Avertissement : Cette fiction est le deuxième volet de "Litóchoro". Récit érotique non yaoi et destiné aux adultes. Cette histoire contient également assez bien de paroles provenant de diverses chansons mais aussi un humour qui pourrait parfois être considéré comme "sombre" par certains mais encore, de la religion, de la violence, de l'alcool, des cigarettes, de la drogue, des femmes, de la tromperie...

En couple :
Deathmask (Prénom : Raffaele – Surnom : Maschera) x Helena
Milo x Shaina
Et d'autres.

1) La bénédiction

Mi-avril

Sur un grand parking le long du port, stationnait une vespa ainsi que trois voitures verdoyées de festons composées de feuillages exotiques torsadées à des anthuriums vertes et blanches aux cœurs rosés, disposées en diagonale sur leurs capots d'où de la première arrivée, descendirent un couple de jeunes amoureux.

A moins de cinq minutes de là, ils passèrent accompagnés d'un petit cortège, le pont qui reliait Syracuse à la presque île d'Ortygie pour rejoindre la Piazza Pancali d'où sortirent de terre quelques colonnes, vestiges du temple du Dieu Apollon et passant la Piazza Archimede, ils entrèrent dans la partie historique de la ville, saluant Artemis en victorieuse chasseresse sur sa fontaine, au pied de laquelle la nymphe Arethuse implorait son secours, lui demandant de la libérer des avances empressées du Dieu du fleuve, Alphée.

Quelques minutes de plus s'écoulèrent et à l'entrée d'une ruelle tissée dans une autre, ils découvrirent pas à pas des balcons de fenêtre dont l'architecture en partie reposait sur des statues en cul-de-lampe, œuvres d'art baroque à elles seules. Ces orgueilleuses beautés toutes de plâtre vêtues, épiaient de leurs hauteurs, les amants aux regards admiratifs, déambulant le nez dans les nuages.

Ces rues étroites offraient surtout beaucoup d'ombre jusqu'au moment où le soleil éclaira de ses rayons, la Piazza del Duomo où la jeune fille embrassa pour la toute première fois, la vue qui se tenait devant elle, car cette place allongée, bordée de palais aux façades courtisées par les passants était dominée par un énorme bâtiment, le Duomo, l'ancien temple dédié à la Déesse Athéna.

Ils l'examinèrent et en honneur à leur Déesse, ils s'inclinèrent sous le carillonnement des cloches de l'église Sainte Lucie qui siégeait dignement à ses côtés.

Syracuse, Eglise Saint Lucie, dans les années mille neuf cent, l'après sog, avant le Millénium, un samedi de fin de printemps à onze heures du matin.

A l'intérieur, attendait un couple de personnes âgées, assis côte à côte et perdus pieusement l'un dans l'autre se rappelant de ce temps au vocabulaire charmant :

– Te souviens-tu amore ? Lui demanda-t-il en lui prenant la main. Mon cœur ta suivi pour nous conduire tous les deux jusqu'ici ...
Elle cramponna ses doigts ridés aux siens.
– Et on s'est dit "oui" pour la vie.
– Pour la vie, répéta Alfonso en embrassant Bianca, sa femme.

D'autres fervents de l'église, qu'ils ne connaissaient pas, s'étaient pressés et massés autour des premiers bancs au décor harmonieusement fleuri de cônes en rotin noués au bois du mobilier ecclésiastique par un ruban organza négligemment argenté, dans lesquelles s'épanouissaient un ensemble de fleurs coquettement couchées sur l'épiderme d'un limbe mettant en avant des d'orchidées papillons crèmes tigrées et orangées, symbole d'une passion absolue ainsi que quelques tiges d'autres végétaux les entourant comme des tulipes ouvertes blanches, représentant l'amour parfait et de délicates jacinthes des bois, vantant l'ardeur des amants.

Un enfant de chœur revêtu d'une aube blanche en lin, la tête jusque par terre, probablement d'avoir été choisi comme serviteur bénévole pour l'office religieux de cette matinée, guidait d'autres personnes à leur place quand la musique moderne de "Secret Wedding" du film américain Braveheart réalisé par l'acteur Mel Gibson, qu'avait visionné il ne savait plus combien de fois le futur époux, vint à retentir au sein des pierres de ce bâtiment communautaire chrétien.

