, échanger à voix basse. Des feuilles et des crayons sont à votre disposition et vous avez toute la séance. Venez me voir si vous avez des questions.

Sur ce, Sasori retourna s'asseoir à son bureau et regarda ses élèves aller se servir dans le placard de matériel, changer de place, s'échanger des crayons. Il trouva étrangement touchant de voir tous ces jeunes gens habituellement peu impliqués dans les études s'affairer à ébaucher des brouillons.

Enfin... pas tous. Quelques-uns fixaient leur feuille d'un air désabusé ou dormaient carrément sur la table. Hidan plaisantait allègrement avec Deidara qui crayonnait distraitement sur sa feuille.

Sasori en profita pour s'avancer dans de la paperasse administrative – il détestait prendre du retard – mais au bout d'une demie-heure que Hidan n'avait toujours pas changé d'attitude et n'avait devant lui ni, il décida d'aller le recadrer. Irrité, il s'approcha du duo comique en évitant soigneusement de regarder vers Deidara.

- Otsuge, vous n'avez rien à préparer ?

Le jeune homme lui adressa un large sourire, visiblement très content de lui.

- Non monsieur, j'ai pas de matériel adapté. Mais vous inquiétez pas, ça va déchirer !

- Et vous n'avez pas besoin de faire de brouillon ?

- Nah, j'ai tout dans la tête et de toute façon je suis une brelle avec un crayon, ça sert à rien que j'essaye.

Sasori était perplexe. Toute œuvre pouvait mériter un brouillon, lui-même en faisait régulièrement avant de s'attaquer au bois.

- Soit. Le résultat a intérêt à être travaillé et appliqué.

- Bien sûr, monsieur.

En partant, Sasori jeta un œil à la feuille sur laquelle Deidara crayonnait depuis tout à l'heure. Il distingua plusieurs esquisses d'animaux et de... crânes ? Le professeur ne put se retenir de hausser un sourcil surpris. Des yeux bleus lui lancèrent un regard énigmatique et Sasori se détourna rapidement pour retourner à son bureau.

Il tenta de se changer les idées en se remettant à l'oeuvre – Deidara avait définitivement un regard très troublant – et alors que Sasori avait réussi à se jeter corps et âme dans sa paperasse, il fut interrompu par un élève qui attira son attention sur un croquis... d'animaux et de crânes. Il leva à contrecoeur les yeux vers Deidara.

- Vous avez réfléchi à ma proposition ? Lui demanda-t-il à voix basse en ayant l'air de lui demander des conseils sur ses dessins.

Sasori s'éclaircit la gorge en feignant de s'intéresser à son dessin, ce qui était de toute manière plus facile que de le regarder dans les yeux.

Pas vraiment, car je ne vois pas du tout en quoi tu pourrais m'aider.

- Ah oui ? Moi je vois très bien, rétorqua Deidara d'un air de défi qui semblait presque... espiègle.

- Moi pas. D'ailleurs, je ne vois même pas de quels problèmes tu parles.

Sasori eut l'idée brave mais stupide d'affronter le regard de Deidara et frissonna devant le sourire confiant du jeune homme.

- Vous êtes sûr ? Parce que moi, j'ai remarqué que vous apportiez tous vos repas dans vos tupperwares, que vous les mangiez avec vos propres couverts et que vous vous laviez les mains pratiquement toutes les heures. Et là où je pense que c'est un peu plus handicapant, c'est que vous êtes terrifié dans les transports et dans les couloirs de l'école entre les sonneries – j'ai bien observé que vous preniez vraiment beaucoup de temps pour ranger méticuleusement vos affaires à la fin du cours alors que vous semblez si ponctuel et si impatient.

Devant un tel discours, Sasori ne savait plus trop s'il devait s'énerver, se cacher ou fondre en larmes. Par défaut, il décida de garder son calme et de se défendre comme il pouvait.

- Tu m'as beaucoup observé, j'ai l'impression.

- Vous m'intéressez beaucoup, répondit tout naturellement son élève.

A ce point-là, Sasori ne put qu'ouvrir la bouche et la refermer bêtement en essayant de déterminer s'il pouvait y avoir dans un tel contexte une explication rationnelle qui permettrait à cette déclaration de ne pas être tendancieuse. Devant son silence perplexe, Deidara poursuivit :

- Ecoutez. Je ne vous propose rien de professionnellement compromettant. Je veux juste essayer de vous émanciper de vos obsessions pour vous donner une chance d'avoir une vie sociale et professionnelle à peu près normale.

