Ben voilà.


Lorsque Mathieu et les autres, Geek compris, avaient quitté l'hôpital pour rentrer à leur foyer en fin d'après-midi, le Patron s'était retrouvé tout seul dans son lit froid au matelas trop fin et au sommier grinçant. Les infirmiers l'avaient littéralement tiré jusqu'à celui-ci et l'avaient allongé lorsqu'ils étaient venus voir si tout allait bien, refusant qu'il reste debout dans son état. Il avait beau avoir crié que c'était son épaule qui était blessé et non ses jambes et qu'il n'avait rien d'un éclopé, ils n'avaient rien voulu entendre et avait de nouveau fixé les sangles à sa taille pour qu'il ne tombe pas du lit dans son sommeil.

S'étant réveillé dans l'après-midi, il avait fini le reste de la journée à fixer le mur en face de lui, les mains sur les cuisses, droit comme un i, réfléchissant à tout ce qui venait de se passer, aujourd'hui et trois mois plus tôt comme s'il s'agissait de la veille.

Les autres lui avaient pardonné. Ils lui avaient pardonné tout le mal qu'il avait fait au Geek et, tout cela, grâce au Geek qui avait tout fait pour l'innocenter aux yeux des autres. Il ignorait la manière qu'il avait opté pour les convaincre mais, en tout cas, il avait réussi avec brio. Et le Patron le remerciait d'avoir fait ça pour lui, malgré ce qu'il avait subi.

Lorsque le soir vint, d'autres infirmiers vinrent pour remettre des perfusions, lui faire avaler quelques médicaments multi-couleurs avant de repartir. Puis on lui emmena un plateau-repas, composé de pleins de nourritures sans qu'aucune n'ait un goût potable. Mais, ayant été nourri pendant trois mois à la perfusion, il mangea tout, de l'omelette-éponge jusqu'à la compote au goût de poussière.

Cette nuit-là, il ne dormit pas. Allongé sur son lit, le smoking encore sur le dos, il avait fixait le plafond cette fois-ci, continuant de ruminer ses pensées, particulièrement celle concernant le baiser du Geek. Chaque seconde qui passait, le Patron ne cessait de repenser à cela, à son visage se baissant vers le sien, les yeux humides et les lèvres jointes. Et, à chaque seconde qui s'écoulait, son estomac enfin reposé lui répétait que c'était bien réel.

Pourtant, il n'arrivait pas à en être persuadé. Et si le Geek ne l'aimait pas ? Et s'il ne l'aimait pas comme le Patron l'aimait ? Que ferait-il ? Et comment pouvait-il savoir la vérité sans le brusquer ? Il lui fallait un plan d'approche pour avoir la vérité.

Peut-être pourrait-il y aller de but en blanc et lui demander clairement s'il l'avait embrassé lorsqu'il était au sol ? Non, trop – beaucoup trop – directe. Ou bien pouvait-il l'insinuer jusqu'à le lui faire avouer ? C'était déjà mieux mais comment faire ça ?

Il pouvait engager à multiple reprise le sujet de ce moment où il était au sol. Puis il dirait que, après lui avoir donné la clé, il ne se souvenait pas de grand-chose. Mais le Geek n'oserait jamais dire la vérité, il n'était pas comme ça. Il avait encore peur de l'ancien Patron, celui qui était fou même sans pilule.

Comme il put, jusqu'au bout de la nuit, il tenta d'imaginer un plan, en vain. Lorsque le matin du deuxième jour vint, il n'arriva à rien conclure. Toute la journée, il subit opérations sur opérations, tests sur tests, ainsi que quelques heures de rééducation en compagnie d'un jeune homme qui semblait avoir clairement flashé sur la malade. Mais ce dernier, qui en aurait profité il y a quelques temps, fit mouche et l'ignora complètement alors qu'il exerçait son bras.

Dans la soirée, on lui apporta de nouveau un plateau qu'il mangea avec plus de mal cette fois-ci, s'étant fait servir un morceau de viande impossible à couper sans casser trois picots de sa fourchette en plastique et dont il ne savait même pas la provenance – de couleur poulet mais avec un goût de bœuf et un relent de proc, il y avait de quoi avoir peur en avalant de ne pas se retrouver avec un goût d'autruche dans la gorge.