Cette œuvre cinématographique racontait avant tout la vie romancée de William Wallace*, héros écossais amoureux d'une fille de son village natal, Murron MacClannough à qui il fut marié en secret par un homme de Dieu, un soir parmi les arbres d'une forêt gaélique pour seuls témoins, pensant ainsi éviterle décret du "noctis primae" ou le droit de cuissage*. Cependant, malgré toutes les précautions prises par la jeune femme, un jour en se baladant dans leur bourg, Murron fut par malheur brutalisée par des soldats anglais, quasiment violée devant les yeux de William qui la cherchait et qui par bonheur, arriva à temps pour la sauver, tuant ainsi ses premiers "perfides" envahisseurs. Malheureusement elle fut par la suite capturée à nouveau et ce par le shérif qui lui trancha publiquement la gorge pour donner une bonne leçon à qui voudraits'attaquer à la garnison et aux lois du roi Edouard I d'Angleterre et ainsi fit d'elle une martyre, le début d'un graal écossais, d'une quête d'indépendance, celle de l'Ecosse.

Deathmask aimait ce passage là parce qu'il lui évoquait Helena. Voir William les genoux dans la boue au centre de leur village tenant dans ses bras Murron sans vie, lui rappelait tout simplement ce qu'il avait vécu avec elle, mais à l'inverse de Wallace, le Cancer avait pu compter sur un ami comme Aphrodite, qui essaya en vain de sauver la jeune Asgardienne tout en y perdant la sienne.

Au même instant que jouait de son orgue un bedeau, des cris de joies annoncèrent l'apparition d'une demoiselle qui tête baissée, se laissait conduire le long de la nef par un homme aux cheveux hérissés, légèrement plus âgé qu'elle, lorsque Dom Carlo devant l'autel, resplendissant dans ses ornements sacerdotaux , les mains étendues tournant le dos au tableau de l'Enterrement de Sainte Lucie" de Michelangelo Merisi, dit à ce couple se présentant à lui, dans la maison du Seigneur :

"En présence de Dieu qui est la source de votre amour et qui sera toujours avec vous, devant tous ceux qui sont ici réunis, donnez-vous la main et échangez vos consentements."

– Helena d'Asgard, veux-tu être ma femme ? Lui demanda Deathmask.
– Oui, je veux être ta femme. Et Toi, Raffaele Tarantino, veux-tu être mon mari ?
– Oui, je veux être ton mari et je te reçois comme épouse et je me donne à toi.
– Raffaele, je te reçois comme époux et je me donne à toi.

Ainsi Aphrodite fut placé à la gauche d'Helena pour seule famille tandis que Dino, Bellinda, Antonio,Rita, Agata et Guido furent eux installés à la droite de celle de Deathmask représentant la sienne. Le chevalier des Poissons et Dino qui le côtoyait depuis sa plus tendre enfance, furent appelés à s'avancer comme témoins. Aphrodite reçut la plus délicate des missions de ce jour en ayant la garde des alliances qu'il déposa sur la Bible ouverte pour qu'elles soient bénites et puis, les mains tremblantes, elles furent échangées pour sceller l'union de Deathmask et d'Helena qui machinalement répétèrent les paroles dédiées à leur union et dictées par le Dom.

– Helena, reçois cette alliance, signe de mon amour et de ma fidélité.
– Raffaele, reçois cette alliance, signe de mon amour et de ma fidélité.

Après une première bénédiction, les mariés furent invités à s'embrasser.

Helena vêtue d'une robe blanche courte trapèze en satin jusqu'au genoux, agrémentée par dessus, d'une jupe en tulle aux bordures à dentelles et d'un bustier sans bretelles dont le côté droit à la hauteur du sein était parsemé de perles aussi limpides qu'un cours d'eau ruisselant jusqu'à sa taille, était coiffée d'un voile ivoire jusqu'aux coudes, lui aussi en dentelle, désirant comme le voulait la tradition montrer qu'elle resta vierge jusqu'aux noces et tenu par un très fin diadème de roses rouges miniatures et taillées dans le cristal qui lui fut offert en cadeau par Aphrodite, se retrouva toute empourprée lorsque le chevalier d'Or du Cancer lui souleva le voile pour lui déposer un doux baiser sur les lèvres.

La contemplant, il lui sourit tout en ayant un sentiment étrange de plénitude et enfin de sérénité qu'il ressentait mais n'arrivait pas à expliquer. Elle le fixa à son tour, un peu confuse quant à la perplexité qu'elle lut en lui, pensant toutefois qu'il était très séduisant.