- Tu crois vraiment que tu as le pouvoir d'accomplir ça ?

- En tout cas, ça ne coûte rien d'essayer.

Sasori resta pensif. Après tout, pourquoi pas ? Deidara n'avait pas tort.

- Qu'est-ce que tu proposes ?

- Samedi, répondit-il. Vous et moi, on sort se balader. C'est bon pour vous ?

S'assurant qu'il était trop tard pour reculer, le professeur acquiesça sans grande conviction – ce qui fut loin d'attaquer l'enthousiasme de Deidara dont le regard avait désormais un air de malice.

- Parfait, dans ce cas. Vous avez gardé mon numéro ?

- Oui. Je veux dire, ton numéro est sur ta fiche, et je l'ai gardée – ta fiche … poursuivit-il, visiblement confus – pourquoi ce gamin le mettait-il aussi mal-à-l'aise ?

- Alors j'attends de vos nouvelles ce soir. Bonne journée, monsieur.

Sur un dernier sourire espiègle, Deidara regagna sa place à côté de Hidan qui sollicita immédiatement son avis sur le débat visiblement animé qu'il avait avec sa voisine Kônan.

Sasori baissa à nouveau les yeux vers ses papiers pour fixer les mots sans les voir.

Venait-il vraiment d'accepter une sortie extra-scolaire – et résolument extra-professionnelle – avec l'un de ses élèves ? Bien que n'enseignant que depuis peu, Sasori avait conscience que ce n'était pas vraiment la définition appropriée d'une relation d'ascendant professoral normale. Il aurait du refuser, il le savait, mais après tout, qu'avait-il à y perdre ? Son travail, certes mais après tout Deidara était majeur, et Sasori avait parfaitement conscience des limites à ne pas dépasser. De plus, même si Sasori trouvait l'idée risible … et si Deidara était réellement capable de changer sa vie ? Sasori s'interrompit un instant pour contempler la vie qu'il pourrait avoir si ce gamin était réellement capable d'un tel prodige.

Des sorties au musées. Des repas au restaurant. Des voyages, peut-être. Des amis – des rencards ? Si Sasori n'avait jamais été dans sa vie un grand coureur et qu'il s'en était passé pendant un long moment, il ne pouvait nier qu'à défaut de lui manquer, le sexe était devenu un tel étranger qu'il se demandait parfois avec crainte et fascination à quoi ressemblerait le contact et la chaleur d'un autre corps contre le sien. Lui qui déjà répugnait à subvenir à ses propres besoins physiques et ne se l'autorisait que dans la douche …

La sonnerie annonçant la fin de la période retentit et Sasori sursauta, son regard tombant alors sur Deidara qui remballait ses affaires, et l'association fortuite entre ses considérations précédentes et le jeune homme l'envahit d'un profond malaise. Il observa celui-ci quitter la classe avec Hidan et commença à ranger ses affaires.

Le midi était particulièrement pénible pour Sasori : le micro-ondes de la salle des professeurs étant hors-service depuis la rentrée, il devait passer par la cafétéria pour réchauffer son plat – cafétéria perpétuellement bruyante et surtout pleine de monde. L'artiste tenta d'échapper au flux des bousculades en se calant entre le micro-onde et la fontaine à eau. Il soupira de soulagement en retrouvant un très relatif sentiment de sécurité, quelque peu mitigé par un certain malaise lié à l'hygiène douteuse de son refuge.

- Vous vous cachez ?

Bon sang, mais est-ce que ce garçon le suivait ? Il lui semblait qu'à n'importe quel moment de la journée, il devait s'attendre à tomber sur lui, même en dehors de la classe... et Sasori était certain que ce n'était le cas avec aucun autre élève. Loi de Murphy ?

- J'attends mon plat, répondit-il inutilement à Deidara.

- Je vois ça, rétorqua son élève en remplissant sa carafe. Ne vous en faites pas, poursuivit-il. Quand j'en aurai fini avec vous, vous serez très loin de redouter le contact physique.

Sur ces mots, le jeune homme reprit sa carafe et prit congé avec un ultime clin d'oeil, abandonnant là un professeur à la fois embarrassé, perplexe et confus.