Il ne dormit pas de nouveau, à nouveau cherchant un plan. Mais rien, lorsqu'un germe d'idée venait, on écrasait la graine et on devait tout recommencer de zéro. Aux aurores, vers sept heures, une infirmière vint le réveiller en le secouant doucement. Mais cette cruche – c'était l'insulte qu'il lui avait lancé – l'avait secoué en le prenant par son épaule invalide, enfonçant quelque peu ses doigts dans sa cicatrice mal refermée. Elle prit peur face à son hurlement et s'enfuit à toute jambe.

A son plus grand bonheur, le rééducateur ne vint pas ce jour-là puisque le Patron partit avant. Mathieu, la Fille et le Geek se pointèrent à neuf heures avec des sacs vides qu'ils remplirent avec toutes les affaires du Patron et tous les cadeaux faits dans son sommeil. Le Geek lui donna un smoking propre qu'il partit mettre dans la salle de bain. Lorsqu'il sortit, la chambre était désormais vide de toute trace de lui et ils purent sortir.

Ils passèrent par l'accueil et, pendant que le Patron et la Fille discutaient dans leur coin et que le Geek parlait à une vieille dame malade, Mathieu dut donner la véritable identité du Patron à l'infirmier. En revenant, il lui conseilla de faire attention désormais son identité dévoilée à un hôpital. Le Patron lui fit un clin d'œil puis oublia cette histoire.

Dans la voiture, le Geek s'installa à l'arrière avec la Fille qui lui parlait de manucure tandis que le Patron se plaçait à l'avant, aux côtés de Mathieu qui ne cessait de lui énumérer tous les changements qu'il y avait eu lors des trois derniers mois, notamment le court passage inutile du Hippie dans un centre de désintoxication.

Mais l'homme en noir ne l'écoutait pas. Il se contentait d'hocher par moment la tête, grommelant son accord, fixant dans le rétroviseur le Geek. Par moment, ce dernier percevait son regard et détournait les yeux en rougissant, comme si, désormais, il pouvait voir aux travers de ses lunettes.

Ils arrivèrent à neuf heures et demie à la maison des Sommet. A l'intérieure, l'ambiance était festive. Le Hippie n'était pas sous la table aujourd'hui. Il était presque lucide, bien qu'il ait un joint en bouche ! Le Panda et le Prof, la musique à fond, dansaient dans le salon en se tenant par la main. Cela faisait chaud au cœur du Geek de les voir ainsi. Par à celui du Patron qui commençait sérieusement à les jalouser.

Jusqu'à midi, l'homme en noir réinstalla sa chambre, rangeant comme il pouvant tous ses cadeaux dans les divers placards. Il lui restait encore une boite lorsque le Panda l'appela pour manger.

Il descendit toutes les marches lentement, passant devant la chambre vide du Geek, puis se rendit dans la salle à manger où les autres commençaient déjà à manger sans se soucier de lui. Il s'assit à l'une des chaises, son habituelle chaise à l'autre bout de la table. Lorsque la chaise grinça, tous se tournèrent vers lui avec des yeux ronds. Pourtant, pas même le Geek, aucun ne croisa son regard. Ils se remirent à manger.

Le Patron se fit la remarque que l'ambiance était étrangement silencieuse dans la maison depuis son retour. Pourtant, il ne s'en formalisa pas et se mit à manger. Il mangea pour la première fois dans cette maison un morceau de viande digne de ce nom et des légumes. Cela faisait du bien de manger quelque chose de potable.

Les autres remarquèrent son silence mais s'abstinrent de le lui faire remarquer, ce qui l'aurait énervé et il aurait quitté la table. Alors ils continuèrent de parler gaiement avec ceux qui voulaient bien faire parti de la discussion, le Geek non compris dedans. Lui aussi mangea silencieusement.

Lorsque les plats furent finit, le Patron aida à débarrasser la table puis retourna dans sa chambre.

- C'est ma faute ?

Il se retourna brusquement et vit le Geek sur le seuil de sa porte. Bien que plus adulte qu'il y a trois mois, il y avait toujours dans son regard cette étincelle enfantine.

- Ta faute si quoi ? s'enquit le Patron en reposant son carton

- Si tu es si triste.

- Je ne suis pas triste.