Toujours à leur place, devant l'autel, ils furent conviés à s'agenouiller sur des Prie-Dieu pour que Dom Carlo, les mains élevéesau-dessus de leurs têtes célèbre la bénédiction nuptiale accompagnée de quelques prières.

Le Dom : " Que Dieu le Père tout-puissant vous donne sa joie et vous bénisse dans vos enfants."
Les fidèles : "Amen."
Le Dom : " Que le Fils unique de Dieu veille sur vous et vous assiste dans le bonheur et dans l'épreuve. "
Les fidèles : "Amen."
Le Dom : "Que l'Esprit de Dieu ne cesse de répandre son amour dans vos cœurs."
Les fidèles : "Amen."
Le Dom : "Et vous qui êtes ici réunis autour de ces nouveaux époux, que Dieu tout-puissant vous bénisse, le Père, le Fils et le Saint-Esprit.
Les fidèles : "Amen."

Après plus de trente minutes d'échanges et de promesses mutuelles, suivant le rite de la communion, les désormais époux accompagnés d'Aphrodite et de Dino signèrent l'acte de mariage et avant de quitter ce lieu béni, Raffaele alluma en mémoire de sa mama et de sa nona, deux bougies aux pieds de Sainte Lucie, patronne de Syracuse qui fut choisie quant à elle, bien sûr en hommage à sa mère et à son arrière-grand-mère mais aussi parce que dans le grand nord, ils connaissaient également l'histoire de Lucie la martyre, morte d'une épée enfoncée dans la gorge pour avoir voulu garder sa chasteté. Au même moment Dom Carlo s'approcha de lui :
– Raffaele, je suis certain qu'elles étaient présentes avec toi comme elles le sont chaque jour dans ton cœur... Allez en paix à présent mes enfants.

Le Cancer, au regard brumeux de pensées d'enfance donna un baisemain au Dom en signe de respect et c'est à cet instant-là que le bedeau, aux verres épais en cul de bouteille n'y voyant quasiment presque plus rien se mit pour la deuxième fois au clavier d'un pédalier en interprétant tant bien que mal la glorieuse musique de la marche nuptiale de Mendelssohn.

En ce jour sacré, sur le tapis rouge de l'allée principale de cette basilique byzantine sicilienne aux poutres en bois peint, aux piliers blanchâtres entre les icones religieuses du Christ et de Sainte Lucie, sans autres convives que leurs amis proches pouvant certifier avec exactitude leur sacre, Deathmask offrit son bras à Helena, son épouse. La jeune fille leva les yeux sur lui pensant vivre un rêve et elle, émotive, se mit à pleurer si bien qu'avant de sortir de l'édifice, ils s'arrêtèrent dans le narthex, le portique interne, pour qu'elle puisse sécher ses paupières qu'elle tamponna soigneusement avec le coin replié de son mouchoir. A l'arrêt, il se retourna sur elle et dut s'avouer qu'en dépit des rougeurs temporaires que lui peignait ce chagrin sur son visage, elle était ravissante avec ses larmes qui se perdaient entre les mèches de ses cheveux et il lui prit la main pour y déposer un baiser en lui demandant :
– Tu vas bien Helena ?
– Oui, Raffaele, c'est juste l'émotion et puis je peine avec mon grec, mon italien et mon anglais, je mélange un peu tout.

– Ne t'inquiète pas. La rassura-t-il. Tout ça est nouveau pour toi, tu as bien récité tout ce que tu devais réciter, j'en ai la preuve signée dans ma poche. Nous continuerons à parler un mélange des trois langues pour t'aider et chez Antonio les gens te parleront une peu dans la leur et un peu dans celle de Shakespeare.