- Si, tu l'es. Je te connais assez maintenant pour lire ton regard au travers de tes lunettes.

Le Patron déglutit puis retourna à son carton qu'il vida sur son bureau. Fleurs fanées, ours en peluche de Cassandra, il jeta tout. Le Geek fit un pas dans sa chambre puis retira sa caquette. Il remit en place son tee-shirt noir où le bouclier de Captain America était dessiné puis regarda la pièce avec plus d'attention.

- Elle était toujours fermée, avant, fit-il remarquer.

- Elle ne le sera plus.

- Parce qu'elle sera vide ?

La voix du jeune homme s'était alors faite plus cassée et saccadée, comme s'il sanglotait. Cela avait fait tiquer le Patron qui s'était vivement retourné. Mais le Geek était en train de se frotter les yeux pour faire disparaitre le miroitement de ses yeux. Bien que son regard soit normal désormais, l'adulte n'était pas stupide à ce point et savait que le Geek était à deux doigts de pleurer.

- Pourquoi serait-elle v…

- Tu vas partir ?

- Mais, je...

L'adolescent posa violemment un petit objet métallique sur le buffet à sa gauche. Sans ajouter autre chose, il se retourna et quitta la chambre et fermant la porte derrière lui, sans la claquer. Ses pas résonnèrent dans les escaliers puis la porte de sa propre chambre claqua avec violence et il n'y eut plus aucun bruit dans les marches.

Le Geek tenait-il à lui au point de refuser qu'il parte ? Et pourquoi partirait-il, d'abord ?

Il s'approcha du buffet et prit sur la planche de celui-ci une petite clé métallique et un peu rouillé, posé à côté de la casquette de l'adolescent. La clé du cabanon. Comme ce dernier lui semblait lointain... Il soupira puis mit la clé dans sa poche. Pendant quelques instants, il ne fit rien, il se contenta de regarder autour de lui les différents cadeaux des autres qu'il y avait sur ses étagères. Il y en avait énormément du Geek...

Alors oui, il craignait qu'il parte, qu'il l'abandonne. Il avait dit, trois mois plus tôt, dans une lettre, qu'il partirait pour le cabanon lorsque Mathieu saurait tout. Sauf que Mathieu l'avait pardonné et il n'avait donc aucune raison de partir ! Mais pourquoi le Geek tenait tant que ça à ce qu'il reste ? Et si... ?

Il serra les poings puis descendit un étage jusqu'à la chambre du Geek. Il ouvrit la porte avec autant de violence que la manière avec laquelle elle vaait été fermée puis fit irruption. Le Geek était allongé sur le ventre, dans son lit, sanglotant. Lorsqu'il entendit la porte claquer contre le mur, il se redressa et n'eut pas le temps de comprendre que l'homme en noir le prit par les épaules pour l'extirper de son matelas. Il le plaqua contre le mur de sa chambre en étant brusque mais évitant d'être violent. Il ne devait pas lui faire mal. Mais il eut quand même mal parce qu'il poussa un petit cri de douleur.

- Pourquoi je partirais, hein ?

- Tu me fais mal... gémit-il sans parvenir à se débattre

- POURQUOI ?

- Mais j'en sais rien moi ! C'est toi qui a dit que tu partirais !

Le Geek se débattit avec plus de vigueur et, en secouant la tête, laissa tomber une larme. Mais le Patron n'était pas prêt à le laisser filer comme ça. Il avait passé deux nuits à réfléchir à un plan d'approche, voici sa solution : arriver à l'improviste, quitte à être violent. Il le plaqua un peu plus de son poids et lui dit d'une voix forte :

- Alors je te le dis : je ne pars pas.

Il s'était trop retenu de parler, à se brûler des neurones en réfléchissant à que faire, ou bien à se demander si le Geek l'aimait ou non. Il allait avoir sa réponse maintenant.

- D'accord, tu pars pas ! Mais lâche-moi ! cria l'adolescent

Il commença à battre des pieds dans le vide. Le Patron s'avança donc un peu plus et le plaqua de l'intégralité de son poids, lui empêchant tout mouvement. Il détourna la tête et posa son front contre le mur tandis que celui du Geek reposait sur son épaule. Sa bouche étant proche de son oreille, l'adulte lui murmura :

- Je veux que tu me racontes dans les moindres détails ce qui a suivi cette balle tirée par le Prof !