– Quelle tristesse de ne pas avoir mes frères et sœurs présents à nos côtés, ils auraient été heureux de partager ce moment avec nous.
– Je te promets qu'un jour tu auras ta grande fête devant tout le zodiaque avec tout le monde et ta famille, enfin, notre famille mais pour l'instant c'était trop compliqué car nous venons seulement de réintégrer nos temples. Comprends-moi, je ne pouvais pas vivre comme ça, pas avec toi... Je voulais faire au moins une chose de bien dans ma vie, la seule... t'épouser.
– Raffaele ...
– Ne rougis pas Helena, lui dit-il en passant sa main dans la chevelure de son épouse, je suis heureux que nous nous sommes dit "oui" ici car je suis plus Chrétien qu'Athénien.
– J'aime bien ton armure, moi. Lui répondit-elle en souriant.
– Ah je vois, Madame n'a pas seulement épousé l'homme mais aussi l'armure, si je ne me trompe ?
Elle se mit à rire.
– Oui et je trouve d'ailleurs dommage que tu ne la portes pas aujourd'hui...
– Eh bien, Madame Cancer, c'est comme cela que tu veux que je t'appelle ? Sachez que mon armure n'est jamais bien loin et que nous irons avec Aphrodite sur une petite colline proche de chez Antonio pour prendre quelques photos de nous avec ma carapace d'Or.
Il se pencha pour l'embrasser.
– On y va, Madame Tarantino ?

Et cette fois-ci, sous la succession des sons du tintement des cloches, il lui présenta son bras, qu'elle accepta en y posant ses fins doigts et ils sortirent au grand jour sur le perron pour la première fois en tant que mari et femme, où l'appareil d'un copain photographe à Antonio crépitait déjà à toute vitesse pour capturer chacune des minutes de joie qui les entouraient en ce beau jour d'une saison leur annonçant un renouveau.

Bellinda, la femme de Dino, au regard pétillant et Agata sa sœur au regard rempli de désespoir et son époux Guido, un avocat de Palerme sortirent avant tous et les attendirent dehors, poignées de confettis nacrés en main, qu'ils leur lancèrent et qui retombèrent en une averse de pluie colorée sur les jeunes mariés en guise de porte-bonheur.

"La photo du baiser !" s'écriaient-ils.

Deathmask s'exécuta en s'inclinant sur une Helena qui riait d'avoir reçu quelques unes de ces rondelles faites de papiers dans son décolleté et la tête colée à la sienne, il lui dit :
– Ne t'en fais pas, c'est moi qui t'en débarrasserait plus tard.

Ce qui la fit doublement rougir et le cliché tant attendu des lèvres tendrement posées l'une sur l'autre fut pris sous les applaudissements de leur public. Après bien d'autres photos, ils furent chaleureusement félicités et complimentés avec encore plus de baisers et d'accolades de la part de ceux qu'ils considéraient à présent comme leurs proches.

Le temps s'était vieilli d'un peu plus de soixante minutes et Guido demanda :
– Prend-on un premier verre sur la place ? Je vous l'offre.
Ils furent ainsi conviés à prendre une coupe de mousseux au café chic se trouvant à côté de l'église.

– Je ne peux que m'incliner devant toi Helena, fit la sœur de Dino. Tu as réussi où certaines ont échoué.
– Réussi quoi ? Demanda-t-elle dans un mauvais italien.
– A capturer le cœur de l'un de nos célibataires les plus endurcis.

Mais Agata fut interrompue par une vieille dame toute habillée de noir qui présenta à Helena un petit ballotin de cinq dragées blanches et qui se mit à lui parler rapidement, trop pour qu'elle puisse comprendre la totalité de ce que lui contait l'inconnue. La grand mère lui raconta qu'elle gardait en mémoire ce genre de sucrerie qui lui fut non seulement offerte comme elle venait de le faire à l'instant même à l'égard d'Helena mais également, jetée sur la procession nuptiale de son mariage, il y avait quarante ans passés de cela, dans les rues étroites de son village natal en allant vers la messe.

Elle lui détaillait en n'en plus finir son occupation de ces dernières heures, ainsi que la liste de courses qu'elle dut faire au magasin du coin où surprise, elle tomba nez à nez avec une boîte de ces amandes mielleuses et décida de l'acheter car elle pensa qu'en ville, les visages avaient l'âme en peine et que les traditions se perdaient.

Rita vint à l'aide, lui proposant une traduction.
– D'antan Helena, il était courant de donner et même de lancer des dragées aux jeunes mariés en guise de bonheur, de prospérité ,de fécondité, de santé, de longévité, mais c'est plus rare de nos jours.
– Oh je comprends un peu mieux. Fit l'Asgardienne.
Helena se retourna sur l'étrangère la remerciant :
– Grazie.