- P... pourquoi ?

- Je veux que tu me le dises...

Le Geek, haletant, soupira et son souffle vint chatouiller la nuque de l'autre lorsqu'il redressa la tête pour mieux parler. Cela le fit frémir. L'adolescent se dit que, s'il racontait, l'autre le lâcherait.

- Tu es tombé. Et je... J'ai couru vers toi.

- Qu'on fait le Prof et le Panda ?

- Ils ont appelé les urgences puis ils sont partis.

- Et ensuite ?

- J'ai pleuré.

- Tu parlais ?

- Je te demandais de ne pas partir, de...

Il refusa de continuer sa phrase. Mais le Patron le serra un peu plus fort, appuyant un peu plus son front contre le mur. Alors, de dépit, l'adolescent continua de parler d'une voix faible et hésitante :

- Je te demandais de ne pas m'abandonner...

Le Patron, bien que sa poigne sur le garçon soit toujours aussi forte, si fit plus doux. Il ne le tenait plus en l'air, il l'enlaçait presque, son souffle erratique sur sa nuque, les yeux fixant les quelques mèches brunes qu'il y avait devant son regard.

- Et c'est tout ?

- Oui, dit le garçon, les secours sont arrivés ensuite.

Il recula pour scruter le visage de l'adolescent. Celui-ci évitait son regard désormais.

- Tu mens.

Il tourna un peu plus la tête. Ses joues virèrent aux roses, ce qui le rendit irrésistible.

- Qu'y a-t-il eu avant que les secours n'arrivent ? demanda-t-il d'une voix presque menaçante, sourde

- Rien ! cria le garçon avec frayeur

- Arrête de mentir ! hurla le Patron en le serrant de nouveau avec violence, leur visage à quelques centimètres l'un de l'autre, yeux dans les yeux

- Je te dis qu'il n'y a rien eu !

- Cesse de vouloir me cacher des choses ! Parle !

- Non !

- Geek !

- Je t'ai embrassé !

Le Geek respira d'un seul coup, le visage passant du pourpre au blême, et il plaqua sa main libre qui tenait le costard sur sa bouche. Ça y était. Il l'avait dit. L'homme en noir le lâcha, le laissant glisser le long du mur avant de se retrouver sr pied. Ce dernier fixa avec des yeux ronds les lunettes du Patron, désormais incapable de cerner son regard. Il le fixa avec effroi tandis que le plus âgé resté dubitatif, se répétant la phrase de l'autre en boucle. Il l'avait bel et bien embrassé. Il n'avait pas rêvé.

Mais, maintenant, le garçon avait peur. Ce n'était pas un Patron en bon état qu'il avait embrassé, sur le sol terreux du forêt complètement paumé. Il avait embrassé un blessé, un faible, à moitié inconscient. L'homme en noir ne l'aimait peut-être pas et il l'avait forcé à avouer ce baiser pour avoir une bonne excuse pour lui en vouloir. Il se tenait face à lui, dissimulé sous ses verre opaques, sous son déguisement. Il n'exprimait rien, il ne disait rien. Il avait simplement laissé le Geek retomber au sol, les bras tenant encore un peu son tee-shirt noir.

Il recula de quelques pas et prit sur une table son téléphone. Il pianota sur les touches quelques instants, ignorant l'adolescent qui ne savait pas quoi faire ou dire. Puis il monta le son de l'appareil et, doucement, une musique démarra. La même musique sur laquelle le Geek et le Patron avait commencé à danser quelques jours avant.

- Veux-tu bien m'accorder la fin de cette chanson ? demanda l'adulte

Il tendit une main vers le garçon. Ce dernier, les deux poings sur le cœur, en approcha un qui se déplia doucement pour venir enlacer celle du Patron. Les doigts s'entremêlèrent doucement, naturellement, bien que le Geek ne savait absolument pas ce qu'il était en train de faire. L'homme en noir le tira jusqu'à lui et posa son autre main sur sa hanche, le Geek sur son épaule.

Lorsqu'ils commencèrent à danser, un pas à gauche, un pas en arrière, à droite, en avant, ce fut dans un silence étrange. Ils se contentaient de tourner sur le tapis d'une large pièce, dans le dernier étage d'une maison blanche, seules les mains ayant un contact avec le corps de l'autre. Mais, peu à peu, ils se rapprochèrent et le torse fin du garçon se posa délicatement contre celui du Patron dans un doux bruissement de vêtements. La musique tournait dans leurs oreilles, douce.

- Tu regrettes ce geste ? souffla le Patron, sa bouche à quelques centimètres de celle du garçon tant ils étaient proches désormais

- Non, murmura le Geek après plusieurs secondes de silence, mais je suis désolé...

- Désolé de quoi ?

- De l'avoir fait.

Si sa voix avait été sèche, rude et glaciale, le Patron aurait reculé en essayant de garder sa fierté. Mais, là, elle était faible, gênée, presque honteuse. Le Geek ne regrettait absolument pas son geste et il ne s'excusait pas de l'avoir fait. Il s'excusait parce qu'il avait peur que le Patron, lui, lui en veuille. Alors il ne recula pas et continua de tourner.

Mais, à ce moment, le Geek se recula, lui. Il cessa de tourner, la musique toujours en fond. Il regarda le Patron et chaque parcelle de son visage avant d'avancer ses mains. Il les posa sur les barres des lunettes, ce qui fit sursauter l'adulte qui lui prit les poignets pour l'en empêcher. Mais l'adolescent ignora son sursaut et tira, les lunettes toujours en mains. Il les retira doucement, sans pression, puis les posa sur le meuble le plus proche. Il revint vers l'adulte qui avait fermé les yeux pour ne pas qu'on voit son regard. Autour, sur ses paupières et sur sa peau, les cicatrices avaient presque toutes disparues, restant par moment une petite trace blanchâtre. L'adolescent s'approcha, profitant des yeux clos du Patron, et posa ses lèvres humides sur celle de l'adulte.

Presque immédiatement, l'homme en noir répondit au baiser. Il posa vivement ses mains sur le cou du garçon pour le rapprocher de lui au maximum, intensifiant l'échange. Le Geek posa les siennes sur le torse du Patron, tenant entre ses doigts le vêtement pour s'y accrocher. Il n'y eut rien de plus. Ils se décollèrent à un moment, le souffle court, yeux dans les yeux. Puis ils s'enlacèrent, leur main se posant de çà et là sur le corps de l'autre, dans le dos du Patron pour le Geek, sur sa nuque et dans ses cheveux pour le Patron. L'adolescent posa son visage sur son épaule, profitant de l'instant, avant de chuchoter :

- La musique n'est pas finie.

Aucun des deux ne savaient combien de temps ils étaient restés dans les bras l'un de l'autre mais, effectivement, les instruments jouaient encore. Alors ils reposèrent leur main sur la hanche ou l'épaule de l'autre, leur main se joignant avec moins d'hésitation. Puis ils se remirent à tourner au rythme de la musique dans la pièce, loin du regard de Mathieu et des autres, avec un sourire bien heureux sur le visage.

A un moment, le Patron eut peur. Dans son corps, il sentait à nouveau les coups venir, lentement, irréguliers, plus faibles que ceux d'avant mais bien présents. Et il lui fallut bien une minute pour comprendre que ces coups là ne venaient pas de la pilule. Et il comprit alors qu'il s'agissait simplement de son cœur qui pulsait sous sa poitrine.

Au milieu de tous ces cadeaux d'hôpital, ces oursons de réconfort et ces cœurs de consolation, ils continuèrent de danser. Leurs yeux, le bleu et le vert vers le saphir, ne se quittèrent pas. Pendant encore plusieurs minutes, peut-être même plusieurs heures sans que la fatigue ne vienne, ils tournèrent au rythme lent de cette valse sans que jamais la musique ne se stoppe une seule fois. Peut-être étaient-ils trop heureux pour se rendre compte que le temps s'écoulait au ralentit, comme dans les film à l'eau de rose lorsqu'on découvre le véritable amour. Ou peut-être tout cela n'était-il qu'un simple rêve, une chimère irréelle.