La veuve fut à son tour invitée à partager un moment avec eux et s'en alla papoter avec Rita, son frère Alfonso et Bianca son épouse sous le parasol géant de l'un des bars encadrant en partie la place, où un garçon fit le service leur présentant un prosecco produit en Italie et d'un assortiment de crudités déposées dans un panier et d'un pot de sauce au fromage blanc à la ciboulette qui le complémentait délicieusement. Pendant ce temps-là, une table dans l'un des recoins tranquilles de la terrasse, fut présentée à Deathmask et à Helena.

– Levons nos verre au bonheur de Raffaele et Helena. Proposa Aphrodite.

Les coupes empoignées furent tendues vers les cieux et trinquant à leur félicité, le groupe éclatant de vie attira la curiosité des clients habitués et même des touristes en quête de rafraîchissement.

On les salua avec des "Viva gli sposi !".

Des divers héritages culturellement populaires de la planète, naquirent différents rituels liés à des superstitions qui en cette occasion, celle du mariage, furent principalement attachés à la mariée, si bien qu'inévitablement en ce jour de noces, la pauvre Helena dans cette atmosphère enveloppée de bien être, charmant tant ceux qui l'admiraient, devint un objet de culte pouvant, espéraient-ils, conjurer n'importe quel mauvais sort et c'est ainsi qu'elle fut embrassée maintes et maintes fois sur la joue par des étrangers, prise en photo et dont la robe fut frottée comme si elle était devenue une relique religieuse.

Deathmask fatigué de toute cette idolâtrie, lui tapota la jambe :
– Et si nous y allions Helena ?
– Avec plaisir, Raffaele.

Au début de cette après-midi, l'astre doré cloué à son zénith dans un bleu Méditerranéen, irradiait de toute son agressivité son bon peuple et debout, elle se protégea de ses lueurs grâce au tissu d'une ombrelle et main dans la main, ils firent le chemin inverse pour retrouver sous une chaleur un peu plus écrasante le parking et leurs véhicules.

Antonio aida sa belle famille a monter sur la plate forme arrière de sa Piaggio Ape, sur laquelle fut fabriqué spécialement pour eux et par ses soins, un fauteuil de bonne fortune, fait de paille entouré d'une guirlande de drapeaux triangulaires aux couleurs de l'Italie et de celui de la Sicile avec sa célèbre Trinacria représentant un Triskèle, un être avec le visage de la Gorgone et de trois épis remplaçant les habituels serpents de cette dernière.

La coutume ne voulut pas qu'on leur vole des boutons de fleurs mais ce fut bien le cas.
– De toute façon, si cela n'avait pas été les gosses ou des vacanciers que sais-je, le soleil de notre île en aurait fait son repas. Lança Guido.
– Enfin, il en reste. Leur fit remarquer Bellinda.

Et on les pria de bien vouloir prendre place sur le siège arrière de la Mercedes noire de Guido mais les yeux d'Helena tombèrent sur la Vespa vintage rouge qui fut prêtée à Aphrodite par Tonio, le fils des hôtes en cette occasion.

– J'aimerai autant t'enlacer sur le scooter Raffaele. Qu'en dis-tu ?
– Comme il te plaira.
– Cassibile est à vingt minutes d'ici cependant, avec la Vespa et la Piaggio, nous devons absolument prendre les petites routes et il faut donc compter forcément le double du temps. Les prévint Rita.
– Il serait plus prudent d'attendre l'entrée de la ville pour échanger les véhicules ?
– C'est vrai, répondit Guido. Votre ami Aphrodite à parfaitement raison, il est préférable de s'arrêter lorsque nous aurons dépassé la nationale.

Plus de quarante minutes de conduite passèrent sans bouchon, l'avocat de Palerme coupa le contact de sa voiture sur une aire de repos aux portes de la ville. Deathmask sortit pour ouvrir la portière à Helena, comptant la durée qu'il leur restait à poireauter avant que le chevalier des Poissons ne puisse les rejoindre.

L'intervalle fut toutefois bref et Aphrodite enfin arrivé, les mariés troquèrent le plus vite possible, le quatre roues pour le deux roues.
– Tu es certain que ça ne te dérange pas, Aphrodite ?
– Pas du tout Raffaele, la mariée est trop belle pour que la Sicile n'en ait pas droit à un petit bout.