Le rêve d'un Patron de bar à prostituées qui n'aurait jamais le Geek pour lui parce qu'il lui avait fait trop de mal dans le passé. Un homme en noir, roulait en boule dans un minuscule lit, serrant fort un coussin comme s'il s'agissait du garçon, pleurant comme un enfant alors que cela ne lui était jamais arrivé. Et il serait dans une prison car Mathieu l'aurait dénoncé. Mais le Patron n'aurait pas eu la force de faire du mal au Geek et de dénoncer la maison des Sommet à son tour...

Ou bien peut-être le rêve d'un Geek qui, seul dans la chambre vide de l'homme en noir, pleurait et dansait en la mémoire de ce dernier, mort de la balle du Prof dans la forêt. Et il s'était imaginé tout ce qui avait suivi. Le Patron était mort sous le coup, sans souffrance mais avec bien un baiser du Geek. Le policier n'avait jamais dit oui lorsqu'il avait demandé s'il survivrait. Mathieu et les autres n'avaient jamais rendu visite au Patron dans l'hôpital mais ils l'avaient bien vu à la morgue. Et, pendant que le garçon dansait, les autres crachaient sur sa tombe à cause de tout ses méfaits passés. Parce que le Patron était simplement mort ce jour-là. Il était maintenant sous terre, dans un caveau en bois, une épitaphe inscrivant son véritable nom au dessus de lui.

Peut-être était-ce donc cela. Et cette danse n'était que l'imagination d'un Geek désespéré. Alors ils dansaient, insouciamment, inconscient de la réalité, quelle qu'elle soit, car rien n'indiquait laquelle elle était réellement. Ils continuaient de danser quelques minutes, quelques heures, toute une vie ou bien une seule nuit, le temps d'un rêve. La vérité n'appartenait qu'à eux désormais, rien qu'à eux, comme cette danse...

La musique n'est toujours pas finie.

THE END


C'est fini. Voilà. Ben... voilà... Que dire ?

Je tiens d'abord à préciser que je sais d'hors et déjà que cet ultime chapitre ne conviendra pas à tout le monde. Je le sais car il ne me plait déjà pas à moi. J'ai mis beaucoup de temps à pondre un chapitre qui n'est pas très long parce que je me suis forcée à l'écrire. Ce n'est pas que je n'avais pas l'inspiration, c'est simplement que je n'aimais pas cette fin. L'histoire était trop triste, trop tragique, pour finir sur un "et ils vécurent heureux et adoptèrent une myriade de gosses".

Il fallait une fin tragique, une mort sanglante. Je n'aurais pas dû écouter vos commentaires (ma faute, pas la votre :x) concernant le Sad-End lors du premier sondage au chapitre 17. Il était prévu depuis environ le chapitre 9 que le Patron meurt, tout bonnement. Mais j'ai eu peur de vous décevoir en le faisant mourir. Pirouette scénaristique et c'est moi que j'ai déçu.

Donc, je ne sais pas ce que vous pensez de cette fin mais, à mes yeux, l'histoire se finit au chapitre 28 ("Maculés de sang et de larmes"). Le Patron embrasse le Geek et meurt paisible en sans coût.

Comme, malgré tout, cette fin est là et je ne compte pas la supprimer, j'ai laissé des doutes : peut-être que le Patron est bien mort et que le Geek rêve de son amour perdu. C'est à vous, lecteur, d'imaginer si l'homme en noir est mort ou non de la balle du Prof. A mes yeux, oui. Aux votre, à vous de me dire.


Je vous remercie, tous autant que vous êtes, d'avoir suivi, lu et commenté pour certains cette histoire. Je suis heureuse qu'elle ait pu vous plaire. Vous n'imaginez pas à quel point c'est encourageant pour la suite toutes vos review sur cette histoire...


12,000 views, bande de malades ! Des moutons qui ont chopé la rage ou bien une nouvelle épidémie de vache folle mais pour bouboule laineuse ?


Pour la suite, car je ne compte pas m'arrêter d'écrire, j'ai d'hors et déjà publié le chapitre d'une nouvelle histoire sur SLG "Le damier dissocié" que je vous invite à découvrir dès maintenant. Pour ce qui est de "après", je pense faire un Fremione ou un Drarry (toujours sans lemon). Je verrai avec le temps.

J'espère en tout cas que cette histoire vous a plu. Je vous invite à me partager vos avis qui sont toujours utiles. A plus ;)