Aphrodite fut tout à fait galant en aidant la jeune mariée à s'installer sur la selle, lui tenant robe et voile.
– Peux-tu me garder mon bouquet, s'il te plaît Aphrodite ? Lui demanda Helena.
– Avec plaisir, ma chérie, lui répondit-il en l'embrassant et faites avant tout, bien attention à vous. Raffaele s'il te plaît, ne roule pas trop vite avec elle...

Deathmask lui coupa la parole :
– Bon Aphrodite, t'as pas fini de nous couver et par pitié va t'asseoir dans la voiture qu'on puisse démarrer.
– J'y vais ! J'y vais ! Quel sale caractère tu peux faire.

Antonio et Rita dans leur voiturette Piaggio triporteur ne s'arrêtèrent pas car à moins de cinquante kilomètres à l'heure, ce fut pour eux l'ultime chance de dépasser tout le monde et roulant le long de la Vespa, à leur niveau, il voulut faire son petit futé et tendit gentiment son majeur droit à Deathmask qu'il prenait pour son fils depuis la mort de ses parents, tout ça pour l'enrager qu'il fut le premier.

"Come prima, più di prima t'amérò. Per la vita, la mia vita ti darò", fredonnait fièrement Antonio en riant.
– Antonio ! Voyons, ce n'est pas un geste à faire le jour de ses noces.
– Il sait que je plaisante le gamin ! On le connaît depuis qu'il est môme, c'est quasi notre fils.

Dino, lui, avait loué le "pot de yaourt", une Fiat "cinq cent" jaune pour le weekend et suivait tranquillement la voiture de son beau-frère qui lui, escortait à petit mouvements motorisés le légendaire scooter italien sur lequel Deathmask emmenait Helena à leur réception champêtre.

"Come prima, più di prima t'amérò. Per la vita, la mia vita ti darò. Per la vita, la mia vita ti darò. Sembra un sogno rivederti, accarezzarti. Le tue mani fra le mani stringere ancor"*, chantait joyeusement Antonio, le bras hors de sa vitre se laissant bercer par la gesticulation typique de son trois roues lorsque le Cancer le dépassa en queue de poisson lui klaxonnant en pleine figure tout en riant.

– Stronzo ! S'écria Antonio avec ses mains.
– Coglione ! Répondit Deathmask en hurlant.
– Raffaele ! Cria Rita. Vous n'avez pas de casque !
– Rita, ils sont jeunes.
– Justement, on voudrait les tenir quelques années comme cela ! N'oublie pas que la Vespa appartient à Tino et il l'a trafiquée en l'améliorant, il me l'a dit.
– Putana !
– Antonio, s'il te plaît, je suis sa mère !
– Désolée, ma chérie.

Elle lança ses bras en l'air et dépassé, Antonio roula des yeux et appuya plein gaz mais ce fut pratiquement impossible de reprendre la position du numéro avec le poids supplémentaire du chargement en les deux autres personnes qu'ils transportèrent et il fut aussitôt doublé par la Mercedes de Guido et ensuite par la Fiat de Dino pour se retrouver à nouveau en queue de peloton mais dans sa bonne humeur habituelle continua en poussant la chanson tambourinant sur son volant :
" I-Il mio mondo, tutto il mondo sei per me. A nessuna voglio bene come a te. Ogni giorno, ogni instante dolcemente ti dirò : Come prima, più di prima t'amerò."

Aphrodite sur la banquette arrière de la voiture, les regardait attendri, l'image était quelque peu irréelle, celle de Deathmask en costume, qu'Helena serrait et dont le voile sous un tour de magie du vent se déplia en ailles et la métamorphosa ainsi en une colombe blanche, s'envolant avec lui, sur les chemins de la ville où les passants les regardant, leur faisaient des grands signes de la main en hochant leurs crânes comme s'ils leur envoyaient toutes les ondes positives qu'ils leur étaient possible de leur expédier par l'émanation de rais invisible, en espérant que tous leurs vœux se réalisent.

"Come prima, più di prima t'amerò..."

xxx

* "Braveheart" - Film américain de Mel Gibson de 1995. Le film est peut-être basé sur des faits historiques mais ne l'est pas en tant que tel. Il est romancé.
* "L'Enterrement de Sainte Lucie", Le Caravage de Michelangelo Merisi 1608. Eglise Santa Lucia al Sepolcro, Syracuse en Sicile. Elle n'est donc pas dans la mienne que j'ai romancé pour ce récit.
* "Come prima" est une chanson est une chanson populaire italienne.